1On ne présente plus U.A., maître d’œuvre à l’origine de nombreuses publications consacrées à l’histoire de l’Ordre allemand. Dix-sept articles de ce prolifique auteur, parus entre 1975 et 2005, ont été ici réunis à l’occasion de son 65ème anniversaire. Ils sont répartis dans quatre rubriques : écriture de l’histoire et historiographie ; livres scolaires, enseignement et diffusion auprès du grand public ; débats scientifiques ; thèmes de recherches particuliers. Une liste complète des publications d’U.A. figure p. xv-lii, qui permet de mesurer l’étonnante capacité de travail de l’auteur ainsi que la diversité de ses centres d’intérêt. Le choix des articles donne un très bon aperçu des recherches d’U.A. et de la qualité de ses travaux. Tous sont écrits dans une langue précise et directe, qui a l’art de simplifier les problèmes et de présenter avec clarté les débats et les confrontations.

2On ne peut donner ici une idée du contenu de chacun des articles retenus. Signalons seulement au lecteur qu’il trouvera d’excellentes mises au point sur des sujets précis. Ainsi sur les origines de l’Ordre, traitées à travers trois études, l’une portant sur le problème de la continuité entre l’ancien hôpital allemand de Jérusalem attesté au milieu du XIIe s. et la fondation caritative née devant Acre en 1190, qui donna naissance huit ans plus tard au nouvel ordre militaire (p. 117-132), l’autre analysant le passage de la petite institution caritative à l’ordre militaire (qu’U.A. étend jusqu’en 1240, p. 133-142), la dernière enfin abordant la question des rapports entre l’Ordre et les Staufen (p. 149-162). D’importants problèmes sont présentés comme le thème complexe des tentatives de réforme de l’Ordre au XVe s. sous Paul de Rusdorf (p. 225-235), marquées par une volonté farouche de revenir à la tradition alors qu’il aurait été nécessaire d’innover. L’affaire est très révélatrice des interactions entre les problèmes disciplinaires et administratifs et la politique intérieure : si l’Ordre doit se réformer c’est en partie parce que les populations de Prusse n’acceptent plus sa domination ni qu’il n’obéisse plus à ses propres règles. Les mises au point sur la période charnière des années 1291-1309 sont fort précieuses : U.A. y étudie le séjour venitien (entre 1291 et 1309, p. 207-224) ainsi que les conflits internes qui ont secoué l’Ordre opposant le Deutschmeister Conrad de Feuchtwangen et le parti prussien (p. 187-206), au moment de trouver une nouvelle terre d’accueil après la perte définitive de la Terre Sainte qui prive non seulement les Teutoniques de leur berceau et de leur base territoriale mais aussi de leur raison d’être puisqu’ils ont été créés pour défendre les lieux saints contre les musulmans.

3Plusieurs contributions éclairent des aspects moins bien connus de l’histoire de l’Ordre : son rôle dans les circuits économiques de la Baltique (p. 173-186), les tensions entre sa dimension européenne et son enracinement régional (p. 163-172). U.A. a beaucoup œuvré, en compagnie du regretté Professeur Zenon Hubert Nowak, au rapprochement germano-polonais. On en trouve plusieurs illustrations dans cette sélection : son compte-rendu paru en 1975 sur le livre de Karol Gorski sur l’Ordensstaat, ses études sur l’histoire de l’Ordre et de la Prusse vues par les manuels scolaires ou encore une analyse très fine de la place tenue par l’Ordre allemand dans la conscience nationale allemande au XXe s. Ce dernier aspect rejoint les préoccupations historiographiques de l’auteur, représentées ici par quatre contributions qui ne se limitent pas à l’historiographie teutonique mais abordent celle de la Prusse.

4Au total cette sélection donne un très bon aperçu des travaux et des orientations d’U.A. À l’intérêt que suscitent ces analyses précises et variées, s’ajoute le plaisir de lire des études bien charpentées, et rédigées dans une langue fluide et claire. Ce recueil vient ainsi compléter admirablement le manuel de Klaus Militzer (voir c.r. ci-dessus). Avec ces deux récents ouvrages, il est désormais possible de prendre connaissance de l’histoire de l’Ordre avec facilité et agrément. Ces deux travaux devraient susciter des vocations outre-Rhin et, espérons le, également en France.

5Sylvain GOUGUENHEIM (École Normale Supérieure Lettres

6et Sciences et Humaines, Lyon)