Faire face à la sécheresse : politiques du blé et fixation du prix du pain dans la Tunisie coloniale (1919-1925)
Résumés
La Tunisie connaît au début des années 1920 une série de mauvaises récoltes de blé tendre, principalement dues à la sécheresse. Alors que la production annuelle était supérieure à 550 000 quintaux en 1918, quatre années de baisse de production s’ensuivent, dans une colonie déjà affaiblie par la Première Guerre mondiale. Cette faiblesse des récoltes a des conséquences sur le prix des blés, de la farine et du pain. À partir de la correspondance de la haute administration (secrétariat général du gouvernement, cheikh el Medina, contrôle civil) et de la presse, cet article vise à comprendre le passage d’une crise environnementale à une crise sociale dans un contexte colonial. Il s’agit de cerner les arbitrages effectués pour gérer les augmentations des prix, face aux pressions des populations comme des professionnels du pain.
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- 1 Voir Jean-François Martin, Histoire de la Tunisie contemporaine, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 139 ; (...)
- 2 Comme le souligne Kenneth Perkins pour les années 1919-1920, voir Kenneth Perkins, A History of Mod (...)
- 3 Hedi Jellab, Al-nukhba al-iqtiṣādiyya al-tūnisiyya, 1920-1956 [L’Élite économique tunisienne, 1920- (...)
- 4 Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statis (...)
1Les synthèses sur l’histoire de la Tunisie présentent souvent les années 1920 comme une période de relative prospérité au sein du Protectorat français qui commence officiellement en 1881 avec le traité du Bardo et s’achève en 1956 par le protocole d’indépendance1. Cette présentation est cependant à nuancer2, en raison notamment d’une sécheresse qui traverse le pays au début des années 1920. Elle se répercute rapidement sur les prix des produits de base3, ce qui contribue à l’ascension du parti nationaliste du Destour créé en 1920. Quatre mauvaises récoltes se succèdent entre 1921 et 1924 entraînant une baisse des stocks de blé, notamment de blé tendre dont les surfaces sont dix fois moins importantes que celles du blé dur4, et une crainte de pénuries.
- 5 Sous l’impulsion principalement de l’historiographie américaine. Voir notamment Diana K. Davis, Res (...)
- 6 À l’exception notable des ressources liées à l’eau. Voir Brock, Cutler, « Water mania! drought and (...)
- 7 Dans la lignée des travaux de René Gallissot ou André Nouschi. Voir par exemple René Gallissot, Le (...)
- 8 Voir notamment Nicolas Michel, Une économie de subsistance. Le Maroc précolonial, Le Caire, IFAO, 1 (...)
- 9 Voir notamment Bernard, Rosenberger, Hamid, Triki, « Famines et épidémies au Maroc aux XVIe et XVII(...)
- 10 À de notables exceptions. Voir Bernard Taithe, « La famine de 1866-1868 : anatomie d’une catastroph (...)
- 11 Démarche promue dès les années 1960 : voir Jacques Berque, Le Maghreb entre deux guerres, Paris, Se (...)
2L’objet de cet article est de déterminer les leviers utilisés par l’administration coloniale pour faire face à la sécheresse. Il s’agit ici d’apporter une contribution d’histoire environnementale et économique à l’historiographie du Maghreb colonial et de la Tunisie sur un événement climatique et sa gestion par les autorités. L’historiographie environnementale du Maghreb colonial a en effet principalement été investie par les études privilégiant les représentations liées aux paysages et aux climats5, et de façon bien moindre dans les politiques de gestion des ressources naturelles en tant que telles6. L’historiographie économique du Maghreb colonial est quant à elle ancienne7, mais a très peu concerné les politiques alimentaires. Ces études sont légion pour l’époque moderne8, notamment en ce qui concerne la gestion des famines9, mais elles concernent beaucoup moins l’époque contemporaine10. Cet article a pour objectif d’alimenter la réflexion sur les ruptures et les continuités entre la période moderne et la période coloniale au Maghreb11.
- 12 Voir notamment Lucette Valensi, « Consommation et usages alimentaires en Tunisie aux XVIIIe et XIXe (...)
3Face à la sécheresse, les leviers utilisés par l’administration coloniale peuvent être analysés d’au moins deux points de vue : la façon dont l’administration comprend et définit le manque d’eau d’une part, et la façon dont elle agit dans les grandes villes pour endiguer l’inflation du prix des produits alimentaires d’autre part. Pour étudier ces deux aspects, nous nous concentrerons sur la filière blé, centrale dans l’alimentation des populations12, en analysant les politiques concernant les grains en amont et le prix du pain en aval.
- 13 Sur les rapports entre les deux administrations, voir notamment Antoine Perrier, « Gouverner sans c (...)
4Les documents utilisés proviennent principalement de l’administration centrale du protectorat, la Résidence générale, qui produit des rapports à ses autorités de tutelle au ministère des Affaires étrangères français ainsi que des statistiques. La Résidence générale est le principal organe de pouvoir de l’administration française, aux côtés d’une monarchie tunisienne plus faible, ayant à sa tête le bey de Tunis qui signe le plus souvent les lois décidées par les Français13. À l’échelle locale, la gestion des crises est principalement appréhendée à travers les dossiers des contrôles civils, subdivisions administratives au nombre d’une quinzaine dans la Tunisie du protectorat et relais locaux du pouvoir central. Pour la ville de Tunis, la correspondance du Cheikh el Medina (littéralement « chef de la ville »), le plus haut fonctionnaire tunisien de la ville de Tunis contrôlant la corporation des boulangers tunisiens et des distributions de pain, fournit des informations. Enfin, la lecture de la presse en langue arabe (Al-Ḥabība, Al-Ifrīqiyya) et en langue française (Le courrier de Tunis, Journal de Tunis, La Dépêche tunisienne) complètent l’appréhension de la sécheresse puis de la crise sociale. Nous essayerons d’abord de comprendre les ressorts de la crise et la lecture que les acteurs de l’époque en font, puis les négociations et les tentatives de résolution de la situation envisagées par les autorités.
Sécheresse et mauvaises récoltes de blé (1919-1925)
- 14 Protectorat Tunisie, Direction générale des Finances, Documents statistiques sur le commerce de la (...)
- 15 Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statis (...)
5Pour comprendre la situation agricole de la Tunisie des années 1920, nous possédons les statistiques générales de production et de commerce établies annuellement par la direction générale de l’Agriculture et du Commerce du gouvernement tunisien. Les chiffres ne représentent que les productions déclarées par les agriculteurs mais le blé, culture stratégique en Tunisie car directement liée au prix du pain et importante pour les recettes fiscales, est plus surveillé que d’autres cultures comme les fruits et légumes, rendant les fraudes moins aisées à cacher. Cette culture est aussi particulièrement contrôlée, car le froment en grain est alors le principal produit à l’exportation vers la France, avec environ 20 % de la valeur totale des exportations14. Il est difficile de connaître la part que représentent exactement le blé tendre, le blé dur ou l’orge dans la production et la consommation de pain. Néanmoins, les statistiques du blé tendre en particulier restent importantes à saisir car contrairement aux deux autres, cette céréale a une production uniquement orientée vers la farine servant à la fabrication du pain dit européen. Les statistiques montrent que la Tunisie connaît une sous-production de blé tendre durant les années 1920-1924, en comparaison avec les productions des années postérieures ou antérieures15 (figure 1).
Figure 1 : Production de blé tendre en Tunisie (1916-1930)

D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie,1930, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1932, p. 240-241.
© Nessim Znaien
- 16 Voir par exemple Latifa Henia, « Les grandes sécheresses en Tunisie au cours de la dernière période (...)
- 17 Résidence générale de Tunisie, Rapport envoyé au Président de la République sur la situation en Tun (...)
- 18 Voir notamment pour les années 1920 l’insistance qu’en fait Jacques Berque : Jacques Berque, Le Mag (...)
- 19 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1919, p. 107 ; Rapport…, op. cit., 1920, p. 237- (...)
- 20 Voir par exemple Al habiba, « Aḥwāl al-maṭar » [L’état des pluies], 25 octobre 1921 ; Alhabiba, « a (...)
- 21 Particulièrement vrai pour la région de Kairouan. Voir sur ce point Samir Bakouche, Al-Qayrawān, 18 (...)
6Outre la sécheresse, chronique dans l’histoire de cette région16, la désorganisation de l’appareil agricole après la guerre est l’un des facteurs entraînant la baisse de la production de blé. Les rapports envoyés au président de la République17 pointent du doigt la sécheresse, dans une lecture déterministe ou fataliste de la situation qui trouve sa source dans le rôle historique du phénomène de manque d’eau pour organiser l’agriculture maghrébine, que les administrateurs connaissent en Tunisie mais aussi au Maroc et en Algérie18. Cette lecture insistant sur le rôle clé de la sécheresse dans la baisse des récoltes permet aussi de ne pas rendre compte des dysfonctionnements politiques internes au protectorat dans les politiques d’irrigation ou de stockage. Les rapports de 1919 à 1922, rédigés par le cabinet de la Résidence générale19, insistent sur les épisodes de sécheresses automnales, qui rendent la terre moins favorable aux labours et restreignent les surfaces emblavées. Les journaux en langue arabe relatent l’absence de pluie et ses conséquences désastreuses sur les récoltes20. Enfin, le stress hydrique de ces années exacerbe les conflits entre colons et propriétaires terriens tunisiens pour l’accès aux terres d’irrigation21. On trouve confirmation de cette obsession de la sécheresse dans le développement des stations météorologiques en Tunisie, au début des années 1920, qui recueillent les données dans des endroits du territoire de plus en plus nombreux (figure 2).
Figure 2 : Stations météorologiques en Tunisie (1919-1922)

D’après Résidence générale de Tunisie, Rapport envoyé au Président de la République sur la situation en Tunisie, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1919 à 1925.
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- 22 Voir Gérard Goujon, « L’office national météorologique », L’information géographique, 2-3, 1937, p. (...)
7Quarante-trois stations météorologiques supplémentaires sont construites en l’espace de quatre ans, quasiment toutes consacrées à la pluviométrie, signe d’une préoccupation grandissante de la direction générale de l’Agriculture pour les conditions météorologiques et le problème de la sécheresse. Le développement de ces stations est également lié aux progrès scientifiques que connaissent les sciences météorologiques à la même époque en métropole, en lien avec la construction de l’Office national météorologique (ONM)22. La plupart des stations sont gérées par les services de l’Agriculture, d’autres le sont par l’Instruction publique ou les Travaux publics. Les données, consignées dans les rapports de la direction générale de l’Agriculture, montrent plusieurs éléments (figure 3).
Figure 3 : Pluviométrie en Tunisie (1919-1924)

D’après Résidence générale de Tunisie, Rapport envoyé au Président de la République sur la situation en Tunisie, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1919 à 1925.
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- 23 Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statis (...)
8L’acmé de la sécheresse intervient en 1921, notamment au nord du pays (Bizerte, Beja, Tunis), qui concentre les surfaces de blé, dans la vallée de la Medjerda. Ce pic entraîne une sous-production l’année suivante, due conjointement à la baisse des surfaces et à celle des rendements, que l’on peut constater à travers les statistiques de la Résidence générale23 (figures 4 et 5).
Figure 4 : Surfaces de blé tendre en Tunisie (1918-1925)

D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 265-269.
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Figure 5 : Rendement du blé tendre à l’hectare en Tunisie (1918-1925)

D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 265-269.
© Nessim Znaien
9De manière générale, on observe une plus grande variété des rendements que des surfaces. Cela s’explique par le fait que les précipitations sont de nature comparable chaque automne (sauf en 1921), ce qui ne modifie pas les surfaces plantées. En revanche, elles varient au printemps et en début d’été, ce qui a une incidence sur les rendements. La sécheresse concerne toutes les céréales. Les productions de blé dur et d’orge chutent respectivement de 69 % et 84 % en 1922 contre 43 % pour le blé tendre. Elles ne sont donc pas en mesure de compenser les pertes de blé tendre. À chaque baisse (1919, 1920, 1924), le blé tendre est moins touché que le blé dur et l’orge car sa culture est quasi exclusivement présente au nord du pays, moins touché par les épisodes d’absence de pluie, alors que le blé dur et l’orge sont aussi cultivés dans le sud.
10Cette explication de la crise agricole que la Résidence générale propose à son autorité de tutelle n’est pas la seule lecture de l’époque. Les accusations, traditionnelles en temps de crise, visant les spéculateurs émergent notamment pour la crise de 1924, comme dans cet article du Journal de Tunis :
- 24 Journal de Tunis, « Le prix du pain », 20 février 1924. Voir aussi, Le courrier de Tunis, « L’expor (...)
« Cette histoire de la hausse automatique du prix du pain serait curieuse si elle n’était burlesque et criminelle à la fois. On se demande si véritablement nos minotiers et nos boulangers ne se sont pas entendus pour exacerber la patience des consommateurs et provoquer une descente dans la rue. Car pour le profane que nous sommes, nous ne pouvons comprendre ces hausses successives sans supposer qu’il y a là un simple jeu de spéculation savamment fait, mais qui finit en fin de compte par devenir visible tout de même à l’œil le moins expérimenté24. »
- 25 Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statis (...)
- 26 Alain Chatriot, La politique du blé. Crises et régulation d’un marché dans la France de l’entre-deu (...)
11L’article n’est pas signé mais renvoie dos à dos les professionnels du pain et la Résidence générale, en accusant les uns et les autres de spéculer, notamment par le jeu des exportations. L’article pointe dans tous les cas une réalité, celle que les exportations de blé ne sont jamais supprimées au cours de la période, et sont principalement destinées à la métropole25, dans un contexte français de crise agricole latente et de forte fluctuation des prix du marché du blé26.
Des réactions contrastées à la crise
12Face à la pénurie de blé en Tunisie, la Tunisie importe bien plus de blé tendre que durant les cinq années suivantes ou précédentes (figure 6).
Figure 6 : Importations de céréales en Tunisie (1918-1925)

D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 382-383.
© Nessim Znaien
- 27 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1919, p. 9.
13On le voit, la Direction de l’agriculture fait importer de la farine en Tunisie en 1921, avec un pic en 1922, pour pallier une déficience de la minoterie tunisienne, ou la forcer à baisser ses tarifs. Par ailleurs, les importations de céréales compensent en partie le déficit de 200 000 à 300 000 quintaux par rapport à 1918 que connaît la Tunisie durant cette période. Elles s’effectuent sur instruction du ministère des Affaires étrangères français27, et parfois couvrent davantage que les besoins de la Tunisie, ce qui permet de cacher une redistribution quasiment gratuite vers la métropole : la Tunisie achète des blés d’un pays tiers et paye avec le budget de la colonie les taxes douanières, qu’elle renvoie en partie vers la France. La colonie admet en effet en franchise en France les céréales depuis la loi du 19 juillet 1890. Les tarifs sont préférentiels pour la métropole et le commerce contrôlé par les compagnies de navigation française. Ces pays tiers auxquels la Tunisie achète le blé évoluent au cours de la décennie (figure 7).
Figure 7 : Provenance des importations de blé dur et tendre en Tunisie (1920-1925)

D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 384-385.
© Nessim Znaien
- 28 Journal de Tunis, « Un sombre avenir se prépare », 1er mars 1924.
- 29 Voir sur ce point, Gabriele Montalbano, Les Italiens de Tunisie : la construction de l’italianité d (...)
14La Résidence générale tente clairement de réduire les risques de dépendance à un seul pays, en s’adaptant à la variation des cours mondiaux du blé. Au début de la décennie, les États-Unis représentent quasiment l’unique source de blé importé. D’autres pays comme l’Argentine28, voire l’Italie ou la Tripolitaine, fournissent ensuite du blé, ce qui illustre les liens économiques de la péninsule italienne avec un territoire où elle compte historiquement de nombreux ressortissants29.
- 30 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1920, p. 12 ; Résidence générale, Rapport…, op. (...)
15Puisque le blé dur ou l’orge subissent des baisses encore plus importantes que celles du blé tendre, les importations de blé constituent une solution de moyen terme : elles évitent l’installation d’une situation de famine et permettent à la direction générale de l’Agriculture de régler la question des soudures à échéance de l’année, sans éviter les crises de court terme. La présence de nombreux intermédiaires (producteurs de blé, vendeurs, minotiers, boulangers) explique que l’injection de blé sur le marché ne peut pas avoir d’effets immédiats. La Résidence ne parvient donc pas à éviter les répercussions de la pénurie de production de blé dans le prix du pain, notamment à deux moments30 : d’août 1919 à octobre 1920, le prix du pain passe de 0,60 à 1,20 franc le kilo, et, de décembre 1923 à octobre 1924, il passe de 1,05 à 1,40 franc le kilo. La première inflation est à mettre en relation avec la baisse de production de blé tendre entre 1918 et 1920 (figure 1), malgré le maintien des surfaces de production (figure 4). La deuxième en revanche intervient à un moment de remontée des productions, mais consécutif à quatre années de baisse (figure 1), ce qui explique que la situation de pénurie n’a pas été totalement réglée.
- 31 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Lettre du contrôleur civil de Sfax à M. Lucien (...)
16La crise de 1924 entraîne davantage de contestations sociales. L’inflation est plus brutale, le prix du pain passe de 1,05 à 1,25 franc entre décembre et février et intervient à un moment où celui-ci est déjà très haut en comparaison de ce qu’il était quatre années auparavant. Des manifestations contre la vie chère à l’appel de certains syndicats, notamment de fonctionnaires, ont lieu en mars 1924 à Sfax ou à Bizerte31. Si le rythme des augmentations de prix est différent, les deux crises ont en commun de se développer au cours du premier trimestre de l’année, comme une répercussion des cours des blés (figure 8).
Figure 8 : Prix maximum du blé à la place de Tunis (1925-1930)

D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 456-457 ; Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie,1930, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1932, p. 436-437.
© Nessim Znaien
17Les cours étant traditionnellement plutôt hauts au dernier trimestre, ils se répercutent dans le prix de la farine, puis dans le prix du pain de manière décalée, au cours de la première période de l’année. La hausse des prix dans une dernière partie de l’année s’explique par la mise en stock, qui suit immédiatement la récolte, par les autorités des services agricoles ou les meuniers. Celle-ci atténue la chute brutale des prix. Face aux deux crises, l’approche de la Résidence générale est légèrement différente.
L’enjeu de la crise de 1919-1920 : contrôler le marché du blé
- 32 Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statis (...)
- 33 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1920, p. 9.
- 34 Ibid.
- 35 Voir par exemple CADN, Premier versement, 999-1, Chambre de commerce de Tunis. Séance du 22 mars 19 (...)
- 36 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1921, p. 10.
- 37 Alain Chatriot, La politique du blé…, op. cit., p. 64-65.
- 38 Ibid.
- 39 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1919, p. 12.
18La gestion de crise en 1919-1920 se caractérise d’abord par l’intervention des services centraux du protectorat à toutes les étapes : limitation des exportations et encadrement des importations de céréales ; fixation des prix et de la qualité des farines ; fixation de la qualité et du prix des pains. Les blés sont alors les seules céréales concernées par un tarif réglementé fixé par l’État32. Ce prix est d’abord fixé à 60 francs le quintal et réévalué au cours de l’été, après la moisson (à 100 francs par exemple en août 1920)33. Pour faciliter le contrôle sur la production, une directive de la métropole autorise l’État tunisien à acheter et à réquisitionner le blé de la récolte 192034. La fin de l’intervention de l’État dans le commerce des céréales est cependant actée en 1921, sous la pression des acteurs du commerce35 : associations de négociants en céréales, associations de minotiers, mais aussi présidents de chambres d’agriculture et de commerce36. Les exportations des blés deviennent libres à partir du 1er juillet, signe de la dérégulation du marché. Les sources manquent pour analyser ce phénomène. La montée en puissance des corporations liées au blé, notamment des meuniers, également relevée par Alain Chatriot pour la métropole à la même époque37, est l’hypothèse la plus probable. Le seul levier que garde l’État reste les droits de douane aux importations, qui sont relevés à partir de juillet 1921 et permettent, alors que la moisson de juillet de la même année a été meilleure, de ne pas faire baisser les prix du marché38 et de soutenir les producteurs de céréales. Ce qui est valable pour le commerce des grains l’est aussi pour la transformation des grains en farine. Des arrêtés en avril et mai 1920 réglementent les prix du son de blé (l’enveloppe du blé) et les prix de vente des blés aux minotiers39.
- 40 Archives nationales tunisiennes (ANT), E, 620, 14, 2, Arrêté du Premier ministre du 1er octobre 192 (...)
- 41 Voir Claude Liauzu, « Cheminots majorés et cheminots guenillards en Tunisie jusqu’en 1938 », Revue (...)
- 42 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1920, p. 13.
- 43 Ibid., p. 10.
- 44 Voir Hedi Jellab, Al-nukhba..., op. cit., p. 30-33 ; Nessim Znaien, Les raisins de la domination. H (...)
- 45 Voir sur ce point Habib Kazdaghli, Awrāq min tārīkhinā : al-ḥizb al-shuyū‘ī al-tūnisī [Document d’h (...)
- 46 Alain Chatriot, « La taxation du pain. L’État et l’organisation du ravitaillement durant la Premièr (...)
19Enfin, la politique interventionniste de l’État de ces années s’applique aussi pour le pain. Des arrêtés ministériels sont pris pour fixer le prix du pain et limiter sa hausse. L’arrêté d’août 1919 porte le prix du pain de consommation courante à 0,65 franc le kilo, celui d’octobre à 0,80 franc. Un troisième arrêté en octobre 1920 porte le prix à 1,20 franc le kilo40. Ces montants restent énormes si l’on considère que le salaire journalier d’un ouvrier agricole tunisien à l’époque est de deux francs par jour, et celui d’un cheminot français de huit francs en 192541. Les directives portent aussi sur les alternatives au pain de blé tendre, censées être moins chères. Le prix du pain de gruau fleur est porté de 0,65 à 0,95 franc en 192042. Enfin, l’intervention étatique porte sur la composition des pains, la limitation des mélanges de gruau fleur (partie granuleuse du grain de blé non totalement moulue), la farine de blé tendre et l’interdiction du pain de semoule43. Il s’agit de soutenir le marché du blé tendre et de sa farine, peu compétitif car beaucoup plus cher. Le pain de semoule faisait trop concurrence à la baguette de blé tendre, et son interdiction s’inscrit dans une volonté de soutenir les producteurs de cette céréale. Cette politique interventionniste s’inscrit dans le sillage des sorties de guerre et d’une politique étatique beaucoup plus interventionniste dans l’agriculture à partir de 191444. Les acteurs du secteur ne sont pas encore assez organisés pour argumenter puissamment en faveur de la baisse de l’intervention étatique qui leur permettrait de gérer leur marge. En outre, des courants d’opinion socialistes et communistes influents à Tunis dans l’entre-deux-guerres45 poussent à une plus grande participation de l’État dans l’économie. Enfin et surtout, les administrateurs français sont certainement influencés par les tendances politiques métropolitaines qui poussent à un encadrement encore clair des marchés des blés et du pain jusqu’à la loi du 9 août 192046.
L’enjeu de la crise de 1923-1924 : organiser la charité publique
- 47 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1922, p. 51.
- 48 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre de l’Inspecteur général de l’agriculture à M. Le Directeur Général de l’ (...)
20Quatre ans plus tard, les rapports de force ont évolué. Les professionnels du secteur n’ont pas seulement obtenu un recul de l’État dans la fixation des prix du marché en 1921 et 1922. La puissance publique ne contrôle également plus tous les leviers des importations et des exportations : les meuniers peuvent librement procéder à l’importation de blé étranger à partir de février 192247, pour obtenir des grains moins chers, et donc augmenter leur profit. En conséquence, la gestion de crise en 1923-1924 apparaît économiquement moins interventionniste et l’ingérence de l’État se concentre sur son rôle d’acteur de la charité publique. Il ne s’agit plus d’orienter coûte que coûte le marché et de faire bouger les prix, mais plutôt d’aider les consommateurs les plus pauvres à surmonter la crise. Les rapports des services de l’agriculture indiquent, dès février 1923, le risque d’une augmentation à venir des prix du blé, donc par ricochet de la farine puis du pain48. Cette démarche anticipatrice trouve son fondement dans le développement des outils de contrôle météorologique (cf. supra). En réaction, les autorités locales (contrôleurs civils, Cheikh el Medina) œuvrent pour garantir des distributions gratuites de pain, des pains moins chers faits de succédanés dans certaines boulangeries, et une lutte en tout cas théorique contre les fraudes.
- 49 Voir Abdelhamid Larguèche, Les ombres de Tunis. Pauvres, marginaux et minorités aux XVIIIe et XIXe (...)
- 50 Six de ces sociétés sont créées entre 1921 et 1923 dans différentes villes du pays. Voir Fayçal el (...)
- 51 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Note pour M. le Résident général, 23 janvier 19 (...)
- 52 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre du Cheikh el Medina à M. le Directeur Général de l’intérieur, 20 mars 19 (...)
- 53 ANT, B, 172, 68, Amin fourniers à Tunis, Lettre du Cheikh el Medina au premier ministre, 12 avril 1 (...)
- 54 Voir Rached Lakhal, Le marché de la viande à Tunis aux XVIIIe et XIXe siècles : élevage, commerce e (...)
- 55 Voir notamment ANT, B, 172, 68, Amīn fourniers à Tunis, Lettre du Cheikh el Medina au premier minis (...)
- 56 Résidence générale, Rapport…, op. cit., 1924, p. 9.
21Les distributions gratuites de blé et de pain sont organisées à partir de janvier 1924, selon une tradition déjà bien présente depuis le XIXe siècle, où l’État n’est pas le seul acteur49, avec notamment le rôle des sociétés de bienfaisance50. Il s’agit d’allouer 5 kilos de blé dur par mois, entre février et juillet, à certaines familles tunisiennes jugées les plus exposées à la hausse des prix. C’est le Cheikh el Medina qui établit la liste des familles nécessiteuses51, ce qui lui permet d’entretenir un réseau d’individus lui étant redevables, de renforcer son pouvoir personnel et de participer au maintien de l’ordre en achetant la paix sociale par le pain. L’enveloppe budgétaire totale accordée par l’État étant de 70 000 francs, et le kilo de blé se négociant autour de 140 francs, c’est une quinzaine de familles qui bénéficient de ce dispositif. Cette gestion est révélatrice du poids politique du Cheikh dans les années 1920 : celui-ci est consulté sur les décrets sur le pain, et rajoute son nom aux côtés de celui du Premier ministre du protectorat52. Il parvient également à convaincre les autorités françaises de reconstituer la profession d’amīn des boulangers et des fourniers, chargés de régler les conflits dans la profession et possédant le pouvoir de donner certaines amendes53. Cette fonction d’amīn existait à l’époque moderne et avait connu un déclin dans la deuxième partie du XIXe siècle, en lien avec le déclin plus général des corporations54. Le Cheikh la reconstitue pour l’aider à gérer la crise, il impose ses candidats à ce poste, le Premier ministre se contentant de ratifier les choix du notable tunisien55, par méconnaissance du terrain et sans doute par volonté de ne pas intervenir dans le monde des boulangers. Au-delà de la question même du pain et de sa gestion laissée au Cheikh el Medina, une politique plus globale de soutien à certaines catégories de la population est d’ailleurs menée en 1924, avec une indemnité de cherté de vie pour les fonctionnaires français, dans la même idée de tentatives d’achat de la paix sociale56.
- 57 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Note pour M. le ministre plénipotentiaire, Rési (...)
- 58 Ce que la Résidence générale rend aussitôt public, via les journaux proches des autorités : La Dépê (...)
- 59 ANT, E, 620, 14, 2, Arrêté du Premier ministre du 1er octobre 1920, Journal officiel du 2 octobre 1 (...)
22Le deuxième aspect de cette politique consiste à créer un marché parallèle, moins cher que le principal, en espérant que le jeu de la concurrence amènera les prix à s’aligner sur le marché aux prix les plus bas. Il s’agit d’inciter des boulangeries à vendre un pain fait en partie de succédané au blé tendre, en l’occurrence le gruau fleur. La qualité de la farine est moindre, ce qui permet de vendre le pain moins cher. Cette politique, pourtant moins interventionniste qu’une fixation des prix du pain par arrêté, est pourtant imposée avec peine. Le président de l’association professionnelle des ouvriers boulangers ne trouve d’abord aucun boulanger acceptant de vendre du pain de gruau fleur dans la ville européenne de Tunis, le quartier Lafayette, pour un pain à 1 franc le kilo au lieu de 1,20 franc57. Finalement, certaines boulangeries du quartier acceptent de vendre des pains de blé dur58. La mesure est équivalente à celle signée par le bey en janvier 1921 pour les boulangers tunisiens59, qui vendaient davantage à leur public du pain de semoule.
- 60 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Lettre du commissaire de police chargé du servi (...)
- 61 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre du vice-président de la communauté de Nabeul à M. le Directeur Général d (...)
- 62 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre du contrôleur civil de Kairouan à M. de Castillon saint Victor, ministre (...)
- 63 Un autre exemple est donné à Sousse, où le contrôleur civil demande des instructions à la Résidence (...)
- 64 Voir Elisabeth Mouilleau, Fonctionnaires de la République et artisans de l’Empire. Le cas des contr (...)
- 65 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre de l’Inspecteur général de l’agriculture au Directeur Général de l’agric (...)
- 66 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre du Cheikh el Medina au Directeur Général de l’intérieur, 29 janvier 1923
- 67 ANT, E, 620, 14, 2, Note pour M. Le Directeur de la Sûreté publique, 8 mars 1923.
23Le troisième versant de l’intervention de l’État consiste en la surveillance des poids du pain, confiée à la police et à son service de répression des fraudes60. À Nabeul61 ou Kairouan62, les contrôleurs civils demandent dès 1923 des arrêtés de poids minimum, face à la multiplication des fraudes, montrant au passage l’extrême centralisation des politiques publiques63, les contrôleurs civils jouant ici leur rôle d’hommes de terrain, aux pouvoirs de décision limités64. Les rapports se multiplient sur les fraudes des boulangers, qui vendraient des pains de 800 ou 850 grammes pour le prix d’un kilo65. Des plaintes de boulangers tunisiens auprès du Cheikh el Medina face aux saisies policières prouvent qu’à tout le moins, des contrôles policiers ont eu lieu et que cette politique de surveillance des ventes n’a pas été un pur effet d’annonce66. Les plaintes cependant aboutissent, le Directeur général de l’Intérieur demande au Directeur de la Sûreté publique de donner instruction à la police de ne pas appliquer les « textes réglementaires sur la vente du pain de façon trop exagérée67 », illustrant l’absence de volonté politique des autorités françaises pour appliquer des mesures trop contraignantes face au manque d’effectifs policiers.
- 68 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Lutte contre la vie chère, mars 1924.
- 69 Alain Chatriot, La politique du blé…, op. cit., p. 102-108.
- 70 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Note pour M. le ministre plénipotentiaire, Rési (...)
- 71 La Dépêche tunisienne, « La lutte contre la vie chère », 3 février 1924.
- 72 Voir notamment pour la négociation de la baisse des prix au Kef, CADN, Premier versement, 2029, Let (...)
- 73 Elisabeth Mouilleau, Fonctionnaires…, op. cit., p. 157-159.
- 74 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Lettre du contrôleur civil de Bizerte à M. le R (...)
24Au-delà des mesures visant à apaiser certains effets de la crise, la direction générale de l’Agriculture reste le plus souvent dans un discours fataliste face à un phénomène mondial, l’inflation, qui serait même plus mesuré à Tunis que dans la colonie algérienne voisine68. Comme en France métropolitaine69, les politiques alternent cependant entre un laisser-faire et des interventions directes sur le marché, qui ont lieu en 1923-1924 en Tunisie au moins à deux moments. Premièrement, une baisse symbolique de cinq centimes du prix du pain est obtenue par la Résidence générale en février 1924. Des négociations avec les minotiers et les boulangers sont menées dès janvier pour tenter de retarder les répercussions des hausses des cours70. Début février, le Résident général en personne, Lucien Saint, convoque les présidents des associations professionnelles de la meunerie tunisienne et des patrons boulangers de Tunisie. Il obtient le passage symbolique et temporaire du prix du pain de 1,25 à 1,20 franc le kilo, ce qui sert ensuite sa communication dans la presse tunisienne71. Cet épisode cache le fait que la plupart des décisions de baisse des prix en 1923-1924 ne sont pas prises par la Résidence générale elle-même, mais déléguées à des étages décisionnels inférieurs, comme les autorités municipales pour les boulangeries72 ou les contrôleurs civils pour les minoteries, dans un rôle également classique d’« arbitres impossibles »73 de conflits locaux aux enjeux multiples. À Bizerte en mai 1924, les boulangers subissent la pression du commissaire de police pour baisser les prix le plus rapidement possible. Ils mobilisent en retour la chambre de commerce de la ville, qui entre dans le jeu de la négociation et contrebalance le poids du commissaire74.
- 75 La Dépêche tunisienne, « Lutte contre la vie chère. Les restrictions à l’exportation des blés et de (...)
- 76 La Dépêche tunisienne, « La lutte contre la vie chère », 13 mars 1924.
- 77 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029-2030, Note pour M. le Résident général de France (...)
- 78 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1924, p. 13.
- 79 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1925, p. 13.
- 80 Alain Chatriot, La politique du blé…, op. cit., p. 57-69.
25Deuxièmement, la Résidence générale finit par restreindre les exportations de blé à l’étranger à partir de mars 192475. Elle s’y est longtemps opposée pour deux raisons, d’apparence contradictoire. L’une, morale, consiste à affirmer le soutien à l’égard de la métropole dans l’exportation des blés. Le Résident général rappelle que « la Tunisie doit toujours demeurer unie avec la métropole par les liens de la solidarité nationale76 », c’est-à-dire compenser les risques de pénurie en France. L’autre, économique, consiste à faire confiance au marché, en affirmant que la prohibition de sortie n’aurait que peu d’effet, puisque les stocks restant en Tunisie seraient très faibles, donc suffisamment chers pour rendre peu intéressante leur exportation. Une note de janvier 1924 des services économiques à destination du Résident général affirme même que « toute mesure restrictive donnée à cet égard ne devrait être considérée que comme une satisfaction donnée à l’opinion publique qui ne pourrait que se plaindre de sa tardivité77 ». La Résidence générale cède cependant, à la suite de la campagne de presse l’accusant de complicité avec les spéculateurs de crise. La mesure prise reste limitée. Des arrêtés en 1924 et 1925, qui autorisent les meuniers à exporter les farines provenant de blés importés78 ou qui remboursent ces mêmes meuniers des droits de douane à l’importation79, montrent à l’inverse la montée en puissance de la corporation, à l’image de la meunerie métropolitaine80.
- 81 Ibid., p. 326 ; p. 393.
26Les cinq années de baisse des productions de blé tunisien sont d’abord comprises par la Résidence générale et les contrôleurs civils comme des crises conjoncturelles dues à la sécheresse, dans la lignée d’une longue série d’événements climatiques de ce type, y compris à l’époque coloniale. Cette baisse concerne toutes les céréales. Elle entraîne une diminution de la ressource disponible et donc une augmentation du prix de la farine, puis du pain. Le levier des importations et de meilleures récoltes permettent à terme l’amélioration de la situation. Deux fortes augmentations du prix du pain ont cependant lieu, mais sont gérées différemment. En 1919-1920, la politique principale de la Résidence générale consiste à imposer des prix à tous les acteurs du marché, des marchands de blés aux boulangers, dans le sillage d’une prise en main de l’économie par l’État héritée de la Première Guerre mondiale. En 1924, les corporations sont davantage ménagées par les autorités publiques, qui se concentrent sur les distributions de pain gratuites et encouragent la vente de pains de succédanés, moins chers que le pain de blé tendre. Les meuniers gardent une marge de manœuvre dans l’autorisation d’importer eux-mêmes leurs grains ou dans celle d’exporter. Plus encore, c’est un changement d’échelle de la gestion de crise qui s’observe entre les deux moments : la première sécheresse est d’abord gérée par les services centraux et la Résidence générale elle-même, avec une réponse unique et centralisée. La deuxième est laissée aux acteurs des échelons de pouvoir inférieurs ; les contrôleurs civils et le Cheikh el Medina deviennent plus présents dans les archives. Cette politique moins interventionniste doit être nuancée car la Résidence générale intervient malgré tout ponctuellement pour tenter d’infléchir les prix des pains vendus en boulangerie ou pour limiter les exportations de blé en période de pénurie. La gestion de l’épisode de sécheresse de 1919-1924 par les autorités coloniales annonce en tout cas les prémices des politiques du blé durant toute l’entre-deux-guerres, en Tunisie comme d’ailleurs en métropole : la crise des années 1930, l’arrivée du front populaire, la création de l’Office national interprofessionnel du blé (ONIB) et de son pendant tunisien, la Section tunisienne de l’Office national interprofessionnel des céréales (STONIC) conduiront par la suite à une gestion encore plus encadrée et dirigiste des marchés des céréales81.
Notes
1 Voir Jean-François Martin, Histoire de la Tunisie contemporaine, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 139 ; Paul Sebag, Tunis. Histoire d’une ville, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 400-401 ; Nourredine Dougui, Tūnis min al- iyāla ilā al- jumhūriyya [La Tunisie de la régence à la République], Tunis, Presses universitaires de la Manouba, 2016, p. 326.
2 Comme le souligne Kenneth Perkins pour les années 1919-1920, voir Kenneth Perkins, A History of Modern Tunisia, Cambridge, Cambridge University Press, 2014, p. 79-82.
3 Hedi Jellab, Al-nukhba al-iqtiṣādiyya al-tūnisiyya, 1920-1956 [L’Élite économique tunisienne, 1920-1956], Tunis, Manshūrāt al-ma‘had al-‘alī lī-tārīkh al-ḥaraka al-waṭaniyya, 1999, p. 39-41 ; Kraï Constantin, Al-Aryāf al- maḥaliyya wa al-ra’smāl al-isti‘mārī : ẓahīr sfāqs (1892-1929) [Campagne locale et capital colonial : région de Sfax], Manchūrat kuliya ādāb bi-Manūba, 1992 ; Mohamed Frini, « Résistances de l’huile d’olive dans la Tunisie coloniale », L’Année du Maghreb, 14, 2016, p. 133-146.
4 Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie, 1919, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1920, p. 188-189.
5 Sous l’impulsion principalement de l’historiographie américaine. Voir notamment Diana K. Davis, Resurrecting the Granary of Rome. Environmental History and French Colonial Expansion in North Africa, Athens, Ohio University Press, 2007 ; Diana K. Davis, Edmund Burke (dir.), Environmental Imaginaries of the Middle East and North Africa, Athens, Ohio University Press, 2011 ; Will Swearingen, Moroccan Mirages: Agrarian Dreams and Deceptions, 1912-1986, Princeton, N.J., Princeton University Press, 1987.
6 À l’exception notable des ressources liées à l’eau. Voir Brock, Cutler, « Water mania! drought and the rhetoric of rule in nineteenth-century Algeria », The Journal of North African Studies, 2014, 19(3), p. 317-333 ; Carmen Ascanio-Sanchez, Miguel Suárez Bosa, Juan Carlos Almeida Pérez, « Tradition and Modernity: the Water Sector in Morocco during the French Protectorate -1912-1956) », African Historical Review, 2019, p. 67-86 ; Susan-Gilson Miller, « Watering the garden of Tangier: colonial contestations in Moroccan city », The Journal of North African Studies, 2007, p. 25-50 ; Mongi, Bedoui, « L’eau potable dans la région de Sfax pendant la période coloniale », Revue d’histoire maghrébine, 2008, 45, p. 121-142.
7 Dans la lignée des travaux de René Gallissot ou André Nouschi. Voir par exemple René Gallissot, Le Patronat européen au Maroc (1931-1942), Rabat, Centre universitaire de la recherche scientifique du Maroc, 1964 ; André Nouschi, Enquête sur le niveau de des populations rurales constantinoises de la conquête à 1919 : essai d’histoire économique et sociale, Paris, PUF, 1961.
8 Voir notamment Nicolas Michel, Une économie de subsistance. Le Maroc précolonial, Le Caire, IFAO, 1997 ; Mohamed Houbaida, Le Maroc végétarien. XVe-XVIIIe, Rabat, La croisée des chemins, 2008 ; Abdelahad Sebti, Le livre du thé à la menthe. Coutume et histoire, Rabat, Publications de la faculté, 1999 ; Bernard Rosenberger, Société, pouvoir et alimentation. Nourriture et précarité au Maroc précolonial, Rabat, Aliz’es, 2001 ; Stacy Holden The Politics of Food in Modern Morocco, Gainesville, University Press of Florida, 2009 ; Mohamed Frini, Al zît al-zîtûn fi Alâyâla al-tûnisia [L’huile d’olive dans la régence de Tunis], Tunis, Tunisian University Press, 2016 ; Sadok Boubaker, « L’approvisionnement alimentaire de Tunis à l’époque moderne, XVIIe-XVIIIe siècle », dans Brigitte Marin, Catherine Virlouvet (dir.), Nourrir les cités de la Méditerranée, Paris, Maisonneuve et Larose, 2003, p. 443-460.
9 Voir notamment Bernard, Rosenberger, Hamid, Triki, « Famines et épidémies au Maroc aux XVIe et XVIIe siècles », Hespéris tamuda, 14, 1973 ; Rhys, Payne, « Food déficits and Political legitimacy: the case of Morocco », dans Stephen Commins, Michael Lofchie, Rhys Payne, Africa’s Agrarian Crisis: the Roots of Famine, Boulder, Lyne Rienner, 1986, p. 153-172 ; Stacy Holden, « Famine’s fortune: the pre-colonial mechanisation of Moroccan flour production », The Journal of North African Studies, 2010, 15, p. 71-84 ; Muḥammad al-Bazzāz, Tārīẖ al-awbiʾaẗ wa-al-maǧāʿāt bi-al-Maġrib fī al-qarnayn al-ṯāmin ʿašar wa-al-tāsiʿ ʿašar [Histoire des famines et des épidémies au Maroc aux XVIIIe et XIXe siècles], Rabat, Kulliyyāt al-ādāb wa-ʿulūm al-insāniyyaẗ bi-al-Ribāṭ, 1992.
10 À de notables exceptions. Voir Bernard Taithe, « La famine de 1866-1868 : anatomie d’une catastrophe et construction médiatique d’un événement », Revue d’histoire du XIXe siècle, 2010, 41, p. 113-127 ; Laurent Heyberger, Les corps en colonie. Faim, maladie, guerre et crises démographiques en Algérie au XIXe siècle, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2019.
11 Démarche promue dès les années 1960 : voir Jacques Berque, Le Maghreb entre deux guerres, Paris, Seuil, 1962, p. 472. Réalimentée plus récemment par M’hamed Oualdi, Isabelle Grangaud, « Tout est-il colonial dans le Maghreb ? Ce que les travaux des historiens modernistes peuvent apporter », L’Année du Maghreb, 10, 2014, p. 233-254.
12 Voir notamment Lucette Valensi, « Consommation et usages alimentaires en Tunisie aux XVIIIe et XIXe siècles », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 30 (2-3), 1975, p. 600 ; Hedi Temoumi (dir.), khubz al-aġāniyya wa khubz al-fuqarā bil balād al-tūnissiyya khilāl al-‘sr al-hadith [Pain des riches et pain des pauvres en Tunisie à l’époque moderne], Carthage, baīt al-hukuma, 1999, p. 185.
13 Sur les rapports entre les deux administrations, voir notamment Antoine Perrier, « Gouverner sans compter : les effectifs des fonctionnaires marocains et tunisiens entre État colonial et monarchies protégées », Histoire & Mesure, 35 (2), 2020, p. 19-42.
14 Protectorat Tunisie, Direction générale des Finances, Documents statistiques sur le commerce de la Tunisie, Tunis, J. Barlier & Cie, 1920 à 1930.
15 Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie,1930, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1932, p. 240-241.
16 Voir par exemple Latifa Henia, « Les grandes sécheresses en Tunisie au cours de la dernière période séculaire », dans Paul Arnould, Micheline Hotyat (dir.), Eau et environnement. Tunisie et milieux méditerranéens, Lyon, ENS Éditions, 2003, p. 25-36 ; Cutler Brock, « Water and Rural-Urban Relations in the Maghreb », dans Terje Tvedt, Terje Oestigaard, Water and Food: From Hunter-Gatherers to Global Production in Africa, Londres, IB Taurus, 2016, p. 210-230.
17 Résidence générale de Tunisie, Rapport envoyé au Président de la République sur la situation en Tunisie, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1919 à 1925.
18 Voir notamment pour les années 1920 l’insistance qu’en fait Jacques Berque : Jacques Berque, Le Maghreb entre deux guerres, Paris, Seuil, 1970, p. 38 ; p. 49 ; p. 196. Voir pour le Maroc Adam Guerin, “Disaster Ecologies: Land, Peoples and the Colonial Modern in the Gharb, Morocco, 1911-1936”, Journal of Economic and Social History of the Orient, 59 (1), 2016, p. 333-365.
19 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1919, p. 107 ; Rapport…, op. cit., 1920, p. 237-238 ; Rapport…, op. cit., 1921, p. 35 ; Rapport…, op. cit., 1922, p. 225.
20 Voir par exemple Al habiba, « Aḥwāl al-maṭar » [L’état des pluies], 25 octobre 1921 ; Alhabiba, « al ṭaqs tūnisī » [Le temps tunisien], 1er novembre 1921 ; Al ifriqiya, « ḥalat al-mazra‘iyya » [La situation agricole], 4 mai 1922.
21 Particulièrement vrai pour la région de Kairouan. Voir sur ce point Samir Bakouche, Al-Qayrawān, 1881-1939 [Kairouan, 1881-1939], Tunis, Publication des presses de la Manouba, 2005, p. 70-72 ; Habib Belaïd, Jeanne Riaux, « Appropriation et gestion des eaux en Tunisie à l’époque coloniale : une histoire de dépossession(s) ? : cas du Kairouannais », Rawafid, 18, p. 13-36.
22 Voir Gérard Goujon, « L’office national météorologique », L’information géographique, 2-3, 1937, p. 110-111.
23 Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 265-269.
24 Journal de Tunis, « Le prix du pain », 20 février 1924. Voir aussi, Le courrier de Tunis, « L’exportation des céréales », 9 février 1924, et certains rapports des autorités, comme Centre des Archives diplomatiques de Nantes (CADN), Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029-2030, Réflexions sur la vie chère, 1924.
25 Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques…, 1925, op. cit., p. 384-387.
26 Alain Chatriot, La politique du blé. Crises et régulation d’un marché dans la France de l’entre-deux-guerres, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2016, p. 41-45.
27 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1919, p. 9.
28 Journal de Tunis, « Un sombre avenir se prépare », 1er mars 1924.
29 Voir sur ce point, Gabriele Montalbano, Les Italiens de Tunisie : la construction de l’italianité dans un contexte colonial français (1896-1918), thèse de l’École pratique des hautes études et l’université de Florence, soutenue en 2018 ; Daniela Melfa, Migrando a Sud : coloni italiani in Tunisia, 1881-1939, Rome, Aracne, 2008.
30 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1920, p. 12 ; Résidence générale, Rapport…, op. cit., 1924, p. 9.
31 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Lettre du contrôleur civil de Sfax à M. Lucien Saint, 17 mars 1924 ; Rapport à M. le contrôleur civil à Bizerte, 16 mars 1924.
32 Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1932, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1936, p. 354-355.
33 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1920, p. 9.
34 Ibid.
35 Voir par exemple CADN, Premier versement, 999-1, Chambre de commerce de Tunis. Séance du 22 mars 1920.
36 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1921, p. 10.
37 Alain Chatriot, La politique du blé…, op. cit., p. 64-65.
38 Ibid.
39 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1919, p. 12.
40 Archives nationales tunisiennes (ANT), E, 620, 14, 2, Arrêté du Premier ministre du 1er octobre 1920 ; Lettre du vice-président de la municipalité au Directeur général de l’intérieur, 21 novembre 1922.
41 Voir Claude Liauzu, « Cheminots majorés et cheminots guenillards en Tunisie jusqu’en 1938 », Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée, 1977, 24, p. 176.
42 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1920, p. 13.
43 Ibid., p. 10.
44 Voir Hedi Jellab, Al-nukhba..., op. cit., p. 30-33 ; Nessim Znaien, Les raisins de la domination. Histoire sociale de l’alcool en Tunisie sous le Protectorat, Paris, Karthala, 2021, p. 131-135.
45 Voir sur ce point Habib Kazdaghli, Awrāq min tārīkhinā : al-ḥizb al-shuyū‘ī al-tūnisī [Document d’histoire : le parti communiste tunisien], Tunis, Nirvana, 2021.
46 Alain Chatriot, « La taxation du pain. L’État et l’organisation du ravitaillement durant la Première Guerre mondiale en France », dans Florence Descamps, Laure Quenouëlle-Corre (dir.), Une fiscalité de guerre ? Contraintes, innovations, résistances, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2018, p. 289-305.
47 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1922, p. 51.
48 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre de l’Inspecteur général de l’agriculture à M. Le Directeur Général de l’agriculture, 8 février 1923.
49 Voir Abdelhamid Larguèche, Les ombres de Tunis. Pauvres, marginaux et minorités aux XVIIIe et XIXe siècle, Tunis, Arcantères, 2000, p. 117-141 ; Antoine Perrier, « Les biens du Bien. Charité et assistance publique dans l’œuvre des fondations pieuses (awqāf) tunisiennes (1875-1956) », dans Laura Ruiz de Elvira et Sahar Aurore Saeidnia (dir.), Les mondes de la bienfaisance. Les pratiques du bien au prisme des sciences sociales, Paris, CNRS Éditions, 2021, p. 307-326 ; Nessim Znaien, « Manger son pain noir. Les distributions gratuites de pain dans la Tunisie coloniale », dans Sihem Debbabi et Kilien Stengel (dir.), La cuisine du Maghreb n’est-elle qu’une simple histoire de couscous ?, Paris, L’Harmattan, 2020, p. 225-237.
50 Six de ces sociétés sont créées entre 1921 et 1923 dans différentes villes du pays. Voir Fayçal el Ghoul, « Les sociétés musulmanes de bienfaisance dans la Tunisie des années 1930 », Cahiers de la Méditerranée, 65, 2001, p. 53-67.
51 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Note pour M. le Résident général, 23 janvier 1924.
52 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre du Cheikh el Medina à M. le Directeur Général de l’intérieur, 20 mars 1924.
53 ANT, B, 172, 68, Amin fourniers à Tunis, Lettre du Cheikh el Medina au premier ministre, 12 avril 1924.
54 Voir Rached Lakhal, Le marché de la viande à Tunis aux XVIIIe et XIXe siècles : élevage, commerce et consommation, thèse de l’université de Caen, 2011, p. 310 ; Pierre Pennec, Les transformations des corps de métiers de Tunis sous l’influence d’une économie externe de type capitaliste, Tunis, ISEAAN, 1964.
55 Voir notamment ANT, B, 172, 68, Amīn fourniers à Tunis, Lettre du Cheikh el Medina au premier ministre, 12 avril 1924 ; ANT, B, 172, 68, Amīn fourniers à Tunis, Lettre du Premier ministre au Cheikh el Medina, 16 décembre 1925 ; ANT, B, 172, 68, Amīn fourniers à Tunis, Liste.
56 Résidence générale, Rapport…, op. cit., 1924, p. 9.
57 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Note pour M. le ministre plénipotentiaire, Résident général sur l’exécution des diverses mesures arrêtées par la Résidence générale pour venir en aide aux familles nombreuses et aux indigents, 31 janvier 1924.
58 Ce que la Résidence générale rend aussitôt public, via les journaux proches des autorités : La Dépêche tunisienne, « La lutte contre la vie chère », 3 février 1924.
59 ANT, E, 620, 14, 2, Arrêté du Premier ministre du 1er octobre 1920, Journal officiel du 2 octobre 1920 ; Lettre du vice-président de la municipalité au Directeur Général de l’intérieur, 21 novembre 1922.
60 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Lettre du commissaire de police chargé du service de la répression des fraudes, à M. le Directeur de la sureté publique, 17 octobre 1924.
61 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre du vice-président de la communauté de Nabeul à M. le Directeur Général de l’intérieur, 3 février 1923.
62 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre du contrôleur civil de Kairouan à M. de Castillon saint Victor, ministre plénipotentiaire, 3 septembre 1923.
63 Un autre exemple est donné à Sousse, où le contrôleur civil demande des instructions à la Résidence, face à des boulangers se plaignant du prix de la farine. Voir ANT, E, 620, 14, 2, Pétition à M. le vice-président de la municipalité de Sousse, 20 novembre 1922 ; ANT, E, 620, 14, 2, Lettre du vice-président de la municipalité au Directeur Général de l’intérieur, 21 novembre 1922.
64 Voir Elisabeth Mouilleau, Fonctionnaires de la République et artisans de l’Empire. Le cas des contrôleurs civils en Tunisie (1881-1956), Paris, L’Harmattan, 2000, p. 144-156.
65 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre de l’Inspecteur général de l’agriculture au Directeur Général de l’agriculture, 8 février 1923 ; CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029-2030, Note pour M. le Résident général de France, 14 janvier 1924.
66 ANT, E, 620, 14, 2, Lettre du Cheikh el Medina au Directeur Général de l’intérieur, 29 janvier 1923.
67 ANT, E, 620, 14, 2, Note pour M. Le Directeur de la Sûreté publique, 8 mars 1923.
68 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Lutte contre la vie chère, mars 1924.
69 Alain Chatriot, La politique du blé…, op. cit., p. 102-108.
70 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Note pour M. le ministre plénipotentiaire, Résident général sur l’exécution des diverses mesures arrêtées par la Résidence générale pour venir en aide aux familles nombreuses et aux indigents, 31 janvier 1924.
71 La Dépêche tunisienne, « La lutte contre la vie chère », 3 février 1924.
72 Voir notamment pour la négociation de la baisse des prix au Kef, CADN, Premier versement, 2029, Lettre du contrôleur civil du Kef à M. le Résident général, 9 avril 1924.
73 Elisabeth Mouilleau, Fonctionnaires…, op. cit., p. 157-159.
74 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029, Lettre du contrôleur civil de Bizerte à M. le Résident général, 15 mai 1924.
75 La Dépêche tunisienne, « Lutte contre la vie chère. Les restrictions à l’exportation des blés et des farines », 10 février 1924.
76 La Dépêche tunisienne, « La lutte contre la vie chère », 13 mars 1924.
77 CADN, Protectorat Tunisie, Premier versement, 2029-2030, Note pour M. le Résident général de France, 14 janvier 1924.
78 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1924, p. 13.
79 Résidence générale de Tunisie, Rapport…, op. cit., 1925, p. 13.
80 Alain Chatriot, La politique du blé…, op. cit., p. 57-69.
81 Ibid., p. 326 ; p. 393.
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | Figure 1 : Production de blé tendre en Tunisie (1916-1930) |
Légende | D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie,1930, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1932, p. 240-241. |
Crédits | © Nessim Znaien |
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Titre | Figure 2 : Stations météorologiques en Tunisie (1919-1922) |
Légende | D’après Résidence générale de Tunisie, Rapport envoyé au Président de la République sur la situation en Tunisie, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1919 à 1925. |
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Titre | Figure 3 : Pluviométrie en Tunisie (1919-1924) |
Légende | D’après Résidence générale de Tunisie, Rapport envoyé au Président de la République sur la situation en Tunisie, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1919 à 1925. |
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Titre | Figure 4 : Surfaces de blé tendre en Tunisie (1918-1925) |
Légende | D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 265-269. |
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Titre | Figure 5 : Rendement du blé tendre à l’hectare en Tunisie (1918-1925) |
Légende | D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 265-269. |
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Titre | Figure 6 : Importations de céréales en Tunisie (1918-1925) |
Légende | D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 382-383. |
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Titre | Figure 7 : Provenance des importations de blé dur et tendre en Tunisie (1920-1925) |
Légende | D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 384-385. |
Crédits | © Nessim Znaien |
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Titre | Figure 8 : Prix maximum du blé à la place de Tunis (1925-1930) |
Légende | D’après Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie 1925, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1926, p. 456-457 ; Protectorat Tunisie, Direction générale de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, Statistiques générales de Tunisie,1930, Tunis, Société anonyme de l’imprimerie rapide, 1932, p. 436-437. |
Crédits | © Nessim Znaien |
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Pour citer cet article
Référence électronique
Nessim Znaien, « Faire face à la sécheresse : politiques du blé et fixation du prix du pain dans la Tunisie coloniale (1919-1925) », Histoire Politique [En ligne], 48 | 2022, mis en ligne le 01 octobre 2022, consulté le 30 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/histoirepolitique/8566 ; DOI : https://doi.org/10.4000/histoirepolitique.8566
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