1Les règles et pratiques que l’on range commodément dans la catégorie du »droit« faisaient au Moyen Age tout autant appel au dit qu’au geste, deux dimensions que le passage au droit écrit de type moderne a contribué à laminer et à faire tomber dans l’oubli. La connaissance et la compréhension des pratiques juridiques anciennes (et notamment médiévales) pourraient toutefois être considérablement améliorées si l’on prenait en compte les images réalisées pour dépeindre tel ou tel acte. Mais cet aspect du discours juridique n’a jusqu’alors pas vraiment retenu l’attention des historiens du droit, malgré quelques tentatives à la fin du XIXe et au début du XXe s. Depuis le milieu des années 1980, toutefois, on assiste à un regain d’intérêt pour l’image de la part des historiens du droit. Les deux ouvrages ici recensés sont les plus récents parus dans cette perspective. Comme les autres, ils traitent essentiellement du Moyen Age (période pour laquelle la pratique juridique reste la moins bien appréhendée; en outre, le Miroir des Saxons, sous sa forme illustrée du XIVe s., constitue une mine remarquable de représentations) mais vont aussi parfois au-delà. Leur démarche reste foncièrement typologique et pèche par leur appréhension »mécaniste« de l’image, conçue comme expression, transcription, »photographie« d’une réalité qui leur est extérieure.

2L’historien du droit de Graz G.K. présente ainsi rapidement les rapports entre droit et visualité et donc entre histoire du droit et sources iconographiques. Il envisage ensuite les différents types d’éléments juridiquement signifiants dans une image (personnes, gestes, objets, parfois mis en valeur graphiquement au sein de l’image) puis distingue quatre types d’images juridiques, qu’il examine successivement: l’image »constitutionnelle« (qui représente l’exercice du pouvoir, le rapport entre gouvernant et gouvernés), l’image du droit privé, l’image du droit pénal, l’image judiciaire. Chaque partie est close par un riche dossier iconographique (auquel il est fait renvoi dans le cours du texte), malheureusement en noir et blanc.

3L’historien du droit de Göttingen W.S. établit également une typologie des images »juridiques« médiévales, fondée non sur le thème mais sur le rapport entre l’image et le texte juridique, et allant du lien le plus étroit au lien inexistant: »images de textes« (Schriftbilder, l’image visualisant un texte au pied de la lettre: le Miroir des Saxons en est le paradigme), »images décoratives« (Schmuckbilder, illustrant l’ouvrage et ne se référant que de façon assez lâche à la lettre du texte), »images et signes tendancieux« (Tendenzbilder und -zeichen, souvent hors des livres et servant à des fins de propagande, de critique ou apotropaïques), enfin »pures images artistiques« (reine Kunstbilder, où »la motivation artistique, et non pas juridique, est au premier plan«). Une vingtaine d’images (dont la reproduction est, comme l’ensemble de l’ouvrage, de très bonne qualité matérielle) constituent le corpus de base, dont le commentaire forme l’essentiel de l’ouvrage. Celui-ci souffre beaucoup de l’opposition implicite établie entre préoccupations juridiques et artistiques, et de l’application des catégories »art« et »droit« à la période médiévale.

4Joseph MORSEL