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Au musée
Pédagogie

Les expositions mobiles du Musée national de l’histoire de l’immigration

Une déclinaison itinérante des expositions temporaires dédiée à tous les publics
Louise Luquet
p. 154-157

Résumé

Les expositions mobiles du Musée national de l’histoire de l’immigration sont des adaptations de ses expositions temporaires sous un format léger, prévu pour une circulation hors-les-murs. Un des principaux objectifs de ce dispositif est de toucher des publics éloignés du Musée et des institutions culturelles en général. Il peut également servir de base ou d’accompagnement à des projets dédiés à l’histoire de l’immigration sur un territoire, portés par des collectivités ou des associations.

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Texte intégral

1Les expositions sont destinées à tous types de structures et de publics. En Île-de-France, elles peuvent être accompagnées de médiations et d’ateliers pédagogiques animés par une équipe de volontaires en service civique.

2Pour les établissements scolaires, les expositions mobiles s’intègrent dans un ensemble d’outils et d’actions pédagogiques mis à disposition par le MNHI, tant pour accompagner des projets d’éducation artistique et culturelle que pour participer à la formation des enseignants.

3Le MNHI diffuse actuellement six expos mobiles. Les deux dernières sont Sortir des cases. Bande dessinée et migrations, inaugurée en octobre 2021, et Juifs et musulmans, de la France coloniale à nos jours, diffusée à partir d’avril 2023.

Bilan de la circulation de la toute première exposition mobile du Musée

4En 2015, le Musée national de l’immigration lançait l’exposition itinérante Bande dessinée et immigrations : un siècle d’histoire(s), consacrée aux croisements entre l’histoire de l’immigration et celle de la bande dessinée. Adaptée de l’exposition temporaire Albums. Un siècle d’histoire dans la bande dessinée, présentée en 2013, il s’agissait de la toute première « expo mobile » du MNHI. Un moyen, donc, d’expérimenter un nouveau dispositif d’expositions hors-les-murs entièrement gratuites, pour les lieux d’accueil comme pour le public, diffusées par le Musée et par des partenaires en France et à l’étranger.

5Bande dessinée et immigrations a circulé jusqu’en septembre 2020. Au terme de ces cinq années de diffusion, l’exposition a été présentée plus de 450 fois et vue par près de 120 000 visiteurs. Une vingtaine de partenaires l’ont fait circuler en France hexagonale, en Guadeloupe et en Guyane, mais aussi en Allemagne et au Luxembourg. Souvent, ces accrochages de l’exposition ont été accompagnés de programmations culturelles (conférences, rencontres spectacles, ateliers…) coordonnées par les partenaires du Musée, voire de la présentation de collections. L’exposition mobile a notamment fait l’objet d’une très belle présentation « augmentée » au Centre du patrimoine arménien de Valence en 2015, qui l’a enrichie d’œuvres originales.

6L’exposition a été très bien reçue par les partenaires et emprunteurs du Musée, qui trouvaient dans la bande dessinée une porte d’entrée accessible et attractive vers l’histoire de l’immigration, et ce pour des publics très diversifiés. L’exposition mobile a ainsi souvent été présentée à des publics très jeunes, dès le début de l’école primaire. La BD est par ailleurs un outil particulièrement adapté à la création d’ateliers de pratique artistique avec des publics de tous âges, y compris des publics dits « empêchés », éloignés des institutions culturelles. Bande dessinée et immigrations a ainsi été présentée à plusieurs reprises, accompagnée de médiations, dans des centres d’accueil et d’hébergement prenant en charge des personnes migrantes. De 2016 à 2018, elle a également permis au MNHI d’animer une série d’ateliers graphiques et de médiations en milieu carcéral.

7Compte tenu des nombreuses demandes que suscitait encore l’exposition fin 2020, le MNHI a pris la décision d’en créer une nouvelle version, actualisée de façon à prendre en compte la très riche production de bandes dessinées qui, ces dernières années, abordent les questions de migrations et de représentations.

Une nouvelle exposition : Sortir des cases. Bande dessinée et migrations

8La refonte de l’exposition est le résultat d’une collaboration étroite entre le MNHI et son commissaire, Jean-Pierre Mercier, conseiller scientifique pendant plus de vingt ans à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. La Cité a elle-même apporté son soutien au projet en fournissant un grand nombre de reproductions de planches originales issues de ses collections. La nouvelle exposition n’aurait pas non plus pu voir le jour sans le soutien du Département de la Seine-Saint-Denis, partenaire de presque toutes les expos mobiles depuis 2015, et de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah).

9La nouvelle version de l’exposition mobile est conçue sous un format un peu différent de la première. Présentée sur dix panneaux larges (150 cm sur 180 cm de haut), elle se déploie en trois grandes parties thématiques qui analysent, chacune sous un angle différent, les liens entre migrations et bande dessinée.

10La première partie est consacrée aux auteurs et autrices. Parmi ceux qui ont marqué l’histoire de la bande dessinée, de George McManus à Marjane Satrapi, en passant par Siegel & Shuster, Enki Bilal, Baru, Gotlib et bien d’autres, beaucoup ont fait l’expérience de la migration ou, par leur histoire familiale, en sont issus. Outre leur situation personnelle, le contexte politique et social dans lequel ils évoluent influence grandement la façon dont la migration apparaît ou non dans leur œuvre.

11La deuxième partie de l’exposition est centrée sur les évolutions formelles de la bande dessinée, vues à travers le prisme des récits de migrations. Romans graphiques, BD-reportages, récits autobiographiques ou familiaux…, les auteurs expérimentent et se saisissent de tous les formats à leur disposition pour raconter des parcours individuels ou collectifs de migration. Là où Riad Sattouf offre un récit très personnel, sur la forme comme sur le fond, avec sa série L’Arabe du futur (2014-2022), Yasmine Bouagga et Lisa Mandel réalisent une véritable enquête sociologique dessinée dans Les Nouvelles de la jungle (de Calais) (2017). Les derniers panneaux de l’exposition interrogent quant à eux l’évolution des représentations faites de « l’Autre », « l’étranger », « l’immigré » dans la bande dessinée. Comme tous les médias, la bande dessinée, reflet de son époque, a contribué à la diffusion de stéréotypes et de préjugés racistes qu’il est indispensable de reconnaître comme tels aujourd’hui. Si les personnages de Noirs cannibales dans Zig et Puce (série publiée de 1925 à 1954 par Alain Saint-Ogan) paraissent sans doute ridiculement datés et inadmissibles aux yeux des lecteurs contemporains, ils sont révélateurs d’une idéologie colonialiste et de rapports de domination dont nous sommes loin d’avoir effacé toute trace. Grâce à des enquêtes documentées comme Péyi An Nou (2017) de Jessica Oublié et Marie-Ange Rousseau, à des œuvres poétiques comme Là où vont nos pères (2006) de Shaun Tan ou férocement humoristiques comme Yao. Visa refusé (2019) de Didier Viodé, la BD est aussi un moyen de dénoncer la persistance de ces représentations et leurs conséquences concrètes sur les parcours de celles et de ceux qui sont désignés comme « migrants ».

De nouvelles perspectives de diffusion

12Depuis plus d’un an, Sortir des cases est diffusée par le Musée lui-même, principalement en Île-de-France, mais également par plusieurs partenaires qui font circuler l’exposition et l’enrichissent de leurs propres projets et ressources : le Département des Ardennes, la Communauté de communes Saône-Beaujolais par le biais de la médiathèque Le SingulierS, Tissé Métisse à Nantes, la Ville de Toulouse, la Communauté d’agglomération Dracénie Provence Verdon et bien sûr la Ville de Drancy. Cette dernière collaboration au Château de Ladoucette, présentée par Pierre Bour dans ce même numéro d’Hommes & Migrations, est un très bel exemple de présentation « augmentée » de l’exposition mobile.

13Comme pour toutes les expositions mobiles du MNHI, ce réseau de partenaires a vocation à se développer pour continuer à faire circuler, rendre accessibles et enrichir les contenus produits par le Musée et donner lieu à de nouveaux échanges sur l’histoire de l’immigration.

Une toute nouvelle expo mobile : Juifs et musulmans, de la France coloniale à nos jours. Plus d’histoire, moins de clichés

14À partir d’avril 2023, l’exposition mobile Juifs et musulmans, de la France coloniale à nos jours. Plus d’histoire, moins de clichés est mise en circulation par le MNHI. Elle est adaptée de l’exposition temporaire qui a été présentée du 5 avril au 17 juillet 2022 au Musée. Son commissariat a été assuré par Malika Ziane, assistante d’exposition sur l’exposition temporaire.

15Comme l’exposition d’origine, cette version mobile est centrée sur l’histoire des relations entre Juifs et musulmans depuis le XIXe siècle, en France hexagonale et en Afrique du Nord. Elle revient en particulier sur le rôle de l’État dans la transformation des rapports entre les communautés.

16Déclinée sur 11 panneaux, l’exposition est divisée chronologiquement en trois grandes parties : « Conquérir, dominer, coloniser », sur la période 1830-1914, revient sur les changements de statuts des Juifs et des musulmans en France précoloniale, puis dans les pays du Maghreb colonisés, et sur les conséquences de ces évolutions pour les populations. « Défendre, contester, rompre » décrit, de 1914 à 1945, la mobilisation des Juifs et des musulmans pendant la Première Guerre mondiale, les rencontres artistiques et les tensions politiques de l’entre-deux-guerres et le renversement de l’ordre établi par la société coloniale suite à la défaite française de 1940. « Partir, se (re)construire, se souvenir », de 1945 à aujourd’hui, revient sur les luttes pour les indépendances et les évolutions des politiques migratoires de la France à la suite de celles-ci. Elle décrit les transformations des relations entre Juifs et musulmans liées, notamment, à la médiatisation du conflit israélo-palestinien à partir des années 1960, et interroge le rôle du travail de mémoire et des jeunes générations dans la remise en cause d’une vision figée et erronée des identités de chaque communauté.

17Pensée comme une approche aussi accessible que possible d’un sujet immensément complexe, cette exposition est un support de dialogue et de réflexion, qui vise à contribuer à une meilleure connaissance de l’histoire des relations entre communautés, de la colonisation et de ses conséquences.

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Pour citer cet article

Référence papier

Louise Luquet, « Les expositions mobiles du Musée national de l’histoire de l’immigration »Hommes & migrations, 1341 | 2023, 154-157.

Référence électronique

Louise Luquet, « Les expositions mobiles du Musée national de l’histoire de l’immigration »Hommes & migrations [En ligne], 1341 | 2023, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 18 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/hommesmigrations/15445 ; DOI : https://doi.org/10.4000/hommesmigrations.15445

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Auteur

Louise Luquet

Chargée d'actions pédagogiques et d'offres hors-les-murs, département Pédagogie, Musée national de l'histoire de l'immigration

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