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Les infrastructures techniques pour servir la recherche météorologique et climatique

L’instrumentation de précision au LMD : de la conception à la réalisation

Precision instrumentation in the LMD: from design to production
Olivier Bousquet, Jean-Louis Monge et Francis Sirou

Résumés

Cet article présente l'activité du bureau d'étude et de l'atelier de mécanique du LMD. Ces deux services, spécialisés dans la conception d'électronique et de pièces mécaniques ont permis la réalisation d'instruments de recherche à la fois pour des mesures ballons, aéroportées et satellites, notamment avec les instruments ScaRaB et les campagnes Stratéole.

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Texte intégral

1Le bureau d'étude et l'atelier de mécanique du LMD étaient originellement à Meudon, au centre Bellevue, premier site du laboratoire. En 1975, lorsque le LMD est parti s’installer à Paris et Palaiseau, ils ont déménagé et se sont installés dans cette nouvelle École Polytechnique. L’atelier est une des spécificités du LMD et sur une quarantaine d’années, il a permis de réaliser en interne les pièces indispensables à une instrumentation de recherche innovante. Aujourd’hui dirigé par Olivier Bousquet, l’atelier a une histoire riche en projets et instruments qui ont fait du laboratoire un des rares en France à concevoir et réaliser lui-même ses instruments de recherche.

Conception de Meteosat et premiers prototypes

2À l'initiative du Professeur Pierre Morel, et de 1969 à 1972, le LMD était responsable du projet Meteosat première génération avec le CNES. Cela incluait le choix de la configuration optique, des détecteurs infrarouges et des canaux de mesure (satellite géostationnaire). Cela a aussi été l'occasion de réaliser un radiomètre aéroporté permettant de valider la conception du satellite Meteosat. Ce travail a donné lieu à une série de réunions à la NASA (Washington) pour présenter le radiomètre Meteosat, en particulier le télescope. Pour valider le choix du détecteur infrarouge de Meteosat, Pierre Morel a demandé au groupe radiométrie/mécanique composé de Jean-Louis Monge et Francis Sirou de concevoir un radiomètre aéroporté simple, à faible résolution dans la gamme IR de Meteosat, soit 10,5 à 12,5 microns, que l’on appellera « moulin à café », vu sa forme.

Figure 1 : Sirou et Monge - essais du radiomètre

Figure 1 : Sirou et Monge - essais du radiomètre

Francis Sirou et Jean-Louis Monge procédant aux essais du radiomètre avec son réservoir d'azote liquide permettant de refroidir le détecteur infrarouge photovoltaïque.

3Une des premières utilisations du radiomètre fut son implantation dans un Pilatus du SFA, et le survol d’un site pollué par une papeterie, située à La Salie, en Nouvelle Aquitaine. On a ainsi pu voir la pollution thermique et chimique s’étendre sur des kilomètres le long de la côte en fonction de la marée, et des mesures de température ont été effectuées in situ, au niveau du rejet de l’effluent. Olivier Bousquet est recruté en 1977 à l’atelier par Francis Sirou au sein d’une équipe jeune et pleine de projets : Guy Orine, chaudronnier et Mr Ouzeau, Alain Pellegrin pour l’électronique des instruments embarqués, Bernard Romand électronicien, et Jean-Louis Monge, ingénieur responsable de l’électronique. Ils travaillent avec Bernard Gillet dessinateur mécanicien et René Dufour, dessinateur des cartes électroniques.

4À la suite de Meteosat, de nombreux instruments de recherche de précision verront le jour dans l'atelier de mécanique du LMD, comme ARIES, Janus, Marss, Venera et Scarab. Par exemple, ARIES était un radiomètre infrarouge à balayage, initialement conçu pour étudier les propriétés optiques des nuages. Il s’est trouvé qu’il était aussi très bien adapté à la télédétection de cibles au sol, dans des domaines aussi divers que l’étude des zones humides ou l’archéologie par contraste thermique. Dans ce genre de mission, ARIES était embarqué sur un avion, et le LMD a conçu l'instrument, l'a réalisé, et était responsable de son intégration et de sa mise en œuvre opérationnelle. Contrairement aux applications militaires qui exigent une prise de vues rapide, la télédétection radiométrique de précision que réalisée au LMD exigeait un vecteur qui soit lent et stable à basse vitesse. ARIES et son équipe volèrent ainsi à bord d’avions aussi divers que le Hurel-Dubois HD-34 et le Douglas DC3 (Dakota) de l’IGN (Institut géographique national), le Pilatus TurboPorter et le mythique Boeing B17 (forteresse volante) du DGAC/SFA (Service de la formation aéronautique).

Evolution matérielle de l'atelier

5Jusqu’en 1986, tous les tours étaient purement mécaniques. Avec la volonté de réaliser les pièces complètement en interne au laboratoire, l’atelier reçoit son premier tour à commande numérique. Dès la conception de MARSS, les discussions étaient déjà engagées pour concevoir et construire au laboratoire les châssis de ScaRaB. De conception délicate, ces châssis devaient aussi être réalisés en grande quantité. Il fallait donc évoluer sur les tours. Olivier Bousquet va gérer cette transition, suivre une formation dédiée puis apprendre par la pratique à manipuler ce nouveau tour à commande numérique. Autre évolution, l'atelier utilisera dans les années 1980 l'un des premiers systèmes de fabrication assistée par ordinateur (FAO) comme Autocad. Cette transition vers le numérique va permettre un gain de temps considérable sur la fabrication des pièces, ainsi qu'une précision difficile à atteindre manuellement.

Les mesures ballons

6Dès les années 1980, aux mesures aéroportées viennent s’ajouter les mesures sous ballon, qui deviendront une spécialité reconnue du LMD. Henri et Joëlle Ovarlez sont ingénieur(e)s et responsables de ces nouvelles expériences ballons. Ils travaillent avec Olivier, Bernard Brioit et Jacques Capus en charge de l’hygrométrie. Jacques Crespin, Jacqueline Albert, Gilles Bannerot, Hubert Cabrita, Daniel Cadet font partie de cette équipe projet pour ces expériences embarquées et les premiers vols de Stratéole commencent à cette époque. Ils conçoivent ce qu’ils appellent la “roue de vélo”, un système dédié aux ballons instrumentés pour sonder différentes altitudes à volonté sous le ballon. Aujourd’hui, les expériences Stratéole continuent à être conçues et réalisées au laboratoire.

L'instrumentation satellite

7En plus des avions et des ballons, l’atelier mécanique a travaillé sur l’instrumentation pour satellite. Après une visite de Jean-Louis Fellous du CNES, Jean-Louis Monge convainc les commanditaires qu’il est possible d’usiner toutes les pièces délicates de ScaRaB en interne au LMD. Le projet sera d’ampleur et réalisé par toute l’équipe du LMD, augmentée de personnels en électronique et dessins de la SFIM. Il permettra de réaliser un instrument nouveau et d’avoir des mesures inédites du bilan radiatif terrestre avec les projets successifs de Robert Kandel, Michel Desbois, Rémy Roca.

8Le groupe de développement des instruments était important, que ce soit pour l'instrumentation aéroportée, satellite ou ballons. La fête donnée pour le départ en retraite d'Hubert Cabrita en 2002 a été l'occasion d'un déjeuner sur l'herbe à Polytechnique et la photo de groupe a permis de réunir tou(te)s ses collègues.

Figure 2 : Pot de retraite d’Hubert Cabrita

Figure 2 : Pot de retraite d’Hubert Cabrita

Pot de retraite d'Hubert Cabrita en 2000 sur les terrains de sport de l'École polytechnique, au bord du lac.

9L’atelier de mécanique du LMD s’est fait une spécialité de la conception et réalisation de pièces uniques pour des instruments de recherche embarqués sous avion et sous ballon, ou dédiés à des missions spatiales. Cela signifie une expertise pour une maitrise complète du poids de chaque pièce ainsi que pour sa matière. Beaucoup d’alliages légers sont ainsi utilisés comme l'AUG2N (alliage développé pour le Concorde) ou l’acier inoxydable. Certaines pièces des radiomètres MARSS et ScaRaB ont aussi été réalisées en titane (TA6V).

10En 2009, Olivier s'inscrit au concours de Meilleur Ouvrier de France (MOF). Ce concours se déroule sur plusieurs années, avec pour commencer un premier filtrage des candidatures avec une épreuve écrite. Cela s'est déroulé à Marseille et Olivier a fait la gamme de fabrication d'une pièce en épreuve de fraisage et l'a présenté devant un jury de six personnes. Sur quarante candidatures, quatorze ont été retenues à concourir. Chaque candidat(e) reçoit un dossier précis d'une œuvre à construire et a un an pour la réaliser. Les primés sont celles et ceux ayant une note finale supérieure à 18 sur 20. Olivier sera un des deux primés cette année et devient meilleur ouvrier de France dans sa discipline. Il sera reçu à l'Élysée pour la remise de son prix et participera ensuite à la conception des épreuves pour les candidatures des années suivantes.

Figure 3 : Olivier Bousquet dans son atelier

Figure 3 : Olivier Bousquet dans son atelier

Olivier Bousquet dans son atelier de mécanique en 2024.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Sirou et Monge - essais du radiomètre
Légende Francis Sirou et Jean-Louis Monge procédant aux essais du radiomètre avec son réservoir d'azote liquide permettant de refroidir le détecteur infrarouge photovoltaïque.
URL http://journals.openedition.org/hrc/docannexe/image/10915/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 285k
Titre Figure 2 : Pot de retraite d’Hubert Cabrita
Légende Pot de retraite d'Hubert Cabrita en 2000 sur les terrains de sport de l'École polytechnique, au bord du lac.
URL http://journals.openedition.org/hrc/docannexe/image/10915/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 504k
Titre Figure 3 : Olivier Bousquet dans son atelier
Légende Olivier Bousquet dans son atelier de mécanique en 2024.
URL http://journals.openedition.org/hrc/docannexe/image/10915/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 423k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Olivier Bousquet, Jean-Louis Monge et Francis Sirou, « L’instrumentation de précision au LMD : de la conception à la réalisation »Histoire de la recherche contemporaine [En ligne], Tome XIII n°1 | 2024, mis en ligne le 04 février 2025, consulté le 24 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/hrc/10915 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13dgs

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Auteurs

Olivier Bousquet

Laboratoire de météorologie dynamique - Institut Pierre Simon Laplace - (UMR8539 - CNRS, ENS-PSL, École polytechnique-IP Paris, Sorbonne Université) - Olivier Bousquet est le responsable de l'atelier de mécanique du LMD et a été nommé meilleur ouvrier de France en 2011.

Jean-Louis Monge

Laboratoire de météorologie dynamique - Institut Pierre Simon Laplace - (UMR8539 - CNRS, ENS-PSL, École polytechnique-IP Paris, Sorbonne Université) - Jean-Louis Monge était ingénieur de recherche au CNRS et responsable du bureau d'étude.

Francis Sirou

Laboratoire de météorologie dynamique - Institut Pierre Simon Laplace - (UMR8539 - CNRS, ENS-PSL, École polytechnique-IP Paris, Sorbonne Université) - Francis Sirou était ingénieur de recherche au CNRS et responsable du bureau d'étude.

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