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Dossier

Gouverner la nature, moderniser le colonialisme : Hans J. Brédo, la recherche antiacridienne et la coopération interimpériale en Afrique (années 1930 – années 1950)

Governing nature, modernizing colonialism: Hans J. Brédo, locust control research and inter-imperial cooperation in Africa (1930s–1950s)
Damiano Matasci

Résumés

À partir de la trajectoire professionnelle de l’entomologiste belge Hans J. Brédo, cet article retrace les tentatives menées à partir des années 1930 pour établir une coopération interimpériale visant à prévenir les invasions de criquets en Afrique. Figure majeure de la recherche antiacridienne au Congo belge, Brédo dirige en effet dès 1941 l’un des premiers organismes consacrés à la lutte contre ce fléau, l’International Red Locust Control Service d’Abercorn (Rhodésie du Nord). Son travail permet de mettre en lumière un aspect encore peu connu de la production des savoirs coloniaux ainsi que les manières dont les scientifiques européens ont pensé, de façon concertée, les interdépendances entre les mondes végétal, animal et humain. Le parcours de Brédo dévoile aussi comment la gestion de l’environnement naturel a participé à la « modernisation du colonialisme » et aux politiques développementalistes menées après la Seconde Guerre mondiale. Enfin, cette approche microhistorique pose les jalons d’une histoire transimpériale de l’Afrique qui, tout en décloisonnant une recherche souvent focalisée sur des espaces impériaux singuliers, se veut attentive aux expériences et aux vécus individuels.

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Texte intégral

  • 1 Les acridiens sont une famille d'insectes orthoptères, qui inclut notamment les criquets et les sau (...)

1Fondé sur l’étude d’une trajectoire individuelle, celle de l’entomologiste belge Hans Joseph Brédo (1903-1991), cet article retrace l’émergence d’une politique de coopération interimpériale visant à prévenir les ravages provoqués par les invasions de criquets en Afrique. Catastrophe naturelle concernant à des degrés divers l’ensemble du continent et constituant encore aujourd’hui un enjeu majeur pour l’agriculture et l’approvisionnement alimentaire de nombreux pays, ce problème commence à intéresser la communauté scientifique dès les années 1920, en métropole comme en outre-mer. La recherche antiacridienne fait ensuite l’objet d’une collaboration de plus en plus poussée entre les savants coloniaux, avant de devenir partie intégrante des politiques de développement colonial au début des années 1940 et surtout après la Seconde Guerre mondiale1.

  • 2 Sur Hans J. Brédo, voir Jean-Paul Harroy, La lutte anti-acridienne et Hans Brédo, Bruxelles, Académ (...)

2Le parcours de Hans J. Brédo offre un terrain d’observation particulièrement privilégié pour saisir cette évolution2. Entomologiste du gouvernement et responsable de la lutte antiacridienne au Congo belge au cours des années 1930, il est nommé directeur de l’un des premiers organismes interimpériaux consacrés à l’étude et au traitement de ce problème, l’International Red Locust Control Service (IRLCS). Basé à Abercorn (Rhodésie du Nord, actuelle Zambie) dès 1941, il entreprend des campagnes de recherche et d’éradication des criquets nomades dans plusieurs « zones à risque » (outbreak areas) situées dans la région frontalière entre la Rhodésie du Nord, le Congo belge (actuelle République démocratique du Congo) et le Tanganyika (actuelle Tanzanie), en particulier autour des lacs Rukwa et Mweru Wantipa. En 1952, Brédo est recruté en tant qu’adjoint scientifique auprès du Conseil scientifique pour l’Afrique au Sud du Sahara, un organisme mis en place en 1950 et rassemblant d’éminents savants issus de toutes les puissances coloniales européennes. Il travaille ensuite en Amérique centrale pour le compte de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, 1956-1960) avant de retourner en Afrique pour diriger de 1960 à 1967 le Desert Locust Project, un programme FAO-PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) dans lequel sont expérimentés des moyens de contrôle et d’éradication d’une ampleur et d’une portée jusqu’alors inégalées.

  • 3 Helen Tilley, Africa as a Living Laboratory: Empire, Development, and the Problem of Scientific Kno (...)
  • 4 John Kent, The Internationalization of Colonialism. Britain, France, and Black Africa 1939-1956, Ox (...)
  • 5 Frederick Cooper, « La modernisation du colonialisme et les limites de l’empire », Labyrinthe, n° 3 (...)

3Cette trajectoire individuelle traverse plusieurs espaces géographiques (Congo belge, Afrique du Sud-Est, Amérique centrale) et institutionnels (administrations coloniales, organisations internationales et interimpériales). Elle permet alors de discuter trois enjeux historiographiques majeurs relatifs à la période coloniale tardive, autour desquels cet article est structuré. Tout d’abord, l’Afrique comme « laboratoire vivant3 ». Le travail mené par Brédo permet en effet d’examiner un aspect encore peu connu de la production des savoirs coloniaux et d’éclairer les manières dont les scientifiques européens ont pensé les interdépendances entre les monde végétal, animal et humain. Ensuite, son parcours met en lumière une nouvelle dimension du processus d’internationalisation des affaires coloniales : si les circulations et les transferts de savoirs entre et par-delà les empires ont fait l’objet de nombreuses études, les travaux sont moins diserts sur les dynamiques de leur institutionnalisation au sein d’organismes intergouvernementaux permanents4. Enfin, la trajectoire de Brédo illustre comment la coopération scientifique interimpériale a participé à la « modernisation du colonialisme5 », et plus particulièrement aux tentatives qui ont été entreprises après la Seconde Guerre mondiale pour le relégitimer sur la scène nationale et internationale.

L’Afrique comme « laboratoire vivant »

  • 6 Christophe Bonneuil, Des savants pour l’empire : la structuration des recherches scientifiques colo (...)
  • 7 Donald Antony Low, John Lonsdale, « Introduction », dans Donald Antony Low, Alison Smith (eds.), Hi (...)

4Dès les années 1930, la recherche scientifique coloniale connaît une expansion formidable, en métropole comme en outre-mer. De nombreux instituts de recherche sont mis en place et la formation du personnel est de plus en plus professionnalisée, incluant progressivement des Africains6. Selon l’historienne Helen Tilley, l’Afrique devient ainsi un véritable « laboratoire vivant » : la gestion des ressources naturelles est placée au cœur d’une vaste entreprise de recherche qui investit tous les domaines des sciences naturelles et humaines (pédologie, agriculture, maladies humaines, épizooties, sociologie, etc.). Cette dernière accompagne les politiques de développement et la technocratisation de l’État colonial, devenant ainsi l’un des éléments caractéristiques de la « seconde occupation coloniale7 ».

  • 8 Les études sur ce sujet sont encore rares. Signalons toutefois les travaux suivants : Holger Weiss, (...)
  • 9 Au Congo belge, ces invasions sont principalement le fruit de deux espèces de criquets : le criquet (...)
  • 10 Archives générales du Royaume 2 - dépôt Joseph Cuvelier (AGR2, Bruxelles), Service du personnel d’A (...)

5Dans ce contexte, la recherche antiacridienne prend une importance toute particulière, quoiqu’encore largement négligée par les historiens8. Au tournant des années 1930, en effet, débute une invasion de criquets qui, par vagues successives, durera jusqu’au milieu des années 1940 et touchera de larges parties de l’Afrique subsaharienne9. Hans J. Brédo commence sa carrière précisément dans ce contexte. Après des études à l’université de Louvain, à l’Institut de médecine tropicale de Bruxelles et un stage au Musée royal du Congo belge, il est en poste à partir de 1929 au Jardin botanique d’Eala, au Congo belge. Nommé entomologiste du Gouvernement, il est rapidement confronté aux invasions de deux types de criquets, migratoires et nomades, auxquels il va consacrer l’essentiel de son temps. Il établit sa base de recherche à Bambesa, avant de déménager, fin 1933, à Nioka, dans la région du Kibali-Ituri, où il installe un laboratoire de recherches entomologiques à Kasenyi, près du lac Albert. Il y reste jusqu’en 1937, lorsqu’il est muté au Katanga, alors en proie à une invasion de criquets. Basé à Élisabethville jusqu’en 1941, il alterne de longues missions de recherche, principalement dans la région des Grands Lacs, et des séjours en métropole ou à l’étranger, notamment pour participer à des conférences scientifiques10.

  • 11 AGR2, Archives du ministère des Colonies. Service de l’Agriculture, AGRI (465). La question acridie (...)
  • 12 Sur Boris P. Uvarov, voir Michael Worboys, « Imperial Entomology: Boris P. Uvarov and Locusts, c. 1 (...)
  • 13 Jean-Paul Harroy, op. cit., p. 40.

6Au cours de cette période, Brédo joue un rôle central dans l’étude et la compréhension de ce phénomène naturel particulièrement dévastateur. Il étudie tout d’abord la biologie de ces insectes, les conditions et les modalités de leur reproduction. Un vaste travail de terrain est aussi effectué afin de surveiller les essaims et leurs déplacements, de récolter des spécimens et d’évaluer les dommages économiques. Ces informations sont aussi systématiquement rassemblées par les administrateurs coloniaux et les autres entomologistes en charge de la question (à l’image de Charles Seydel)11. Les observations de Brédo confirment la théorie dite des phases formulée en 1921 par l’entomologiste britannique d’origine russe Boris Petrovitch Uvarov12, selon laquelle les criquets, au cours de leur croissance, connaissent une première phase solitaire qui, en fonction de conditions écologiques déterminées se produisant très rarement, peut évoluer vers une phase grégarigène, donnant à ces insectes des couleurs et des formes particulières. Une mue que Brédo observe sur le terrain et qu’il parvient par ailleurs à reproduire (et même à invertir) dans son laboratoire avec des criquets capturés13.

  • 14 Natural History Museum Archives (NHMA, Londres), AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Rapport de Ha (...)

7Parallèlement à ces recherches, il s’agit aussi d’expérimenter des moyens de lutte. C’est ce à quoi Brédo s’attelle durant ses longues missions au Congo belge et au Ruanda-Urundi au cours des années 1930. Il y développe notamment la technique dite du beating : creuser des fossés puis ratisser les surfaces servant de lieu de reproduction pour y faire glisser les bandes de larves et ensuite les écraser14. Une autre méthode consiste à procéder à des houages superficiels du sol afin de détruire les oothèques. Contre les essaims en vol, en revanche, hormis l’allumage de feu de brousse ou une intervention humaine bruyante, aucune solution satisfaisante n’existe.

  • 15 Sur ces questions, voir Jacob Tropp, « Locust Invasions and Tensions over Environmental and Bodily (...)
  • 16 AGR2, Archives du ministère des Colonies. Service de l’Agriculture, AGRI (466). Enquête biologique (...)
  • 17 NHMA, AL/2/16. Box 23. Belgian Congo 6143. Lutte antiacridienne. Semaine du 13 au 18 juillet 1931. (...)

8Si elles sont plus ou moins efficaces selon les situations, ces techniques réactivent des pratiques et des savoirs précoloniaux. De nombreux témoignages oraux sur les invasions précédentes, datant de la fin du XIXe siècle, sont en effet recueillis auprès des populations locales, qui sont par ailleurs mobilisées de manière plus ou moins volontaire pour lutter contre ce fléau15. Avec les légendes et les récits mythiques existant sur ce sujet, ils offrent une somme d’informations dont l’utilité est même reconnue par le gouverneur général du Congo belge Auguste Tilkens16. Cela permet en effet de valider ou d’orienter, du moins indirectement, les hypothèses des chercheurs coloniaux, à l’image de la théorie des phases évoquée plus haut. En 1931, un agronome en poste à Bukavu signale par exemple qu’« il m’a été donné d’apprendre auprès de l’indigène que celui-ci connaît plus d’une variété d’acridiens […] et [qu’]il sait distinguer plusieurs stades de la même variété par un nom propre17 ».

  • 18 The National Archives (TNA, Kew), AY 11/129. Lettre de Donald L. Gunn à Boris P. Uvarov, 2 janvier  (...)
  • 19 Donald L. Gunn, Locust Control by Aircraft in Tanganyika. An Experimental Campaign, Anti-Locust Res (...)

9Progressivement, les moyens de la lutte antiacridienne se perfectionnent. À la suite d’expérimentations menées en Union d’Afrique du Sud, une autre technique – appelée baiting – est mise au point : des appâts empoisonnés, composés par un mélange d’arsénite de soude et de farine de manioc, remplacés dans les années 1940 par des pulvérisations à base de gammexane, de dinitro-ortho-cresol et d’autres produits, qui se révéleront plus ou moins nocifs pour la faune, la flore et les êtres humains18. D’abord sceptique, Brédo développe ces techniques dès 1936-1937 et, surtout, tout au long des années 1940, lorsqu’il est basé à Abercorn. Les épandages manuels sont progressivement abandonnés au profit de procédés mécaniques, couplés à partir de 1947 à des pulvérisations aériennes, en mesure d’attaquer et de détruire des essaims en plein vol19.

  • 20 TNA, AY 11/124. Note sur l’activité de la mission d’étude des acridiens, janvier 1939-décembre 1940
  • 21 Voir les rapports suivants : NHMA, AL/2/16. Box 23. Belgian Congo 6143. Recherches relatives aux fo (...)
  • 22 NHMA, AL/2/16. Box 23. Belgian Congo 6143. Lutte anti-acridienne. Semaine du 13 au 18 juillet 1931.
  • 23 Donald L. Gunn. « The Red Locust », Journal of the Royal Society of Arts, vol. 100, n° 4868, 1952, (...)

10Cette vaste entreprise visant à comprendre et à gouverner la nature s’accompagne enfin d’un autre grand enjeu scientifique : l’identification des foyers grégarigènes, c’est-à-dire des zones où les criquets, en fonction de conditions écologiques bien précises, comme le niveau des précipitations pluvieuses, évoluent d’une phase solitaire à une phase grégarigène. Si les aires de reproduction peuvent être nombreuses, celles qui permettent cette mue sont en revanche bien plus limitées. Cette hypothèse fait l’objet de grandes controverses tout au long des années 1930. Après ses missions et des observations sur le terrain, dont les résultats sont systématiquement communiqués à Boris P. Uvarov et discutés lors des conférences internationales, Brédo se convainc que les foyers grégarigènes de l’une des principales espèces de criquets – le criquet nomade ou rouge – ne se situent pas au Congo belge, mais plus à l’Est, vers le lac Mweru Wantipa en Rhodésie du Nord, région qu’il explore à plusieurs reprises à la fin des années 193020, ainsi que vers le lac Rukwa, au Tanganyika21. À nouveau, ce savoir se forge aussi grâce aux connaissances des populations locales22. Les premières informations sont en effet fournies par Mwene Maria, cheffe d’un village situé près du lac Rukwa (Sakalilo), qui en 1934 aurait indiqué aux premiers entomologistes britanniques travaillant sur le sujet au moins deux lieux où régulièrement se trouvent de fortes concentrations de criquets23.

  • 24 Hans Brédo, « La lutte internationale contre les sauterelles », Bulletin agricole du Congo belge, n (...)

11Cette question est centrale : si l’hypothèse s’avère correcte, il deviendrait en effet possible d’établir une « nouvelle police antiacridienne24 ». Fondée sur une lutte préventive, celle-ci pourrait empêcher la formation des essaims directement dans leur lieu d’origine et éviter que ceux-ci ne s’envolent et parcourent des dizaines, voire des centaines de kilomètres.

Internationaliser le colonialisme

  • 25 John Kent, op. cit.
  • 26 Sur ces processus, voir Florian Wagner, Colonial Internationalism and the Governmentality of Empire (...)

12Si elle témoigne de l’émergence d’un nouvel agenda de recherche centré sur l’étude et la gestion de l’environnement, l’intense activité scientifique menée par Hans Brédo fait aussi rapidement émerger une autre nécessité, celle de la collaboration internationale. Faisant l’objet de tentatives de coordination depuis le début du XXe siècle, la lutte antiacridienne est en effet un véritable problème régional, voire transcontinental, ainsi que le note Brédo en 1945 dans le Bulletin agricole du Congo belge. Du point de vue historiographique, ce terrain offre donc un bon observatoire pour saisir les formes, les logiques et les limites du processus d’« internationalisation du colonialisme25 ». Il permet en effet de montrer non seulement comment les empires, malgré les rivalités et les concurrences, ont alimenté des échanges et des transferts de savoirs mutuels, mais aussi comment ces circulations, informelles jusqu’aux années 1940, sont ensuite institutionnalisées au sein d’organismes intergouvernementaux permanents26.

  • 27 Pierre-Yves Saunier, « Les régimes circulatoires du domaine social 1800-1940 : projets et ingénieri (...)
  • 28 Michael Worboys, op. cit., p. 37-40.
  • 29 TNA, AY 11/50. Comptes rendus de la Vconférence internationale pour les recherches antiacridienne (...)
  • 30 TNA, AY 11/124. Minutes of an informal meeting at the Imperial Institute of Entomology on 11th July (...)

13Brédo est un nœud central du « régime circulatoire27 » qui émerge dans le domaine de la recherche scientifique coloniale. Depuis le début des années 1930 et jusqu’aux années 1950, il entretient une intense correspondance avec Boris P. Uvarov, directeur de l’Imperial Bureau of Entomology (qui deviendra en 1930 l’Imperial Institute of Entomology) et, après 1945, de l’Anti-Locust Research Centre de Londres, véritable hub de la recherche antiacridienne internationale28. Brédo se rend aussi régulièrement dans les colonies voisines, en Ouganda, en Rhodésie du Nord, en Angola et en Union d’Afrique du Sud. Il participe également aux conférences internationales antiacridiennes qui se tiennent à Paris en 1932 et à Bruxelles en 1938, où les représentants officiels des gouvernements coloniaux et les membres des instituts de recherche métropolitains et d’outre-mer planifient l’orientation des travaux de recherche et les politiques à mener dans les territoires menacés par les criquets29. C’est par ailleurs lors de ce dernier événement, qui réunit les principaux spécialistes de la question, que la décision est prise par les gouvernements britannique et belge de mettre en place un organisme de coopération destiné à encadrer l’action de lutte contre les criquets nomades30. Cette décision s’impose non pas pour pallier un déficit de coordination dans la circulation des informations scientifiques, déjà très efficace grâce au rôle joué par Uvarov et son institut, mais plutôt pour répondre aux défis pratiques qui se posent sur le terrain. La recherche et la lutte antiacridienne impliquent en effet une forte mobilité et une grande capacité de coordination, qui sont parfois entravées par les frontières coloniales et impériales, ainsi que le note Brédo le 6 juin 1937, lorsqu’il se trouve dans les plaines bordant le lac Albert :

  • 31 NHMA, AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Lettre de Brédo à Uvarov, 6 juin 1937.

« […] Un autre point qui me préoccupe est celui de l’étude des rives anglaises du lac [Albert]. […] Il y a huit jours un essaim énorme survolait les rives du lac en face de Kasenyi. Je n’ai [pas] voulu m’y rendre sans en avoir une invitation officielle des autorités anglaises de l’Ouganda. Le gouvernement belge s’était montré d’accord pour cette collaboration. Or comme à ma connaissance il n’y a pas d’entomologiste chargé de l’étude des sauterelles en Ouganda, il serait assez urgent que je sois chargé de cette étude corrélativement à l’étude des rives du lac du côté Belge. J’avais proposé le contraire au lac Moero où l’entomologiste de Rhodésie étudierait les rives du lac Moero du côté du Congo31. »

  • 32 Hans Brédo, op. cit., p. 12.
  • 33 Pour le cas français, voir Claude Peloquin, « Locust Swarms and the Spatial Techno-Politics of the (...)
  • 34 TNA, AY 11/124. Lettre du Chef du Service de l’Agriculture et de la Colonisation du Gouvernement Gé (...)
  • 35 TNA, AY 11/124. Lettre de Hans J. Brédo au Chef du Service de l’Agriculture et de la Colonisation d (...)
  • 36 NHMA, AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Anglo-Belgian Co-operation in Locust Problems, March 26t (...)
  • 37 AGR2, Archives du ministère des Colonies. Service de l’Agriculture, AGRI (303). Réunion des technic (...)

14Envisagée dès 1936 et entérinée à Bruxelles en 1938, la coopération interimpériale prend plusieurs années à se mettre concrètement en place. Selon Brédo, en effet, il n’est pas facile de convaincre les gouvernements de financer une action préventive, même si celle-ci serait moins coûteuse qu’une intervention a posteriori32. L’éclatement de la Seconde Guerre mondiale contribue à changer la donne. D’une part, la nécessité d’assurer l’approvisionnement alimentaire rend prioritaire la lutte contre les criquets sur tout le continent africain. D’autre part, celle-ci s’inscrit désormais dans les politiques de développement colonial, qui se voient dotées de ressources financières importantes dès le début des années 194033. Ainsi, grâce à des fonds rendus disponibles par le Colonial Development and Welfare Act de 1940, Alfred P. G. Michelmore, un entomologiste britannique actif en Rhodésie du Nord depuis 1932, est démobilisé et chargé de mettre sur pied à Abercorn un « centre international de recherches acridiennes ». Le choix d’Abercorn se justifie par la nécessité d’être au plus près des foyers grégarigènes, situés dans la zone frontalière entre le Congo belge et la Rhodésie du Nord, principalement autour des lacs Rukwa et Mweru Wantipa (fig. 1). Avec l’aval de sa hiérarchie34 et sur proposition de Boris P. Uvarov35, Brédo s’installe à Abercorn vers la fin de l’année 1941 pour y rester une dizaine d’années. Il s’agit, au début, d’une coopération de nature informelle, qui prolonge et concrétise sur le terrain les échanges entamés avant le conflit mondial avec Uvarov, Michelmore et d’autres entomologistes36. Par ailleurs, elle n’est pas la seule à se déployer. Quelques années plus tard, en 1948, un Comité international provisoire de prévention acridienne au Soudan français est mis en place, chargé de la surveillance du foyer grégarigène du criquet migrateur, localisé dans la zone d’inondation du Niger (sud-ouest de Tombouctou). Brédo est également impliqué, dans la mesure où il participe à une réunion d’experts qui se tient à Tilembeya en juin 1946, censée poser les bases de ce nouvel organisme37.

Fig. 1. : Les foyers grégarigènes du criquet nomade

Fig. 1. : Les foyers grégarigènes du criquet nomade

Source: Donald L. Gunn, « Nomad Encompassed. The Development of Preventive Control of the Red Locust, Nomadacris Septemfasciata Serville, by the International Red Locust Control Service », Journal of the Entomological Society of Southern Africa, vol. 23, n° 1, 1960, p. 71. En Open Access: https://journals.co.za/​doi/​epdf/​10.10520/​AJA00128789_2814 https://journals.co.za/​toc/​jessa/​23/​1.

© 1960, Entomological Society of South Africa (ESSA)

  • 38 TNA, AY 11/124. Red Locust Campaign, 1944-45.
  • 39 Voir à ce sujet Karen Brown, « Political Entomology: The Insectile Challenge to Agricultural Develo (...)

15À Abercorn, la collaboration se structure progressivement. En 1947, le « centre international » est renommé International Red Locust Control Service et devient un organisme intergouvernemental à part entière en 1949. Initialement placé sous la responsabilité des autorités belges et britanniques, cet organisme inclut par la suite l’Union d’Afrique du Sud et, dès 1950, le Portugal, dont les colonies sont également touchées par les migrations des criquets nomades (fig. 2). Au quotidien, toutefois, la coopération ne se fait pas sans écueils. Les relations entre Brédo et Michelmore, par exemple, ne sont pas toujours aisées, en raison de visions divergentes sur les techniques à utiliser et les actions à mener dans les aires en question (baiting ou beating, par exemple)38. Ces divergences s’expliquent par l’état encore lacunaire des connaissances et ne sont pas sans rappeler celles qui existent au sujet des recherches entomologiques sur les trypanosomiases (humaines et animales) ou des recherches appliquées à l’agriculture39.

Fig. 2 : Aires d’invasion du criquet nomade, 1930-1944. Le rectangle indique la localisation des foyers grégarigènes

Fig. 2 : Aires d’invasion du criquet nomade, 1930-1944. Le rectangle indique la localisation des foyers grégarigènes

Source: Donald L. Gunn, « Nomad Encompassed. The Development of Preventive Control of the Red Locust, Nomadacris Septemfasciata Serville, by the International Red Locust Control Service », Journal of the Entomological Society of Southern Africa, vol. 23, n° 1, 1960, p. 69. En Open Access: https://journals.co.za/​doi/​epdf/​10.10520/​AJA00128789_2814 https://journals.co.za/​toc/​jessa/​23/​1

© 1960, Entomological Society of South Africa (ESSA)

  • 40 Donald L. Gunn, « Nomad Encompassed. The Development of Preventive Control of the Red Locust, Nomad (...)
  • 41 Donald L. Gunn, « A History of Lake Rukwa and the Red Locust », The Journal of the Tanganyika Socie (...)
  • 42 Donald L. Gunn, « Nomad encompassed », op. cit., p. 103-106.

16Nommé directeur de l’IRLCS en 1945, Brédo coordonne les activités de recherche jusqu’en 1952, menant régulièrement dès l’hiver 1944-1945 des campagnes d’éradication des bandes larvaires et s’attaquant aux vols d’essaims qui, parfois, mais de moins en moins, continuent à s’échapper des foyers grégarigènes près des lacs Rukwa et Mweru Wantipa (fig. 1). Un système de supervision est aussi mis en place en recourant à des centaines de « scouts » africains, censés surveiller les zones sensibles et s’occuper des tâches les plus pénibles et dangereuses pour la santé, comme les épandages de pesticide, suivant une division raciale du travail qui se reflète également dans l’organisation spatiale des campements de l’IRLCS. Brédo entreprend aussi des expérimentations de contrôle écologique pour voir si celles-ci empêchent ou non la reproduction des criquets ou la formation d’essaims, explorant les corrélations possibles avec les conditions climatiques, les caractéristiques de la flore (présence ou absence d’arbres) ou le niveau de l’eau des lacs et des marécages. Toutes ces recherches reposent sur des informations qu’il faut collecter sur le terrain et qui sont notamment fournies par les populations locales. Ces dernières se révèlent particulièrement utiles pour localiser les bandes larvaires, signaler les envols d’essaims (ainsi que le fait Mwene Maria en 195040) ou pour essayer de reconstituer les niveaux du lac Rukwa au cours des décennies précédentes41. Ces travaux seront poursuivis par le successeur de Brédo, le Britannique Donald L. Gunn, qui testera d’autres moyens de contrôle écologique, comme la prévention des incendies, la forestation ou encore le drainage de l’eau pluviale à travers la construction de talus et de systèmes d’irrigation42.

Moderniser le colonialisme

  • 43 Kapil Raj, « Connexions, croisements, circulations. Le détour de la cartographie britannique par l (...)
  • 44 Frederick Cooper, op. cit., p. 72.
  • 45 Pour une vue d’ensemble, voir Joseph M. Hodge, Gerald Hödl, Martina Kopf (eds.), Developing Africa: (...)
  • 46 Voir Jessica Lynne Pearson, « Defending Empire at the United Nations: The Politics of International (...)

17Le travail scientifique qui se cristallise à Abercorn permet d’éclairer les contours d’une « science en train de se faire43 » qui mériterait sans doute d’être d’étudiée davantage dans son quotidien et dans le vécu de ses acteurs. En même temps, il offre aussi des éclairages intéressants sur ce que Frederick Cooper a défini comme le processus de « modernisation du colonialisme », à savoir l’idée d’« utiliser la colonisation comme outil de transformation sociale44 » dans un contexte politique en rapide et profonde évolution. La question du développement est ici centrale : après la Seconde Guerre mondiale, les puissances coloniales lancent en effet de nombreux programmes destinés, du moins dans les discours, à élever le niveau de vie des populations locales (construction d’infrastructures, programmes de scolarisation, campagnes sanitaires, etc.)45. La recherche scientifique et l’institutionnalisation de la coopération interimpériale, y compris en matière de lutte antiacridienne, sont censées alimenter cet engagement renouvelé vis-vis du « bien-être » des populations locales. Un engagement que les puissances coloniales européennes n’hésitent pas à exploiter diplomatiquement, par exemple lors des débats qui se tiennent aux Nations unies, où il s’agit de trouver des arguments pour contrecarrer les critiques émises par la « propagande anticoloniale » au sujet de la médiocrité du bilan économique et social de la colonisation46.

  • 47 NHMA, AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Les Sauterelles "Nzige", par Dryvers, 12 juin 1931. Voir (...)
  • 48 NHMA, AL/2/102. Box 83. International Red Locust Control Service 6001. 1945-1948. « Locust Conferen (...)
  • 49 TNA, AY 11/124. Lake Rukwa Swamps, Red Locusts and Land Development. Note by E. B. Worthington, 8th(...)
  • 50 Hans Brédo, op. cit., p. 6.

18À nouveau, la trajectoire de Brédo éclaire plusieurs aspects de ce processus. La lutte contre les criquets en Afrique, si elle passe par une activité de recherche fondamentale, est aussi pensée dans ses dimensions appliquées, car l’enjeu est de prévenir et de limiter les ravages de ces invasions sur l’agriculture. Le souvenir des famines qui les ont parfois suivies est en effet encore très vif parmi les populations locales et constitue un souci majeur pour les administrateurs coloniaux47. Comprendre et domestiquer la nature s’impose ainsi comme un moyen pour assurer la « bonne gouvernance coloniale ». De ce point de vue, le travail poursuivi par l’IRLCS s’inscrit dans une logique plus large de modernisation des territoires africains. Le but est double. D’une part, il s’agit d’empêcher qu’un fléau potentiellement dévastateur ne vienne mettre à bas les plans de développement entrepris dès le milieu des années 1940. Cette mission émerge par exemple en 1947, lorsque le tout nouveau Groundnut Scheme au Tanganyika est menacé par des essaims de criquets nomades venant de la Rukwa et du Mweru Wantipa48. D’autre part, comme le note le biologiste britannique Edgar Barton Worthington, conseiller scientifique auprès de la East Africa High Commission, le contrôle et la lutte antiacridienne, et plus généralement la gestion environnementale des plaines autour du lac Rukwa, devrait s’accompagner de programmes de réaménagement des territoires en vue de leur mise en valeur économique, par exemple à travers le drainage des eaux et la création d’un lac artificiel censé favoriser l’agriculture et la pêche dans cette région, certes peu peuplée mais proche de la zone minière de Mpanda49. Si ce projet se heurte finalement à des difficultés matérielles et financières, il est néanmoins représentatif des paradoxes du développement colonial. Depuis les années 1930, en effet, les chercheurs sont conscients que les activités humaines, telles que l’expansion de l’agriculture et l’extension des pâturages, favorisent les invasions acridiennes. Selon Brédo, il serait donc faux « de croire ou d’espérer que la mise en valeur d’un pays le mettra à l’abri des invasions des sauterelles ». Au contraire, poursuit-il, il est même « désespérant de constater que plus les terres africaines seront mises en valeur, plus grand sera le danger […]50 ».

  • 51 Martin Thomas, Bob Moore, Lawrence J. Butler. Crises of Empire: Decolonization and Europe’s Imperia (...)
  • 52 Sur ces organisations et leurs politiques, voir Jessica Lynne Pearson, The Colonial Politics of Glo (...)
  • 53 Sur cette figure, et la coopération scientifique interimpériale plus en général, voir Damiano Matas (...)
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  • 55 Pour un exemple centré sur le cas du Portugal, voir Cláudia Castelo, Frederico Ágoas, « InterAfrica (...)
  • 56 AGR2, Archives du ministère des Colonies. Service de l’Agriculture, AGRI (467). Lettre de Marcel Va (...)
  • 57 NHMA, AL/1/7. IRLCS/ IRLCO-CSA. Box 265. International Red Locust Control Organisation. Record of a (...)

19Il n’empêche que cette alliance entre recherche scientifique, coopération interimpériale et exploitation (ou développement) économique illustre les tentatives de repenser le colonialisme au moment de la « crise des empires51 ». Ces mêmes finalités sont par ailleurs poursuivies par les autres organismes interimpériaux qui se mettent en place à la fin des années 1940, à l’image de la Commission de coopération technique en Afrique au Sud du Sahara (CCTA) et de son pendant scientifique, le Conseil scientifique pour l’Afrique au Sud du Sahara (CSA)52. À nouveau, la trajectoire de Brédo est éclairante : en 1952, il quitte Abercorn pour travailler comme assistant scientifique en chef auprès du CSA, dirigé depuis 1950 par Edgar Barton Worthington53. Cet organisme rassemble à ses débuts treize éminents scientifiques issus des principales puissances coloniales européennes, auxquels s’ajoutent l’Union d’Afrique du Sud et la Rhodésie du Sud. La plupart occupent des postes de direction au sein des instituts de recherche dans les colonies, à l’image du Belge Louis van den Berghe, directeur de l’Institut pour la recherche scientifique en Afrique centrale, ou du Français Théodore Monod, directeur de l’Institut français d’Afrique noire de Dakar. Le travail de Brédo prend alors une autre dimension, peut-être plus prestigieuse, car se situant désormais à une échelle véritablement « interafricaine ». Il est basé d’abord à Nairobi, au Kenya, alors en proie à l’insurrection des Mau Mau, pour retourner ensuite au Congo belge, à Bukavu, où le siège du CSA est transféré en 1953. Le CSA alimente une intense activité de recherche embrassant l’ensemble des sciences naturelles et humaines, qui passe notamment par l’organisation de centaines de conférences rassemblant au cours des années 1950 des milliers d’experts et de savants coloniaux. Encore peu explorée par la recherche historique, cette coopération technique et scientifique de grande ampleur est censée appuyer l’agenda développementaliste qui se met en place dans l'Afrique coloniale54. En même temps, elle est aussi utilisée par les gouvernements comme un outil diplomatique afin de promouvoir une nouvelle image du colonialisme sur la scène nationale et internationale, en particulier au sein des instances onusiennes, dont les relations avec les administrations coloniales sont souvent teintées de rivalité et de concurrence55. Il n’est donc pas surprenant que l’action de l’IRLCS constitue, aux yeux de l’agronome et administrateur colonial belge Marcel Vanden Abeele, « une preuve tangible de l’efficience d’une organisation internationale dans la poursuite d’un but d’intérêt général à caractère humanitaire56 ». Le gouvernement de la nature est en effet pensé comme un moyen pour raffermir la domination coloniale. Comme le note C. H. Neveling, secrétaire pour l’agriculture de l’Union d’Afrique du Sud, la lutte antiacridienne, et plus précisément le fait de « protéger le continent africain des maladies et des nuisibles », serait même cruciale pour préserver la « civilisation blanche sur le continent57 ».

  • 58 NHMA, AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Hans J. Brédo. Rapport sur l’invasion de sauterelles “No (...)
  • 59 NHMA AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Rapport sur l’invasion de sauterelles au Congo belge, 20  (...)
  • 60 AGR2, Service du personnel d’Afrique. Fonds Colonie, n° 10997. Notes biographiques, avril 1938.

20Il est difficile de retracer le positionnement de Brédo vis-à-vis des implications politiques de son travail. Comme beaucoup d’autres scientifiques coloniaux, il est sincèrement convaincu du caractère « désintéressé » de ses recherches. Toutefois, il reproduit certains stéréotypes sur les Africains. Ceux-ci subiraient passivement les invasions de criquets et ne seraient pas en mesure d’utiliser efficacement les techniques modernes qu’il préconise, par « paresse58 » ou faute de « planteurs avertis59 ». On pourrait aussi s’interroger sur sa « manière d’être » vis-à-vis des « indigènes », que les rapports d’évaluation de l’administration coloniale belge définissent comme « ferme60 ».

  • 61 Véronique Dimier, The Invention of a European Development Aid Bureaucracy: Recycling Empire, Basing (...)

21Force est de constater en tout cas que son expérience au CSA sera de courte durée : en 1956, en effet, il est recruté par la FAO pour mener une campagne contre les criquets en Amérique centrale. Il reviendra en Afrique en 1960 pour guider le Desert Locust Project de cette organisation, un programme destiné à combattre une autre espèce de criquet, le criquet pèlerin, qui ravage notamment la partie septentrionale du continent, mais aussi le Moyen-Orient et l’Asie. Cette évolution dans la carrière de Brédo met en lumière une dimension importante du processus de décolonisation, à savoir le « recyclage61 » des acteurs et des politiques coloniales par les organisations internationales. À l’« africanisation » progressive d’organismes comme l’IRLCS, la CCTA et le CSA, qui débute à partir du milieu des années 1950, se superpose en effet un engagement accru des institutions onusiennes en Afrique. Celles-ci nécessitent toutefois une expertise et un savoir-faire qui sont parfois rares. Le recrutement et la trajectoire désormais « internationale » de Brédo viennent ainsi témoigner de l’importance de l’expérience coloniale dans la formulation des politiques d’assistance technique dans l’Afrique postcoloniale.

Conclusion

  • 62 Voir les travaux de Guillaume Lachenal et notamment son ouvrage Le médicament qui devait sauver l’A (...)

22La trajectoire de Hans J. Brédo est un cas d’étude intéressant pour examiner la place du savoir et de la science en contexte colonial. Elle fait tout d’abord ressortir la nature très expérimentale des recherches antiacridiennes. Les connaissances se construisent très progressivement, au fil des observations et des recherches sur le terrain, de même que l’élaboration des moyens de lutte, qui se perfectionnent avec le temps. Certes, le caractère coercitif et dangereux de ces interventions, sur le plan humain et environnemental, mériterait d’être approfondi davantage afin d’en évaluer les conséquences et les héritages ambivalents62. Le rôle des « savoirs indigènes », en tout cas, ne doit pas être sous-évalué. De nombreuses informations fournies par les populations locales se révèlent fort utiles pour mieux comprendre ce fléau naturel. Toutefois, la place des Africains dans le système de la recherche coloniale belge reste, du moins sur ce terrain, assez marginale, bien qu'ils acquièrent des positions de plus en plus importantes dans d’autres territoires, français et britanniques notamment.

  • 63 Frederick Cooper, « Modernizing Bureaucrats, Backward Africans and the Development Concept », dans (...)

23Ce qui ressort aussi de l’étude du parcours de Hans Brédo est le fort degré d’internationalisation de la recherche et de la lutte antiacridienne. Il est en effet extrêmement bien connecté avec ses homologues œuvrant dans les autres colonies et dans les métropoles. Au cours des années 1930, les informations circulent de manière intense, que ce soit de manière informelle (correspondances) ou formelle (conférences internationales). Mais Brédo joue aussi un rôle central dans l’institutionnalisation de ces échanges, un processus qui ne se cristallise qu’assez tardivement, au début des années 1940. Ceci n’est pas un hasard : si la coopération interimpériale répond aux besoins du terrain – échanger les connaissances et mettre en place une action préventive concertée dans les lieux les plus exposés –, elle reflète aussi les transformations générales de la politique coloniale engendrées par la Seconde Guerre mondiale et l’émergence d’un nouvel ordre international. De ce point de vue, la production de connaissances et la mise en place d’organismes intergouvernementaux, tels que le IRLCS, témoignent de ce que Frederick Cooper a défini comme l’« impérialisme du savoir63 ». L’étude et la gestion de l’environnement naturel se sont en effet inscrites dans une vaste entreprise de relégitimation de la « mission civilisatrice » du colonialisme, fondée sur un nouveau langage développementaliste, dont il est possible de retracer les cheminements depuis les régions les plus rurales d’Afrique jusqu’aux couloirs des organisations internationales.

  • 64 James R. Fichter (ed.), British and French Colonialism in Africa, Asia and the Middle East. Connect (...)
  • 65 Daniel Hedinger, Nadin Heé, « Transimperial History - Connectivity, Cooperation and Competition », (...)
  • 66 Voir, par exemple, Damiano Matasci, Miguel Bandeira Jerónimo, « Une histoire transimpériale de l’Af (...)
  • 67 Romain Bertrand, Guillaume Calafat (dir.), « Micro-analyse et histoire globale », Annales, vol. 73, (...)

24Enfin, sur un plan plus méthodologique, cet article confirme l’intérêt d’adopter une approche « connectée64 » et « transimpériale65 » de l’histoire du fait colonial, une démarche désormais bien établie dans le paysage historiographique66. La trajectoire de Brédo permet en effet d’éclairer, à partir d’une perspective « micro67 », les dynamiques de connectivité et de coopération qui ont accompagné la colonisation européenne et la fin des empires.

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Notes

1 Les acridiens sont une famille d'insectes orthoptères, qui inclut notamment les criquets et les sauterelles.

2 Sur Hans J. Brédo, voir Jean-Paul Harroy, La lutte anti-acridienne et Hans Brédo, Bruxelles, Académie royale des sciences d’outre-mer, 1985. Cet ouvrage est riche en informations et anecdotes, mais très hagiographique et sans aucun appareil critique.

3 Helen Tilley, Africa as a Living Laboratory: Empire, Development, and the Problem of Scientific Knowledge, 1870-1950, Chicago, University of Chicago Press, 2011.

4 John Kent, The Internationalization of Colonialism. Britain, France, and Black Africa 1939-1956, Oxford, Oxford University Press, 1992.

5 Frederick Cooper, « La modernisation du colonialisme et les limites de l’empire », Labyrinthe, n° 35, 2010, p. 69-86.

6 Christophe Bonneuil, Des savants pour l’empire : la structuration des recherches scientifiques coloniales au temps de « la mise en valeur » des colonies françaises, 1917-1945, Paris, ORSTOM, 1991 ; Cláudia Castelo, « Scientific Research and Portuguese Colonial Policy: Developments and Articulations, 1936-1974 », História, Ciências, Saúde-Manguinhos, vol. 19, n° 2, 2012, p. 391-408 ; Jean-Hervé Jézéquel, « Les professionnels africains de la recherche dans l’État colonial tardif », Revue d’histoire des sciences humaines, n° 24, 2011, p. 35-60 ; Lyn Schumaker, Africanizing Anthropology: Fieldwork, Networks, and the Making of Cultural Knowledge in Central Africa, Durham, Duke University Press, 2001.

7 Donald Antony Low, John Lonsdale, « Introduction », dans Donald Antony Low, Alison Smith (eds.), History of East Africa, III, Oxford, Clarendon Press, 1976, p. 1-64. Voir aussi Sabine Clarke, « A technocratic imperial state? The Colonial Office and Scientific research, 1940-1960 », Twentieth Century British History, vol. 18, n° 4, 2007, p. 453-480 ; Christophe Bonneuil, « Development as Experiment: Science and State Building in Late Colonial and Postcolonial Africa, 1930-1970 », Osiris, vol. 15, 2000, p. 258-281.

8 Les études sur ce sujet sont encore rares. Signalons toutefois les travaux suivants : Holger Weiss, « Locust invasions in Northern Ghana in the 1930s », Transactions of the Historical Society of Ghana, n° 18, 2018, p. 2-86 ; Lize-Marié van der Watt, « "To Kill the Locusts, But Not Destroy the Farmers": Officials, Farmers and the Plagues of Pharaoh, c. 1920-1935 », South African Historical Journal, vol. 62, n° 2, 2010, p. 356-383 ; Peter Uledi, Godfrey Hove, « "A War of Man Against Locust"! Locust Invasions and Anti-locust Campaigns in Salisbury, Southern Rhodesia, 1918–1940s », South African Historical Journal, vol. 70, n° 4, 2018, p. 689-707; Samuel N. Chipungu, « Locusts, Peasants, Settlers and the State in Northern Rhodesia (Zambia), 1929 to 1940 », Transafrican Journal of History, vol. 15, 1986, p. 54-80.

9 Au Congo belge, ces invasions sont principalement le fruit de deux espèces de criquets : le criquet nomade ou rouge (Nomadacris septemfasciata Serv.) et le criquet migrateur (Locusta migratoria).

10 Archives générales du Royaume 2 - dépôt Joseph Cuvelier (AGR2, Bruxelles), Service du personnel d’Afrique. Fonds Colonie, n° 10997. Dossier personnel Brédo (état des services).

11 AGR2, Archives du ministère des Colonies. Service de l’Agriculture, AGRI (465). La question acridienne au Congo, 14 septembre 1931.

12 Sur Boris P. Uvarov, voir Michael Worboys, « Imperial Entomology: Boris P. Uvarov and Locusts, c. 1920-c. 1950 », The British Journal for the History of Science, vol. 55, n° 1, 2022, p. 27-51.

13 Jean-Paul Harroy, op. cit., p. 40.

14 Natural History Museum Archives (NHMA, Londres), AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Rapport de Hans J. Brédo, 22 juin 1931.

15 Sur ces questions, voir Jacob Tropp, « Locust Invasions and Tensions over Environmental and Bodily Health in the Colonial Transkei », dans David M. Gordon, Shepard Krech III (eds.), Indigenous Knowledge and the Environment in Africa and North America, Athens, Ohio University Press, 2012, p. 113-128.

16 AGR2, Archives du ministère des Colonies. Service de l’Agriculture, AGRI (466). Enquête biologique sur les sauterelles, 19 janvier 1931.

17 NHMA, AL/2/16. Box 23. Belgian Congo 6143. Lutte antiacridienne. Semaine du 13 au 18 juillet 1931. Rapport singé par Longville (agronome).

18 The National Archives (TNA, Kew), AY 11/129. Lettre de Donald L. Gunn à Boris P. Uvarov, 2 janvier 1952.

19 Donald L. Gunn, Locust Control by Aircraft in Tanganyika. An Experimental Campaign, Anti-Locust Research Center (London) and Locust Control and Research Section, Department of Agriculture (Pretoria), 1948.

20 TNA, AY 11/124. Note sur l’activité de la mission d’étude des acridiens, janvier 1939-décembre 1940.

21 Voir les rapports suivants : NHMA, AL/2/16. Box 23. Belgian Congo 6143. Recherches relatives aux foyers d’origines des Nomadacris Septemfasciata. Dans les régions Nord-Est du Kivu et du Ruanda, avril-mai 1937, par Hans J. Brédo ; Rapport du voyage d’étude des Nomadacris Septemfasciata dans la région du lac Moero et dans le Nord de la Rhodésie, novembre 1937 à janvier 1938, par Hans J. Brédo.

22 NHMA, AL/2/16. Box 23. Belgian Congo 6143. Lutte anti-acridienne. Semaine du 13 au 18 juillet 1931.

23 Donald L. Gunn. « The Red Locust », Journal of the Royal Society of Arts, vol. 100, n° 4868, 1952, p. 266.

24 Hans Brédo, « La lutte internationale contre les sauterelles », Bulletin agricole du Congo belge, n° 36, 1945, p. 9.

25 John Kent, op. cit.

26 Sur ces processus, voir Florian Wagner, Colonial Internationalism and the Governmentality of Empire, 1893-1982, Cambridge, Cambridge University Press, 2022 ; Volker Barth, Roland Cvetkovski (eds.), Imperial Co-operation and Transfer, 1870-1930: Empires and Encounters, London, Bloomsbury Academic, 2015 ; Pierre Singaravélou, « Les stratégies d’internationalisation de la question coloniale et la construction transnationale d’une science de la colonisation à la fin du XIXe siècle », Monde(s), n° 1, 2012, p. 135-157 ; Christoph Kamissek, Jonas Kreienbaum, « An Imperial Cloud? Conceptualising Interimperial Connections and Transimperial Knowledge », Journal of Modern European History, vol. 14, n° 2, 2016, p. 164-182.

27 Pierre-Yves Saunier, « Les régimes circulatoires du domaine social 1800-1940 : projets et ingénierie de la convergence et de la différence », Genèses, vol. 2, n° 71, 2008, p. 4-25.

28 Michael Worboys, op. cit., p. 37-40.

29 TNA, AY 11/50. Comptes rendus de la Vconférence internationale pour les recherches antiacridiennes, Bruxelles, 1938.

30 TNA, AY 11/124. Minutes of an informal meeting at the Imperial Institute of Entomology on 11th July 1938 to discuss the organization for the control of the outbreak areas of the Red Locust.

31 NHMA, AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Lettre de Brédo à Uvarov, 6 juin 1937.

32 Hans Brédo, op. cit., p. 12.

33 Pour le cas français, voir Claude Peloquin, « Locust Swarms and the Spatial Techno-Politics of the French Resistance in World War II », Geoforum, n° 49, 2013, p. 103-113.

34 TNA, AY 11/124. Lettre du Chef du Service de l’Agriculture et de la Colonisation du Gouvernement Général, J. Henrard, à Hans J. Brédo, 27 janvier 1941.

35 TNA, AY 11/124. Lettre de Hans J. Brédo au Chef du Service de l’Agriculture et de la Colonisation du Gouvernement Général, J. Henrard, 19 décembre 1940.

36 NHMA, AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Anglo-Belgian Co-operation in Locust Problems, March 26th, 1932.

37 AGR2, Archives du ministère des Colonies. Service de l’Agriculture, AGRI (303). Réunion des techniciens en questions acridiennes de la Belgique, de la France et de la Grande-Bretagne tenue à Tilembeya (Soudan français), 4-16 juin 1946.

38 TNA, AY 11/124. Red Locust Campaign, 1944-45.

39 Voir à ce sujet Karen Brown, « Political Entomology: The Insectile Challenge to Agricultural Development in the Cape Colony, 1895-1910 », Journal of Southern African Studies, vol. 29, no 2, 2003, p. 529-549 ; Helen Tilley, « Ecologies of Complexity: Tropical Environments, African Trypanosomiasis, and the Science of Disease Control in British Colonial Africa, 1900-1940 », Osiris, vol. 19, 2004, p. 21-38.

40 Donald L. Gunn, « Nomad Encompassed. The Development of Preventive Control of the Red Locust, Nomadacris Septemfasciata Serville, by the International Red Locust Control Service », Journal of the Entomological Society of Southern Africa, vol. 23, n° 1, 1960, p. 90.

41 Donald L. Gunn, « A History of Lake Rukwa and the Red Locust », The Journal of the Tanganyika Society, n° 42, 1956, p. 8.

42 Donald L. Gunn, « Nomad encompassed », op. cit., p. 103-106.

43 Kapil Raj, « Connexions, croisements, circulations. Le détour de la cartographie britannique par l’Inde, XVIIIe-XIXe siècles », dans Michael Werner, Bénédicte Zimmerman, De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Seuil, 2004, p. 73.

44 Frederick Cooper, op. cit., p. 72.

45 Pour une vue d’ensemble, voir Joseph M. Hodge, Gerald Hödl, Martina Kopf (eds.), Developing Africa: Concepts and Practices in Twentieth-Century Colonialism, Manchester, Manchester University Press, 2014.

46 Voir Jessica Lynne Pearson, « Defending Empire at the United Nations: The Politics of International Colonial Oversight in the Era of Decolonisation », The Journal of Imperial and Commonwealth History, vol. 45, n3, 2017, p. 525-549 ; Naïma Maggetti, « La Grande-Bretagne à l’ONU dans les années 1940 et 1950 : sa défense d’un colonialisme "libéral et éclairé" », Relations internationales, vol. 1, n° 177, 2019, p. 31-44.

47 NHMA, AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Les Sauterelles "Nzige", par Dryvers, 12 juin 1931. Voir aussi AGR2, Archives du ministère des Colonies. Service de l’Agriculture, AGRI (303). Lettre du ministre des Colonies au gouverneur général du Congo belge, 22 décembre 1947.

48 NHMA, AL/2/102. Box 83. International Red Locust Control Service 6001. 1945-1948. « Locust Conference in Northern Rhodesia », Crown Colonist, August 1947. Sur ce programme, voir Nichols Westcott, Imperialism and Development: The East African Groundnut Scheme and Its Legacy, Woodbridge, James Currey, 2020.

49 TNA, AY 11/124. Lake Rukwa Swamps, Red Locusts and Land Development. Note by E. B. Worthington, 8th July 1947.

50 Hans Brédo, op. cit., p. 6.

51 Martin Thomas, Bob Moore, Lawrence J. Butler. Crises of Empire: Decolonization and Europe’s Imperial States, London, Bloomsbury Publishing, 2015.

52 Sur ces organisations et leurs politiques, voir Jessica Lynne Pearson, The Colonial Politics of Global Health. France and the United Nations in Postwar Africa, Harvard, Harvard University Press, 2018 ; Vincent Bonnecase, La pauvreté au Sahel : du savoir colonial à la mesure internationale, Paris, Karthala, 2011 ; Damiano Matasci, « Une "UNESCO africaine" ? Le ministère de la France d’Outre-mer, la coopération éducative intercoloniale et la défense de l’empire, 1945-1957 », Monde(s), n° 13, 2018, p. 195-214.

53 Sur cette figure, et la coopération scientifique interimpériale plus en général, voir Damiano Matasci, « Internationalising Colonial Knowledge. Edgar Barton Worthington and the Scientific Council for Africa, 1949-1956 », The Journal of Imperial and Commonwealth History, vol. 48, n° 5, 2020, p. 892-913.

54 Voir Cláudia Castelo, « Recherche et développement dans les colonies portugaises d’Afrique : l’impulsion de la coopération scientifique interimpériale (1950-1962) », Revue d’histoire contemporaine de l’Afrique, n° 3, 2022, p. 35-48, https://doi.org/10.51185/journals/rhca.2022.0303 [lien consulté le 30 octobre 2022].

55 Pour un exemple centré sur le cas du Portugal, voir Cláudia Castelo, Frederico Ágoas, « InterAfrican Cooperation in the Social Sciences in the Era of Decolonization: A Case of Science Diplomacy », Centaurus, vol. 63, n° 1, 2021, p. 67-83.

56 AGR2, Archives du ministère des Colonies. Service de l’Agriculture, AGRI (467). Lettre de Marcel Vanden Abeele à Brédo, 30 juin 1948.

57 NHMA, AL/1/7. IRLCS/ IRLCO-CSA. Box 265. International Red Locust Control Organisation. Record of a Conference held at Pretoria on the 8th and 9th of December, 1947. Appendix A.

58 NHMA, AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Hans J. Brédo. Rapport sur l’invasion de sauterelles “Nomadacris Septemfasciata » dans le Territoire de Kasenga, 14 avril 1931.

59 NHMA AL/2/16. Box 21. Belgian Congo 6143. Rapport sur l’invasion de sauterelles au Congo belge, 20 mars 1931. 2976 + Archives du Ministère des Colonies dites « archives africaines ». Service de l’Agriculture, AGRI (466).

60 AGR2, Service du personnel d’Afrique. Fonds Colonie, n° 10997. Notes biographiques, avril 1938.

61 Véronique Dimier, The Invention of a European Development Aid Bureaucracy: Recycling Empire, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2014.

62 Voir les travaux de Guillaume Lachenal et notamment son ouvrage Le médicament qui devait sauver l’Afrique. Un scandale pharmaceutique aux colonies, Paris, La Découverte, 2014.

63 Frederick Cooper, « Modernizing Bureaucrats, Backward Africans and the Development Concept », dans Frederick Cooper, Randall Packard (eds.), International Development and the Social Sciences, Berkeley, University of California Press, 1997, p. 64.

64 James R. Fichter (ed.), British and French Colonialism in Africa, Asia and the Middle East. Connected Empires across the Eighteenth to the Twentieth Centuries, New York, Palgrave Macmillan, 2019 ; Simon J. Potter, Jonathan Saha, « Global History, Imperial History and Connected Histories of Empire », Journal of Colonialism and Colonial History, vol. 16, n° 1, 2015, https://muse.jhu.edu/article/577738 [lien consulté le 29/11/2022].

65 Daniel Hedinger, Nadin Heé, « Transimperial History - Connectivity, Cooperation and Competition », Journal of Modern European History, vol. 16, n° 4, 2018, p. 429-452.

66 Voir, par exemple, Damiano Matasci, Miguel Bandeira Jerónimo, « Une histoire transimpériale de l’Afrique : concepts, approches et perspectives », Revue d’histoire contemporaine de l’Afrique, n° 3, 2022, p. 1-17, https://doi.org/10.51185/journals/rhca.2022.0301 [lien consulté le 30 octobre 2022].

67 Romain Bertrand, Guillaume Calafat (dir.), « Micro-analyse et histoire globale », Annales, vol. 73, n° 1, 2019.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. : Les foyers grégarigènes du criquet nomade
Légende Source: Donald L. Gunn, « Nomad Encompassed. The Development of Preventive Control of the Red Locust, Nomadacris Septemfasciata Serville, by the International Red Locust Control Service », Journal of the Entomological Society of Southern Africa, vol. 23, n° 1, 1960, p. 71. En Open Access: https://journals.co.za/​doi/​epdf/​10.10520/​AJA00128789_2814 https://journals.co.za/​toc/​jessa/​23/​1.
URL http://journals.openedition.org/histoirepolitique/docannexe/image/8669/img-1.png
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Titre Fig. 2 : Aires d’invasion du criquet nomade, 1930-1944. Le rectangle indique la localisation des foyers grégarigènes
Légende Source: Donald L. Gunn, « Nomad Encompassed. The Development of Preventive Control of the Red Locust, Nomadacris Septemfasciata Serville, by the International Red Locust Control Service », Journal of the Entomological Society of Southern Africa, vol. 23, n° 1, 1960, p. 69. En Open Access: https://journals.co.za/​doi/​epdf/​10.10520/​AJA00128789_2814 https://journals.co.za/​toc/​jessa/​23/​1
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Pour citer cet article

Référence électronique

Damiano Matasci, « Gouverner la nature, moderniser le colonialisme : Hans J. Brédo, la recherche antiacridienne et la coopération interimpériale en Afrique (années 1930 – années 1950) »Histoire Politique [En ligne], 48 | 2022, mis en ligne le 01 octobre 2022, consulté le 30 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/histoirepolitique/8669 ; DOI : https://doi.org/10.4000/histoirepolitique.8669

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Auteur

Damiano Matasci

Damiano Matasci est enseignant-chercheur à l’Université de Genève. Ses recherches portent sur l’histoire de l’éducation, de l’enfance et de la science en Europe et dans l'Afrique coloniale. Il est notamment le co-éditeur de « Coopérations et circulations transimpériales en Afrique (fin XIXe siècle-années 1960) » (numéro spécial de la Revue d'histoire contemporaine de l'Afrique, n° 3, 2022), et « Imperialism, Internationalism and Globalization in Colonial Africa » (numéro spécial de The Journal of Imperial and Commonwealth History, vol. 48, n° 5, 2020). Ses publications peuvent être consultées sur son site web (www.dmatasci.org).

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