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1Professeur d’histoire de l’art moderne et contemporain à l’Université de Bonn, Christoph Zuschlag a rédigé cet ouvrage à destination d’étudiants, le souhaitant comme un manuel introductif à la recherche de provenance. Travaillant sur la translocation des biens culturels sous le III^e Reich et enseignant plus précisément la recherche de provenance et l’histoire des collections, il a voulu combler un manque dans la littérature allemande.

2Comme il le mentionne dans son introduction, la recherche de provenance fait partie inhérente de la recherche en ce qui concerne les spoliations sous le régime nazi ainsi que l’histoire de l’acquisition des objets en contexte colonial. Avec la médiatisation de cas particuliers tels que l’affaire Cornelius Gurlitt en 2012, les marbres du Parthénon, ou les bronzes du Bénin, la question de la provenance des biens culturels est devenue un sujet sur la scène publique. Parallèlement, la création de postes dédiés à la recherche de provenance que cela soit en musée ou bien dans les universités, ainsi que le développement de journées d’études, tables rondes, conférences et publications, témoignent de l’importance de ce sujet en Allemagne. La création du Deutsches Zentrum Kulturgutverluste en 2015 tout d’abord pour mener des recherches sur les spoliations nazies, puis depuis 2019 également sur les contextes coloniaux, en est le symbole.

3Les chapitres de cet ouvrage sont destinés à non seulement donner des clefs de compréhension quant au développement de cette discipline devenue propre, mais aussi des outils afin de mener des recherches de provenance. L’ouvrage plaide de ce fait pour l’existence d’un métier à part entière, ce que les postes et profils variés de leur détenteur dans les universités mais également musées allemands traduits. Il est intéressant de concevoir la recherche de provenance comme un métier propre, lorsque du côté français un centre de recherche tel que le DZK n’existe pas et que les rares postes de chercheur de provenance ouverts sont liés au service de la documentation comme au musée de la Musique de la Philharmonie de Paris. Le retard important des musées français en ce qui concerne ces recherches est en voie de progrès. À côté de postes permanents comme au musée de l’Armée, avec les deux lois-cadres de 2023 quant aux spoliations nazies et aux vestiges humains un changement semble s’opérer dans les musées français notamment avec la mise en place d’audits de recherche de provenance sur les œuvres acquises entre 1933-1945 pour les musées de Rouen (2023), de la métropole lyonnaise (2024) et de la ville de Strasbourg (2024-2025).

4Dans son chapitre introductif, C. Zuschlag rappelle que la recherche de provenance n’est pas un phénomène nouveau, puisque les historiens de l’art ainsi que les professionnels de musées ont dans leur méthode d’analyse des œuvres toujours tenté de retracer la provenance de celles-ci. Il dresse alors brièvement dans un second chapitre une histoire de la recherche de provenance en démontrant que dès le Moyen-Âge il y a un désir de retracer la provenance des reliques afin de témoigner de leur authenticité. Cette question de prouver l’authenticité et l’originalité de l’œuvre se poursuit avec la création des cabinets de curiosités, puis le développement des ventes aux enchères ainsi que l’inventorisation des collections. À partir de là, dans son troisième chapitre, il retrace l’intérêt mais également les difficultés, ainsi que la nécessité d’effectuer ces recherches de provenance du fait des translocations auxquelles les objets sont soumis. Il liste de manière méthodique différentes situations menant à ces translocations telles que les expéditions, les fouilles archéologiques, les guerres et leurs trophées, le marché de l’art, les expositions, le vol ou encore les restitutions.

5Le cœur de cet ouvrage réside dans les chapitres 4 et 5. Le chapitre 4 comme son titre l’indique « Méthodes de la recherche de provenance » explique la manière de procéder afin d’effectuer une recherche de provenance. Il donne ici de nombreux outils comme la manière d’étudier la matérialité de l’œuvre, son histoire, en s’attardant sur les marques, les inscriptions, les tampons, ou bien les étiquettes sur son revers. De même, à travers des exemples précis il montre comment en ce qui concerne les propriétaires des œuvres retrouver leur trace dans les archives publiques et / ou privées et ainsi dresser un historique des propriétaires qui du fait des translocations (revenant ainsi au chapitre trois) changent. Les notes donnent de nombreux outils de travail tels que les bases de données à consulter.

6Dans son dernier chapitre l’auteur présente de nombreux exemples de restitutions pour illustrer différents contextes, mais également cas de figures. Le chapitre est divisé en trois grandes sections correspondant aux différents contextes pour lesquels la recherche de provenance s’avère un travail essentiel : les contextes coloniaux, la période nationale-socialiste, et la période de la RDA. Ce dernier contexte est intéressant puisque moins étudié du côté français. Cela rappelle aussi qu’au-delà de la période coloniale et de la période nazie, d’autres contextes existent pour lesquels la recherche de provenance s’avère essentielle comme en ce qui concerne le trafic illicite de biens culturels notamment en contexte de guerre (civile). C. Zuschlag explicite ainsi le terme Unrechtskontext (p.115-117) comme étant une catégorie éthique n’ayant pas une définition fixe ni juridique, mais étant soumise aux changements sociaux-culturels.

7Ainsi, tout au long de son livre, C. Zuschlag définit et différencie les termes essentiels à la compréhension de ce qui est en lien avec la recherche de provenance : restitution (p.117-118), Unrechtskontext (p.115-117), Raubgut vs. Fluchtgut (p.146), ou encore Kriegsbeute (p.147). Il retrace l’origine de ces termes et l’évolution parfois de leur définition en lien avec ce sujet dans le contexte de la recherche allemande.

8C. Zuschlag réussit donc dans son court ouvrage à offrir un véritable manuel afin de s’initier à la recherche de provenance. La bibliographie importante offre également aux lecteurs d’autres pistes afin de poursuivre les idées et outils présentés. Toutefois, il faut préciser que cet ouvrage s’adresse à des étudiants travaillant sur l’Allemagne, puisque les contextes historiques avec les cas d’études ainsi que les outils méthodologiques que l’auteur présente sont propre à l’Allemagne (les archives présentées, les bases de données, les exemples cités).