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AccueilLibrairie / RecensionsDate de recension2023Stefan Rebenich, Die Deutschen un...

2023

Stefan Rebenich, Die Deutschen und ihre Antike.

Eine wechselvolle Beziehung.
Sandrine Maufroy
Référence(s) :

Stefan Rebenich, Die Deutschen und ihre Antike. Eine wechselvolle Beziehung, Stuttgart : Klett-Cotta, 2021, 494 p., 38 €.

Stefan Rebenich, Die Deutschen und ihre Antike. Eine wechselvolle Beziehung, Stuttgart : Klett-Cotta, 2021, 494 p., 38 €.
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Texte intégral

1L’histoire de la réception de l’Antiquité en Allemagne connaît depuis quelques décennies un essor remarquable, favorisé notamment par le renouvellement de l’histoire des disciplines scientifiques, l’étude des représentations et des discours relatifs aux idées nationales, et le développement des approches transnationales. Stefan Rebenich, grand connaisseur de l’histoire des études antiques, titulaire à l’université de Berne d’une chaire d’histoire ancienne et d’histoire de la réception de l’Antiquité jusqu’au XXe siècle, présente ici une synthèse de ses recherches sur la relation des Allemands avec « leur » Antiquité grecque et romaine depuis le tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Structuré en trois grandes parties qui portent respectivement sur le XIXe siècle (« Das 19. Jahrhundert »), les « transitions vers une nouvelle époque » de la toute fin du XIXe siècle à la chute de la République de Weimar (« Übergänge in ein neues Zeitalter ») et le cœur du XXe siècle (« Mitten im 20. Jahrhundert »), l’ouvrage repose sur des contributions antérieures, remaniées et adaptées au plan d’ensemble qui trouve son unité dans l’étude de trois grandes questions : les continuités et discontinuités observables dans les pratiques de recherche et leurs fondements institutionnels ; les relations entre science universitaire et bürgerliche Bildung ; les rapports entre science et politique. L’histoire des sciences de l’Antiquité se trouve ainsi au centre de l’ouvrage, qui propose toutefois une incursion dans l’histoire littéraire en examinant le rôle de Platon comme source d’inspiration et comme modèle social et politique dans le cercle de Stefan George. D’un chapitre à l’autre se succèdent panoramas synthétiques et chronologiques, présentations d’institutions et de projets scientifiques, biographies scientifiques d’acteurs dominants ou « hérétiques », évocations de méthodes et de thèmes de recherche en relation avec leur contexte social et politique. L’approche adoptée fait ressortir les interactions entre dynamiques individuelles, facteurs institutionnels, questionnements intellectuels, attentes sociales et implications politiques, tout en ouvrant dès les premiers chapitres, notamment celui consacré à Johann Gustav Droysen, des perspectives sur le présent.

2Prenant pour point de départ l’œuvre de Wilhelm von Humboldt, théoricien des études antiques, fondateur de l’université de Berlin et réorganisateur du système d’enseignement prussien, Stefan Rebenich retrace le processus de constitution, de spécialisation et de diversification des sciences de l’Antiquité au cours du XIXe siècle et met en évidence la place centrale de ces disciplines dans le système universitaire allemand, en lien avec le rôle du lycée humaniste (Gymnasium) dans la formation du Bildungsbürgertum, dont le statut social reposait sur un capital culturel au sein duquel les références antiques jouaient un rôle déterminant. La tension initiale entre idéalisation et valeur normative de l’Antiquité d’une part, historicisation et développement d’un méthode rigoureuse de critique des sources d’autre part, résolue au profit de la seconde dans le domaine strictement scientifique, se révèle malgré tout prégnante sur toute la période, comme le montrent les passages consacrés aux représentations de Sparte au XXe siècle et le chapitre dédié aux débats sur l’histoire des valeurs et des concepts. À travers les crises de légitimité de l’ère industrielle, les traumatismes des guerres mondiales et les turbulences du XXe siècle, c’est l’attachement à la méthode philologique et historique rigoureuse, pratiquée avec foi et abnégation par des générations successives de chercheurs dans la tradition de Christian Gottlob Heyne et Friedrich August Wolf, qui apparaît comme le facteur d’unité peut-être le plus constant – souvent, comme le souligne Stefan Rebenich, au détriment de la prise en compte de nouvelles problématiques, et, notamment au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, de la réflexion critique sur les choix effectués et les responsabilités.

3Disciplines privilégiées dans le système universitaire et académique allemand à la fin du XIXe siècle, les sciences de l’Antiquité ont contribué au prestige de l’Allemagne sur le plan international, notamment grâce à la mise en place de grands projets comme l’édition du Corpus Inscriptionum Latinarum, celle des écrivains chrétiens grecs ou encore les fouilles d’Olympie, qui revêtaient une dimension nationale et patriotique tout en reposant bien souvent sur une coopération internationale développée. Partie prenante de la « transformation du système scientifique allemand en grande entreprise internationale », ces grands projets n’auraient pas pu être mis en place sans l’engagement des académies, en premier lieu de celle de Berlin. Enjeux de conflits au sein du champ scientifique, ils témoignent aussi du rôle dominant et décisif de quelques grandes personnalités – l’historien de la Rome antique et prix Nobel de littérature Theodor Mommsen, l’helléniste Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff, l’historien de l’Église Adolf Harnack et l’incontournable haut fonctionnaire prussien Friedrich Althoff. Leur histoire permet de saisir en détail l’imbrication de la vie scientifique, des relations individuelles et des bouleversements internationaux. Dans ce cadre, l’un des chapitres les plus émouvants porte sur les « premières lettres » échangées entre chercheurs après la Seconde Guerre Mondiale, qui suit un chapitre nuancé sur les différentes attitudes des antiquisants sous le IIIe Reich et met en lumière les conditions de la reprise des relations scientifiques, plus délicates encore qu’au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Après les passages portant sur ces périodes et sur les conditions de la recherche à l’époque de la Guerre froide, l’insistance de Stefan Rebenich, dans son dernier chapitre, sur la vertu émancipatrice des études antiques peut paraître bien optimiste. On ne peut cependant que reconnaître avec lui le rôle que ces disciplines scientifiques et leur historiographie ont à jouer aujourd’hui, dans un monde globalisé où l’Antiquité reste malgré tout omniprésente.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sandrine Maufroy, « Stefan Rebenich, Die Deutschen und ihre Antike. », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 17 juillet 2023, consulté le 06 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/ifha/12492 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.12492

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Auteur

Sandrine Maufroy

Sorbonne Université, UE REIGENN 3556

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Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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