1Inédit en France et dans son pays d’origine, les États-Unis, tourné et jamais distribué en salle malgré la reconnaissance d’un prix lors d’un festival, Bushman est présenté pour la première fois sur les écrans de l’Hexagone grâce à l’acharnement de la veuve du défunt cinéaste et du travail de distribution de Malavida. Sorti le 24 avril 2024, il a déjà reçu un franc succès dans les salles parisiennes, avec plus de trois mille spectateurs la première semaine.

2Gabriel (Paul Okpokam) a fui la guerre du Biafra au Nigeria. Exilé aux États-Unis, il enseigne la littérature à l’université de San Francisco. En Californie, il côtoie aussi bien les intellectuels blancs que la communauté afro-américaine. Déraciné, de rencontre en rencontre, il essuie racisme systémique et incompréhension, tout en se remémorant avec nostalgie son village. Son visa arrivant à expiration, les événements vont prendre un cours dramatique…

3Schikele a rejoint la Peace Corp pour prendre part à une mission humanitaire au Nigeria et ainsi éviter d’être enrôlé dans la guerre du Vietnam. Il y enseigne la littérature américaine. De ce voyage, il ramène les images de brousse qu’il utilisera pour Bushman, comme autant de réminiscences du pays natal du protagoniste. À travers cette fiction, David Schickele collecte des témoignages historiques précieux. En 1968, les universités américaines sont secouées par les mouvements contestataires étudiants. Les manifestations contre la guerre du Vietnam se multiplient. Ce contexte agité va voir la naissance puis l’émergence des Black Panthers, à la suite de l’assassinat de Martin Luther King.

4Le noir et blanc nous plonge dans une intemporalité fantasmagorique qui percute la capture directe du réel. Gabriel est omniprésent à l’écran. Le réalisateur immerge tour à tour dans l’intériorité du personnage et l’on devient spectateur de ses rencontres.

5L’écriture libre et singulière de Schickele s’affranchit des codes du cinéma académique. Dans une grande modernité inspirée de la Nouvelle Vague française ou de la cinématographie d’un Cassavetes, il n’hésite pas à mêler les genres. Le cinéma direct fait son incursion dans la fiction, jusqu’au basculement dans le réel brouillant totalement les pistes. Paul Okpokam a en effet été arrêté par la police américaine. Le tournage de la fiction doit prendre fin mais la caméra continue de documenter.

6Protéiforme, cet essai cinématographique oscille avec gravité et légèreté entre le journal intime, le récit de voyage et le documentaire. Il collecte les impressions, les réflexions intérieures grinçantes du narrateur sur une société américaine conservatrice qu’il découvre avec stupeur et colère.