1L’association Espero France développe depuis 2016 des parcours d’insertion sociale et professionnelle à destination de personnes éloignées de l’emploi. Son objectif est de les aider à développer leurs talents tout en participant à la promotion d’une économie inclusive et responsable. « Si nos formations s’adressent à toute personne cherchant à reprendre une activité professionnelle, le public émigré est majoritaire chez nos bénéficiaires », note Maya Persaud, directrice et cofondatrice d’Espero France.

2L’offre de formations de l’association s’articule autour de trois métiers de la transition écologique : l’apiculture urbaine, le maraîchage en permaculture et la couture upcycling, reposant sur le recyclage et la recréation de tissus. L’engagement d’Espero, à la fois social et environnemental, repose ainsi sur la valorisation des compétences de ses bénéficiaires et le développement de pratiques écologiques, notamment la lutte contre le gaspillage.

Valoriser des talents méconnus

3Lancée en 2021 en pleine pandémie de Covid, l’activité de couture upcycling répond au constat que de nombreuses compétences en couture n’étaient pas mises en avant par leurs dépositaires dans leur recherche d’emploi. « En cherchant des expériences professionnelles en couture dans notre réseau, nous avons identifié une trentaine de profils, dont certains, très spécialisés, étaient couturiers dans leur pays d’origine. Je pense notamment à Akhtar qui possédait son atelier de confection à Kaboul », souligne Maya Persaud.

4En réponse, Espero France crée Espero Atelier et ouvre deux ateliers alliant mode éco-responsable et insertion professionnelle à Antony (92), tout en intégrant la Manufacture Berlier à Paris, spécialisée dans le textile solidaire et circulaire, au printemps 2023. Depuis peu, l’association dispose également d’une antenne à Rennes.

5Espero Atelier collabore avec des couturiers, des stylistes et des modélistes qui encadrent les bénéficiaires et assurent la direction artistique de ses collections de prêt-à-porter, tout en réalisant des commandes pour des maisons de luxe comme Christophe Lemaire. Parmi eux, la styliste ukrainienne Elena Burenina, dont la collection a été présentée lors de L’OREAL Paris Fashion Show en octobre 2022 ; la créatrice de maroquinerie italienne Serena Cancellier, qui a conçu la collection féminine d’Espero montrée au Lifestyle Festival organisé par la fondation GoodPlanet en juin 2023 ; ou Monsieur Faizi, styliste-modéliste afghan, en charge de la collection masculine lors du même défilé de mode upcyclée. Tout en développant sa propre marque, ce dernier prépare une nouvelle collection avec Espero pour la fin de l’année : « Pour cette collection, je travaille à partir de fins de stock qu’Espero récupère dans les grandes maisons. Je m’inspire des couleurs, des matières que je touche pour créer des looks. Si la migration fait partie de mon histoire, cela fait longtemps que je vis ici et je n'ai pas envie de porter ce genre d’étiquettes. Mais il y peut avoir des citations dans mon travail de cette autre culture qui est en moi. J’utilise, par exemple, des petits galons que je modernise. Sur des coupes qui laissent beaucoup d’aisance, je rajoute un petit galon autour du col ou au poignet. Il s’agit d’un rappel, et d’un rappel seulement, de là-bas. Je m’inspire en premier lieu de ma vie quotidienne à Paris, de l’air du temps, de la lumière des saisons, de la musique. »

Un accompagnement social et professionnel

6L’initiative d’Espero France repose sur un double levier d’insertion professionnelle à travers son homologation en Atelier chantier d’insertion (ACI) par le ministère du Travail et sa participation au Dispositif des premières heures (DPH) impulsé par la ville de Paris. Haider Ahmadi, chargé d’insertion pour Espero, précise : « Le premier porte sur une durée maximale de deux ans et s’adresse aux personnes éloignées de l’emploi qui ont déjà une expérience dans la couture, tandis que le second aide durant dix-huit mois des personnes très éloignées de l’emploi, dont les difficultés, notamment à l’égard de la langue, les empêchent d’entrer dans un dispositif. Pour l’heure, nous avons 15 salariés en ACI et 6 en DPH. Depuis la création d’Espero Atelier, nous avons formé 30 salariés. Parmi eux, 8 exercent aujourd’hui un métier dans l’industrie textile. »

7L’apprentissage du français est l’une des clés du parcours de formation d’Espero Atelier, un atelier cosmopolite où près d’une dizaine de nationalités sont représentées selon Haider Ahmadi : « Les Ukrainiens sont en majorité. Mais il y a également, parmi nos bénéficiaires, des Afghanes, des Russes, des Bangladais, des Somaliens, des Érythréens, des Congolais, des Béninois… Selon nous, la priorité est d’apprendre la langue. Ici, c’est mode et culture ! Nous développons des cours de français dans le cadre professionnel, au sein de l’atelier, en plus de la formation à la couture. Tout ceci facilite le retour vers l’emploi. »

8L’engagement d’Espero auprès de ses bénéficiaires dépasse la seule dimension professionnelle. « Notre accompagnement est également social », insiste Haider Ahmadi. « Nous aidons nos salariés dans toutes leurs démarches administratives, la prise d’un rendez-vous au Pôle emploi ou avec la préfecture pour le renouvellement d’un titre de séjour… Nous devons les orienter au mieux pour leur donner toutes les possibilités de montrer leurs talents. » L’insertion par le travail, par le talent, sont les maîtres-mots de la démarche d’Espero France. Parmi ses réussites notables, Maya Persaud mentionne le parcours d’Elena Burenina, la styliste ukrainienne, qui est parvenue à ouvrir son propre atelier à Antony ; celui d’Alain, un brodeur béninois hors pair qui travaille désormais pour une grande maison de haute couture ; ou cet autre qui réalise des missions en intérim pour des maisons de luxe. « Espero place toute sa confiance dans la capacité d’action, l’empowerment. Notre structure se veut un tremplin pour aider à déployer ses ailes. Voir ensuite les personnes parvenir à s’envoler constitue une immense fierté », conclut Maya Persaud.