BIESLER, Jörg, Baukunstkritik – Deutsche Architekturtheorie im 18. Jahrhundert
Texte intégral
1La genèse de la théorie architecturale allemande n’a guère fait l’objet jusque-là d’une étude d’ensemble, son intérêt ayant été jugé moindre au regard des écrits des pays voisins. Partant de ce constat, J.B. s’attache dans son ouvrage à retracer les étapes qui marquent l’évolution vers une reconnaissance du statut de la discipline architecturale et son intégration dans le discours théorique sur l’art, qui s’élabore progressivement au XVIIIe s. L’investigation rétrospective à laquelle il procède l’amène à désigner comme point d’aboutissement de ce questionnement un traité anonyme, paru en 1785, intitulé Untersuchungen über den Charakter der Gebäude, qui démontre à partir d’une analyse psycho-physiologique des formes architecturales leur capacité à émouvoir le spectateur, cette perspective étant également légitimée par des présupposés philosophiques. Ainsi l’architecture accède à sa dimension artistique, non pas en tant que réalisation technique, mais au nom d’une esthétique de l’effet : au lieu de s’attacher aux conditions de réalisation de l’œuvre architecturale et à leur cadre normatif, le jugement esthétique privilégie la réception de l’objet, directement liée aux sensations suscitées par sa contemplation. Le philosophe Christian Wolff pose les premiers jalons de ce changement de point de vue (1710), concédant aux seules facultés visuelles la capacité d’estimer la justesse des proportions d’un édifice et invitant par ce biais les non-spécialistes à prendre part à un débat esthétique sur l’architecture. À vrai dire, celui-ci ne s’amorce qu’en 1757, lorsque Moses Mendelsohn reconnaît à l’architecture une place aux côtés des autres arts, car, écrit-il, « on ne peut entièrement lui dénier tout pouvoir de susciter les passions ». L’article plus connu du dictionnaire de J. G. Sulzer (1771-1774) développe une semblable conception de l’architecture, selon laquelle « tout un chacun est à même d’émettre un jugement puisque l’effet qu’elle produit dépend de la sensibilité ». L’appréciation du caractère de l’édifice qui résulte de la simple adéquation entre sa destination et son apparence est dès lors laissée à l’initiative du « goût ». Une telle relativisation des canons du classicisme qui met à mal les règles des proportions des ordres et l’autorité des Anciens suscite cependant une vive réaction, notamment de la part de F. A. Krubsacius. Ce professeur d’architecture à l’Académie de Dresde serait également l’auteur anonyme de certains articles polémiques visant autant le discours trop décapant d’un Laugier que l’apologie inconsidérée du génie à laquelle se livre le jeune Goethe.
2En arrière-plan à ces débats théoriques et en contrepoint à sa thèse, J.B. retrace très justement les frontières incertaines d’une catégorisation des savoirs, où la place dévolue à l’architecture fait l’objet d’un glissement lent et progressif de l’artisanat aux mathématiques, des arts mécaniques aux arts libéraux, puis aux beaux-arts et aux arts plastiques, les pierres d’achoppement principales étant le caractère antagoniste de la beauté et de l’utilité, toutes deux constitutives de la discipline, de même que sa non-appartenance aux arts d’imitation proprement dits. La grande diversité des sources explorées rend également compte, à juste titre, de l’importance revêtue par l’architecture auprès des intellectuels éclairés ; mais concernant ces derniers – car ils sont pour beaucoup les auteurs des traités d’architecture et des recensions des périodiques mentionnés –, il faut se rendre à l’évidence qu’ils ne manifestent qu’un faible intérêt pour les questions théoriques relatives à la nature et au statut de l’architecture, se souciant avant toute chose de répondre à un besoin de connaissances techniques et de transmettre un savoir essentiellement pratique par des méthodes simples et efficaces.
3Véronique SAMUEL-GOHIN
Pour citer cet article
Référence électronique
Véronique Samuel-Gohin, « BIESLER, Jörg, Baukunstkritik – Deutsche Architekturtheorie im 18. Jahrhundert », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2009, consulté le 07 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/1820 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.1820
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