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Architecture et objets de l’hygiène du corps

La salle de bains Art nouveau du château Laurens à Agde (Hérault)

Art, industrie et symbolisme
The Art Nouveau Bathroom at the Laurens Château at Agde (Hérault); Art, Industry and Symbolism
Bruno Montamat

Résumés

Au sein de ce parfait représentant de l’éclectisme décoratif en vogue autour de 1900 qu’est le château Laurens à Agde (Hérault), la salle de bains conçue par le Parisien Eugène-Martial Simas apparaît comme un exemple idéal des paradoxes de l’Art nouveau : un ensemble d’art décoratif unique conçu de manière rationnelle à partir de l’union de l’art et de l’industrie. En effet, ce décorateur de théâtre, attiré un temps par les arts industriels, a largement puisé dans les productions de la manufacture de faïences de Sarreguemines et de la maison parisienne Fontaine (serrurerie) pour imaginer une salle d’hygiène à la gloire des bienfaits de l’eau. Si la présence de carreaux et de serrureries créés par les ténors de L’Art dans Tout (Félix Aubert, Alexandre Charpentier) a longtemps fait passer Emmanuel Laurens, propriétaire du château, pour un esthète du Midi oublié, c’est en raison de la méconnaissance du rôle fondamental qu’ont pu jouer en province les tapissiers-décorateurs locaux, relais des nouvelles tendances décoratives auprès d’une bourgeoisie séduite par une certaine modernité. Enfin, par sa théâtralité, cette architecture de céramique s’inscrit dans un symbolisme subtil qui fait écho aux théories spirituelles de ce penseur nébuleux qu’était Laurens, félibre et grand admirateur du mythique ascétisme cathare pour lequel l’eau a des vertus purificatrices. Cette salle de bains de 1898 apparaîtrait alors comme le premier acte de fondation d’un lieu dédié au dépassement nietzschéen, issu d’un ésotérisme chrétien fin de siècle.

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Dédicace

À la mémoire d’Hélène Guéné-Loyer

Texte intégral

  • 1 VALÉRY Paul, « Louanges de l’eau », in Œuvres, éd. Jean Hytier, Paris, Gallimard, coll. « Biblioth (...)

« Où l’EAU existe, l’homme se fixe. Quoi de plus nécessaire qu’une nymphe très fraîche ? C’est la nymphe et la source qui marquent le point sacré où la Vie se pose et regarde autour d’elle. » Paul Valéry1

  • 2 MONTAMAT Bruno, « La villa Laurens, un château cathare à Agde autour de 1900 », Carnet parodien d’ (...)

1À la veille de 1900, Emmanuel Laurens (1873-1959), jeune héritier d’une fortune colossale, fit de la simple exploitation viticole héritée de sa grand-tante paternelle un lieu de villégiature fastueux, décoré et meublé principalement par des artistes d’une école régionale aujourd’hui tombés dans l’oubli, à redécouvrir. Le décor symboliste de ce palais des mille et une nuits posé au bord du fleuve Hérault à Agde, notamment dans sa chapelle démesurée abritant d’immenses copies d’œuvres des peintres Odilon Redon, Maurice Denis et du néerlandais Jan Toorop, se réclame d’un félibrige ésotérique inédit, mouvement régionaliste, spirituel et artistique alors de première importance dans un grand arc méditerranéen2.

2

Vidéo
Présentation du château Laurens à Agde (Hérault) en cours de restauration.
Crédits : © Ville d’Agde, extrait de https://www.youtube.com/watch?v=TtBBLPL8I4I [lien valide en juillet 2023].

  • 3 ABRIAT Natacha, BOYER Amélie & KÉRIGNARD Marc, « L’Art nouveau dans le Languedoc », Le Patrimoine, (...)
  • 4 À ce sujet, voir CHARPY Manuel, Le Théâtre des objets. Espaces privés, culture matérielle et ident (...)
  • 5 « Joli printemps », La Vie montpelliéraine. Gazette littéraire, théâtrale, humoristique, mondaine, (...)
  • 6 Entrefilet paru dans La Vie montpelliéraine. Gazette littéraire, théâtrale, humoristique, mondaine(...)

3L’absence d’archives précises, la persistance de légendes tenaces attachées naturellement à toute demeure abandonnée pendant des décennies, ainsi que la déchéance de cette famille ont créé une image romancée et hagiographique d’un Emmanuel Laurens esthète des arts, en relation avec des artistes parisiens éminents de la fin du siècle. En réalité, ses goûts éclectiques en matière d’architecture et de décoration le rendaient plus proche d’une bourgeoisie sagement progressiste, séduite à la marge par une modernité décorative, que des rares défenseurs des idéaux de l’Art nouveau. En province, ce renouvellement stylistique se diffusait grâce au développement sans précédent des revues d’art et des recueils de modèles, mais aussi via les incontournables tapissiers-décorateurs locaux3 auxquels les stricts usages mondains imposaient de recourir. Ces arbitres du « bon goût » en matière d’ameublement et de décoration jouaient auprès de leur clientèle un rôle considérable dans la diffusion des usages et des renouvellements des intérieurs4. Ainsi, avant même la reconstruction du bâtiment principal, Laurens avait fait redécorer le pavillon de briques roses Second Empire le long de l’Hérault, en le meublant et l’habillant par la maison Paul Arnavielhe (1865-1931) de Montpellier, engagée dans cette « bonne décentralisation artistique, car ces meubles seront entièrement exécutés par des artistes montpelliérains5 » [fig. 1]. Dès 1898, cette maison de tapisserie-décoration, active depuis deux générations, réalisait dans ses ateliers de fabrication, « à côté des meubles de style très pur : Renaissance, Louis XV et Louis XVI, etc. », avec le concours du peintre héraultais Léon Cauvy (1874-1933), des « meubles et sièges modern style » avec application de panneaux de cuir repoussé et ciselé6 » dont certains exemplaires se trouvent dans le cabinet de travail.

Figure 1

Figure 1

Publicité pour la maison d’ameublement et de décoration Paul Arnavielhe, extraite de La Vie montpelliéraine. Gazette littéraire, théâtrale, humoristique, mondaine, n274, 17 décembre 1899.

Reproduction Bibliothèque nationale de France, https://gallica.bnf.fr/​ark:/12148/​bpt6k7361674g/​f15.image.r=Arnavielhe%22chez%20nicolet%22?rk=21459;2 [lien valide en juillet 2023].

  • 7 DESANTI Constance, « Lumière sur Eugène Martial Simas, décorateur oublié de la Belle Époque », Les (...)
  • 8 FROISSART PEZONE Rossella, L’Art dans Tout. Les arts décoratifs en France et l’utopie d’un art nou (...)
  • 9 Il était le correspondant français de la revue anglaise. Gabriel Mourey, « A modern bath-room desi (...)

4Ce sont les mêmes circuits, décentralisés et manufacturiers, qui ont présidé à l’aménagement de ce joyau qu’est la salle de bains réalisée en 1898 par Eugène-Martial Simas (1862-1939)7, jeune décorateur de théâtre parisien ayant puisé dans la production des ténors de L’Art dans Tout8 [fig. 2]. Dès son achèvement, elle fut mise en valeur par son auteur, tenté, à ce moment de sa carrière, de percer dans les arts industriels : présentation de vues aquarellées au Salon de la Société nationale des beaux-arts à Paris au printemps 1899, puis parution d’un article dans la prestigieuse revue d’art anglaise The Studio sous la plume du célèbre critique d’art d’origine marseillaise, Gabriel Mourey (1865-1943)9.

Figure 2

Figure 2

Salle de bains du château Laurens, Eugène-Martial Simas, aquarelle extraite de la revue Art & Décoration, décembre 1903, conservée à la Bibliothèque nationale de France.

Reproduction B. M.

5Attributs désormais indispensables de toute maison bourgeoise, les cabinets de toilette/salles de bains qui se multipliaient autour de 1900 contraignaient les fabricants à mettre au point des matériaux aux formes adaptées à des usages hygiéniques. Les plus entreprenants avaient sollicité dessinateurs industriels et artistes issus des écoles des Beaux-Arts pour proposer au public une ornementation renouvelée. L’Exposition universelle de 1900 fut, à ce titre, une vitrine enthousiaste de cet accord trouvé entre forme et fonction :

  • 10 BEAUFILS Édouard, « La décoration de l’habitation moderne », Le Soleil du dimanche, 10 novembre 19 (...)

Vous y trouverez cent projets sur le thème de la baignoire, du tub et de la douche. Et je me hâte de dire que le Modern Style, puisque c’est l’expression consacrée, nous a comblés à cet égard. Les Romains, qui étaient des fervents de l’ablution totale à domicile, seraient émerveillés des progrès que nous avons réalisés et de voir comme nos salles de bains, malgré le peu d’espace dont nous disposons parfois, sont à la fois pratiques et séduisantes10.

  • 11 BERNARD Valère, « Belle-Isle », L’Estello [L’Étoile], juillet-août 1911, nos 13 et 14, p. 113-114. (...)

6Mais contrairement aux luxueuses salles de bains du château d’Aubiry à Céret (Pyrénées-Orientales), de celle du château Burrus à Sainte-Croix-aux-Mines (Haut-Rhin) ou encore de celles de la villa Sestier à Sauzet ou du domaine de Valensolles à Valence (Drôme), celle du château Laurens se démarque par son symbolisme théâtralisé, au service des idéaux d’un commanditaire « fier et solitaire contemplateur de l’occulte Vérité comme l’étaient les Albigeois nos héros11 » [fig. 3].

Figure 3

Figure 3

Salle de bains du château Laurens à Agde (Hérault) avant restauration, 2015.

© Romain Veillon.

« Nous voulons qu’on renonce à cette funeste conception de l’art pour l’art12. »

  • 12 « L’Art dans Tout. Un foyer moderne, c. 1898 », in MCWILLIAM Neil, MÉNEUX Catherine & RAMOS Julie (...)
  • 13 Ibid.

7Par cette sentence de 1898, le groupe de novateurs parisiens de L’Art dans Tout (Félix Aubert, Alexandre Charpentier, Jean Dampt, Jules Desbois, Charles Plumet, Tony Selmersheim et Étienne Moreau-Nélaton) souhaitait rappeler avec force qu’un art décoratif moderne se devait d’être avant tout rationnel et que la création d’une forme seule sans lien avec son environnement futur était stérile : « L’artiste qui ne considère dans son art que la plus ou moins grâce d’une ligne n’est qu’un ouvrier sans valeur dont l’œuvre doit rester sans portée sociale13. » Loin d’être de purs produits de l’Art pour l’art, créés à partir d’éléments dessinés spécialement et sur mesure en dehors de tout circuit de diffusion, les décors du château Laurens sont en grande majorité conçus à partir d’éléments édités et manufacturés. En s’appuyant sur un réseau commercial structuré (vente en boutique et par correspondance, grands magasins, dépôt chez des revendeurs), les réformateurs des intérieurs contemporains se proposaient de diffuser largement leur idéal d’un art social grâce à la force de frappe économique de manufacturiers, soucieux de capter une nouvelle clientèle. Du reste, depuis le célèbre rapport du comte de Laborde, en 1851, la question de la reproductibilité de l’œuvre d’art et celle de l’union des arts et de l’industrie étaient devenues des sujets majeurs de la vie artistique, comme l’illustrait le brillant parcours de Félix Aubert (1866-1940) qui, d’artiste touche-à-tout de cette période pionnière, fut nommé en 1907, professeur de l’atelier d’art industriel à l’École nationale des arts décoratifs de Paris, puis conseiller artistique de la manufacture nationale de Sèvres après la Première Guerre mondiale.

  • 14 MOUREY Gabriel, « A modern bath-room designed by E. M. Simas », The Studio, no 75, juin 1899, p. 3 (...)

8Dessinés par Aubert et ornés de gracieuses figures féminines par Charpentier, les carreaux de la niche de la baignoire en cuve du château Laurens [fig. 4] ont été imposés, selon toute vraisemblance, par le commanditaire, puisque Mourey précise que « devant cet ensemble si parfaitement harmonieux, il faut regretter vraiment que Simas se soit trouvé dans l’impossibilité de décorer lui-même […] la niche où se trouve la piscine14 ». Dans la version française, il rajoutait même :

  • 15 MOUREY Gabriel, « Une salle de bains moderne décorée par M. E. M. Simas », The Studio, supplément (...)

L’œuvre de Charpentier et d’Aubert, pour aussi charmante et si parfaite qu’elle soit en elle-même, ne peut que s’harmoniser à moitié avec le reste, puisqu’elle est fatalement d’un sentiment et d’une conception décorative différents de ceux de M. Simas, qui a dû céder, pour en faire usage, devant des considérations spéciales15.

Figure 4

Figure 4

Décoration murale en faïence pour salle de bain, Alexandre Charpentier et Félix Aubert (auteurs), manufacture Utzschneider & Cie (exécutant), extrait de The Studio, 1898.

Reproduction B. M.

  • 16 PALOUZIÉ Hélène & FÉLIX Laurent, « La restauration de la Villa Laurens d’Agde à la lumière des der (...)
  • 17 Nous pensons ici à la commande d’une salle de billard du baron Vitta à Félix Bracquemond et Alexan (...)

9L’implication personnelle de Laurens dans la décoration fait-elle de lui un amateur introduit dans les milieux artistiques parisiens, « fréquentant les marchands promoteurs de l’Art nouveau européen16 » ? Si les archives ne permettent pas de se prononcer, il est certain que Mourey, bien informé, n’aurait pas manqué d’en faire état, tout comme de promouvoir son action dans le Midi. Et si tel était le cas, pourquoi avoir fait appel à un jeune décorateur quasi inconnu plutôt qu’aux artistes confirmés de L’Art dans Tout ou à ceux de la maison Bing qui auraient pu livrer des installations complètes pour les trois pièces du pavillon du château Laurens17 ?

  • 18 « By permission of the manufactory of Sarreguemines ». MOUREY Gabriel, « Decorative art in Paris: (...)
  • 19 Il faut attendre les lois votées en 1902, 1909 puis 1910 sur la propriété artistique pour voir un (...)
  • 20 Catalogue commercial de L’Hygiène moderne, 20, 27, 29 rue de Cotte, faubourg Saint-Antoine, 1904, (...)

10En effet, si les carreaux employés à Agde ont été effectivement montrés au public durant l’hiver 1897-1898 à la Galerie des artistes modernes, rue Caumartin, puis au Salon national des beaux-arts au printemps 1898, ils furent aussi abondamment reproduits dans la presse spécialisée à trois reprises la même année : en janvier dans la Revue des arts décoratifs, en mars dans The Studio, puis en juillet dans Art & Décoration, laissant toute latitude à Laurens pour les acquérir par correspondance auprès du fabricant. Car les gracieux arums émergeant de l’onde et les délicates nymphes en céramique n’étaient plus la propriété d’Aubert et de Charpentier, mais celle de la manufacture Utzschneider & Cie à Sarreguemines comme le souligne expressément l’autorisation de reproduction dans The Studio18. Mourey louait d’ailleurs « les efforts vers la nouveauté et les tentatives si réussies » des nouvelles références commercialisées par la florissante faïencerie alsacienne à la suite de ses collaborations – contre rémunération – avec de jeunes artistes (Aubert, Alexandre Sandier, Ernest Quost, René Binet et bien sûr Simas). Les rares catalogues de vente conservés leur attribuent, certes, certains modèles, mais ils laissent dans l’anonymat l’essentiel d’une production mise au point par des dessinateurs industriels « maison19 ». Il est donc très vraisemblable que ce décor céramique ait été sélectionné par Laurens sur un catalogue soumis par la maison de décoration Arnavielhe, déjà revendeur attitré à Montpellier de vases Gallé. L’entremise d’un installateur de salle de bains n’est pas non plus à exclure à la lecture d’un publi-reportage de l’entreprise parisienne de sanitaires Charles Blanc paru dans la Revue illustrée en août 1899 [fig. 5] ou du catalogue des magasins L’Hygiène moderne20 [fig. 6].

Figure 5

Figure 5

Publi-reportage pour les établissements sanitaires Charles Blanc à Paris, extrait de La Revue illustrée, 1899.

Figure 6

Figure 6

Publi-reportage « Baignoires de luxe, décor riche suivant style des revêtements », extrait du catalogue commercial des magasins L’Hygiène moderne à Paris, 1904.

Reproduction Bibliothèque Forney.

11À cet égard, la présence des carreaux atteste d’une part du succès visuel évident du thème de l’arum pour une salle d’eau, et d’autre part des judicieux accords négociés avec les professionnels de l’hygiène pour les placer sur leur chantier, grâce à d’attrayantes réclames parues dans la presse à grand tirage. Ces différents canaux de commercialisation expliquent donc tout naturellement l’existence en Charente d’une autre salle de bains ornée des mêmes carreaux, au château de Lignières, près de Cognac, propriété des distilleurs Rémy Martin. La séduction graphique d’une fleur aquatique devenue un grand classique des fleuristes en 1900 ainsi que son emplacement dans un espace intime de la maison étaient des atouts non négligeables pour qui voulait un cabinet de toilette à la mode à un coût raisonnable.

L’art industriel des maisons Sarreguemines, Facchina et Fontaine

12La salle de bains du château Laurens est parfaitement représentative de cet entre-deux décoratif qui voit Simas aménager une œuvre d’art unique principalement à partir d’éléments et de méthodes industrialisés. Par souci hygiéniste, les murs de la pièce de plus de 9 m3 sont entièrement revêtus de céramique, alors que le sol est recouvert d’un tapis mosaïque. Au-dessus d’un lambris en aulne et sycomore, Simas a fait courir une frise de carreaux représentant des paysages dénommés « prairies » dans le catalogue du fabricant Utzschneider [fig. 7].

Figure 7

Figure 7

Les faïenceries de Sarreguemines, planche 4 du catalogue de la manufacture Utzschneider & Cie, 1910, conservé à la bibliothèque Forney.

Reproduction B. M.

  • 21 VITRY Paul, « Essais d’intérieurs modernes », Art & Décoration, mai 1899, p. 153-157. Boutard est (...)
  • 22 « Une inauguration », Le Phare de la Loire, 3 avril 1895.

13Or, la même partition, avec le même modèle, avait été employée en 1898-1899 pour un décor de salle à manger parisienne de l’ébéniste André Boutard21 en association avec Simas, sans que l’on sache si ce dernier avait spécialement créé ce type de carreaux pour ce projet ou pour celui d’Agde. De plus, les carreaux blanc crème quadrillés chacun en creux ainsi que les fleurs incongrues sur fond bleu profond du plafond de la niche de la douche n’ont pas été spécialement dessinés pour Laurens, puisqu’on en trouve de similaires sur les murs de la brasserie La Cigale à Nantes depuis 1895. Là encore, le tapissier-décorateur et trésorier de la Société des arts nantais, Louis Préaubert (1844-1926), avait joué un rôle décisif dans le choix de la manufacture de l’est de la France22 [fig.8].

Figure 8

Figure 8

En haut : la brasserie La Cigale en 2017 à Nantes, Émile Libaudière (architecture et décoration), Émile Gaucher (sculpture), Georges Levreau (peinture), Louis Préaubert (textile), inaugurée en 1895. En bas : carreaux du plafond de la niche de la salle de bains du château Laurens, 2020, extrait de la vidéo Visite du Préfet de l’Hérault sur le chantier de restauration de La Villa Laurens à Agde, Ville d’Agde, https://www.youtube.com/​watch?v=ceUq7EtKSVk [lien valide en juillet 2023]

  • 23 Rare broc basculant avec cuvette, manufacture Utzschneider & Cie (Sarreguemines), 80 x 130 x 50 cm (...)

14Bien que seule la salle principale de l’établissement de la place Graslin accueillît une allégorie féminine du champagne par Simas, Nantes lui donnera l’occasion d’inventer pour la biscuiterie Lefèvre-Utile (LU) des objets publicitaires populaires et des panneaux ornementaux à la gloire de la marque, technique qu’il maîtrisait parfaitement pour enjoliver les lieux de passage contemporains (gare, brasserie). Au tournant du siècle, Simas apparaît donc comme l’artiste industriel attitré de la manufacture de Sarreguemines, participant à la diversification et au renouvellement de sa production. L’intégration d’un broc basculant et d’une cuvette en Sarreguemines23 sur l’aquarelle de la toilette du château Laurens [fig. 9 et 10], en lieu et place d’un robinet chromé et d’une vasque avec écoulement, nous indique même sa très probable fonction de chargé des commandes spéciales. Les catalogues de ventes rappelaient au demeurant que

  • 24 Mention dans le catalogue de vente de 1905 de la manufacture de Sarreguemines, Digoin et Vitry-le- (...)

la maison se charge de la pose de tous revêtements à Paris, en province et à l’étranger […] devis et maquette seront adressés à tout client sur plans et renseignements fournis ; la maison peut exécuter tout travail sur maquette ou dessins spéciaux qui lui seront confiés24.

Figure 9

Figure 9

Meuble toilette de la salle de bains du château Laurens, Eugène-Martial Simas (auteur), Manufacture Utzschneider & Cie (Sarreguemines) et Jacques Policard (ébénisterie), extrait de la revue Art & Décoration, décembre 1903, conservée à la Bibliothèque nationale de France.

Reproduction B. M.

Figure 10

Figure 10

Broc basculant avec cuvette, Manufacture Utzschneider & Cie (Sarreguemines), s. d., 80 x 130 x 50 cm, faïence conservée au Musée de Sarreguemines.

© Stéphanie Korn (musée de Sarreguemines), 2020.

  • 25 Cette analyse expliquerait la reproduction dans la presse en 1899 puis 1903 de simples aquarelles (...)
  • 26 Ne serait-ce pas la décoration de ce cabinet de travail par Simas, dénommé « salle de musique », q (...)
  • 27 Président de l’Association des peintres-verriers, Laumonnerie s’oppose à la mercantilisation abusi (...)

15Dès lors, l’aménagement moderne de la salle de bains par Eugène-Martial Simas à Agde pourrait bien être le simple résultat d’une commande faite directement à la faïencerie. Il ne restait plus qu’à l’artiste industriel attaché à la manufacture d’imaginer un décor hygiéniste à partir des carreaux de L’Art dans Tout déjà sélectionnés, non sans omettre d’inclure, sur les maquettes présentées au client, d’autres produits de son employeur25. Enfin, la similitude d’aspect du jardin d’hiver de la faïencerie de Paul de Geiger, son directeur (Sarreguemines), avec celui de l’actuel cabinet de travail du pavillon d’Agde pourrait attester du rôle beaucoup plus important joué ensuite par Simas pour le réaménagement général de cette partie du pavillon26, au-delà du placement des verrières créées en collaboration avec son beau-frère, Théophile-Hippolyte Laumonnerie27.

  • 28 PALOUZIÉ Hélène & FÉLIX Laurent, « Le palais idéal d’Emmanuel Laurens », Le Patrimoine, no 60, 202 (...)
  • 29 CORROYER, « M. Facchina et la renaissance de la mosaïque », Le Panthéon de l’industrie, 12 octobre (...)
  • 30 À ce sujet, « Renaissance d’un art », in GUÉNÉ-LOYER Hélène, Odorico, mosaïste art déco, Bruxelles (...)

16De même, l’attribution de la prairie fleurie en mosaïque du sol de la salle d’eau [fig. 11] à Giandomenico Facchina (1826-1903) est très exagérée28 si l’on se rappelle qu’il avait soixante-douze ans lors du chantier et qu’il avait été à l’origine d’une « révolution de la mosaïque29 » – grâce à une innovante technique de préfabrication en atelier – dont il s’était attribué le mérite en en déposant prématurément le brevet dès 185830. En réalité, la maison Facchina – en excellente exécutante – a préassemblé les tesselles en les collant à l’envers sur un support souple à partir d’un carton dessiné par Simas. Ensuite expédiées de Paris par chemin de fer à Agde, un poseur les avait enfin installées sans que le puissant négociant et fondateur malheureux de l’éphémère École nationale de la mosaïque n’ait eu à en concevoir le dessin ni à les placer lui-même !

Figure 11

Figure 11

En haut : mosaïque française en émaux de Briare F. B. (exécutant), Eugène-Martial Simas (auteur), extrait de « Piscine du château Laurens », publié en décembre 1903 dans la revue Art & Décoration, conservée à la Bibliothèque nationale de France. En bas : mosaïque avant restauration, s. d.

Reproduction B. M. et © Laurent Boutonnet (Région Occitanie).

  • 31 Je remercie François Loyer et Hélène Guéné-Loyer (†) pour leur relecture attentive et leur experti (...)

17En suivant l’expertise d’Hélène Guéné-Loyer, il serait fort probable que le décor brillant et élégant de la cuve ait été en revanche réalisé dans un matériau plus coûteux, la pâte de verre, dont sont constitués les émaux de Briare à la forme et l’aspect caractéristiques. La participation de la « Mosaïque française en émaux Briare F.B » du mosaïste Henri Bichi (1855 – date de décès inconnue), déjà auteur des décors de la Brasserie Mollard (Paris) en 1895, où Simas avait collaboré, ne serait donc pas à exclure31.

  • 32 MOUREY Gabriel, « A modern bath-room designed by E. M. Simas », The Studio, no 75, juin 1899, p. 3 (...)
  • 33 Voir HÉRAN Emmanuelle (dir.), Alexandre Charpentier (1856-1909). Naturalisme et Art nouveau, cat. (...)

18Dernier raffinement disparu depuis longtemps de cette hygiénique bonbonnière, les délicats « plaques, serrure et bouton de serrure en cuivre rouge32 » de la porte d’accès, modelés par Alexandre Charpentier, appartenaient au catalogue de la maison parisienne Fontaine depuis 189233. Ces serrureries et plaques de propreté étaient bien sûr commercialisées sans l’avis de leur auteur et expédiées en « petite, grande vitesse par chemin de fer ou colis postal ». D’autres « essais modernes » étaient disponibles à partir de dessins du sculpteur suédois Christian Eriksson et des architectes/décorateurs Hector Guimard, Pierre Selmersheim et Georges Balleyguier [fig. 12]. Les grands magasins n’étaient pas en reste dans ce soutien apporté au renouvellement des arts décoratifs, comme en témoigne la salle à manger complète qu’Alexandre Charpentier avait réalisée, non sans fierté, pour le compte des Grands Magasins du Louvre en 1900. Ces efforts couronnaient une politique de mécénat que la direction du Louvre avait initiée depuis 1894 en organisant chaque année un concours public d’encouragement à créer des formes nouvelles pour de futurs biens de consommation tandis que les lauréats, de leur côté, bénéficiaient d’une récompense financière et de la considérable force de frappe publicitaire d’un empire commercial.

Figure 12

Figure 12

Modèle de serrures par Alexandre Charpentier, Hector Guimard, Pierre Selmersheim et Georges Balleyguier, planche 585 du catalogue de Maison Fontaine, août 1900, conservé à la bibliothèque Forney.

Reproduction B. M.

Le poème de l’eau

  • 34 MOUREY Gabriel, « Décoration moderne », Les Modes, revue mensuelle illustrée des arts décoratifs a (...)

19Avant de retrouver sa carrière de décorateur de théâtre en 1908 et de mettre un terme à son escapade dans les arts industriels, à l’instar d’ailleurs de nombreux peintres tentés par cette utopie 1900, Eugène-Martial Simas avait collaboré avec deux puissantes maisons parisiennes d’ameublement et de décoration : une salle à manger cossue exposée dans les salons de vente parisiens de la « maison Barbedienne, P.A Dumas successeur » à partir de 1902 – qui omettait de le citer comme auteur dans ses catalogues – et un hall-bibliothèque pour la copurchic maison Jansen, rue Royale. L’indispensable Mourey, futur préfacier du catalogue de vente de P.A Dumas, en avait laissé une description poétique en 1901 dans l’élégant mensuel féminin Les Modes, après sa présentation à l’Exposition universelle. Il se réjouissait de la modernité de l’ensemble « par ce soin de faire dominer dans la décoration d’un appartement une idée générale […] mais sans naturalisme vulgaire et plutôt par de fines suggestions34 ». Simas déployait ainsi autour de la monumentale cheminée « hutte » soutenue par deux bûcherons sculptés par Jean Escoula (1851-1911) toute une décoration florale et animale, éclairée par deux murailles de verre exécutées par Théophile-Hippolyte Laumonnerie (1863-1924). Un poème d’Édouard Beaufils, peint sur les phylactères des vitraux, illustrait cette ode au silence [fig. 13].

Figure 13

Figure 13

Hall-bibliothèque pour la maison Jansen, Eugène-Martial Simas (décorateur), Jean Escoula (sculpteur), présenté à l’Exposition universelle de 1900, photographie extraite du Journal des modes, 1901, conservée à la Bibliothèque nationale de France.

© photographe inconnu / reproduction B. M.

20Du reste, l’interprétation symboliste de la salle de bains Laurens avait été finement analysée par Mourey dès 1899 puis reprise par Maurice Guillemot dans Art & Décoration en 1903 :

  • 35 GUILLEMOT Maurice, « Un cabinet de toilette », Art & Décoration, no 12, décembre 1903, p. 400.

Il a traduit, avec les matières variées dont l’industrie dispose, le poème de l’Eau – l’allégorie s’imposait –, dans le haut de la verrière resplendit sous le soleil le glacier dont les neiges fondent et forment un ruisseau qui, paré de nénuphars, d’arums, zébré de roseaux [fig. 14], s’infiltre en une prairie (c’est le pavage) égayée de graminées blanches et roses, enfin arrive à la piscine toute en mosaïque d’émail où les fleurs du fond paraissent surnager parmi un scintillement de paillettes d’or. La tonalité générale est vert et bleu turquoise, avec des clartés dans le vitrail et sur le mur où, à la manière arabe, des carreaux de Delft sont disséminés sur la blancheur de chaux35.

Figure 14

Figure 14

Vitrail de la salle de bains du château Laurens, Eugène-Martial Simas (auteur), Théophile-Hippolyte Laumonnerie (exécutant), s. d.

© photographe inconnu / Reproduction Ville d’Agde.

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21Nos recherches récentes ayant révélé les liens entretenus par Laurens avec la spiritualité ésotérique fin-de-siècle, une interprétation complémentaire de cette partie du pavillon s’impose : la salle de bains hygiéniste, sanglée exagérément de cornières de cuivre rouge antibactérien, pourrait aussi avoir servi à des rites de purification, chers à l’idéal cathare dont Laurens était un profond admirateur. La baignoire en forme de baptistère antique, l’alternance d’ablutions à l’eau chaude puis froide, de la piscine à la toilette, et enfin le puissant symbolisme de l’eau baptismale qui engendre la communauté de croyants issue du sacrifice christique, tout concorde à considérer qu’avec la pièce attenante aux sombres vitraux – dénommée actuellement « chambre » – la salle de bains s’insérait dans un parcours spirituel autour de la repentance, de la veille et de la méditation36. « Les considérations spéciales » évoquées par un Mourey acquis au mysticisme fin-de-siècle qui avaient prévalu au choix des carreaux de Sarreguemines pourraient donc avoir un lien avec le symbolisme de l’arum sous les nymphes de grès de Charpentier : l’avènement du Messie féminin qui est un topic de l’ésotérisme chrétien fin-de-siècle37 permettrait à l’âme, symbolisée par le long cornet blanc floral qui s’élève vers le ciel, de se régénérer sous l’effet d’une austère discipline religieuse à laquelle contribuent les bienfaits de la science hydrothérapique fin-de-siècle, alors à son apogée.

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22Assurément, l’unicum architectural et le programme iconographique du château Laurens déconcertent l’observateur attaché à l’histoire des formes. Or, « L’Art nouveau n’était pas un style », comme le rappelle avec force le professeur François Loyer ; « il était le lieu de rencontre de tendances parfois contradictoires. Sa seule unité venait de la contestation des traditions académiques38 » où chaque artiste devait exprimer sa singularité en ne « s’inféod[ant] justement à aucune formule caractéristique ; sous peine de mort, il doit marcher avec le siècle, avec l’année, avec le mois […] évoluer ou périr39 » écrivait dès 1900 le défenseur d’un art de son temps, Frantz Jourdain. La mythique faillite de l’Art nouveau français trouve, par cet exemple agathois, une certaine limite tant il apparaît que cette salle de bains incarne l’exemple réussi de l’alliance de l’art et de l’industrie appliquée à ce besoin grandissant de la vie moderne qu’étaient les salles d’hygiène. Ces dernières participent dès lors à sensibiliser le public au renouvellement des arts décoratifs, au même titre que la joaillerie ou la mode, domaines dans lesquels l’action bienfaitrice de la femme avait déjà été louée, non sans une certaine vision patriarcale40. Mais considérant, d’une part, l’émergence d’un féminisme bourgeois (et son écho dans les mouvements théosophiques et saint-simoniens à travers le thème du Messie féminin) et d’autre part, que la salle de bains est, aux yeux des contemporains, le « sanctuaire de la femme41 », on peut naturellement s’interroger sur le rôle joué par la mère et la sœur du commanditaire, Agnès (1849-1921) et Marguerite Laurens (1877-1967) [fig. 15].

Figure 15

Figure 15

Marguerite Laurens, Ernest Azéma, 1907, 103 x 200 cm, huile sur toile conservée au musée agathois Jules-Baudou (inv. 2009.0.11.24).

© B. M., 2016.

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  • 43 Je remercie Philippe Saunier, inspecteur général des monuments historiques pour sa relecture atten (...)

23L’historiographie, par trop généreuse envers Emmanuel, reste muette à leur sujet42. Enfin, les rapprochements manifestes que l’on peut établir entre le félibrige et ce temple arrimé au bord de l’Hérault, synthèse architecturale des cultures antiques autour de la Méditerranée, ne peuvent plus être éludés. Ainsi ne faut-il pas s’étonner que des vers du poète occitan et pilier des milieux ésotériques de la région43 Achille Maffre de Baugé (1855-1928) soient dédiés à Laurens, Drac tourmenté de ce fleuve mistralien :

  • 44 MAFFRE de BAUGÉ Achille, « L’Hérault, dédicacé à Emmanuel Laurens », Terre d’Oc, Paris, B. Grasset (...)

Dans ton miroir mouvant, les frondaisons naissantes
Ne sont pour moi que le décor d’avrils lointains ;
J’y vois glisser la barque où, vêtus de satin.
Les bergers vers Cythère entraînent les amantes.
D’autres ont peur des flots, et c’est, de par les sentes
Fleurant l’amaryllis de tes bords smaragdins.
L’aventure en paniers qui perd son escarpin
À regagner trop vite un carrosse amarante.
La brise. Tout s’efface. Écoutez.
Un hautbois soupire un air de Gluck au silence du bois ;
Une fleur, de langueur, chute dans l’eau bleu-tendre…
Joli fleuve, qui donc aimer ? Qui m’aimera ?
Me diras-tu sous quel orme je dois attendre
De quoi me désoler ou devenir ingrat ? ...44

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Notes

1 VALÉRY Paul, « Louanges de l’eau », in Œuvres, éd. Jean Hytier, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1957, t. I, p. 203.

2 MONTAMAT Bruno, « La villa Laurens, un château cathare à Agde autour de 1900 », Carnet parodien d’histoire de l’art et d’archéologie, vol. 2, 2019, [en ligne], https://carnetparay.hypotheses.org/489 [lien valide en juillet 2023].

3 ABRIAT Natacha, BOYER Amélie & KÉRIGNARD Marc, « L’Art nouveau dans le Languedoc », Le Patrimoine, no 60, 2021, p. 52-61.

4 À ce sujet, voir CHARPY Manuel, Le Théâtre des objets. Espaces privés, culture matérielle et identité sociale. Paris, 1830-1914, thèse de doctorat, histoire contemporaine, Tours, université de Tours, 2010.

5 « Joli printemps », La Vie montpelliéraine. Gazette littéraire, théâtrale, humoristique, mondaine, no 186, 10 avril 1898, p. 4-5, ici p. 5, 1re colonne.

6 Entrefilet paru dans La Vie montpelliéraine. Gazette littéraire, théâtrale, humoristique, mondaine, no 894, le 5 novembre 1898, p. 4.

7 DESANTI Constance, « Lumière sur Eugène Martial Simas, décorateur oublié de la Belle Époque », Les Cahiers de l’École du Louvre, no 7, 2015, [en ligne], https://doi.org/10.4000/cel.289 [lien valide en juillet 2023].

8 FROISSART PEZONE Rossella, L’Art dans Tout. Les arts décoratifs en France et l’utopie d’un art nouveau, Paris, CNRS Éditions, 2004.

9 Il était le correspondant français de la revue anglaise. Gabriel Mourey, « A modern bath-room designed by E. M. Simas », The Studio, no 75, juin 1899, p. 32-36. Disponible en ligne, https://doi.org/10.11588/diglit.19232#0046 [lien valide en juillet 2023].

10 BEAUFILS Édouard, « La décoration de l’habitation moderne », Le Soleil du dimanche, 10 novembre 1900, p. 181-182.

11 BERNARD Valère, « Belle-Isle », L’Estello [L’Étoile], juillet-août 1911, nos 13 et 14, p. 113-114. Je remercie Joëlle Ginestet, maître de conférences en langue et littérature occitanes à l’université de Toulouse, d’avoir traduit ce texte qui présente la personnalité nébuleuse d’Emmanuel Laurens.

12 « L’Art dans Tout. Un foyer moderne, c. 1898 », in MCWILLIAM Neil, MÉNEUX Catherine & RAMOS Julie (dir.), L’Art social de la Révolution à la Grande Guerre. Anthologie de textes sources, Paris, Publications de l’Institut national d’histoire de l’art, 2014, [en ligne], https://doi.org/10.4000/books.inha.5904 [lien valide en juillet 2023].

13 Ibid.

14 MOUREY Gabriel, « A modern bath-room designed by E. M. Simas », The Studio, no 75, juin 1899, p. 36.

15 MOUREY Gabriel, « Une salle de bains moderne décorée par M. E. M. Simas », The Studio, supplément traduit, no 75, juin 1899, p. 11.

16 PALOUZIÉ Hélène & FÉLIX Laurent, « La restauration de la Villa Laurens d’Agde à la lumière des dernières découvertes », Études héraultaises, no 49, 2017, p. 89.

17 Nous pensons ici à la commande d’une salle de billard du baron Vitta à Félix Bracquemond et Alexandre Charpentier en 1898 pour sa villa La Sapinière à Évian. SAADÉ William & BLANCHETIÈRE François (dir.), Joseph Vitta. Passion de collection, cat. exp., Évian, palais Lumière, 15 février-1er juin 2014, Paris, Somogy, 2014.

18 « By permission of the manufactory of Sarreguemines ». MOUREY Gabriel, « Decorative art in Paris: the exhibition of “the six” », The Studio, mars 1898, p. 90, disponible en ligne, https://doi.org/10.11588/diglit.18391#0099 [lien valide en juillet 2023].

19 Il faut attendre les lois votées en 1902, 1909 puis 1910 sur la propriété artistique pour voir un début d’apaisement dans les relations entre les artistes et les industriels qui, jusqu’à alors, et dès règlement de la commande, étaient les propriétaires exclusifs des modèles en se réservant « tous droits de poursuite en cas de copie et de contrefaçon ». Cette mention est tirée du catalogue de vente de 1905 de la manufacture de Sarreguemines, Digoin et Vitry-le-François.

20 Catalogue commercial de L’Hygiène moderne, 20, 27, 29 rue de Cotte, faubourg Saint-Antoine, 1904, p. 60.

21 VITRY Paul, « Essais d’intérieurs modernes », Art & Décoration, mai 1899, p. 153-157. Boutard est l’auteur des bois d’un paravent « La vigne » en vitrail, présenté par Laumonnerie au Salon de 1897.

22 « Une inauguration », Le Phare de la Loire, 3 avril 1895.

23 Rare broc basculant avec cuvette, manufacture Utzschneider & Cie (Sarreguemines), 80 x 130 x 50 cm, Sarreguemines, musée de la Faïence, inv. 2020.3.

24 Mention dans le catalogue de vente de 1905 de la manufacture de Sarreguemines, Digoin et Vitry-le-François.

25 Cette analyse expliquerait la reproduction dans la presse en 1899 puis 1903 de simples aquarelles en lieu et place de photographies de la pièce finalisée comme c’était l’usage dans les revues d’art illustrées. Il est de plus troublant que Simas se trompe dans l’orthographe du nom de Laurens, écrit avec un « t », sur le livret du Salon de la Société nationale des beaux-arts où il présentait les aquarelles de son projet agathois.

26 Ne serait-ce pas la décoration de ce cabinet de travail par Simas, dénommé « salle de musique », que Gabriel Mourey évoque dans The Studio ? La rare photographie conservée de cette pièce montre la présence d’un piano à queue et d’un instrument scientifique pour enregistrer la voix.

27 Président de l’Association des peintres-verriers, Laumonnerie s’oppose à la mercantilisation abusive de sa profession.

28 PALOUZIÉ Hélène & FÉLIX Laurent, « Le palais idéal d’Emmanuel Laurens », Le Patrimoine, no 60, 2021, p. 84-95.

29 CORROYER, « M. Facchina et la renaissance de la mosaïque », Le Panthéon de l’industrie, 12 octobre 1884, p. 361-362.

30 À ce sujet, « Renaissance d’un art », in GUÉNÉ-LOYER Hélène, Odorico, mosaïste art déco, Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1991, p. 12-55.

31 Je remercie François Loyer et Hélène Guéné-Loyer (†) pour leur relecture attentive et leur expertise avisée.

32 MOUREY Gabriel, « A modern bath-room designed by E. M. Simas », The Studio, no 75, juin 1899, p. 36.

33 Voir HÉRAN Emmanuelle (dir.), Alexandre Charpentier (1856-1909). Naturalisme et Art nouveau, cat. exp., Paris, musée d’Orsay, 22 janvier-13 avril 2008, Paris, Musée d’Orsay, Nicolas Chaudun, 2008, p. 126-128. Des plaques de propreté de Charpentier éditées par la maison Fontaine se trouvent par exemple à l’hôtel Bouctot-Vagniez à Amiens (Somme).

34 MOUREY Gabriel, « Décoration moderne », Les Modes, revue mensuelle illustrée des arts décoratifs appliqués à la femme, no 4, 30 avril 1901, p. 23-26.

35 GUILLEMOT Maurice, « Un cabinet de toilette », Art & Décoration, no 12, décembre 1903, p. 400.

36 À ce sujet, voir : « … comme l’étaient les Albigeois nos héros », in MONTAMAT Bruno, « La villa Laurens… », art. cit.

37 LAURANT Jean-Pierre, L’Ésotérisme chrétien en France au xixe siècle, Lausanne, Paris, L’Âge d’homme, 1992, EDELMAN Nicole, Voyantes, guérisseuses et visionnaires en France, 1785-1914, Paris, Albin Michel, 1995 et FAUCHEREAU Serge & PIJAUDIER-CABOT Joëlle (dir.), L’Europe des esprits ou La fascination de l’occulte, 1750-1950, cat. exp., Strasbourg, musée d’Art moderne et contemporain, 8 octobre 2011-12 février 2012, Strasbourg, Éditions des musées de Strasbourg, 2011.

38 LOYER François, préface, in MONTAMAT Bruno, Paul Mezzara (1866-1918), un oublié de l’Art nouveau, Paris, Mare & Martin, 2018, p. 14.

39 JOURDAIN Frantz, « L’art du décor à l’Exposition universelle de 1900 », L’Architecture, 5 janvier 1901, p. 2.

40 Voir LARROUMET Gustave, « L’Art décoratif et les femmes », Revue des Arts décoratifs, no 4, avril 1896, p. 100-105.

41 ELEB Monique, « La mise au propre en architecture », Techniques & Culture, 54-55, 2010, [en ligne], https://doi.org/10.4000/tc.5023 [lien valide en juillet 2023].

42 Domiciliées pourtant sur le domaine familial selon les recensements officiels, l’une avait été désignée la première pour recevoir le fabuleux legs de son lointain cousin Emmanuel Fontenay et l’autre était copropriétaire du château malgré son léger handicap mental.

43 Je remercie Philippe Saunier, inspecteur général des monuments historiques pour sa relecture attentive et ses informations inédites sur le mysticisme fin-de-siècle.

44 MAFFRE de BAUGÉ Achille, « L’Hérault, dédicacé à Emmanuel Laurens », Terre d’Oc, Paris, B. Grasset, 1908, p. 138.

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende Publicité pour la maison d’ameublement et de décoration Paul Arnavielhe, extraite de La Vie montpelliéraine. Gazette littéraire, théâtrale, humoristique, mondaine, n274, 17 décembre 1899.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 169k
Titre Figure 2
Légende Salle de bains du château Laurens, Eugène-Martial Simas, aquarelle extraite de la revue Art & Décoration, décembre 1903, conservée à la Bibliothèque nationale de France.
Crédits Reproduction B. M.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 283k
Titre Figure 3
Légende Salle de bains du château Laurens à Agde (Hérault) avant restauration, 2015.
Crédits © Romain Veillon.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 154k
Titre Figure 4
Légende Décoration murale en faïence pour salle de bain, Alexandre Charpentier et Félix Aubert (auteurs), manufacture Utzschneider & Cie (exécutant), extrait de The Studio, 1898.
Crédits Reproduction B. M.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 333k
Titre Figure 5
Légende Publi-reportage pour les établissements sanitaires Charles Blanc à Paris, extrait de La Revue illustrée, 1899.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 258k
Titre Figure 6
Légende Publi-reportage « Baignoires de luxe, décor riche suivant style des revêtements », extrait du catalogue commercial des magasins L’Hygiène moderne à Paris, 1904.
Crédits Reproduction Bibliothèque Forney.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 232k
Titre Figure 7
Légende Les faïenceries de Sarreguemines, planche 4 du catalogue de la manufacture Utzschneider & Cie, 1910, conservé à la bibliothèque Forney.
Crédits Reproduction B. M.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 283k
Titre Figure 8
Légende En haut : la brasserie La Cigale en 2017 à Nantes, Émile Libaudière (architecture et décoration), Émile Gaucher (sculpture), Georges Levreau (peinture), Louis Préaubert (textile), inaugurée en 1895. En bas : carreaux du plafond de la niche de la salle de bains du château Laurens, 2020, extrait de la vidéo Visite du Préfet de l’Hérault sur le chantier de restauration de La Villa Laurens à Agde, Ville d’Agde, https://www.youtube.com/​watch?v=ceUq7EtKSVk [lien valide en juillet 2023]
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 294k
Titre Figure 9
Légende Meuble toilette de la salle de bains du château Laurens, Eugène-Martial Simas (auteur), Manufacture Utzschneider & Cie (Sarreguemines) et Jacques Policard (ébénisterie), extrait de la revue Art & Décoration, décembre 1903, conservée à la Bibliothèque nationale de France.
Crédits Reproduction B. M.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 360k
Titre Figure 10
Légende Broc basculant avec cuvette, Manufacture Utzschneider & Cie (Sarreguemines), s. d., 80 x 130 x 50 cm, faïence conservée au Musée de Sarreguemines.
Crédits © Stéphanie Korn (musée de Sarreguemines), 2020.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 228k
Titre Figure 11
Légende En haut : mosaïque française en émaux de Briare F. B. (exécutant), Eugène-Martial Simas (auteur), extrait de « Piscine du château Laurens », publié en décembre 1903 dans la revue Art & Décoration, conservée à la Bibliothèque nationale de France. En bas : mosaïque avant restauration, s. d.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 277k
Titre Figure 12
Légende Modèle de serrures par Alexandre Charpentier, Hector Guimard, Pierre Selmersheim et Georges Balleyguier, planche 585 du catalogue de Maison Fontaine, août 1900, conservé à la bibliothèque Forney.
Crédits Reproduction B. M.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 213k
Titre Figure 13
Légende Hall-bibliothèque pour la maison Jansen, Eugène-Martial Simas (décorateur), Jean Escoula (sculpteur), présenté à l’Exposition universelle de 1900, photographie extraite du Journal des modes, 1901, conservée à la Bibliothèque nationale de France.
Crédits © photographe inconnu / reproduction B. M.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 214k
Titre Figure 14
Légende Vitrail de la salle de bains du château Laurens, Eugène-Martial Simas (auteur), Théophile-Hippolyte Laumonnerie (exécutant), s. d.
Crédits © photographe inconnu / Reproduction Ville d’Agde.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 274k
Titre Figure 15
Légende Marguerite Laurens, Ernest Azéma, 1907, 103 x 200 cm, huile sur toile conservée au musée agathois Jules-Baudou (inv. 2009.0.11.24).
Crédits © B. M., 2016.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/39354/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 271k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Bruno Montamat, « La salle de bains Art nouveau du château Laurens à Agde (Hérault) »In Situ [En ligne], 51 | 2023, mis en ligne le 06 septembre 2023, consulté le 21 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/insitu/39354 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insitu.39354

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Auteur

Bruno Montamat

Historien, chargé du patrimoine culturel, mission des Archives et du Patrimoine culturel, ministères de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des sports, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
bruno.montamat@education.gouv.fr

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