« Les individus ont une meilleure conscience du monde »
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Hommes & Migrations : Les programmes Erasmus vont fêter leurs 30 ans cette année. Quels ont été les objectifs assignés à ce programme à son lancement ?
Sébastien Thierry : Le programme a été adopté par le Conseil des ministres et le Parlement européen en juin 1987. À l’époque, il n’impliquait que onze pays : l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume Uni. Au cours de la première année de lancement, c’est-à-dire l’année universitaire 1987-1988, il a permis à 3 000 étudiants européens d’effectuer une mobilité à l’étranger. Aujourd’hui, le programme Erasmus est devenu le programme Erasmus + et s’est élargi bien au-delà du public étudiant. En 30 ans, il a bénéficié à plus de 9 millions de personnes en Europe, dont 4,4 millions d’étudiants. Il a permis à ces personnes d’effectuer un séjour à l’étranger qui soit un séjour d’études, ou de plus en plus un séjour en stage.
HetM : Au départ, est-ce une volonté des gouvernements ou des universités de développer ce type de programme ?
S. T. : L’initiative a été lancée au niveau de l’ancienne Communauté économique européenne (CEE) pour offrir une possibilité de rapprocher concrètement les peuples. Les universités, qui avaient de tout temps une tradition de mobilité à leur niveau, ont bien entendu embrayé sur ce programme.
De 3 000 étudiants sa première année, Erasmus est rapidement monté en puissance. Dans la mesure où c’est un programme européen, les fonds sont répartis entre les pays selon des critères qui prennent, par exemple, en compte la population. Chaque pays disposait donc d’une enveloppe budgétaire. Ce que l’on peut remarquer, c’est que cette enveloppe a toujours été consommée. Les opportunités de mobilités sont extrêmement attractives et, en fait, il y a beaucoup plus de demandes de mobilité que de possibilités d’en financer. C’est encore le cas aujourd’hui pour l’enseignement supérieur, donc à la fois les étudiants en mobilité d’études et en mobilité de stage. On a plus particulièrement noté la montée en puissance d’un public de jeunes suivant une formation professionnelle initiale. Ce fut d’abord à travers un programme spécifique appelé Léonard de Vinci à partir de 1995, et aujourd’hui intégré dans Erasmus +. On parle de jeunes de CAP, de bac pro, ou encore des stagiaires de la formation professionnelle, des demandeurs d’emploi, des post-apprentis. La demande est extrêmement forte et on ne peut répondre qu’à une demande de bourses sur deux. C’est aujourd’hui un programme qui rencontre un énorme succès au sein des États participants.
HetM : Pour la France, quel bilan peut-on tirer du dispositif, en termes de public concerné, de discipline et de pays de destination ?
S. T. : L’Agence Erasmus + est un opérateur public. Nous fonctionnons directement avec la Commission européenne qui nous délègue pour la France les fonds du programme. Cela correspond en 2017 à 170 millions d’euros intégralement reversés sous la forme de subventions. Par ailleurs, nous sommes un opérateur sous les tutelles du ministère de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, et du ministère en charge de la Formation professionnelle. Notre mission évidemment est de mettre en place le programme. Mais nous avons aussi des objectifs stratégiques dont nous nous sommes dotés à l’horizon 2020. Le premier d’entre eux est de faire en sorte que ce programme bénéficie à des publics parmi les plus défavorisés, ou à ceux qui n’y auraient pas accès sans intervention de la force publique. On se rend compte, grâce aux différentes études qu’on a pu mener, que cela fonctionne. En l’occurrence, pour les publics de la formation initiale professionnelle, plus de 60 % d’entre eux ont des parents ouvriers, employés, demandeurs d’emploi ou retraités, donc de niveaux socio-économiques les moins favorisés. Pour ce qui concerne l’enseignement supérieur, les étudiants boursiers sur critères sociaux sont notre principal indicateur. Ils représentent près de 40 % des étudiants qui partent avec Erasmus +. C’est une proportion supérieure à la proportion des boursiers dans la population étudiante générale. Dans la plupart des cas, ces bénéficiaires ne sont jamais allés à l’étranger, ou peut-être parfois pour une petite période de vacances. Mais souvent ils ont très peu de contacts avec l’étranger. Parfois même, ils ne se sont jamais éloignés de chez eux au-delà d’un rayon de 50-100 km. On est vraiment face à des publics peu mobiles au sens le plus profond du terme. Une période de ce type est pour eux une ouverture qui change la donne dans les parcours individuels et professionnels. C’est très important puisque derrière ce sont de nouvelles opportunités qui s’ouvrent à eux.
Le Royaume-Uni est sans surprise la première destination des jeunes qui partent pour Erasmus +. Ils sont près de 30 % pour les publics de la formation professionnelle. Ils sont un peu plus de 20 % pour le public des étudiants. C’est une donnée importante pour nous dans le contexte actuel du Brexit. Pour l’instant, nous n’avons aucune précision sur la façon dont cela va se passer. Mais il faudra peut-être trouver des solutions de rechange, des destinations alternatives qui, en l’occurrence, sont nombreuses en Europe. On peut trouver d’autres terrains de stage ou d’étude qui utilisent l’anglais. Les autres destinations sont les grands pays, l’Espagne bien sûr, et l’Allemagne qui est très demandée pour la formation professionnelle.
HetM : En dehors des études, quels changements, quelles adaptations doivent faire ces étudiants pour se fondre dans la société dans laquelle ils vont vivre plusieurs mois ?
S T. : C’est un aspect assez invisible mais absolument essentiel dans ce programme. Avant le départ, il y a une évaluation du niveau de langue à travers un outil en ligne qui s’appelle OLS (Online Linguistic Support). Elle permet aussi aux étudiants d’accéder, pour ceux qui en ont besoin, à des formations en langues. Avoir une maîtrise minimum de la langue du pays d’accueil est évidemment essentiel pour pouvoir mieux s’y intégrer. Au-delà, davantage sur des publics bac et infra bac, un travail préparatoire se porte sur les aspects culturels dans les CFA, les lycées ou les missions locales. Que signifie aller dans un pays qui a des pratiques un peu différentes ? Dois-je dire bonjour en serrant la main, en faisant une bise, deux bises ? Comment s’adresser aux gens ou comprendre leurs réactions ? Cela constitue une première approche de l’interculturel, une sensibilisation menée au sein des établissements d’envoi.
Nous avons les retours de l’ensemble des publics après la mobilité grâce aux questionnaires de satisfaction envoyés. Ils sont extrêmement positifs à 80-85 %, à la fois sur les aspects pratiques et de contenu des stages et des études. Ça constitue des expériences marquantes et très fortes pour les jeunes en question.
HetM : Comment se passe le séjour des étudiants étrangers en mobilité en France ?
S. T. : Dans les questionnaires transmis, les jeunes estiment les conditions d’accueil en France plutôt bonnes dans une proportion qui est au-delà de trois quarts des étudiants. On a, par contre, au regard d’autres pays, notamment les pays nordiques ou l’Allemagne, un taux de satisfaction qui est un peu moins bon sur l’approche pédagogique. Les étudiants du Nord de l’Europe la trouvent moins moderne par rapport à ce qu’ils connaissent. Contrairement aux étudiants en provenance des pays du Sud (Espagne, Italie) qui plébiscitent cette approche. On met le doigt sur les différences d’approches culturelles du nord au sud de l’Europe, mais aussi d’est en ouest. Les étudiants venus des pays de l’Est sont ainsi très satisfaits des conditions d’enseignement en France.
HetM : Savez-vous combien de jeunes ne reviennent pas, ou si certains repartiront dans ces pays qu’ils ont appréciés pendant ce programme ?
S. T. : Une proportion assez faible de jeunes ne revient pas. C’est notamment le cas des stagiaires de la formation professionnelle. Ils partent généralement en stage sur des durées plutôt longues de 3 à 6 mois. Ces stages sont souvent pour eux l’occasion de s’insérer professionnellement dans le pays de destination. C’est cependant loin d’être la majorité. Partir avec Erasmus, c’est surtout mieux revenir afin de poursuivre son parcours en France ou dans le pays de départ ailleurs en Europe. Parfois aussi, partir c’est revenir pour repartir une nouvelle fois. Pour les publics prioritaires de ce programme, la mobilité est une difficulté intrinsèque, un enjeu géographique et de proximité dans certains cas, ou un enjeu professionnel. Le fait de partir à l’étranger, même sur des durées courtes (en moyenne 3-4 semaines pour les jeunes de bac pro), est un temps de découverte de soi fondamental, de sa capacité à dépasser les obstacles. Le premier est la langue, mais il y a aussi la capacité à entrer en contact, à s’autonomiser, à s’adapter à des situations qu’ils n’auraient jamais imaginées. Ce sont des déclencheurs extrêmement puissants pour la suite. On le voit, ils permettent à ces jeunes de rendre possible une nouvelle mobilité plus autonome, plus longue, plus tard. La mobilité à l’étranger agit comme un véritable accélérateur personnel, individuel pour ces publics.
HetM : Les Français sont-ils les plus mobiles en Europe ?
S. T. : Contrairement à une idée reçue, les Français sont très mobiles de façon générale. Si l’on s’en tient au seul programme Erasmus +, la France est deuxième derrière l’Allemagne qui est un grand pays disposant dans le programme de davantage de fonds lui permettant de financer davantage de bourses de mobilité. Elle se situe assez loin devant d’autres pays de taille comparable, notamment le Royaume-Uni. De fait, sur l’enseignement supérieur, on a eu la surprise de découvrir en 2015 que nous avions financé plus d’étudiants que l’Allemagne. L’Allemagne finançait 39 719 bourses, la France 39 995. On a à peu près 270 bourses d’écarts. Les chiffres tiennent dans un mouchoir de poche, mais c’est quand même très significatif étant donnée la différence de taille démographique entre les deux pays. Donc oui, les Français sont très mobiles.
Je reviens quand même aux chiffres que je citais en premier lieu. On a une demande qui est considérable. Aujourd’hui, nous disposons de 162 millions d’euros pour financer de la mobilité mais aussi des projets de coopération en 2017. Nous n’avons pas encore reçu de candidature pour les projets de coopération. Mais sur les projets de mobilité, la demande atteint les 218 millions d’euros. On a vraiment une appétence très forte en France pour ces séjours à l’étranger dans le cadre d’Erasmus +.
HetM : Vous nous signaliez tout à l’heure que 40 % des mobilités se font grâce à des bourses. Pourquoi, à votre avis les enquêtes qui sont menées mettent-elles au contraire en avant un caractère socialement assez sélectif des étudiants dans le cadre d’Erasmus ? Comment faire pour améliorer l’ouverture sociale dans l’accès à ces programmes ?
S. T. : Précisément, 39 % des étudiants qui partent avec le programme sont boursiers sur critères sociaux. Mais tous les étudiants qui partent avec le programme bénéficient d’une bourse Erasmus +. Effectivement, on ne perçoit pas la diversité des publics couverts par le programme, et plus particulièrement ceux de l’ex-programme Léonard de Vinci. C’est vrai aussi au niveau national, les jeunes inscrits dans des filières professionnelles ont des profils socio-économiques moins favorisés que les jeunes des filières générales par exemple. Dans l’enseignement général, on ignore aussi qu’un jeune sur cinq en stage est un élève de BTS. Les populations inscrites en BTS n’ont pas tout à fait le même profil que les populations inscrites à l’université ou dans les grandes écoles.
Un certain nombre de ces publics passent sous le radar et, trop souvent malheureusement, on entend encore dire que Erasmus + est un programme élitiste. Ce n’est pas ce que nous voyons dans nos chiffres et à travers nos études. L’une d’elles, intitulée « Les notes de l’observatoire », sera très prochainement publiée. L’étude décrypte l’origine géographique, la profession des parents ou encore la situation au regard du handicap, qui fait partie de nos priorités, des étudiants qui participent à Erasmus +. 10 000 jeunes de profils très variés ont répondu à un questionnaire qui leur a été soumis. C’est de cette façon qu’on a pu recueillir cet ensemble d’informations qui nous permet aujourd’hui d’avancer que le programme travaille pour l’égalité des chances et non pas l’inverse.
HetM : Ce programme favorise-t-il aussi l’employabilité des personnes diplômées qui y ont participé ?
S. T. : Oui. Pour s’en rendre compte, on a exploité l’enquête Génération du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) qui mesure les parcours d’insertion des jeunes trois ans après leur sortie de formation. Tous les niveaux sont pris en compte, du décrocheur qui a laissé tomber le lycée à l’étudiant qui obtenu son doctorat. L’enquête Génération 2010 concernait tous les sortants de formation cette année-là, c’est-à-dire une population d’environ 700 000 jeunes. 35 000 jeunes ont été interrogés. On a ainsi pu mesurer l’effet mobilité à travers des questions spécifiques. Les différenciations de parcours sont flagrantes. Les jeunes sortis de formation dans la population générale mettent 4,3 mois pour trouver un emploi. Pour ceux partis à l’étranger, cette durée moyenne tombe à 2,3 mois. De même, ils sont plus souvent en CDI pour le premier emploi. D’une façon générale, par rapport à une insertion professionnelle durable, 70 % des jeunes partis à l’étranger dans le cadre d’une mobilité encadrée (ce qui exclut une mobilité loisir) ont un parcours d’accès durable à l’emploi (CDI plutôt que CDD, temps plein plutôt que temps partiel, etc.) contre 50 % pour ceux qui n’ont pas connu de parcours de mobilité dans leur scolarité. On a donc un effet mobilité important sur l’insertion professionnelle qui est aujourd’hui démontré. Nos études s’interrogent désormais sur le pourquoi : qu’est ce qui se passe dans le cadre d’un séjour à l’étranger, notamment en termes d’acquisition de compétences mobilisables dans un parcours d’insertion ? Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas tellement des compétences métiers ou des compétences techniques qui prévalent. Ça en fait partie bien sûr dans une mobilité de type professionnel, et surtout d’un stage. On acquiert des techniques dans la construction, la charpente, la ferronnerie, etc. Elles sont différentes de celles qu’on connaît, ce qui est un plus dans l’apprentissage d’un métier. Nous voulons surtout interroger à présent les compétences dites transversales, les task skills. Elles se traduisent par une plus grande ouverture d’esprit, une plus grande adaptation au changement ou à des environnements différents, des compétences aussi qu’on pourrait appeler « citoyennes ». Les individus ont une meilleure conscience du monde qui nous entoure, des problématiques au niveau européen, au niveau mondial. Ce sont des choses de l’ordre de la perception qu’on a pu mesurer mais sur lesquelles on voit des évolutions très fortes avant et après la mobilité.
HetM : Ce programme participe-t-il aussi à l’appropriation d’une identité européenne ?
S. T. : La question de l’identité européenne n’est pas un terrain sur lequel je m’avancerai dans le contexte actuel. À notre niveau, nous n’avons pas de définition et je ne suis pas certain qu’une définition existe. Si on parle encore une fois de la sensibilisation à ce qu’est l’Union européenne, l’Europe, à ce qu’elle fait concrètement, à travers le programme Erasmus entre autres, là oui, il y a des avancées. On peut quand même relever que l’on se sent d’autant plus européen qu’on part à l’extérieur de l’Europe et qu’on est finalement à l’intérieur de ce continent perçu par le pays d’accueil, les hôtes, comme non pas forcément Slovène, Italien, Polonais ou Français, mais comme Européen.
Un volet international du programme ne concerne aujourd’hui que l’enseignement supérieur. Le volet jeunesse et service volontaire européen ne concerne pas la formation professionnelle. C’est très dommage. C’est pour cette raison qu’au niveau de l’Agence Erasmus + France, nous militons auprès de nos collègues de la Commission européenne pour qu’ils puissent ouvrir la formation professionnelle à une mobilité en dehors de l’Europe. Nous aurons, je pense, un instrument qui permettra de mieux renforcer ce que l’on peut appeler l’identité européenne, ou la conscience d’appartenir à un ensemble politique, institutionnel, culturel à l’échelle du continent. Mais les procédures sont plus ou moins longues à mettre place, cela ne se fera probablement pas avant 3-4 ans.
HetM : Dans un entretien, Catherine Lalumière, présidente de la Maison de l’Europe de Paris, émet le souhait que la formation à l’Europe soit davantage inscrite en préparation de ces départs. Est-ce qu’il vous semble envisageable que les universités, les centres de formation organisent des modules sur la connaissance de l’histoire de l’Europe, de l’Union et de ses instances ?
S. T. : Cela fait partie ou devrait faire partie des cours qui sont donnés aux élèves et aux lycéens. À l’époque, cela s’appelait « instruction civique », mais je ne crois pas que ce soit encore le cas désormais. L’Europe est faite d’institutions. Il y a une vie démocratique européenne, notamment avec le Parlement européen qui a énormément gagné en pouvoir et donc en capacité d’influence. Il est l’expression de la représentation démocratique des citoyens européens. Effectivement, comprendre le fonctionnement de l’Union européenne serait souhaitable. Dans les préparations avant les départs que j’évoquais précédemment, c’est peut-être effectivement un aspect qui pourrait être renforcé et qui viendrait en complément de ce qui est déjà fait dans les cursus scolaires. Ces préparations sont plutôt axées sur des choses assez pratiques mais pourraient être améliorées par un côté « culture politique ».
HetM : Erasmus a-t-il permis de développer les collaborations entre les universités (système de reconnaissance des diplômes, programmes communs de recherche ou d’enseignement) ?
S. T. : Pour moi, la réponse est à l’évidence oui, car Erasmus a permis de renforcer ces types de coopération en Europe. C’est même l’un des grands succès du programme Erasmus, surtout au niveau de l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, la mobilité s’est considérablement développée en Europe. Elle est devenue « facile ». Un étudiant qui part une année se former à l’étranger dans un autre établissement d’enseignement supérieur voit cette année reconnue dans son parcours grâce au système de crédits ECTS. Il fonctionne par acquisition de points, un semestre validé correspond à 30 points et une année à 60 points. C’est un système qui intéresse d’autres régions du monde telles que l’Océanie ou le Canada pour leur propre programme de mobilité régionale. Il est partagé même au-delà de l’Europe puisqu’il réunit 47 pays.
Cela a été possible grâce au processus de Bologne lancé en 1999. En moins de 10 ans, les membres qui ont été moteurs ainsi que les établissements d’enseignement ont bâti un système européen non intégré basé sur une harmonisation des niveaux de formation, le fameux « 3-5-8 » ou « Licence-Master-Doctorat » avec des crédits ECTS pour la reconnaissance de la mobilité. Cela a permis de renforcer les coopérations entre les universités qui ont aujourd’hui généralement des dizaines – voire des centaines pour certaines – d’accords de partenariat avec d’autres établissements d’enseignement supérieur. Il faut faire en sorte que les échanges s’accentuent, pas seulement au niveau des étudiants, mais aussi au niveau des équipes pédagogiques. Le programme Erasmus + prévoit aussi la mobilité des personnels administratifs de façon à ce que l’Europe s’incarne au niveau des systèmes administratifs.
HetM : Une telle collaboration est importante pour constituer une Europe des universités attractive par rapport aux autres continents, notamment l’Asie qui continue à apprécier la notoriété des formations européennes…
S. T. : L’Asie, mais aussi l’Afrique. Le système Bologne renvoie à la coopération intra-européenne. Erasmus + comporte cependant un volet visant plus spécifiquement à renforcer l’attractivité des formations de la région Europe : Erasmus Mundus. Il propose des formations d’excellence construites grâce à des fonds du programme. Elles aboutissent à des double ou triple diplômes reconnus dans le monde. C’est extrêmement attractif pour les étudiants du monde entier, la matière grise, comme savent le faire les États-Unis ou même l’Asie.
Là-dessus, l’Europe s’est dotée d’une stratégie qui fonctionne. Ce système qui a très bien fonctionné pour l’enseignement supérieur permet aujourd’hui une mobilité qui s’intègre dans les parcours. Mais, sur le champ de la formation professionnelle, du chemin reste à faire. Même si beaucoup de jeunes souhaitent partir à l’étranger faire un stage, la question de la reconnaissance en est à ses balbutiements. Nous n’avons pas d’harmonisation des systèmes en Europe, les systèmes nationaux restant très peu interconnectés. On peut souhaiter que la poursuite du développement de ces mobilités, et plus particulièrement le projet de l’Union européenne de développer des mobilités longues, va permettre progressivement de faire bouger les choses. Un mouvement d’articulation entre les systèmes doit être initié, afin de permettre aux jeunes d’effectuer six mois, un an à l’étranger, et de voir cette période de mobilité reconnue dans le cadre de leurs cursus. Ce serait une avancée assez formidable et qu’on peut espérer voir impulsée dans les années qui viennent.
Pour citer cet article
Référence papier
Marie Poinsot, « « Les individus ont une meilleure conscience du monde » », Hommes & migrations, 1317-1318 | 2017, 87-91.
Référence électronique
Marie Poinsot, « « Les individus ont une meilleure conscience du monde » », Hommes & migrations [En ligne], 1317-1318 | 2017, mis en ligne le 01 avril 2017, consulté le 05 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/hommesmigrations/3879 ; DOI : https://doi.org/10.4000/hommesmigrations.3879
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