Peter Kramper, The Battle of the Standards.
Kramper, Peter, The Battle of the Standards. Messen, Zählen und Wiegen in West Europa 1660 –1914 (Veröffentlichungen des Deutschen Historischen Instituts London / Publications of the German Historical Institute London / Publications of the German Historical Institute, 82), Berlin / Boston 2019, de Gruyter Oldenbourg.
Texte intégral
1Le titre du livre de P. Kramper reprend celui d’un pamphlet de John Taylor de 1864 dont le titre complet était La bataille des standards : l‘ancien, de quatre mille ans contre le moderne des cinquante dernières années, le moins parfait des deux. Taylor visait la rivalité entre les unités françaises (révolutionnaires) et les mesures impériales de la Grande-Bretagne qu’il faisait remonter à l’ancienne Égypte. Différents arguments ont été avancés pour défendre l’un ou l’autre système et l'un des mérites particuliers de l'étude de Peter Kramper est de présenter clairement tout au long de l'ouvrage, les liens complexes entre ces arguments et d’autres facteurs.
2Il s’agit d’un ouvrage très clair. La progression du récit est précise et l’expression est très claire. Kramper s'intéresse à la normalisation des poids et mesures en Europe occidentale, dont il explore les causes, le déroulement et les limites. Pour cela, il s'appuie sur un certain nombre de sources primaires principalement imprimées ; les sources picturales et les artefacts sont absents. Trois espaces sont au centre de la présentation : La France, la Grande-Bretagne et les territoires allemands (au sens large). Kramper rend compte des évolutions de la fin du 17e siècle à la guerre de 1914, une période qu’il découpe en trois sous-périodes 1660-1795, 1795-1870, 1870-1914. Malgré l’importance de ces trois pays on peut regretter qu’en Europe même les Pays-Bas qui ont connu les premiers le take off ne soient pas étudiés sans parler des grands pays asiatiques. .
3Kramper fait appel à l'histoire du pouvoir, des sciences et de l'économie. La diversité pré-moderne n'est en aucun cas présentée comme déficiente ou problématique dans son principe. Au contraire, sa contre-thèse est absolument convaincante : la diversité des débuts de la modernité était "fondée sur des principes clairement reconnaissables qui structuraient les unités de manière cohérente et représentaient donc une solution viable au problème de la coordination économique" (21). Plus précisément, cela signifie que les mesures sont couplées aux utilisations. Elles représentaient la concurrence entre les différentes autorités et correspondaient à la représentation des nombres. Elles étaient liés à diverses règles et pratiques qui déterminaient leur utilisation (36) ; cela incluait la capacité de négocier des accords appropriés sur la mesure (58). Il n'est pas étonnant que la diversité des mesures ne pose souvent pas de problème (125).
4Les impulsions réformatrices qui existaient avant la Révolution y ont connu une accélération décisive. . Le système métrique représentait de nouvelles idées d'égalité, liées aux idéaux d'ordre du siècle des Lumières et, de plus, annoncées par des références anciennes. Mais même en France, son adaptation a été compliquée. L’exemple de la France s’est ensuite diffusé dans les pays européens voisins. Mais à partir du milieu du 19e siècle, la société civile internationale a exprimé un intérêt économique pour des normes uniformes transnationales ; les États-nations nouvellement fondés se sont mis d'accord sur une institution internationale sous la forme du Bureau international des poids et mesures (BIPM) par le biais d'un traité international signé en 1875. De son côté l'industrie s’est également préoccupé de la fixation de normes de mesure au-delà des frontières. À la fin de l'étude, on trouve les efforts des instituts d'État de métrologie, des experts scientifiques et des industriels pour créer des définitions uniformes dans le domaine des unités électriques. Celles-ci mèneront - via des détours - au système SIS en 1960
5Toutes ces discussions présentent des similitudes ainsi que des particularités, qui sont élaborées, nommées et analysées par Peter Kramper d'une manière agréablement différenciée. Le récit est particulièrement lisible grâce à l'utilisation parcimonieuse mais impressionnante d'exemples historiques de métrologie. Kramper ne s'embarrasse pas de détails, par exemple lorsqu'il récapitule l'échec de la métrification internationale de la numérotation des fils (480 -488). Mais les anecdotes souvent piquantes sur les mesures historiques locales compensent l’aridité du sujet. Dès la première page, Kramper nous informe que dans la seule France prérévolutionnaire, il existait 700 à 800 termes de mesure différents, "cachant quelque 250 000 variantes locales".
6Kramper fournit un ouvrage très complet, sur un problème de base universel de toute civilisation. La prise en compte des aspects scientifiques et techniques à côté des préoccupations économiques et politiques est très convaincante. Kramper est également aidé en cela par le fait qu'il existe d'innombrables études individuelles dans le domaine de la métrologie historique sur lesquelles il peut s'appuyer, de sorte que sa réussite à les rassembler et à les analyser est d'autant plus évidente. Avec cet ouvrage Kramper livre le grand récit de la transition vers des "sociétés de normalisation" (23, 537).
Pour citer cet article
Référence électronique
Alain Alcouffe, « Peter Kramper, The Battle of the Standards. », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 27 octobre 2021, consulté le 20 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/ifha/11527 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.11527
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