Hommes & Migrations : Dans quelle mesure votre projet a-t-il émergé à partir de votre contexte institutionnel et territorial ? De quelle manière ces conditions d’émergence s’articulent-elles avec le programme Erasmus+ et ses priorités (inclusion et diversité, transition écologique, transformation numérique, participation à la vie démocratique) ?

ANdEA : Le projet a émergé d’une préoccupation partagée par un ensemble d’acteur·rice·s du réseau des Écoles supérieures d’art et design européennes. Considérant l’état actuel du monde et de ses « relations internationales », comment accueillir les artistes forcé·e·s à l’exil dans nos écoles, et comment le faire pour que s’inventent des situations heureuses et productives ?

Institutionnellement, c’est parce que l’Association nationale des écoles supérieures d’art françaises (ANdEA) travaille depuis plusieurs années avec ses homologues belges, dont l’Agence pour la recherche et l’enseignement supérieur de la fédération Wallonie Bruxelles (ARES), que nous avons décidé de nous mobiliser de part et d’autre de la frontière franco-belge. Malgré la proximité des deux pays, les contextes éducatifs, politiques et juridiques y sont très différents et cela nous permettait de travailler le sujet de l’accueil des artistes en multipliant les cas à analyser.

ACL : Face aux changements géopolitiques, écologiques et sociaux du monde actuel, le bénévolat en Europe devient un moyen d’action indispensable afin de renforcer les valeurs communes des sociétés démocratiques. Les volontaires sont extrêmement divers·e·s en termes d’engagement, de compétences techniques ou interculturelles. Ces bénévoles questionnent souvent le sens de leur engagement et se sentent démuni·e·s face à l’ampleur des transformations sociales constatées.

Le projet Artivismes migratoires européens (AME), résultat d’un partenariat entre les associations Camera Lucida (pays d’Apt, France), Otratierra (Forcalquier, France) et Porco Rosso (Palerme, Italie), est né de ce constat. La démarche d’AME cherche à encourager une citoyenneté européenne contemporaine, soutenir l’action collective et promouvoir la participation des adultes dans l’accompagnement des personnes en situation de migration. Elle favorise également l’inclusion des bénévoles ayant moins d’opportunités en raison de leur milieu social, de leur situation économique et de leur lieu de vie (zones rurales du Sud de la France ou quartiers populaires de Palerme).

LDE : La Ligue de l’enseignement a pour mission de renforcer l’accès à la culture, à l’éducation, aux loisirs et au sport de tous les publics pour qu’ils participent pleinement à la vie civique et citoyenne. Les fédérations départementales de la Ligue mettent en œuvre un large panel d’activités pour favoriser l’inclusion sociale des publics exilés tels que : l’accès aux droits ; la gestion d’équipements contribuant à l’insertion ; la mise en œuvre de parcours de formation professionnelle pour une insertion par l’emploi ; l’organisation de cours de Français langue étrangère (FLE) pour aider à l’insertion linguistique ; la participation aux parcours du contrat d’intégration républicaine pour favoriser l’insertion citoyenne ; des actions éducatives au service d’une intégration culturelle. En introduisant le concept de droits culturels dans la manière dont on pense l’inclusion de ces personnes, c’est-à-dire le respect du droit de chaque individu à participer à la vie culturelle, de vivre et d’exprimer sa culture et ses références, en garantissant les autres droits humains fondamentaux, notre projet MigrArts, arts et culture pour l’intégration des migrants, répond à la priorité « inclusion et diversité » du programme Erasmus+.

H&M : Pourriez-vous décrire les publics et les objectifs visés par ce projet et, plus particulièrement, les liens faits entre migration/exil et arts/créativité ? Comment s’est mise en œuvre l’approche intersectorielle, interdisciplinaire et interculturelle pour votre projet ?

ANdEA : Plusieurs types de publics sont concernés par ce projet : les personnes en exil ou sans-papiers qui souhaitent commencer ou reprendre des études dans les domaines de nos écoles (art, design, communication, spectacle vivant), celles qui étaient déjà des professionnels dans leurs pays d’origine et peuvent rejoindre les écoles d’art en tant qu’enseignants ou visiting professors ou encore en tant qu’artistes en résidence…, ainsi que les communautés de nos écoles d’art et de design – personnels administratifs et enseignants, étudiants – et leurs écosystèmes directs. Le projet PUZLP-Artistes en exil dans les écoles supérieures d’art européennes permet à toutes et tous de s’outiller pour répondre aux besoins de montée en compétence dans des projets menés auprès d’artistes en exil. Il s’agit aussi de modifier les représentations sur ce sujet et de susciter l’engagement civique des personnels des écoles.

À chaque fois, même si ces publics sont différents et demandent donc des dispositifs différents, il s’agit de contribuer à la création de l’équivalent d’un guide des bonnes pratiques qui rendrait possible l’accueil dans toute école supérieure d’art européenne.

Le projet est d’emblée interdisciplinaire, interculturel et intersectionnel dans ses enjeux politiques : les artistes en exil avec qui nous travaillons apportent avec elles et eux des « bouts du monde » très variés, mais aussi des problèmes, des méthodes, des corpus et des imaginaires qui le sont tout autant…

ACL : AME vise à aborder le processus de formation d’adultes au moyen d’outils pédagogiques innovants, inspirés de l’action artistique et de la pensée décoloniale, perspective née en Amérique latine et en Afrique, pour comprendre les imbrications entre race, genre et classe, au-delà des dichotomies science/magie, blanc/noir, féminin/masculin. Il s’agit, en définitive, d’échanger avec les bénévoles autour des pratiques de la prise de soin de soi, d’autrui et du collectif, tout en contribuant à leur santé intégrale et à leur réflexion sur leur savoir-être et leur savoir-faire.

Les bénéficiaires du projet sont les bénévoles de Porco Rosso qui accompagnent environ 500 personnes migrant·e·s dans divers domaines (formation linguistique, suivi du statut juridique, recherche de logement ou d’emploi, attention sanitaire). Par ailleurs, d’autres équipes des associations, bénévoles en France et en Italie, ainsi que les personnes migrantes accueillies, pourront aussi bénéficier du projet.

LDE : MigrArts a pour objectif de favoriser l’inclusion des personnes migrantes à travers le respect de leurs droits culturels dans l’élaboration et la mise en œuvre de projets artistiques et culturels. Les politiques d’intégration ne prennent pas, ou très peu, en compte la dimension culturelle de l’inclusion des personnes migrantes. Or, dans un contexte européen où les dynamiques identitaires gagnent du terrain, il faut promouvoir une Europe inclusive dans laquelle les droits culturels des personnes migrantes sont respectés et le patrimoine culturel mis en valeur. En outillant les acteurs socioculturels, ce projet vise non seulement à renforcer les échanges interculturels et la transmission de valeurs européennes, mais aussi l’épanouissement individuel des personnes migrantes à travers le développement de compétences créatives et le respect de leurs droits culturels.

H&M : Dans quelle mesure avez-vous eu recours à des études ou à des analyses en amont du projet pour l’identification initiale des besoins des participants et des publics visés, durant sa réalisation, dans une logique d’amélioration continue, et à l’issue (évaluation des résultats, mesure de l’impact) ?

ANdEA : PUZLP est né de premières évaluations diagnostiques des expériences de terrain concrètes menées par chaque partenaire. En France, l’ANdEA est engagée depuis deux ans aux côtés de l’Atelier des artistes en exil (aa-e) – un de ses membres associés – dans des politiques d’accueil d’artistes aux trajectoires heurtées par les crises, les guerres et les persécutions. L’association s’appuie sur de nombreuses pratiques d’hospitalité existantes dans les écoles. L’ANdEA et l’aa-e ont ainsi accompagné l’ouverture aux artistes de PAUSE, le programme national d’aide d’urgence aux chercheurs en danger porté par le Collège de France. Les premiers bilans des résidences mises à l’œuvre dans 22 écoles d’art françaises depuis 2021 ont relevé le besoin aigu de formalisation de protocoles d’accueil et d’accompagnement pour les écoles, l’aa-e et les artistes. En Belgique, des demandes précises ont aussi émergé du groupe de travail Exil et création, auquel participent activement nos partenaires l’École supérieure des arts Saint-Luc Bruxelles (ESA St-Luc) et l’École de recherche graphique (ERG) aux côtés du collectif La voie des sans-papiers : d’une part, pour que les écoles d’arts s’impliquent davantage pour intégrer des personnes sans-papiers, d’autre part, pour qu’un accompagnement à la professionnalisation des artistes sans-papiers s’organise.

ACL : Pendant l’écriture du projet, les besoins des bénévoles de l’accueil de personnes migrantes ont été identifiés au moyen d’un diagnostic réalisé à Porco Rosso. Trois points se dégagent de cet exercice : la difficulté à prendre soin de soi et le risque de dévalorisation du fait du manque de formation pour affronter les conséquences psychologiques du contact avec la réalité de personnes migrantes ; l’absence d’accompagnement et d’outils créatifs pour travailler avec des groupes d’adultes ; le manque de répertoires et de références qui contribuent aux campagnes menées par les bénévoles pour visibiliser les causes qu’ils défendent.

La première étape de travail, « LAB Créativité, art et activismes », a abordé la question suivante : Quelle citoyenneté européenne voulons-nous et pouvons-nous construire entre migrants et non migrants ? Le but du projet est la construction d’une mallette numérique d’outils pédagogiques (dynamiques collectives, ludiques et artistiques) faisant appel à l’imaginaire, à la parole, à la confrontation de référents culturels et prenant en compte les notions de complémentarité de cultures, de connaissances et de visions du monde. Pour enrichir nos réflexions, nous avons constitué un corpus référentiel composé de livres, de films, de podcast et d’œuvres artistiques abordant les thèmes suivants : diversité et interdépendance culturelle ; diversité des genres et des sexualités ; diversité des intelligences et des corps ; horizontalité et interdépendance entre personnes et territoires.

LDE : Les partenaires du projet agissent au quotidien auprès de personnes migrantes. Ils ont à la fois pu constater que la prise en compte des droits culturels des migrants dans le cadre des politiques publiques est insuffisante, mais aussi que les acteurs socio-culturels ont besoin d’être outillés pour répondre aux particularités, aux besoins et aux attentes des personnes migrantes dans la mise en œuvre de projets culturels. Au-delà de ce constat de terrain, les partenaires se sont basés sur les textes et les chartes fondamentales européennes et internationales pour fixer le cadre et les objectifs du projet. Dans une démarche expérimentale, MigrArts prévoit une évaluation tout au long du projet, grâce à la création d’outils d’évaluation permettant de s’assurer qu’il répond aux objectifs fixés initialement, ainsi qu’aux besoins des participants. La mise en œuvre de projets artistiques et culturels expérimentaux permettra, par exemple, d’évaluer l’adéquation du cadre méthodologique avec les réalités et les besoins du terrain.

H&M : Comment avez-vous identifié vos partenaires ? S’agissait-il d’un partenariat préexistant sur cette thématique ou constitué spécialement pour ce projet ? Quelle est la complémentarité entre les différents partenaires ?

ANdEA : Organisées en 2017 puis en 2019, les rencontres franco-belges des écoles supérieures de la création ont entrecroisé les deux réseaux et fait apparaître les questions en commun, en particulier autour des enjeux sociaux et sociétaux. En 2021, l’ANdEA et l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES), qui est la fédération des établissements d’enseignement supérieur francophones de Belgique, ont signé un accord de coopération en vue de favoriser l’échange de pratiques, d’expérience et d’expertise. PUZLP est le premier projet concrétisant cette volonté de collaboration. Trois partenaires, l’aa-e, l’ERG et l’ESA Saint-Luc Bruxelles, dont les champs d’activité sont liés au projet (accueil et formation des artistes, mise en œuvre de processus et accompagnement de personnes en situation d’exclusion sociale), se sont joints à l’ANdEA, dans une complémentarité de compétences et d’expériences. Cela nous a permis de nous appuyer sur des outils, des connaissances et des retours d’expériences déjà pratiquées. Et parce que des réflexions très proches, voire similaires, émergent au sein des différentes institutions, se rassembler permet de « collectiviser » nos ressources, nos connaissances et nos réseaux. Le processus favorise ainsi le transfert de compétences entre partenaires complémentaires et la mise en perspective des réflexions locales, chacun apportant des savoir-faire, des expériences et des écosystèmes particuliers. Ce faisant, se sont ainsi posées les prémices d’un réseau d’acteurs européens que nous souhaitons développer davantage.

ACL : Des membres des trois associations partenaires se sont rencontrés dans le cadre du programme i-team du Relais Culture Europe (2020-2021), espace d’échanges sur nos pratiques associatives et de partage de nos réflexions sur les liens entre création artistique, care, écoféminisme et justice sociale dans le contexte européen actuel.

Pour la réalisation d’AME, nous mettons à contribution nos spécificités, à savoir : Camera Lucida, sa pratique du cinéma documentaire comme moteur de réflexions citoyennes sur divers sujets de société, à destination d’adultes majeurs et de résidents des zones rurales ; Porco Rosso, la mise en place d’actions d’accompagnement à destination d’une population migrante et réfugiée (orientation et information) autour du pouvoir d’agir, de la liberté et la solidarité ; Otratierra, son expérience en pédagogies diverses et innovantes liées à l’art et l’activisme, ainsi que son expertise féministe décoloniale dans la lutte contre le sexisme et toutes formes de discrimination. Nos trois associations ont en commun l’axe de travail « formation pour adultes » et leur capacité à travailler sur plusieurs échelles du local à l’international.

LDE : Les partenaires de ce projet sont engagés pour défendre et promouvoir les valeurs de justice sociale en Europe. Ils mènent tous des actions en faveur de l’inclusion sociale des personnes migrantes, notamment à travers la mise en œuvre de pratiques artistiques et culturelles. Certains partenaires ont déjà eu l’occasion de collaborer sur de précédents projets et partagent un engagement fort sur ces questions. La complémentarité du consortium est tout d’abord géographique puisqu’il associe des structures de l’Est, de l’Ouest et du Sud de l’Europe. En matière de compétences, certaines structures sont davantage expérimentées dans la mise en place d’activités culturelles et artistiques, alors que d’autres détiennent une expertise particulière en matière de travail avec des publics migrants. De plus, la structuration territoriale de la Ligue de l’enseignement et de l’association italienne Arci Solidarietà, présents sur l’ensemble de la France et de l’Italie, donne à ce projet une forte dimension nationale et locale.

H&M : En quoi les enjeux migratoires suscitent-ils une mise en question des représentations et des pratiques artistiques, professionnelles et associatives d’accueil et d’accompagnement ? Et, selon vous, en quoi votre projet permet-il d’apporter des éléments de réponse ?

ANdEA : L’arrivée d’artistes en exil dans les écoles supérieures d’art, qui sont de relativement petites structures où tout le monde se connaît, produit un effet de surgissement du politique. Et si on lui fait place, tout est questionné à nouveau : que peut l’art en situation de crise ? Quelle « professionnalisation » vise-t-on pour les artistes en exil et d’autres personnes sans-papiers ? Quelle part les écoles supérieures d’art et design peuvent-elles prendre dans des questions et des enjeux (juridiques entre autres) dépassant de loin les compétences et la légitimité dont elles disposent normalement dans la société ?… Les artistes accueillis en résidence apportent des imaginaires, de nouvelles pratiques et un autre rapport au monde dans les écoles pour les rendre davantage plurielles, humaines et pacifistes. Ils aident à déplacer les regards et bousculer les routines.

Avec PUZLP, ces questions se sont imposées à nous et le projet tâche d’y répondre point par point. Les résultats de PUZLP permettront donc de passer des questions aux propositions concrètes d’accueil, mais aussi de faire glisser des pratiques individuelles existant dans le champ associatif à des pratiques institutionnelles de plus grande échelle.

ACL : Actuellement, le rôle citoyen de celles et de ceux qui accompagnent volontairement les populations migrantes vers l’Europe est soit invisibilisé, soit stigmatisé, voire pénalisé. Derrière ces représentations, la pensée coloniale (largement analysée par Françoise Vergès, Rachele Borghi, Frantz Fanon, entre autres) persiste à véhiculer le modèle de sociétés hiérarchisées et inégalitaires, qui structure les rapports en catégories sociales et culturelles qu’elles considèrent historiquement comme inférieures.

La question de l’altérité et de la décolonialité dans le modèle culturel français et italien, tout particulièrement autour de la Méditerranée, est complexe. À travers AME, nous défendons l’approche d’une compréhension et d’une pratique du monde ouverte et humaniste, dans laquelle être étranger n’est pas une menace, qui nourrit la discrimination, la peur et la xénophobie, mais une opportunité de transformation individuelle et collective, d’affirmation d’une communauté d’affects, nécessitant la construction des nouveaux récits pour nommer son histoire d’émancipation et d’hospitalité.

LDE : Les politiques d’intégration des personnes migrantes telles qu’elles sont élaborées mettent davantage l’accent sur l’intégration sociale et prennent insuffisamment en compte la question des droits culturels. Pour autant, la culture et les arts sont de puissants canaux de partage, de transmission de valeurs et du « vivre ensemble » (voir la communication de la Commission européenne « sur un nouveau pacte sur la migration et l’asile », 2020). De plus, au-delà du rôle de la culture dans l’élaboration d’une société commune et apaisée, il convient d’envisager également la question des migrations du point de vue des droits culturels afin de protéger le droit de toutes les personnes à développer et à exprimer leur humanité et leur vision du monde, par l’intermédiaire, notamment, de croyances, de convictions, de langues, de connaissances, de l’expression artistique, des institutions et des modes de vie. MigrArts vise précisément à renforcer le respect des droits culturels des personnes migrantes au sein de projets créatifs, interculturels, et au potentiel fédérateur, pour favoriser l’émergence de sociétés européennes plus ouvertes et inclusives.

H&M : Pour ce projet, en quoi considérez-vous que la dimension européenne d’un projet Erasmus+ était nécessaire et en écho avec les dynamiques locales et nationales ?

ANdEA : L’Europe est l’échelle à laquelle se pose la question migratoire, quelle que soit la façon dont les pays, un à un, s’emparent de cette question avec des visées politiques plus ou moins problématiques. Nous savons, par ailleurs, que la surchauffe climatique, surchauffe dont nous constatons seulement le début des effets, va intensifier la nécessité des migrations et que, même de manière interne au sein de l’Europe, les pays du Sud vont voir leurs conditions d’habitabilité se dégrader… Il est donc urgent de s’emparer de ces questions et d’aider à leur donner des trajectoires qui ne sont pas celles du repli identitaire et de la redite de la violence coloniale par d’autres moyens.

En ce qui concerne Erasmus+, le dispositif permet la réunion d’acteur·rice·s souhaitant réfléchir et agir, se donner de la force et s’outiller. Mobilisé fortement par nos écoles tant en France qu’en Belgique pour soutenir la mobilité des étudiants, le programme Erasmus+ est moins connu comme programme de soutien à l’impulsion de nouvelles approches et méthodes d’inclusion sociale. Il peut utilement aider à construire une Europe solidaire avec les personnes exilées. Il s’agit de contribuer à promouvoir une Europe fondée sur la protection des droits humains, sur la dignité humaine, sur la solidarité et sur l’inclusion, sans discrimination aucune – autrement dit, une Europe fidèle à ses principes fondateurs. La dimension politique de ce programme est donc, dans le cas de PUZLP, véritablement investie.

LDE : La dimension européenne de ce projet renforce sa portée et son impact en permettant l’échange de bonnes pratiques entre des partenaires européens d’envergure avec des expertises riches et diverses sur les thématiques du projet ; la création de réseaux interprofessionnels incluant les acteurs culturels, de la médiation culturelle et de l’accompagnement des migrants à plusieurs échelles (locale, nationale et européenne), pour décloisonner la question de l’inclusion des personnes migrantes ; la sensibilisation de l’opinion publique et des instances politiques à plusieurs échelles (locale, nationale et européenne) à la question de l’inclusion des personnes migrantes par les arts et la culture. Alors que la question de l’accueil et de l’intégration des personnes migrantes est habituellement traitée de façon compartimentée, la dimension européenne renforce la diversité et la richesse de l’approche proposée par le projet MigrArts, soit une approche transversale et interculturelle.

ACL : Penser et expérimenter une citoyenneté européenne qui considère les valeurs décoloniales telles que l’intégration de la diversité culturelle, la non-discrimination, l’égalité des droits pour tous et l’écologie de la connaissance (rationnelle, sacrée, artistique) demande une meilleure communication et davantage d’échanges de nos pratiques d’accueil de populations migrantes dans nos contextes locaux. De la même manière, il est nécessaire de comprendre les facteurs historiques qui provoquent les différentes migrations. Comment promouvoir le respect de la personne migrante et de l’hôte ? Partager des expériences pédagogiques à destination des adultes, et tout particulièrement de bénévoles de l’accueil des populations migrantes, peut nous permettre d’élargir les réseaux d’action, d’adapter et de renouveler des méthodologies de travail de l’entraide, d’encourager la créativité et de créer des expériences transposables dans d’autres pays. Face aux défis de l’expérience migratoire dans nos sociétés, il est essentiel pour l’Europe de se penser à la fois une et plurielle.