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Construire des bases de données

Commerce et navigation à Marseille depuis la Sicile dans la seconde moitié du xviiie siècle, entre permanence et modernisation

Une étude à partir de la base de données Navigocorpus
Between Continuity and Change: A Case Study of Shipping and Trade between Sicily and Marseille in the Second Half of the 18th Century Based on Navigocorpus Data
Pierre Niccolò Sofia et Silvia Marzagalli
p. 27-64

Résumés

Cet article étudie les relations commerciales entre la Sicile et Marseille à travers les sources relatives à la navigation. Il décrit comment nous avons géré et structuré la masse d’informations collectées dans une base de données. Nos choix permettent d’interroger les acteurs et les temporalités de cette navigation dans la seconde moitié du xviiie siècle. Nous constatons que l’affirmation des Napolitains et les Génois sur cette route maritime ne s’explique ni par leur plus grande vitesse, ni par leur adoption de navires plus modernes. La permanence des modalités de navigation traditionnelles n’empêche donc pas une dynamique de conquête du marché du transport entre la Sicile et Marseille.

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Texte intégral

  • 1 Pour le mouvement portuaire, nous disposons des comptes rendus indiquant le nombre total des congés (...)
  • 2 Pour ce qui est de la navigation, les registres des dépositions des capitaines au Bureau de la sant (...)
  • 3 P. Masson, 1911 ; G. Rambert, 1954 ; R. Paris, 1957 ; G. Rambert, 1959 ; C. Carrière, 1973.
  • 4 C. Carrière, 1979.
  • 5 Le volume VIII de Histoire du commerce de Marseille, qui aurait dû être consacré aux péninsules ita (...)

1Selon qu’on privilégie l’ampleur du mouvement portuaire ou la valeur du commerce, Marseille est, à la fin du xviiie siècle, le premier ou le deuxième port français1. Il est aussi, sans conteste, le principal port méditerranéen. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait fait l’objet de nombreuses études, facilitées par l’existence d’une riche documentation sur ses activités portuaires et ses échanges2. L’historiographie a tout particulièrement souligné l’importance des marchés au Levant et, surtout, le fort dynamisme des trafics avec les Antilles qui se développent au cours du xviiie siècle3. Si, dans le sillage de Charles Carrière, la dimension mondiale du négoce du port phocéen au xviiie siècle a été largement mise en avant, Marseille est encore avant tout, et très largement, un port méditerranéen4. Pourtant, dans les grandes fresques du commerce marseillais, ses relations avec les États italiens restent un point aveugle, qui attend encore une analyse approfondie5.

  • 6 La collecte de ces données a été effectuée dans le cadre du programme ANR « Portic » (ANR-18-CE38-0 (...)
  • 7 La base de données Navigocorpus a été créée dans le cadre du programme ANR « Navigocorpus : corpus (...)

2Dans le cadre de cet article, nous proposons une étude de cas portant sur la navigation entre la Sicile et Marseille dans la seconde moitié du xviiie siècle pour interroger son évolution, ses acteurs et les éventuels changements intervenus dans le transport maritime. Dans un demi-siècle caractérisé par une forte croissance du commerce maritime, il s’agit en particulier de comprendre si certains pavillons accaparent des parts croissantes du marché du transport, et si la gestion des navires amène à diminuer la durée des voyages, donc leur coût. Pour ce faire, nous utiliserons les registres des déclarations des capitaines à l’arrivée à Marseille, que nous avons collectées tous les dix ans entre 1749 et 1799, soit un total de presque 18 000 déclarations6. Leur exploitation a requis au préalable de structurer l’information qu’ils fournissent dans une base de données – Navigocorpus – inspirée des principes de Fichoz7. Nous documentons au passage le travail effectué pour passer des données brutes consignées dans la source à l’extraction des éléments nécessaires à l’analyse : la possibilité d’aboutir à des résultats quantitatifs fiables dépend en effet de la rigueur dans cette phase cruciale et chronophage de collecte et mise en forme de données. En analysant le commerce et les acteurs qui en assurent le transport, nous décrirons ainsi à chaque étape la méthodologie employée, afin de montrer de façon concrète comment l’outil technique – la base de données – déploie ses capacités, sollicité, guidé et piloté à la fois par la source et par un questionnement scientifique avec lequel il vit en symbiose.

3La première partie de cet article présente le passage de la source constituée par les dépositions des capitaines, à une base de données qui comporte toutes les variables et informations complémentaires nécessaires pour mener à bien une étude des acteurs et des temporalités de leur navigation avec la Sicile. La deuxième partie analyse les caractères généraux du commerce maritime entre le royaume de Naples et Marseille dans la seconde moitié du xviiie siècle et propose une estimation de la valeur du commerce sicilien, avant d’examiner les changements d’acteurs qui se produisent dans les marchés du transport maritime vers le port phocéen. La troisième partie, enfin, analyse les caractéristiques de la navigation entre la Sicile et Marseille, en s’interrogeant sur la coprésence d’éléments de « modernité » et des permanences de logiques de navigation plus traditionnelles.

1. De la source à la base de données

4Les choix de la structure de la base de données et des variables ajoutées pour la rendre opérationnelle déterminent les possibilités d’exploitation et d’extraction de données pertinentes. Il convient donc d’insister sur les précautions que nous avons jugées indispensables pour éviter d’introduire des biais qui auraient affecté les résultats. Prenons tout d’abord une des entrées du registre des dépositions des capitaines du 13 juin 1787 :

  • 8 ADBR, 200 E 543.

« Dudit jour [13 juin]. Monsieur Ventre Intendant [du Bureau de la santé] a reçu la déposition du Cap[itai]ne Jacques Cloupet de Calais commandant le Brigantin la Jeune Marie équipé de 12 p[ersonne]s en tout ; qui a dit avec Serment être parti de Dunkerque le 9 mars chargé d’environ 1 500 ch[arg]es de blé qu’il porte à Sette et de 170 charges de fèves et d’une partie de Cuirs pour Mr [espace blanc]. Il a relâché à Zélande le 13 et il en a fait voile le 8 avril. Il est entré au détroit le 2 may, il est adressé à [espace blanc]. Il a remis sa patente et a eu l’entrée8. »

  • 9 Ce choix reflète le droit maritime de l’époque, qui impose au capitaine et à la majorité de l’équip (...)

5Au-delà des renseignements sur les vicissitudes propres à un voyage en particulier, les dépositions marseillaises comportent une structure similaire, mentionnant en général la date de départ, le type et le nom du navire, le nom du capitaine ou du patron et son lieu d’appartenance (une ville pour les Français, une dénomination plus large – tel « génois », « catalan », « suédois » – pour les étrangers), l’itinéraire (avec ou sans les dates d’arrivée et de départ), les articles composant la cargaison (dont les quantités ne sont pas systématiquement indiquées) et le ou les consignataires du navire et/ou de la cargaison (dans l’exemple fourni, l’information est laissée en blanc). On notera que dans cet exemple, le blé poursuit vers Sète sur ce même navire, alors que les fèves et les cuirs sont déchargés à Marseille. La source n’indique le pavillon du navire que lorsque celui-ci présente une discordance par rapport à la « nationalité » du capitaine : ainsi, par exemple, pour les navires commandés par un patron génois navigant sous « pavillon de Jérusalem » (c’est-à-dire de Malte). Nous avons donc considéré que, sauf indication contraire, le pavillon du navire coïncide avec celui de l’État de résidence du capitaine9.

  • 10 La découpe des données en actions de granularité fine permet d’introduire des informations nouvelle (...)

6Au moment de la saisie, il importe d’insérer les éléments livrés par la source tels qu’ils se présentent, mais en ajoutant tous les champs nécessaires pour expliciter le sens de l’information livrée par celle-ci (Figure A1 en annexe). Pour des raisons qui seront évidentes par la suite, nous avons structuré la base par pointcall, à savoir le lieu où à une certaine date se passe quelque chose qui concerne un navire (ou, si l’on préfère, un événement relatif à un navire), et non par étapes10.

7Le registre marseillais indique aussi bien l’itinéraire passé (Dunkerque, Zélande, détroit de Gibraltar, Marseille) que la destination future. Les étapes de l’itinéraire n’ont donc pas le même statut : les quatre premiers lieux indiquent le passé du passé, et sauf à démontrer une fraude, leur statut est avéré. En revanche, le fait que le navire effectue le trajet Marseille → Sète est incertain, comme tout événement futur. Le Titanic est bel et bien parti de la Grande-Bretagne pour aller à New York, mais si on devait le saisir dans une base de données, il faudrait caractériser la destination « New York » en tant que déclaration d’intention, car il s’agit d’un futur du passé. Le champ pointcall_action précise ce que la source dit quant au mouvement du navire. L’entrée de la Jeune Marie à Marseille engendre ainsi cinq pointcall (Tableau 1).

Tableau 1. Pointcall engendrés par l’entrée de la Jeune Marie dans la base

Rang du pointcall

Date
d’entrée

Lieu

Date de
sortie

Statut de l’information

Action du navire dans ce pointcall

1

Dunkerque

1787=03=09

Passé

out

2

1787=03=13

Zélande

1787=04=08

Passé

in-out

3

1787=05=02

Détroit

Passé

transit

4

1787=06=13

Marseille

Passé

in-out

5

1787>06>13

Sette

Futur

In

8Chaque pointcall doit être pourvu d’une date : pour toute date non indiquée (ici, l’entrée future à Sète), nous ajoutons donc une date relative, antérieure ou postérieure à la date certaine la plus proche connue. Nous avons également créé un champ pour numéroter le rang du pointcall dans chaque entrée, ce qui permet non seulement de les ordonner chronologiquement mais aussi de calculer rapidement le nombre d’étapes entre le port de départ et celui d’arrivée. Le champ pointcall_action permet de savoir si le navire sort (« out »), entre (« in »), ou les deux (« in-out »), mais aussi s’il transite (« transit », soit un passage sans arrêt) par un endroit donné, ou s’il y charge (« loading ») ou décharge (« unloading ») un produit. Cela permet, dans l’étude de cas qui suit, de distinguer les escales commerciales (pour charger ou décharger un produit) des simples escales techniques. Bref, on retrouve ici les principes propres au système Fichoz, à savoir la segmentation des données en actions uniques, définies par Qui (le navire), Quoi (le passage, l’entrée, le départ, de chargement...), Quand (la date), Où (le lieu, le port, le point…).

9Chaque pointcall est lié aux informations relatives au navire et au capitaine. De même, chaque produit qui compose la cargaison de la Jeune Marie est rattaché au pointcall Marseille – car c’est là qu’ils sont observés – même s’ils diffèrent entre eux par l’action qui les caractérise : le blé sera inséré comme étant « en transit », alors que les fèves et les cuirs sont indiqués comme entrés à Marseille. Dans le cas d’une escale commerciale, les produits déchargés sont rattachés au pointcall de l’escale (ce qui évitera de considérer que tout produit chargé en Sicile est nécessairement arrivé à Marseille), alors que ceux chargés en cours de route sont rattachés à Marseille, et le lieu de chargement est alors indiqué dans un champ spécifique (ce qui évitera de considérer un produit chargé en Toscane par un navire arrivant à Marseille depuis la Sicile comme un produit sicilien).

10Comme on peut le constater, la première étape du travail consiste à saisir l’information livrée par la source dans son intégralité, après atomisation en éléments minimaux signifiants, quitte à multiplier les entrées. Cette phase nécessite une compréhension fine de la nature de la source et de ses présupposés implicites.

  • 11 Voir C. Plumejeaud-Perreau et al., 2023.
  • 12 Sur le traitement des produits et la possibilité de créer des catégories à la carte (par exemple «  (...)
  • 13 Geo_general est accessible à l’adresse suivante : https://actoz.db.huma-num.fr/fmi/webd/, puis choi (...)

11Dans un deuxième temps, intervient toute une série d’opérations supplémentaires11. Toutes les informations étant insérées avec la graphie d’origine, il faut procéder à leur normalisation, condition préalable à l’exploitation du contenu de la base. Cette opération consiste à attribuer à chacune, dans des champs spécifiques, un code (ou une nomenclature standardisée) qui sera utilisé pour la rechercher et la mettre en œuvre dans l’analyse. Ceci vaut, notamment, pour les produits12 et les types de navires. Chaque localité a ainsi été associée à une table géographique, un gazetier fourni par Fichoz sous la forme d’une base de données nommée Geo_general, accessible en ligne, précisant sa latitude et longitude de chaque point. Ce contenu a été considérablement enrichi dans le cadre du programme « Portic » par la création d’une table qui comporte le toponyme standardisé en français et en anglais, et son État d’appartenance dans les années pour lesquelles nous avons collecté des données13. Nous avons également inséré des niveaux de granularité d’une échelle supérieure, permettant d’isoler des provinces, des bureaux d’amirauté, les territoires coloniaux, ou des sous-catégories, telle « Sicile » pour tous les ports de cette île. En soi, l’attribution de codes et de champs normalisés peut intervenir à n’importe quel moment, mais il y a un gain de temps considérable à la faire une fois que les données ont toutes été chargées. Aussi, il est plus facile de prendre des décisions en ayant une masse de données sous les yeux – et de prêter une attention particulière à ce moment-là aux toponymes identiques, tel Saint-Nazaire qui, dans le contexte méditerranéen, renvoie à Sainte-Marie-de-la-Mer plutôt qu’au port sur la Loire.

12Une des opérations majeures que nous avons menées, et qui ne relève ni de la standardisation ni de la normalisation des champs mais de l’enrichissement des données grâce à leur comparaison, consiste à attribuer un identifiant aux capitaines et aux navires pour pouvoir en suivre la trajectoire dans le temps. Ce travail d’identification ne peut se faire qu’en aval, une fois les données massivement insérées dans la base. L’opération est délicate, notamment pour des noms de navires très fréquents (tel Notre Dame du Rosaire en Méditerranée), et pour des données éloignées dans le temps : pour Marseille, nous n’avons saisi qu’un registre par décennie, et pris la décision arbitraire qu’il s’agit du même capitaine si nous le retrouvons dans deux registres contigus, mais d’un homonyme s’il ne figure pas dans l’année intermédiaire qui sépare les registres à vingt ans de distance. L’identification est d’autant plus délicate qu’elle entraîne, en cas d’erreur, des répercussions en chaîne. En effet, dès lors que l’identifiant est placé, s’ajoutent d’autres opérations, tout d’abord pour préciser l’itinéraire, ensuite pour compléter les informations manquantes dans une des sources mais présentes dans l’autre.

  • 14 Sur la complexité des algorithmes pour mener à bien cette opération, voir C. Plumejeaud-Perreau et  (...)
  • 15 ANF, G5 74, congé numéro 3247.
  • 16 Le programme ANR « Portic » attribue aussi des coefficients d’incertitude à chaque variable, mais c (...)

13Pour ce qui est de l’itinéraire, il s’agit d’éviter les doublons lorsque deux sources relatent le même voyage à partir de deux points d’observation différents14. En fonction de leur nature, les sources maritimes ne fournissent pas des informations uniformes : les congés indiquent par exemple systématiquement les tonnages, quasi toujours absents des dépositions des capitaines à Marseille. Ainsi, le congé français délivré à la Jeune Marie à sa sortie de Dunkerque pour Sète, le qualifie comme un navire de 180 tonneaux du port de Dunkerque15. Le fait de pouvoir rapporter ces informations après avoir procédé à l’identification du navire enrichit considérablement les données de chaque source. Ces informations complémentaires ont été rapportées manuellement, entre crochets, pour indiquer que cela n’est pas un élément provenant de la source saisie. Sont concernés le tonnage, le port d’attache et le pavillon du navire fournis par les registres de congés, et le lieu d’appartenance du capitaine indiqué par la déposition au Bureau de la santé de Marseille. En revanche, nous avons décidé de ne pas rapporter le type de navire, car il évolue au fil du temps en fonction du gréement. Toutes les variables entre crochets sont incertaines, car tributaires de l’identification du navire, qui peut être erronée16.

14Enfin, au-delà de la normalisation des champs et de l’attribution d’identifiants fondées sur la connaissance experte de l’historien, la programmation d’un certain nombre de scripts permet de créer des informations supplémentaires à partir des données saisies. La base de données Navigocorpus permet notamment de calculer automatiquement la durée de chaque tronçon de l’itinéraire, celle d’une escale, ainsi que la durée totale du voyage entre le premier pointcall de chaque enregistrement et la date d’arrivée dans le point où la source a été produite, à condition bien évidemment que les dates soient précises, et pas des dates relatives. Pour la Jeune Marie, il est donc possible d’afficher (puis d’extraire) ces durées : 26 jours pour l’escale en Zélande ; 96 jours pour l’itinéraire de Dunkerque à Marseille. La base de données comprend aussi une table avec les distances entre deux pointcall. Nous avons inséré celles-ci en milles maritimes, en calculant cette distance après avoir tracé à la main l’itinéraire le plus vraisemblable. Le croisement entre distances et temporalités permet ainsi de travailler sur la vitesse de la navigation, ce que nous verrons pour le cas de la Sicile.

15Cette phase de tri, d’annotation, de rectification, d’identification est essentielle pour transformer le chaos informatif livré par les sources en données signifiantes. C’est une étape extraordinairement chronophage, dont la durée est systématiquement sous-évaluée lors de la planification du travail, mais tout aussi nécessaire que le chargement brut des données. Nous l’avons effectué entièrement à la main, même si des tentatives d’aide au choix grâce à des algorithmes ont été testées, notamment pour l’attribution des identifiants des capitaines et des navires. Ce qui complique très fortement leur emploi, ce sont entre autres les inégalités dans l’enregistrement de variables importantes pour l’identification, renseignées ou non dans les différents registres (le port d’attache, par exemple), l’extrême variété orthographique des noms, ou encore les variations importantes du tonnage déclaré.

2. Le commerce de Marseille avec la Sicile

  • 17 Base de données Toflit18.

16Les États italiens représentent l’un des principaux marchés de Marseille au xviiie siècle. En 1789, après un siècle de croissance, les importations et les exportations du port phocéen avec les différents États italiens atteignent environ 57 millions de livres tournois (lt), soit 20 % du total de son commerce. À la même époque, le commerce marseillais avec le Levant et la Barbarie se chiffre à environ 53 millions de lt, celui avec les Amériques à 4617.

  • 18 Dans Toflit18, pour 1789 catégorie « Naples, Sicile et Parme ».
  • 19 Base de données Toflit18.

17Si les États italiens dans leur ensemble se révèlent essentiels pour le commerce de Marseille, l’intensité des relations avec chacun d’entre eux est très variable : la république de Venise est un partenaire presque insignifiant alors que celle de Gênes est plus proche et plus importante. Aucun État ne peut toutefois rivaliser avec le royaume de Naples. Additionnées, les importations et exportations du Mezzogiorno en 1789 valent presque 29 millions de lt, soit 10 % du total du commerce marseillais et la moitié du commerce du port phocéen avec les États italiens18. Au demeurant, le port phocéen capte la presque totalité du commerce entre la France et le royaume de Naples : pratiquement 100 % des importations et exportations françaises depuis ou vers Naples entre 1758 et 1780, et 96 % en 1789, transitent par la direction de fermes de Marseille, et ce en l’absence qu’un quelconque tarif douanier qui donnerait un avantage comparatif à ce port, comme c’est le cas pour le commerce du Levant19.

  • 20 B. Salvemini & M. A. Visceglia, 1991 ; A. Carrino & B. Salvemini, 2006.
  • 21 B. Salvemini & M. A. Visceglia, 1991, p. 117 ; A. Carrino & B. Salvemini, 2006, p. 215-218.
  • 22 B. Salvemini & M. A. Visceglia, 1991, p. 116.
  • 23 B. Salvemini & M. A. Visceglia, 1991, p. 126-129.

18L’importance du commerce de Marseille avec le royaume de Naples a déjà fait l’objet d’importantes analyses menées à l’Université de Bari par Biagio Salvemini et son équipe, qui se proposaient de mieux comprendre le décrochage économique de l’Italie du Sud20. D’après eux, le commerce et la navigation entre le sud de l’Italie et la France au xviiie siècle connaissent deux grandes phases : une première caractérisée par de relations faibles et compliquées21, et une seconde, entre la fin de la guerre de Sept Ans et le début des conflits révolutionnaires (1763-1792), marquée par un commerce nettement plus important, dû à une complémentarité économique accrue22. La croissance repose surtout sur l’augmentation des importations marseillaises des produits du sud de l’Italie. Ce commerce est en effet terriblement déséquilibré23 : en 1789, une année certes marquée par de fortes importations de céréales, Marseille importe pour 26 millions de lt depuis le royaume de Naples, vers où elle n’exporte que pour 3 millions. Pour cette raison, l’analyse qui suit se concentre uniquement sur les importations. La Figure 1 montre les valeurs en jeu, à partir de 1758 : avant cette date, la balance du commerce français ne distingue pas spécifiquement le royaume de Naples.

Figure 1. Évolution des importations depuis le royaume de Naples à Marseille, 1758-1789

Figure 1. Évolution des importations depuis le royaume de Naples à Marseille, 1758-1789

Note. En 1787-1789, la catégorie de la balance du commerce est « Naples, Sicile et Parme ».

Source. Toflit18.

  • 24 Pour le xviiie siècle, la balance du commerce du royaume de Naples n’existe que pour les années 177 (...)
  • 25 Parmi les États italiens, l’étude de la navigation avec la république de Gênes ou la Toscane est co (...)

19La balance du commerce française permet de saisir précisément ce qui arrive dans le port phocéen, qui bénéficie d’une documentation abondante produite par sa chambre de Commerce. Celle-ci, en revanche, ne permet pas de désagréger les données pour isoler la part des produits qui arrivent depuis la Sicile. Ne comptons pas sur la documentation napolitaine pour pallier cette absence : de ce côté-là, nous ne disposons quasiment d’aucune statistique avant le xixe siècle24. Pour apprécier le poids de la Sicile dans le commerce marseillais, il faut donc avoir recours aux dépositions des capitaines, qui indiquent le port d’embarquement, les produits, le transporteur et la durée du voyage avec ses éventuelles escales, mais pas la valeur des cargaisons25.

  • 26 Il a été récemment suggéré que la navigation britannique en Méditerranée dans la seconde moitié du (...)

20Tout en confortant la conjoncture déjà connue par les analyses sur les relations entre le Mezzogiorno et Marseille, la confection d’une base de données saisissant dans le détail l’ensemble des informations livrées par la source permet d’aller plus loin : elle rend possible tout d’abord de revisiter les hypothèses avancées pour expliquer l’évolution des pavillons, puis d’étudier les logiques et temporalités de la navigation pour questionner l’existence d’une éventuelle modernisation des transports maritimes de ces pavillons dans la seconde moitié du xviiie siècle26.

  • 27 A. Carrino & B. Salvemini, 2006, p. 218-220. Jusqu’à la fin du xviiie siècle, l’essentiel de la soi (...)

21Avant de se pencher sur les acteurs du transport, nous avons estimé la valeur des importations marseillaises depuis la Sicile. Contrairement aux Antilles, qui fournissent surtout des produits réexportés sans valeur ajoutée, le Mezzogiorno livre des matières stratégiques pour les manufactures marseillaises et françaises, notamment l’huile et la soude nécessaires à la production de savon, et la soie27. Le Tableau 2 permet de suivre l’évolution de la valeur des principaux produits importés à Marseille depuis le royaume de Naples dans la seconde moitié du xviiie siècle. Nous avons indiqué la part qu’ils représentent parmi les exportations du royaume vers Marseille d’une part, et sur l’ensemble des importations de Marseille d’autre part.

Tableau 2. Dix principaux produits (en livres tournois) importés à Marseille depuis le royaume de Naples, 1758-1780, 1787-1789

Tableau 2. Dix principaux produits (en livres tournois) importés à Marseille depuis le royaume de Naples, 1758-1780, 1787-1789

Note. En 1787-1789, la catégorie de la base Toflit18 est « Naples, Sicile et Parme » ; valeur moyenne annuelle en livres tournois.

Source. Toflit18.

22En exploitant les déclarations des capitaines saisies dans Navigocorpus, nous avons identifié les produits arrivés à Marseille depuis la Sicile. Le Tableau 3 liste les occurrences des 7 principaux produits siciliens arrivés à Marseille (qui totalisent 76 % des occurrences totales), alors que la Carte 1 représente les ports siciliens de chargement.

Tableau 3. Principaux produits arrivés à Marseille depuis la Sicile, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789

Produit

Occurrences
dans
Navigocorpus

Pourcentage
de leur présence
à bord

Soude

227

22

Diverses marchandises

170

16

Blé

143

14

Soufre

78

8

Huile d’olive

77

7

Fèves

65

6

Manne

31

3

Source. Navigocorpus.

Carte 1. Origine des produits arrivés à Marseille depuis la Sicile, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789 (nombre d’occurrences)

Carte 1. Origine des produits arrivés à Marseille depuis la Sicile, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789 (nombre d’occurrences)

Source. Navigocorpus ; carte conçue par Patrick Pentsch (Aix-Marseille Université).

  • 28 Pour le commerce de l’huile et de la soie du royaume de Naples, voir aussi P. Chorley, 1965.
  • 29 Nous ne pouvons pas estimer les valeurs des importations depuis la Sicile en 1749 car la balance du (...)

23Nous avons ensuite estimé la valeur des 6 principaux produits arrivés depuis la Sicile, en omettant la catégorie indéterminée « marchandises diverses », bien qu’elle comprenne sans doute la soie, qui n’est mentionnée spécifiquement que 6 fois en tout parmi les cargaisons arrivées à Marseille depuis l’ensemble du royaume de Naples pour les années étudiées. Pour les articles dont les dépositions des capitaines indiquent les quantités, exprimées en charges (146,85 kg) pour le blé et les fèves ou en milleroles (64 litres) pour l’huile, nous avons utilisé les prix unitaires indiqués par la balance du commerce pour les importations en provenance du royaume de Naples28. D’après Navigocorpus, le soufre et la manne arrivent presque entièrement de la Sicile : nous avons donc considéré que toutes les importations de ces produits depuis le royaume de Naples sont en fait des importations depuis la Sicile. Pour la soude, d’après Navigocorpus, les arrivées depuis un port sicilien représentent 27 % des arrivées depuis le royaume de Naples en termes d’occurrences : nous avons donc considéré que 25 % des importations de soude depuis le royaume de Naples arrivent depuis la Sicile. Le Tableau 4 présente le résultat de cette estimation, année par année29.

Tableau 4. Valeur estimée des 6 principaux produits siciliens importés à Marseille, 1759-1789, en livres tournois

Année

Estimation des importations depuis la Sicile (top 6 produits)

Importations totales depuis le royaume de Naples

Estimation de la part de la Sicile dans le total du royaume de Naples

1759

909 558

7 604 144

12 %

1769

1 526 348

8 067 205

19 %

1779

1 827 797

5 028 666

36 %

1787

1 770 238

14 681 853

12 %

1789

6 713 510

25 761 371

26 %

Sources. Navigocorpus ; Toflit18.

24Comme on peut le constater, les importations de Marseille depuis la Sicile sont globalement orientées à la hausse. Comme le tableau n’estime que la valeur des 6 principaux produits siciliens, la part de l’île méditerranéenne est en réalité plus élevée que le pourcentage calculé sur le total des importations depuis le royaume de Naples, tous produits confondus. La Sicile se révèle notamment essentielle dans la conjoncture céréalière tendue de 1789.

  • 30 A. Carrino & B. Salvemini, 2006, p. 217. La présence napolitaine est d’autant plus remarquable qu’a (...)

25Grâce au détail des arrivées des navires depuis la Sicile, il est possible d’étudier si l’expansion des marchés est liée à des changements dans les acteurs du transport maritime. Annastella Carrino et Biago Salvemini ont déjà souligné, pour l’ensemble du royaume de Naples, que le transport des produits et des passagers à destination de Marseille est assuré pour l’essentiel par des Français, des Napolitains et des Génois30. La base Navigocorpus permet de constater que qui dit « Français », dit « Provençaux » et dans une moindre mesure « Languedociens » : entre 1749 et 1789, 75 % des capitaines des navires français qui effectuent le commerce entre la Sicile et Marseille sont des Provençaux, et 21 % des Languedociens. Les 4 % restants sont des Bretons, Flamands, Picards et Normands. En prenant en compte tous les navires arrivés à Marseille qui sont partis de Sicile ou y ont fait escale (ces derniers n’avaient pas été comptabilisés dans le programme de recherche mené par l’Université de Bari), la navigation est donc solidement dans les mains des acteurs méditerranéens (Tableau 5).

Tableau 5. Pavillons assurant le transport entre la Sicile et Marseille 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789

Pavillon

Nombre
de voyages

%

France

295

41,5

Royaume de Naples

168

23,6

République de Gênes

159

22,4

Espagne

19

2,7

Danemark

12

1,7

Malte

11

1,5

République de Raguse (Dubrovnik)

9

1,3

République de Venise

8

1,1

Suède

8

1,1

Grande-Bretagne

5

0,7

Provinces-Unies

5

0,7

Toscane

3

0,4

Autriche

2

0,3

Duché de Massa et Carrare

2

0,3

États pontificaux

2

0,3

Royaume de Piémont-Sardaigne

2

0,3

Péninsule italienne, non déterminé

1

0,1

Total

711

100,0

Source. Navigocorpus.

  • 31 Dans notre analyse, la catégorie « nordiques » inclut les pavillons des pays suivants : Grande-Bret (...)

26Au cours du xviiie siècle, la part des Français dans la navigation entre la Sicile (port de départ ou escale) et le port phocéen diminue, au profit des Napolitains et des Génois (Figure 2). Si l’effet de substitution est particulièrement marqué au cours de la guerre de Sept Ans et de celle de l’Indépendance américaine, quand les « Italiens » profitent de leur statut de neutres pour s’emparer du transport des marchandises vers et depuis Marseille, l’évolution des années de paix est néanmoins évidente : en 1749, les Français assurent les deux tiers des voyages entre la Sicile et Marseille, alors que Génois et Napolitains n’arrivent conjointement pas à 15 %. Quarante ans plus tard, en 1787 et 1789, les navires français n’assurent plus que 46 % des trajets, alors que Génois et Napolitains s’emparent chacun de 20 % du marché. Les autres pavillons des pays tant méditerranéens (« Autre ») que « nordiques »31 jouent un rôle nettement moindre.

Figure 2. Évolution de la part de chaque pavillon assurant le transport depuis la Sicile vers Marseille

Figure 2. Évolution de la part de chaque pavillon assurant le transport depuis la Sicile vers Marseille

Note. Nombre de voyages analysés : 711.

Source. Navigocorpus.

  • 32 A. Carrino & B. Salvemini, 2006, p. 218-224.
  • 33 L. Lo Basso, 2009 ; A. Carrino, 2011, p. 36-67 ; id., 2018.

27D’après A. Carrino et B. Salvemini, ce phénomène d’érosion de la navigation française dépend de la capacité des Génois et Napolitains à développer un commerce avec les petits « ports de campagne » (c’est-à-dire des localités qui ne servent que de lieu de chargement ou de débarquement des marchandises, mais qui ne sont pas situées dans un habitat humain), ainsi qu’à une organisation marchande reposant sur la figure du patron-marchand. Cette absence d’une séparation rigide entre fonctions de transport et fonctions commerciales contraste, d’après ces historiens, avec la situation française où les capitaines auraient eu moins d’autonomie et donc moins de possibilités d’accéder aux ports secondaires, et se seraient ainsi focalisés sur les grands ports, où ils bénéficient en outre de l’appui consulaire32. Si cela semble incontestable pour le marché de l’huile de la Calabre33, l’étude de la navigation entre la Sicile et Marseille à travers les données collectées dans Navigocorpus montre des différences moins nettes entre les 3 pavillons, comme le donne à voir la Carte 2.

Carte 2. Lieu de départ ou d’escale des 3 principaux pavillons desservant la route entre la Sicile et Marseille en 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789

Carte 2. Lieu de départ ou d’escale des 3 principaux pavillons desservant la route entre la Sicile et Marseille en 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789

Source. Navigocorpus ; carte conçue par Patrick Pentsch (Aix-Marseille Université).

28Il y a, certes, une poignée de ports fréquentés par les Génois et les Napolitains qui ne le sont pas par les Français, mais les départs depuis ces lieux sont très peu nombreux. En outre, pour les années à disposition, on trouve aussi des ports siciliens fréquentés par les Français qui ne le sont pas par les Génois ou les Napolitains (Terrasini et Torre Muzza, par exemple). Dans tel ou tel port un pavillon est plus présent que les autres – par exemple, les Français sont beaucoup plus nombreux à Agrigente et à Palerme que les Génois et les Napolitains, alors que les Génois ont des liens plus intenses avec Milazzo et les Napolitains avec Trapani et Marsala – mais globalement les 3 pavillons fréquentent les mêmes ports de Sicile.

  • 34 Terranuova ou Terreneuve dans les sources de l’époque.
  • 35 A. Mézin, 1997 ; F. Brizay, 2018.

29Par ailleurs, pour les navires partis ou ayant effectué une escale en Sicile, le degré de concentration est similaire : deux tiers des voyages des Français et des Génois s’effectuent à partir de 5 ports seulement (Agrigente, Messine, Palerme, Licata, Géla34 pour les premiers et Messine, Catane, Milazzo, Termini, Géla pour les seconds). Les voyages des Napolitains montrent une distribution plus large, car les 5 premiers ports (Géla, Trapani, Licata, Catane et Marsala) ne totalisent que 50 % du total. L’interprétation d’A. Carrino et B. Salvemini qui met en avant le facteur institutionnel et une séparation plus nette entre fonctions commerciales et transport chez les Français pour expliquer leur déclin relatif, ne semble pas résister à une analyse plus approfondie à partir de la base des données Navigocorpus. Considérons d’abord les seules années de paix pour ne pas fausser l’analyse. Nous reviendrons plus loin sur la guerre, qui est cruciale, mais pour d’autres raisons. Le nombre de ports siciliens différents touchés par les navires français est considérablement plus élevé en 1749 (16) par rapport à celui des navires génois (3) et napolitains (4). Cet indicateur reste stable pour les Français en 1769 et 1787, puis augmente en 1789 (22). Génois et Napolitains élargissent la palette des ports qu’ils fréquentent au fil du temps, mais ils n’égalent jamais les Français : en 1789, les Génois fréquentent 12 ports, les Napolitains 17. Les Français ne sont donc pas concentrés dans quelque port principal. Par ailleurs, la France dispose d’un seul poste consulaire en Sicile. Il y a en revanche une douzaine de vice-consuls déjà implantés dans le premier quart du xviiie siècle, alors que le répertoire d’Anne Mézin ne mentionne que celui de Palerme35. Nous ne disposons pas d’un répertoire complet, mais il y a fort à parier que leur nombre se soit accru au fil du siècle. Nous penchons toutefois davantage vers l’hypothèse d’une adaptation souple du réseau vice-consulaire aux besoins du négoce, que vers une modification des stratégies négociantes en fonction de la présence consulaire. Dans tous les cas, les données ne permettent pas de soutenir l’hypothèse d’une divergence entre les Français d’un côté, et les Génois et les Napolitains de l’autre pour ce qui est des ports siciliens fréquentés.

30Une analyse plus fine des données Navigocorpus confirme ce que la Carte 2 indique. Nous avons calculé des indices de Herfindahl-Hirschman (IHH) pour mesurer la concentration de la navigation dans les ports siciliens pour les 3 principaux pavillons au fil du temps. Cet indice statistique est utilisé pour mesurer la concentration dans des contextes diversifiés, telle la concentration du pouvoir économique des entreprises sur un marché ou le degré de diversification d’un secteur industriel36. Il peut être utilisé pour étudier le degré de diversification du commerce maritime dans une perspective historique : le programme ANR « Portic » l’a utilisé pour mesurer la diversification du commerce des principaux ports français entre 1749 et 178937. La valeur de l’indice peut varier entre 0 et 1, où 1 représente le degré maximum de concentration, et 0 le minimum. Dans notre cas, la valeur de l’IHH est la somme des carrés de la part de chaque pavillon dans le marché du trafic maritime entre la Sicile et Marseille, selon la formule :
Image

31pi est la part de marché du pavillon i et n le nombre de pavillons. Les résultats (Figure 3) montrent que la concentration de la navigation française est stable (0,14-0,15). Génois et Napolitains partent d’une concentration plus élevée en 1749 (0,35 et 0,28 respectivement) qui diminue au cours du temps. En 1787, leur navigation est moins concentrée que celle des Français (0,10 et 0,13 respectivement). En 1789, l’indice des Génois revient toutefois à 0,20, celui des Français demeure à 0,14, celui des Napolitains baisse à 0,09. Autrement dit, les Napolitains sont les seuls à voir leur concentration diminuer constamment et considérablement dans le temps. En 1789, sur l’itinéraire Sicile → Marseille, la navigation napolitaine est la plus diversifiée des trois : les navigateurs napolitains – c’est-à-dire du règne de Naples, ce qui inclut aussi une partie de Siciliens que les sources mobilisées ne permettent pas d’identifier – ont donc appris à fréquenter une vaste gamme de localités maritimes siciliennes.

Figure 3. Évolution de la concentration de la navigation des pavillons français, génois et napolitains en temps de paix (1749, 1769, 1787 et 1789)

Figure 3. Évolution de la concentration de la navigation des pavillons français, génois et napolitains en temps de paix (1749, 1769, 1787 et 1789)

Note. Nombre de voyages analysés : 622

Source. Navigocorpus.

  • 38 Nous avons défini comme « grands » ports Palerme, Catania, Agrigento, Trapani, Termini, Cefalù, Mes (...)

32Nous avons enfin souhaité vérifier si la perte progressive du marché sicilien par les Français pouvait être corrélée à leur incapacité de s’affirmer dans les ports secondaires. Nous avons donc calculé, pour les 3 principaux pavillons, la corrélation entre la fréquentation des grands ports38 et l’évolution de la part de marché, mesurée par le nombre de voyages arrivés à Marseille depuis la Sicile. Pour chaque pavillon observé (France, Gênes, Naples), dans les années de paix 1749, 1769, 1787, 1789, nous avons calculé un coefficient de corrélation de Pearson entre la fréquentation des grands ports et l’évolution de la part de marché dans la navigation entre la Sicile et Marseille, selon la formule :
Image

  • 39 Le calcul a été effectué sur 560 voyages.

33P est la part des voyages partis d’un grand port sicilien sur l’ensemble des voyages d’un pavillon entre la Sicile et Marseille et M est la part de marché du pavillon dans l’ensemble des navires arrivés à Marseille depuis la Sicile39.

34Pour le pavillon français, il y a une corrélation inverse parfaite (−0,9) entre les deux matrices : la part de marché diminue avec l’augmentation de la part de marché des « grands ports ». Pour le pavillon génois, il y a une corrélation faible (0,5) entre les deux matrices : la part de marché la plus élevée se situe en 1787 (26 %), quand la part des grands ports est plus élevée (67 %). Pour le pavillon du royaume de Naples, la part de marché plus grande (30 % en 1769) correspond au moment où la navigation est concentrée au maximum dans les grands ports (76 %). Ces données ne confirment donc pas de manière nette que la croissance de la navigation napolitaine et génoise dépend de leur capacité à s’insérer dans les trafics de ports secondaires.

  • 40 C’est notamment l’interprétation dominante pour Bordeaux : P. Butel, 1974. « La guerre a déplacé le (...)

35Plus que la taille des ports et la capacité de pénétration de tel ou tel pavillon dans de plus petits ports, il nous semble que ce sont des chocs exogènes, à savoir les conflits, qui ont modifié les marchés du transport maritime entre la Sicile et Marseille. À cet égard, les spécialistes du xviiie siècle tendent à penser que la guerre a un impact temporaire : les navires marchands des belligérants abandonnent la mer et cèdent le pas aux navires neutres, qui s’insèrent alors dans des marchés fermés ou jusque-là dominés par des compétiteurs plus efficaces. La paix revenue, les flux commerciaux reprennent leurs anciens chemins, confiés à leurs transporteurs habituels40. Or, ce que nous observons en Sicile dans la seconde moitié du xviiie siècle semble contredire partiellement cette vision : la guerre de Sept Ans et celle d’Indépendance américaine provoquent une érosion durable de la navigation française entre la Sicile et Marseille. Génois et Napolitains se révèlent prêts à prendre le relais et à conserver les parts de marché précédemment occupées par les Français. Grâce à leur organisation flexible, à leur connaissance du territoire et à leurs réseaux capillaires, ils accèdent aux différents ports siciliens. Une fois qu’ils ont occupé une niche, ils y restent, et il est difficile de les chasser. La guerre suivante renforce cette tendance : les deux conflits représentent donc deux vagues successives d’érosion de la présence maritime française.

36Face à la montée en puissance des Génois et des Napolitains dans le marché des transports vers Marseille, et en dépit du fait que la Méditerranée de l’époque est souvent conçue comme un espace traditionnel, nous avons voulu tester si le succès des marines marchandes italiennes peut s’expliquer par une évolution dans les modalités de navigation susceptibles de réduire les coûts de transport : cela pourrait être notamment le cas si l’on constatait le recours à des navires plus rapides, éventuellement associée à une diminution des temps de parcours, à la réduction d’escales intermédiaires ou de leur durée. La structure de la base de données Navigocorpus permet d’aborder toutes ces questions.

3. Les logiques de navigation

  • 41 Les Français passent de 15 % de voyages en droiture entre la Sicile et Marseille en 1749 à 30 % en (...)

37L’augmentation des voyages en droiture et la diminution du nombre d’escales pourraient être interprétées comme les signes d’une progressive rationalisation de la navigation entre la Sicile et Marseille qui, à son tour, pourrait être associée à une dynamique de « modernisation » de la navigation. La croissance des voyages en droiture – caractéristique des pavillons de l’Europe du Nord-Ouest – et la réduction du nombre moyen d’escales pourraient répondre à une volonté de diminuer les temps de navigation, donc à une logique de réduction des coûts de transport et de maximisation du rendement de l’instrument nautique. En regardant de plus près les pavillons (Tableau 6), l’on constate que Français, Génois et Napolitains tracent eux aussi de plus en plus en droiture dans la seconde moitié du xviiie siècle41. Autrement dit, même les acteurs locaux, traditionnellement liés à une navigation de cabotage, tendent à adopter des logiques de navigation nouvelles.

  • 42 Nous ne revenons pas ici sur la thèse de l’« invasion nordique » attribuée à Braudel, qui fait l’ob (...)

38Plus que sur une différence ontologique entre pavillons nordiques et méditerranéens42, la diversité des taux de voyages en droiture peut tout simplement découler des modalités d’utilisation des navires par les différents pavillons, liée à des activités de tramping (attestées pour les Nordiques, les Ragusains et les Vénitiens), plutôt que du cabotage commercial (Napolitains, Espagnols, Français et Génois). Les premiers, extérieurs à la Méditerranée occidentale, disposent d’un réseau marchand de contacts/partenaires plus limité ; les seconds évoluent dans une région dont ils maîtrisent parfaitement les escales, qu’ils fréquentent régulièrement.

Tableau 6. Taux des voyages en droiture depuis la Sicile vers Marseille par différents pavillons (> 5 occurrences), 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789

Pavillon

Nombre de voyages
en droiture

% droiture
sur total

Suède

7

88

Grande-Bretagne

4

80

Provinces-Unies

4

80

Danemark

8

67

République de Raguse

6

60

République de Venise

3

38

Royaume de Naples

49

29

Espagne

5

26

France

73

25

République de Gênes

32

20

Source. Navigocorpus.

  • 43 Cette évolution n’est pas corrélée au commerce du blé, dont la Sicile est une grande productrice et (...)

39Tous pavillons confondus, dans les années examinées entre 1749 et 1789, les voyages en droiture entre la Sicile et Marseille représentent une minorité. Cependant, au cours du temps, leur part dans le total augmente considérablement, passant d’un quart en 1749 à presque la moitié en 1789 (Figure 4)43.

Figure 4. Évolution de la navigation en droiture entre la Sicile et Marseille

Figure 4. Évolution de la navigation en droiture entre la Sicile et Marseille

Note. Nombre de voyages analysés : 602, dont 151 en droiture.

Source. Navigocorpus.

  • 44 Le calcul a été effectué sur l’ensemble des navires arrivés à Marseille partis de ou en ayant fait (...)

40En considérant aussi les navires qui font une escale en Sicile sur leur route vers Marseille, la part des voyages en droiture après cette escale est plus basse, car elle varie entre 19 % en 1749 et 37 % en 1789, ce qui signifie que les navires qui s’arrêtent en Sicile sont plus susceptibles d’effectuer d’autres haltes avant d’arriver à Marseille. Ces escales sont très majoritairement (70-80 %) de type technique, c’est-à-dire sans chargement ou déchargement de produits ou de personnes44.

41Les navires qui effectuent des escales entre la Sicile et Marseille ont tendance à en faire de moins en moins : le nombre moyen d’escales par voyage diminue de 1,6 en 1749 à 1,1 en 1789. Au cours des guerres, toutefois, la tendance s’inverse : en 1759, voyages en droiture exclus, les navires font 2,2 escales en moyenne, en 1779 ce chiffre est de 1,9, et la durée globale des escales s’allonge aussi (Tableau 7). Ceci s’explique par l’insécurité accrue sur mer : ce sont en effet les escales des Français qui s’allongent en temps de guerre, que ce soit pour des raisons techniques ou commerciales. Les neutres deviennent donc nettement plus compétitifs non seulement car ils sont plus sûrs, mais aussi car ils sont finalement plus rapides.

Tableau 7. Durée moyenne (en jours) des escales des 3 principaux pavillons par période de guerre et de paix

Durée des escales
techniques

Durée des escales
commerciales

Pavillon

Toute
période

Années de paix

Années de guerre

Toute
période

Années de paix

France

8

7

12

8

8

République de Gênes

2

3

2

15

8

Royaume de Naples

2

1

4

6

7

Note. Nombre d’escales analysées : 294 pour les escales techniques, 221 pour les escales commerciales.

Source. Navigocorpus.

42Et pourtant, si toutes ces données semblent indiquer une « rationalisation » des voyages, d’autres éléments contribuent à nuancer ces premières conclusions et à complexifier leur lecture. Tout d’abord, l’accroissement des voyages en droiture et la diminution du nombre moyen d’escales ne se traduisent pas dans une diminution de la durée des voyages (Figure 5).

Figure 5. Évolution de la durée des voyages par nombre d’escales et par an

Figure 5. Évolution de la durée des voyages par nombre d’escales et par an

Note. Nombre de voyages analysés : 711 ; en noir, les années de guerre.

Source. Navigocorpus.

  • 45 La part des escales techniques diminue légèrement et passe de 80 % en 1749 à 71 % en 1787/1789.
  • 46 Le calcul de la durée ne porte que sur les escales dont la date d’entrée et de sortie est connue, s (...)

43Nous ne constatons pas non plus une tendance claire à une réduction de la durée des voyages : pour ceux en droiture (sans escale), elle demeure plus ou moins stable, alors que pour les voyages avec des escales, la situation est plus contrastée : la durée moyenne pour les voyages avec 1 escale augmente, celle avec 2 escales diminue. La durée moyenne des escales purement techniques ne diminue pas non plus dans le temps : dans les années de paix, elle est de 7 jours en 1749, de 4 en 1769, de 6 en 1787 et de 9 en 178945. Des progrès sont en revanche réalisés dans la durée des arrêts pour charger une cargaison en chemin, qui passe de 15 jours en moyenne en 1749 à 7 jours en 1769 (9 jours en 1787 et 8 jours en 1789)46.

44Au total, les voyages ne sont donc pas sensiblement plus rapides au fil du temps. En revanche, on constate une différence importante entre la durée des voyages en temps de guerre et en temps de paix. L’effet des conflits n’est toutefois pas constant. La durée des voyages en droiture augmente en 1759 (guerre de Sept Ans) par rapport à 1749, mais diminue en 1779 (guerre d’Indépendance américaine) par rapport à 1769, alors que pour les voyages avec une escale, la durée augmente lors des deux guerres. Cependant, les voyages avec deux escales suivent une évolution similaire à ceux en droiture…

45Comment expliquer que la durée moyenne des voyages ne diminue pas malgré une augmentation des trajets en droiture, et une réduction du nombre moyen d’escales ? Les éléments de « modernité » qui émergent sont de toute évidence insuffisants pour bouleverser la structure de la navigation entre la Sicile et Marseille, où une multitude des pratiques de navigation se superposent. Puisque les lieux de départs évoluent dans le temps, et que la durée en jours est un indicateur qui ne prend pas en compte ce facteur, nous avons voulu vérifier l’évolution de la vitesse de navigation, ce qui est possible car la base Navigocorpus intègre des champs qui indiquent la distance en milles marins de chaque tronçon de trajet. Or, la vitesse des voyages en droiture n’augmente que très légèrement entre 1749 et 1787/1789 si on prend en compte les années de paix et de guerre (Figure 6), alors qu’elle diminue si on considère les seules années de paix (Figure 7).

Figure 6. Évolution de la vitesse des voyages en droiture vers Marseille depuis les ports de départs en Sicile, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789

Figure 6. Évolution de la vitesse des voyages en droiture vers Marseille depuis les ports de départs en Sicile, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789

Note. Nombre de voyages analysés : 190 ; en noir, les années de guerre.

Source. Navigocorpus.

Figure 7. Évolution de la vitesse des voyages en droiture vers Marseille depuis les ports de départs en Sicile, 1749, 1769, 1787, 1789

Figure 7. Évolution de la vitesse des voyages en droiture vers Marseille depuis les ports de départs en Sicile, 1749, 1769, 1787, 1789

Note. Nombre de voyages analysés : 168.

Source. Navigocorpus.

46Au total, pour ce qui est des temps de navigation entre la Sicile et Marseille, la seconde moitié du xviiie siècle ne montre donc pas d’évolution significative.

47En fait, le gain de temps qui est possible en voyageant plus souvent en droiture et en faisant moins d’escales, est contrebalancé par le fait que les Génois et les Napolitains gagnent des parts de marchés dans le transport entre la Sicile et Marseille au détriment des Français. Or, leurs navires sont plus lents aussi bien en droiture, que lors des voyages (majoritaires) avec une seule escale. En présence de plusieurs escales, l’écart entre les vitesses des différents pavillons est moins net. La Figure 8 montre la durée totale des voyages des 3 principaux pavillons en fonction du nombre d’escales.

Figure 8. Durée moyenne des voyages des 3 principaux pavillons (en jours) par nombre d’escales, 1749-1789

Figure 8. Durée moyenne des voyages des 3 principaux pavillons (en jours) par nombre d’escales, 1749-1789

Note. Nombre de voyages analysés : 616.

Source. Navigocorpus.

48Nous constatons de fortes différences dans la vitesse de navigation (distance totale du voyage/durée totale) des bâtiments qui arrivent à Marseille en droiture depuis la Sicile en fonction de leur pavillon. L’échantillon est souvent trop restreint pour contredire la prétendue supériorité des navires de l’Europe du Nord, mais elle ne ressort en tout cas pas des données de la Figure 9.

Figure 9. Vitesse des différents pavillons dans les voyages en droiture, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789

Figure 9. Vitesse des différents pavillons dans les voyages en droiture, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789

Note. Nombre de voyages analysés : royaume de Naples 48, république de Gênes 32, Suède 7, Provinces-Unies 4, France 73, Danemark 8, république de Venise 3, Grande-Bretagne 4, Espagne 5, république de Raguse 6.

Source. Navigocorpus.

49Ces différences entre pavillons relatives à la vitesse de navigation sont pour l’essentiel déterminées par les types de navires utilisés. Parmi les navires arrivés à Marseille depuis la Sicile (port de départ ou escale) dans les années étudiées, pinques et tartanes assurent les deux tiers des trajets (Tableau 8). Il s’agit de deux embarcations typiquement méditerranéennes. La tartane est à voile latine, alors que la pinque, qui apparaît au xviiie siècle dans les chantiers de la république de Gênes, peut être gréée avec des voiles carrées. Les Français utilisent principalement la tartane, les Génois plébiscitent la pinque, que les Napolitains emploient pour les deux tiers de leurs voyages, à côté des polacres, de barques et de tartanes (Tableau 8).

Tableau 8. Hiérarchie des navires utilisés dans les voyages de la Sicile à Marseille, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789, tous pavillons confondus

Type de navire      

Nombre
de voyages

%

Pinque

299

42,1

Tartane

177

24,9

Brigantin

75

10,5

Polacre

41

5,8

Barque

40

5,6

Vaisseau

19

2,7

Senau

16

2,3

Autre

44

6,2

Total

711

100,0

Source. Navigocorpus.

50Le changement le plus notable au fil du temps est le recours de plus en plus fréquent au brigantin – navire ponté généralement à deux mâts, dont les voiles majeures sont carrées –, dont la part dans l’ensemble des navires utilisés passe de 1 % en 1749 à 23 % en 1789 (Figure 10).

Figure 10. Évolution des types de navires utilisés de la Sicile à Marseille, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789

Figure 10. Évolution des types de navires utilisés de la Sicile à Marseille, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789

Note. Nombre de voyages analysés : 711

Source. Navigocorpus.

51Or, Génois et Napolitains ignorent ce type de navire, bien que plus rapide, et continuent à utiliser les bâtiments traditionnels. En revanche, Britanniques, Scandinaves, Espagnols, Vénitiens et Français adoptent ce nouveau type de navire dans au moins un voyage sur quatre sur l’ensemble des années étudiées. La Figure 11 les représente en ordre décroissant du recours au brigantin.

Figure 11. Part du brigantin dans la navigation des différents pavillons (> 5 voyages), 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789

Figure 11. Part du brigantin dans la navigation des différents pavillons (> 5 voyages), 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789

Note. Nombre de voyages analysés : 703.

Source. Navigocorpus.

  • 47 La part de la tartane dans la navigation française passe de 70 % en 1749 et 1769 à 45 % environ en (...)

52L’introduction du brigantin par les Français se fait au détriment de la tartane47. La part des voyages en droiture de ces deux types de navires est proche, alors que les capitaines utilisant des pinques ont tendance à faire davantage d’escales (Tableau 9).

Tableau 9. Part des voyages en droiture entre la Sicile et Marseille des 3 types de navires les plus fréquents, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789

Type de navire      

% voyages
en droiture

Pinque

23

Tartane

29

Brigantin

34

Source. Navigocorpus.

  • 48 Ces vitesses ont été calculées sur 25 voyages de brigantins, 52 de tartanes, 68 de pinques.

53Au demeurant, les voyages en droiture effectués par des brigantins ont une vitesse moyenne (30 milles/jour) à peine supérieure à celle de la tartane (29 milles/jour), qui est plus rapide que les polacres et les pinques (28 et 23 respectivement)48.

54Si l’on considère que la part de marché des Français diminue, et que les Génois et les Napolitains n’utilisent pas le brigantin, plus rapide, l’on comprend mieux pourquoi les vitesses de navigation depuis la Sicile n’ont pas diminué au fil du temps. Nous sommes donc face à un paradoxe : les acteurs qui émergent au cours du temps ne sont ni les plus rapides, ni ceux qui adoptent les types de navires les plus modernes, ni ceux qui voyagent davantage en droiture.

Conclusions

55Cet article a montré comment les sources portuaires peuvent être avantageusement mobilisées, à condition d’avoir été organisées dans une base de données qui recueille l’intégralité des données et qui permet de bien les structurer, pour enrichir l’analyse du transport maritime et du commerce international avec une granularité géographique bien plus fine que celle des statistiques officielles, en l’occurrence la balance du commerce française. Le recours croisé à ces deux types de sources enrichit considérablement l’étude des marchés. Le cas sicilien le montre parfaitement, car le croisement entre les données de la balance du commerce et celles sur la navigation du port de Marseille a permis de retracer, au moins en partie, les caractéristiques du commerce de la Sicile et notamment la géographie commerciale et productive de l’île dans la seconde moitié du xviiie siècle, en dépassant la limite imposée par les statistiques officielles qui noient la Sicile dans l’ensemble formé par le royaume de Naples, un partenaire fondamental pour Marseille à l’époque. Or, la Sicile fournit des produits spécifiques, tels le soufre ou la manne, mais aussi d’importantes quantités de céréales dans la conjoncture prérévolutionnaire. Préciser finement les aires d’approvisionnement se révèle intéressant aussi car elles peuvent être fortement affectées par la conjoncture politique, comme c’est le cas en 1799 pour la Sicile.

56La masse de variables à disposition a permis d’interroger les dynamiques de changement des acteurs de la navigation et les logiques mêmes de la navigation entre la Sicile et Marseille. Si les données de Navigocorpus confirment la primauté des acteurs locaux dans cet espace maritime – déjà constatée par l’historiographie –, leur analyse suggère que la montée des Napolitains et Génois au détriment des Français ne dépend pas d’une différente capacité d’accès aux ports siciliens, mais semble davantage liée aux opportunités que la guerre offre aux neutres. En tout cas, le succès des transporteurs « italiens » ne saurait être associé à une efficacité supérieure de leurs techniques de transport. Ce qui émerge de l’analyse des logiques de navigation est en effet un cadre contrasté où les signes que l’on peut associer à une navigation de type moderne, tels que la hausse des voyages en droiture, la diminution du nombre d’escales ou l’adoption du brigantin, coexistent avec ceux liés à une navigation de type traditionnel, notamment la faible vitesse des navires ou la fréquence d’escales techniques. Le maintien de logiques traditionnelles de navigation n’empêche pourtant pas les Napolitains et Génois de se substituer aux Français au cours du temps. Ce paradoxe ne fait que multiplier les questions et nous place face à un constat important : la riche moisson de données à disposition et la grande quantité de manipulations (souvent chronophages) possibles grâce à la multiplicité des variables n’épuisent ni les questionnements, ni la nécessité d’élargir le champ d’analyse. Dans ces conditions, pouvoir interroger au préalable la base de données d’une façon efficace, de manière exploratoire, en croisant les variables, devient une condition nécessaire à toute analyse plus poussée qui requiert des manipulations plus complexes.

57Le passage de la base de données Navigocorpus à la base Portic, qui met à la disposition des usagers, en format libre accès, une base aussi normalisée que possible et pourvue de nouvelles métadonnées, devra, nous l’espérons, multiplier ce genre d’enquêtes.

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Bibliographie

Sources

Archives

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Sources en ligne

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URL : http://navigocorpus.huma-num.fr/

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URL : http://data.portic.fr/

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URL : http://toflit18.medialab.sciences-po.fr

Travaux

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DOI : https://doi.org/10.3406/mefr.1991.4144

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Annexe

Figure A1. Écran Poincall_data_observation de Navigocorpus

Figure A1. Écran Poincall_data_observation de Navigocorpus

Note. La base des données peut être consultée à partir de plusieurs modèles d’écran, qui ont été conçus en fonction du type de recherche souhaitée par l’utilisateur. Dans ce modèle, l’itinéraire s’affiche sur la partie de gauche de l’écran, la cargaison sur celle de droite. Au centre, on trouve les caractéristiques du navire (type, nom, port d’attache, tonnage, pavillon, effectifs de l’équipage, puis les identifiants) et, plus bas, les informations sur le capitaine.

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Notes

1 Pour le mouvement portuaire, nous disposons des comptes rendus indiquant le nombre total des congés délivrés, c’est-à-dire d’autorisations de sortie des navires, conservés dans le fonds de l’Amirauté de France (Archives nationales de France, désormais ANF, sous-série G5, passim). À Marseille, le nombre de congés délivrés dans les années 1780 atteint environ le double des autres principaux ports français, pris individuellement. Sur cette source, voir S. Marzagalli & C. Pfister-Langanay, 2011. La visualisation du nombre de congés délivrés en France en 1787 et 1789 est accessible en ligne (URL : http://vizsources.portic.fr/). Les congés n’expriment pas exactement les trafics du port, car des exemptions et des congés valables plusieurs mois, voire deux ans, existent : S. Marzagalli & C. Pfister-Langanay, 2014. Les registres des congés détaillant chaque navire sortant ne sont plus conservés pour Marseille. C’est pourquoi le présent article utilise la documentation relative aux entrées du port phocéen. Pour la valeur du commerce, nous disposons des données de la balance du commerce : voir la note suivante.

2 Pour ce qui est de la navigation, les registres des dépositions des capitaines au Bureau de la santé de Marseille, conservés de 1709 à 1832, constituent une série précieuse pour l’étude de la géographie du commerce maritime marseillais. Archives départementales des Bouches-du-Rhône (désormais ADBR), 200 E 474-604, Dépositions et Arrivages. Déclarations faites par les capitaines de bâtiments à leur arrivée. Ces registres ont récemment fait l’objet d’une numérisation et mise en ligne (URL : https://www.archives13.fr/archive/fonds/FRAD013_12831). S’agissant du commerce de Marseille, les données produites par la chambre de Commerce de la ville fournissent une documentation très riche, qui a été largement saisie dans une base de données dans le cadre du programme ANR « Toflit18 » (ANR-13-BSH1-0005, 2013-2017) coordonné par Guillaume Daudin et Loïc Charles (URL : http://toflit18.medialab.sciences-po.fr/). Sur cette source : L. Charles & G. Daudin, 2011. La balance du commerce livre, par partenaire (un État, ou un groupe d’États) la quantité et la valeur de chaque produit exporté ou importé. Comme Marseille est un port franc, considéré donc comme étranger au reste du pays, la source permet également de chiffrer l’ampleur de son commerce avec le reste de la France.

3 P. Masson, 1911 ; G. Rambert, 1954 ; R. Paris, 1957 ; G. Rambert, 1959 ; C. Carrière, 1973.

4 C. Carrière, 1979.

5 Le volume VIII de Histoire du commerce de Marseille, qui aurait dû être consacré aux péninsules italienne et espagnole, n’a jamais vu le jour.

6 La collecte de ces données a été effectuée dans le cadre du programme ANR « Portic » (ANR-18-CE38-0010, 2019-2023), qui a considérablement accru le contenu de la base Navigocorpus. Dans l’étude qui suit, il n’y a pas de données pour la navigation entre la Sicile et Marseille en 1799 car les relations sont alors totalement interrompues : lorsque le royaume de Naples passe sous influence française dans le cadre de la république parthénopéenne (janvier à juin 1799), le souverain se réfugie à Palerme, escorté par Nelson, et y reste jusqu’à la paix d’Amiens. Alors que la navigation avec la partie continentale du royaume de Naples est encore possible pendant l’occupation française, tel n’est pas le cas de la Sicile. Le royaume de Naples ratifie la paix avec la France en mars 1801 (traité de Florence).

7 La base de données Navigocorpus a été créée dans le cadre du programme ANR « Navigocorpus : corpus des itinéraires des navires de commerce, xviie-xixe s. » (ANR-07-CORP-028, 2008-2011), coordonné par Silvia Marzagalli. Sur la structure de la base (accessible ici : http://navigocorpus.huma-num.fr/), voir J.-P. Dedieu et al., 2011. Son contenu a été enrichi dans le cadre du programme ANR « Portic » (URL : https://anr.portic.fr/) qui a produit également une version PostgreSQL de la base, et des interfaces interactives de visualisation du contenu de la base. Voir C. Plumejeaud-Perreau et al., 2023 et S. Marzagalli et al., 2023. Sur Fichoz, voir l’introduction de ce dossier.

8 ADBR, 200 E 543.

9 Ce choix reflète le droit maritime de l’époque, qui impose au capitaine et à la majorité de l’équipage d’être sujets du pavillon du navire. Nous n’avons trouvé aucune exception lorsque le croisement avec d’autres sources indiquant si le navire est français a été possible.

10 La découpe des données en actions de granularité fine permet d’introduire des informations nouvelles dans la base sans avoir à la bouleverser. Les sources maritimes parlent en général en termes de trajet : du port A au port B. La tentation est grande d’utiliser le trajet comme module de granularité : A-B. Beaucoup l’ont fait, car l’on respecte ainsi la forme du document. Mais il arrive que l’on apprenne par une autre source qu’en fait le navire a aussi fait escale en C, à mi-chemin entre A et B. Nous voici contraint de défaire le couple A-B, de le remplacer par A-C, et de créer le tronçon C-B. Et si nous découvrons qu’en fait le navire avait déclaré aller en B, mais qu’il n’y est jamais arrivé ayant été dérouté vers D, la complexité des corrections devient telle que l’erreur est fatale. D’où le choix de décomposer l’information par actions de granularité minimale : le trajet A-B se résout en un passage en A à une date et un passage en B à une autre, postérieure. On ne travaille plus dès lors qu’avec des points uniques. Il est facile d’en insérer de nouveaux, tel le passage en C à une date intermédiaire entre A et B, ou un autre mentionnant un passage en D. Si le navire n’est pas arrivé à B, on affecte alors ce point d’un marqueur qui dénote qu’il a été déclaré mais non exécuté. On obtient ainsi un outil adapté au caractère incertain des données historiques. Cette adaptation repose non pas sur une modification de l’outil informatique, mais sur une analyse plus approfondie des données.

11 Voir C. Plumejeaud-Perreau et al., 2023.

12 Sur le traitement des produits et la possibilité de créer des catégories à la carte (par exemple « poissons ») en fonction de sa recherche, voir J.-P. Dedieu & S. Marzagalli, 2015.

13 Geo_general est accessible à l’adresse suivante : https://actoz.db.huma-num.fr/fmi/webd/, puis choisir Geo_general. Sur le travail d’enrichissement et de qualification accompli sur les toponymes présents dans Navigocorpus, réalisé dans le cadre du programme ANR « Portic », voir C. Plumejeaud-Perreau et al., 2021.

14 Sur la complexité des algorithmes pour mener à bien cette opération, voir C. Plumejeaud-Perreau et al., 2023.

15 ANF, G5 74, congé numéro 3247.

16 Le programme ANR « Portic » attribue aussi des coefficients d’incertitude à chaque variable, mais ceci n’entre pas en ligne de compte pour l’étude de cas présentée dans cet article.

17 Base de données Toflit18.

18 Dans Toflit18, pour 1789 catégorie « Naples, Sicile et Parme ».

19 Base de données Toflit18.

20 B. Salvemini & M. A. Visceglia, 1991 ; A. Carrino & B. Salvemini, 2006.

21 B. Salvemini & M. A. Visceglia, 1991, p. 117 ; A. Carrino & B. Salvemini, 2006, p. 215-218.

22 B. Salvemini & M. A. Visceglia, 1991, p. 116.

23 B. Salvemini & M. A. Visceglia, 1991, p. 126-129.

24 Pour le xviiie siècle, la balance du commerce du royaume de Naples n’existe que pour les années 1771 et 1772 : D. Ciccolella, 2015. Quant à l’étude du commerce et de la navigation de la Sicile, Rosario Lentini parle encore récemment d’un « vide à combler » : R. Lentini, 2021, p. 390. Une étude déjà ancienne sur les trafics maritimes de Trapani présente des données difficilement généralisables, car ce sont des années de guerre : O. Cancila, 1972. Quelques éléments intéressants sur l’histoire maritime du royaume de Naples, dans A. M. Rao, 2017.

25 Parmi les États italiens, l’étude de la navigation avec la république de Gênes ou la Toscane est compliquée par le fait que les registres des dépositions des capitaines ne comprennent pas l’ensemble des entrées du port phocéen : les trafics entre la Catalogne et la Toscane, Corse comprise, sont en effet souvent consignés sur les cahiers du petit cabotage, qui ne subsistent qu’à partir de 1786. Les dépositions des capitaines sont en revanche complètes pour ce qui est de la navigation avec le royaume de Naples. S. Marzagalli, 2024.

26 Il a été récemment suggéré que la navigation britannique en Méditerranée dans la seconde moitié du xviiie siècle – et notamment dans la période de guerre caractérisant la fin du siècle – montrerait des signes précoces de « modernité » tels que la professionnalisation des services, la transformation de l’organisation du travail et de gestion, ou encore la spécialisation du transport de produits : K. Galani, 2017.

27 A. Carrino & B. Salvemini, 2006, p. 218-220. Jusqu’à la fin du xviiie siècle, l’essentiel de la soie vient de Calabre : J. Davis, 1979, p. 104.

28 Pour le commerce de l’huile et de la soie du royaume de Naples, voir aussi P. Chorley, 1965.

29 Nous ne pouvons pas estimer les valeurs des importations depuis la Sicile en 1749 car la balance du commerce ne comporte pas une catégorie spécifique pour le royaume de Naples. Les données de 1779 sont problématiques : les quantités tirées de Navigocorpus pour l’huile et les fèves sont largement supérieures aux chiffres de la balance du commerce.

30 A. Carrino & B. Salvemini, 2006, p. 217. La présence napolitaine est d’autant plus remarquable qu’au début du xviiie siècle, la flotte marchande napolitaine est inexistante : B. Passaro, M. Sirago & P. Trizio, 2018, p. 12-54.

31 Dans notre analyse, la catégorie « nordiques » inclut les pavillons des pays suivants : Grande-Bretagne, Provinces-Unies, Suède et Danemark.

32 A. Carrino & B. Salvemini, 2006, p. 218-224.

33 L. Lo Basso, 2009 ; A. Carrino, 2011, p. 36-67 ; id., 2018.

34 Terranuova ou Terreneuve dans les sources de l’époque.

35 A. Mézin, 1997 ; F. Brizay, 2018.

36 S. A. Rhoades, 1993.

37 Étude de cas sur Marseille, voir URL : https://medialab.github.io/portic-storymaps-2023/#/fr.

38 Nous avons défini comme « grands » ports Palerme, Catania, Agrigento, Trapani, Termini, Cefalù, Messine et Terranova de Sicile, c’est-à-dire les centres avec plus de 30 000 habitants dans la seconde moitié du xviiie siècle. Nous y avons ajouté Licata, centre important de chargement de blé. M. Aymard, 1971.

39 Le calcul a été effectué sur 560 voyages.

40 C’est notamment l’interprétation dominante pour Bordeaux : P. Butel, 1974. « La guerre a déplacé les pavillons utilisés ; elle n’a rien changé fondamentalement », écrit C. Carrière, 1973, p. 510 ; voir aussi, à propos de la capacité de Marseille de se relever des guerres au xviie siècle, P. Masson, 1896, p. 343 et 353. Plus largement, il a été souligné que la guerre a des effets négatifs importants à court terme pour le commerce français, mais la reprise est rapide et intense : G. Daudin, 2011, p. 223-225, 242-243.

41 Les Français passent de 15 % de voyages en droiture entre la Sicile et Marseille en 1749 à 30 % en 1787-1789, alors que les Génois et Napolitains, qui n’effectuent aucun voyage en droiture en 1749, en font environ un tiers à la fin des années 1780.

42 Nous ne revenons pas ici sur la thèse de l’« invasion nordique » attribuée à Braudel, qui fait l’objet d’une réévaluation depuis quelque temps : voir M. Fusaro, C. Heywood & M.-S. Omri, 2021 [2010] ; S. Marzaglli & A. Bartolomei, 2011.

43 Cette évolution n’est pas corrélée au commerce du blé, dont la Sicile est une grande productrice et dont le transport se déroule de préférence en droiture, mais qui ne montre pas une croissance continue entre 1749 et 1789. Pour exclure une surestimation du phénomène des voyages en droiture à cause des expéditions de blé (particulièrement nombreuses en 1789 à cause de la crise frumentaire en France), nous avons aussi effectué les calculs en ôtant les navires chargés de blé : la croissance des voyages en droiture reste indéniable – voire est encore plus intense – car leur part passe de 15 % du total en 1749 à 40 % en 1789.

44 Le calcul a été effectué sur l’ensemble des navires arrivés à Marseille partis de ou en ayant fait une escale en Sicile. Dans le cas d’une mention « il s’est arrêté dans divers ports » nous avons considéré cela comme équivalent à 3 escales.

45 La part des escales techniques diminue légèrement et passe de 80 % en 1749 à 71 % en 1787/1789.

46 Le calcul de la durée ne porte que sur les escales dont la date d’entrée et de sortie est connue, soit 615 escales sur un total de 1 026. Nous avons attribué une durée de 0,5 jours aux escales s’effectuant sur une même journée. Les différences de durées semblent liées aux types de navire, qui sont corrélés aux pavillons (voir plus bas).

47 La part de la tartane dans la navigation française passe de 70 % en 1749 et 1769 à 45 % environ en 1787 et 1789.

48 Ces vitesses ont été calculées sur 25 voyages de brigantins, 52 de tartanes, 68 de pinques.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Évolution des importations depuis le royaume de Naples à Marseille, 1758-1789
Légende Note. En 1787-1789, la catégorie de la balance du commerce est « Naples, Sicile et Parme ».
Crédits Source. Toflit18.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 575k
Titre Tableau 2. Dix principaux produits (en livres tournois) importés à Marseille depuis le royaume de Naples, 1758-1780, 1787-1789
Légende Note. En 1787-1789, la catégorie de la base Toflit18 est « Naples, Sicile et Parme » ; valeur moyenne annuelle en livres tournois.
Crédits Source. Toflit18.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-2.png
Fichier image/png, 235k
Titre Carte 1. Origine des produits arrivés à Marseille depuis la Sicile, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789 (nombre d’occurrences)
Crédits Source. Navigocorpus ; carte conçue par Patrick Pentsch (Aix-Marseille Université).
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Figure 2. Évolution de la part de chaque pavillon assurant le transport depuis la Sicile vers Marseille
Légende Note. Nombre de voyages analysés : 711.
Crédits Source. Navigocorpus.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 378k
Titre Carte 2. Lieu de départ ou d’escale des 3 principaux pavillons desservant la route entre la Sicile et Marseille en 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789
Crédits Source. Navigocorpus ; carte conçue par Patrick Pentsch (Aix-Marseille Université).
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Titre Figure 3. Évolution de la concentration de la navigation des pavillons français, génois et napolitains en temps de paix (1749, 1769, 1787 et 1789)
Légende Note. Nombre de voyages analysés : 622
Crédits Source. Navigocorpus.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 278k
Titre Figure 4. Évolution de la navigation en droiture entre la Sicile et Marseille
Légende Note. Nombre de voyages analysés : 602, dont 151 en droiture.
Crédits Source. Navigocorpus.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 360k
Titre Figure 5. Évolution de la durée des voyages par nombre d’escales et par an
Légende Note. Nombre de voyages analysés : 711 ; en noir, les années de guerre.
Crédits Source. Navigocorpus.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 261k
Titre Figure 6. Évolution de la vitesse des voyages en droiture vers Marseille depuis les ports de départs en Sicile, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789
Légende Note. Nombre de voyages analysés : 190 ; en noir, les années de guerre.
Crédits Source. Navigocorpus.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 251k
Titre Figure 7. Évolution de la vitesse des voyages en droiture vers Marseille depuis les ports de départs en Sicile, 1749, 1769, 1787, 1789
Légende Note. Nombre de voyages analysés : 168.
Crédits Source. Navigocorpus.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 243k
Titre Figure 8. Durée moyenne des voyages des 3 principaux pavillons (en jours) par nombre d’escales, 1749-1789
Légende Note. Nombre de voyages analysés : 616.
Crédits Source. Navigocorpus.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 254k
Titre Figure 9. Vitesse des différents pavillons dans les voyages en droiture, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787, 1789
Légende Note. Nombre de voyages analysés : royaume de Naples 48, république de Gênes 32, Suède 7, Provinces-Unies 4, France 73, Danemark 8, république de Venise 3, Grande-Bretagne 4, Espagne 5, république de Raguse 6.
Crédits Source. Navigocorpus.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 315k
Titre Figure 10. Évolution des types de navires utilisés de la Sicile à Marseille, 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789
Légende Note. Nombre de voyages analysés : 711
Crédits Source. Navigocorpus.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 381k
Titre Figure 11. Part du brigantin dans la navigation des différents pavillons (> 5 voyages), 1749, 1759, 1769, 1779, 1787 et 1789
Légende Note. Nombre de voyages analysés : 703.
Crédits Source. Navigocorpus.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 423k
Titre Figure A1. Écran Poincall_data_observation de Navigocorpus
Légende Note. La base des données peut être consultée à partir de plusieurs modèles d’écran, qui ont été conçus en fonction du type de recherche souhaitée par l’utilisateur. Dans ce modèle, l’itinéraire s’affiche sur la partie de gauche de l’écran, la cargaison sur celle de droite. Au centre, on trouve les caractéristiques du navire (type, nom, port d’attache, tonnage, pavillon, effectifs de l’équipage, puis les identifiants) et, plus bas, les informations sur le capitaine.
URL http://journals.openedition.org/histoiremesure/docannexe/image/21647/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 606k
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Pour citer cet article

Référence papier

Pierre Niccolò Sofia et Silvia Marzagalli, « Commerce et navigation à Marseille depuis la Sicile dans la seconde moitié du xviiie siècle, entre permanence et modernisation »Histoire & mesure, XXXIX-2 | 2024, 27-64.

Référence électronique

Pierre Niccolò Sofia et Silvia Marzagalli, « Commerce et navigation à Marseille depuis la Sicile dans la seconde moitié du xviiie siècle, entre permanence et modernisation »Histoire & mesure [En ligne], XXXIX-2 | 2024, mis en ligne le 01 mai 2025, consulté le 18 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/histoiremesure/21647 ; DOI : https://doi.org/10.4000/140ki

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Auteurs

Pierre Niccolò Sofia

Post-doctorant, Dipartimento di scienze storiche, geografiche e dell’Antichità (DiSSGeA), Università degli Studi di Padova
pierreniccolo.sofia@unipd.it

Silvia Marzagalli

Professeure d’histoire moderne, Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine (UPR 1193), Université Côte d’Azur
silvia.marzagalli@univ-cotedazur.fr

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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