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1La mainmise autoritaire sur la main-d’œuvre est une caractéristique centrale de la dynamique économique et sociale du régime national-socialiste. Le sujet de la création d'emplois et des politiques du marché du travail, ainsi que de la mobilisation de la main-d’œuvre, a fait l'objet d'une vaste historiographie (Voici seulement quelques exemples significatifs : Wolf Gruner, Horst Kahrs, Dieter Maier, Tatiana Brustin-Berenstein, Arbeitsmarkt und Sondererlass. Menschenverwertung, Rassepolitik und Arbeitsamt, Berlin, Rothbuchverlag, 1990 ; Volker Herrmann, Vom Arbeitsmarkt zum Arbeitseinsatz. Zur Geschichte der Reichsanstalt für Arbeitsvermittlung und Arbeitslosenversicherung 1929 bis 1939, Francfort-sur-le-Main, Lang, 1993 ; Detlev Humann, « Arbeitsschlacht », Arbeitsbeschaffung und Propaganda in der NS-Zeit 1933-1939, Gӧttingen, Wallstein Verlag, 2011).

2Ancien archiviste aux Archives d'État de Rhénanie-du-Nord-Westphalie à Düsseldorf et auparavant enseignant en histoire sociale et économique à l’Université de Bochum, Anselm Faust vient de publier une édition de sources concernant la documentation de l'administration du travail (Reichsanstalt für Arbeitsvermittlung) de la Rhénanie du Nord-Westphalie de l'époque nationale-socialiste. Les agences du travail ont joué un rôle clé dans le contrôle du marché du travail et de la coordination de la main-d’œuvre, et ainsi dans la structure de domination du régime. Cette édition des sources facilite désormais l’étude de ces phénomènes à l’échelle locale.

3Ce n’est pas la première édition de sources d’histoire régionale du national-socialisme publiée par cet historien, qui a dirigé également un recueil en trois volumes concernant les rapports des bureaux de la Gestapo en Rhénanie (Anselm Faust, Rusinek Bernd, Lageberichte rheinischer Gestapostellen, 3 Bände, (=Verӧffentlichungen der Gesellschaft für Rheinische Geschichtskunde, Bd. LXXXI), Düsseldorff, Droste Verlag, 2012-2016). Sa nouvelle édition des sources repose sur un fond de matériaux recueillis pour un projet de recherche coordonné par les Archives de la Rhénanie-nord Westphalie conjointement avec l’agence de travail de ce Land.

4L’édition est structurée en trois grands axes. Premièrement, l’« administration du travail et la politique du marché du travail 1933-1939 » présente des documents sur la mise au pas et l’intégration de l’administration du travail dans la structure administrative de l’État nazi, ainsi que sur son rôle dans l’organisation des mesures de mise au travail et des grands travaux. Deuxièmement, l’« administration du travail dans la guerre totale 1939-1945 ». Cette partie donne accès à une documentation qui porte sur la gestion de la main d’œuvre sous conditions de l’économie de guerre, y compris sur le travail forcé. Troisièmement, l’« administration du travail et la Terreur ». Ce dernier axe offre une documentation sur le rôle répressif joué par l’institution. Le travail et la performance étant des composantes centrales de l’idéologie nazie, l’administration du travail acquiert nécessairement un rôle répressif. Elle sanctionne et persécute les « paresseux », les présupposés « asociaux », participe à la marginalisation sociale des juifs et d’autres groupes persécutés et coordonne l’emploi des travailleurs forcés.

5Chacun des grands chapitres et sous-chapitres propose d’abord un petit texte de contextualisation des sources qui, reposant sur une documentation historiographique riche et complète, introduit le thème de la section.

6Cette documentation permet d’étudier « au ras du sol » (Jacques Revel, « Histoire au ras du sol », préface dans Giovanni Levi, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVII^e siècle, Paris, Gallimard, 1989) la façon dont l’institution s’attaque à une variété d’enjeux typiques de la dynamique économique et sociale du régime, tel que le problème de la fluctuation de la main-d’œuvre au moment de la raréfaction des ouvriers qualifiés, le problème du manque de travailleurs agricoles et l’exode rural, le travail des femmes, l’acquisition et l’emploi d’une main-d’œuvre étrangère ou de travailleurs forcés. Il arrive que les sources donnent accès à la gestion de cas individuels par cette administration, en particulier dans la troisième partie où sont reproduites des correspondances relatives à la brimade administrative de travailleurs juifs ou d’« asociaux » présupposés : les trajectoires humaines y ressortent de manière frappante.

7Outre les historiens économiques et sociaux du nazisme, ce livre peut intéresser les historiens s’intéressant à la culture administrative sous les régimes autoritaires. Il s'agit d'une édition riche, d’un haut niveau scientifique, qui facilite un regard local d’histoire du quotidien sur l'histoire du national-socialisme.