1Le Bulletin a rendu hommage (voir BullMHFA, 43, 2007, p. 125-129) à Reinhart Koselleck, disparu en 2006. L’influence peu commune exercée par R.K. s’exprime non seulement dans les entreprises et les directions de recherche qu’il a initiées, mais plus généralement dans un vocabulaire, des réflexes et un maniement (inventif) de la langue passés dans le bagage commun des historiens d’outre-Rhin, qu’ils s’y identifient ou qu’ils s’en déprennent – à tel point qu’oublieux des leçons du maître ils ont parfois hypostasié ses concepts en en faisant des lois intangibles et négligé ainsi les subtilités d’une pensée éminemment contextuelle.

2« Il n’y a pas d’histoire homogène dans la diachronie » (p. 148) : ce qui dure – et en particulier les mots – n’est pas ce qui échappe au temps, mais ce qui transporte du passé dans un présent qui le reformule, et cette formulation est bien tout ce dont l’historien dispose ; à lui d’en démêler les multiples strates temporelles. C’est pourquoi l’histoire des concepts – la Begriffsgeschichte – forme l’héritage principal des travaux de R.K. C’est donc à elle qu’est consacré ce recueil rassemblant 25 contributions, articles, conférences qui ont été prononcés ou publiés entre 1975 et 2006 ; R.K. en avait fixé le contenu et avait dicté les lignes principales de son introduction (le verbatim est reproduit in fine) peu avant son décès.

3L’ouvrage a par conséquent une utilité pratique en mettant à la disposition des lecteurs des textes épars et parfois difficilement accessibles, voire pour l’un d’entre eux (une conférence prononcée à l’EHESS en 1975) inédit en allemand. Il offre en outre l’intérêt de présenter, dans son évolution et les diversités de sa formulation, une réflexion qui s’adapte aux objets et aux publics visés. On n’aura pas la prétention ici de prendre rang parmi les innombrables commentateurs de R.K. – l’ouvrage mériterait à coup sûr un retour approfondi sur le développement de son œuvre – mais on espère avoir éveillé l’intérêt pour une collection de textes dont la capacité à lier la présentation de thèses centrales et leur relation à un objet particulier n’est pas sans rappeler, mutatis mutandis, la stimulante séduction des Questions de sociologie de P. Bourdieu.

4Christophe Duhamelle

5(École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris)