1Les universités allemandes constituent pour R.C.S. des objets de recherche particulièrement intéressants en raison de leur écartèlement entre l'universitas primitive (les communautés universitaires fortement structurées et conscientes d'elles-mêmes) et leur position (du fait de leur fondation par les monarques princiers) au sein de territoires en cours de « densification » (la gestaltete Verdichtung de Peter Moraw). En particulier, l'étude des modes d'élection des recteurs d'universités et de leur évolution doivent permettre de préciser les rapports entretenus entre cette élite universitaire et l'élite sociale, ainsi que la manière dont le changement global extérieur (en un mot, à ne pas réduire au seul aspect politique: la territorialisation) réagit sur - et l'on devrait aussi ajouter: passe par - les rapports de pouvoir internes à l'université. L'étude des modes d'élection fait apparaître trois procédés: « représentatif » (élection du recteur par les professeurs et quelques maîtres ès arts), « sélectif » (élection par une assemblée restreinte constituée ad hoc) et « multiple » (série d'élections emboîtées - jusqu'à quatre -, chacune définissant une commission électorale qui en élit une autre et la dernière choisissant le recteur). Ces modes dépendent en fait essentiellement de la taille de l'université, mais leurs résultats convergent vers la même réalité: recteurs et (lorsqu'ils sont élus) électeurs sont tous issus des hautes sphères sociales, moins par la naissance que par la position dans l'université et parallèlement dans l'Eglise et dans les administrations princières, éventuellement dans les villes. Le texte de l'ouvrage, assez court (moins de 60 p.), est suivi de 70 p. d'un catalogue prosopographique simplifié des recteurs et électeurs des universités de Cologne (relevant du mode « sélectif ») et d'Erfurt (relevant du mode « multiple ») dans la seconde moitié du XVe s.

2C.F. livre un travail prosopographique plus fouillé, consacré aux étudiants de l'Université de Heidelberg entre 1386 et 1450. S'appuyant sur trois bases de données (fréquence des immatriculations; étudiants immatriculés; lieux d'origine) et sur un gros catalogue prosopographique (dont la publication occupe plus de la seconde moitié du livre), il étudie les origines géographiques et sociales des étudiants afin de vérifier l'hypothèse avancée d'une université fonctionnant comme une « communauté scientifique » transrégionale et transsociale, donc comme un lieu d'échange et de rencontre entre des horizons géographiques, sociaux et intellectuels variés. Thèse qu'il rejette en fin de compte. Le recrutement géographique apparaît très régionalisé (les diocèses environnants de Mayence, Worms, Spire, Constance, Wurtzbourg, Trèves et Strasbourg fournissent 70% des étudiants) et l'attraction sur d'autres régions que le Sud-Ouest ne dure qu'aussi longtemps qu'une autre université n'y est pas fondée, ou à proximité (cas des universités de Louvain, Cologne, Erfurt, dont les fondations entraînent une chute des fréquentations à Heidelberg). Le recrutement géographique apparaît en outre, contrairement à une idée courante, très peu caractérisé par une circulation d'une université à l'autre, quelle que soit l'origine sociale des étudiants. De ce dernier point de vue, surtout, l'université est loin d'être un lieu de croisement social: les clercs y sont largement dominants, et la multiplication des laïcs y a signifié essentiellement la présence de nobles en grand nombre et de bourgeois issus des couches urbaines supérieures. Quant aux chances de promotion sociale par l'université, elles apparaissent beaucoup plus limitées qu'on ne l'a dit, ne serait-ce que parce que toutes les facultés (notamment celle de droit) n'étaient pas ouvertes à tous - et il est significatif que la plupart des carrières de pauperes se sont cantonnées à l'Eglise. Une bonne contribution à l'histoire des universités médiévales.

3Joseph MORSEL