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Circulations

L’Art déco, un « patrimoine de papier » ?

Visions de l’Art déco à Marseille
Art Deco, a paper heritage? Visions of Art Deco at Marseille
Éléonore Marantz

Résumés

Cet article interroge de manière inédite ce qu’il reste de l’Art déco à Marseille. Sans ignorer les quelques édifices qui marquent encore le paysage urbain, il prend comme point de départ un « patrimoine de papier » qui témoigne d’une fructueuse période de création dans le domaine de l’architecture et des arts décoratifs. Marseille, dynamique ville-port ouverte aux échanges internationaux, a en effet vécu intensément l’entre-deux-guerres, jusqu’à s’affirmer comme un foyer artistique particulièrement fécond dont le rayonnement s’étendait jusqu’à l’autre rive de la Méditerranée. Depuis, les œuvres Art déco ont souvent été sévèrement mises à mal par des interventions peu soucieuses de leur intégrité. Parfois, elles ont purement et simplement disparu. Néanmoins, les archives d’architectes, d’artistes et d’artisans, la presse spécialisée, les fonds photographiques attestent de la prolifique activité qui les a vues naître. Notre analyse s’attache à montrer comment ce corpus iconographique donne à apprécier autrement les architectures et les éléments de décor toujours en place mais, surtout, vient documenter la part aujourd’hui manquante de l’Art déco marseillais. Plus généralement, elle invite à mieux comprendre comment un « patrimoine de papier » constitue une source première pour la connaissance de la production artistique d’une période, mais aussi un patrimoine à part entière qu’il s’agit de considérer et de valoriser.

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Texte intégral

  • 1 LONDRES Albert, « Jeunes gens, allez voir le phare » [1926], in Marseille Porte du Sud, Paris, Arlé (...)
  • 2 Ibid.
  • 3 ZALIO Pierre-Paul, Grandes familles de Marseille au xxe siècle. Enquête sur l’identité économique d (...)
  • 4 RONCAYOLO Marcel, Les Grammaires d’une ville. Essai sur la genèse des structures urbaines à Marseil (...)
  • 5 BENTON Charlotte, BENTON Tim & WOOD Ghislaine, Art Deco 1910-1939, cat. exp., Londres, Victoria & A (...)

1Marseille fut-elle une ville Art déco, à l’instar de Paris, Casablanca, New York, Los Angeles, Miami, Tel-Aviv et Shanghai ou, si l’on s’en tient à la France, à l’instar de Boulogne-Billancourt, Lille, Lyon, Reims, Nice et Nancy ? La question mérite d’être posée car, dynamique port ouvert aux échanges internationaux, Marseille a vécu avec intensité la période de l’entre-deux-guerres. « Porte du Sud1 » par laquelle la France s’ouvre à la Méditerranée, la ville est alors une escale incontournable vers l’Orient, l’Afrique et l’Amérique du Sud. En 1926, le journaliste et écrivain français Albert Londres dit qu’elle « est une leçon », qu’elle « écoute la voix du vaste monde » et « engage […] la conversation avec la terre entière »2. De fait, au cours des années 1920 et 1930, Marseille est un actif foyer de création dont le rayonnement dépasse les frontières régionales jusqu’à s’étendre au-delà de la Méditerranée. Peut-être parce que s’y affirme une nouvelle élite liée au développement du commerce et de l’industrie3, la ville, alors en pleine transformation4, se révèle particulièrement réceptive à l’Art déco, ce courant artistique et esthétique associé à un art de vivre moderne et raffiné qui s’impose alors à l’échelle internationale5.

2Quelques édifices majeurs en témoignent, au premier rang desquels l’opéra [fig. 1], reconstruit en 1923-1924, après que l’ancien théâtre d’art lyrique est parti en fumée en novembre 1919. Ses architectes – Gaston Castel, Henri Ébrard et Georges Raymond – l’appréhendent comme une œuvre d’art totale, où architecture et décoration se répondent, et y associent pour cela de nombreux artistes reconnus, notamment les sculpteurs Antoine Sartorio et Antoine Bourdelle, les peintres Jean Julien et Oscar Eichacker, le ferronnier Raymond Subes.

Figure 1

Figure 1

L’opéra municipal de Marseille peu après l’achèvement de l’édifice (1921 : concours, 1923-1924 : construction), vers 1924. Architectes Gaston Castel, Henri Ébrard et Georges Raymond ; sculpteurs Antoine Sartorio et Antoine Bourdelle, peintres Jean Julien et Oscar Eichacker ; ferronnier Raymond Subes. Photographie conservée aux archives municipales de Marseille (49Fi44).

Photographe inconnu / reproduction archives municipales de Marseille.

  • 6 GAUTIER Jean-Claude (dir.), L’Église Saint-Louis. Une mémoire en devenir, Hyères, Mémoire à lire, t (...)
  • 7 COHEN Jean-Louis (dir.), Les Années 30. L’architecture et les arts de l’espace entre industrie et n (...)

3Le tribunal de commerce (1931-1933, arch. : Gaston Castel), à la silhouette et la modénature typiquement Art déco, est pour sa part conçu comme une réplique éminemment contemporaine – par sa monumentalité et son riche programme décoratif – de son voisin immédiat, le palais de justice néoclassique achevé presque soixante-dix ans auparavant (1856-1862) selon le projet d’Auguste Martin. À l’autre bout de la ville, l’église Saint-Louis (1934-1935, arch. : Jean-Louis Sourdeau), avec sa calotte et son clocher en béton sculpté « al fresco » par Carlo Sarrabezolles, dote les quartiers nord d’une identité visuelle forte et projette l’architecture marseillaise dans la modernité6. Devenus de véritables marqueurs urbains, ces trois chefs-d’œuvre de l’Art déco sont à juste titre considérés comme des éléments majeurs du patrimoine marseillais, d’autant que leur physionomie reste aujourd’hui encore très proche de leur aspect initial et qu’ils ont conservé une grande partie de leur décoration. Ils ne doivent néanmoins pas faire oublier un tissu urbain plus commun, constitué principalement d’immeubles d’habitation concentrés dans les actuels 4e, 5e, 6e, 7e et 8arrondissements de la cité phocéenne, ni les témoignages plus fragmentaires – enseignes, éléments d’architecture et de décor, mobilier urbain – de l’intense activité créatrice qu’ont constitué les années 1920 et 1930 dans le domaine de l’architecture et des arts de l’espace7.

  • 8 BENJAMIN Walter, Paris, capitale du xixe siècle. Le Livre des passages, trad. de l’allemand par Jea (...)

4Sans négliger ces traces de l’architecture Art déco, ni sous-estimer leur aura, pour s’en tenir aux concepts mis en tension par Walter Benjamin à propos des passages parisiens du xixe siècle8, il est possible d’interroger par un autre biais ce qu’il reste de l’Art déco à Marseille, en prenant comme point de départ un « patrimoine de papier » particulièrement conséquent, constitué pêle-mêle de dessins d’architectes, de cartons d’artistes, de croquis d’artisans ou encore de photographies. Ce corpus iconographique conservé dans différents centres d’archives publics – archives départementales des Bouches-du-Rhône, archives municipales –, fonds patrimoniaux – bibliothèque de l’Alcazar, chambre de commerce et d’industrie, académie de Marseille – ou encore dans des collections privées constitue un patrimoine en soi, mais aussi une inestimable source de connaissance. Notre analyse, en s’arrêtant sur des points saillants de la production architecturale de la période, s’attachera à montrer comment ce « patrimoine de papier », hétérogène mais souvent de très belle facture, donne à apprécier autrement les architectures ou les décors toujours en place et surtout, vient documenter une part aujourd’hui invisible de l’Art déco marseillais.

Architectures de papier : visions de projets inaccomplis de l’Art déco marseillais

  • 9 PERRET Auguste, « Contribution à une théorie de l’architecture », Technique et Architecture, série  (...)

5Nombreuses sont les raisons qui, dans l’histoire complexe d’un projet d’architecture, peuvent conduire à ce que l’étape de la réalisation ne soit jamais atteinte. Auguste Perret le rappelait magistralement dans sa Contribution à une théorie de l’architecture : « L’Architecture est, de toutes les expressions de l’art, celle qui est le plus soumise aux conditions matérielles. Permanentes sont les conditions qu’impose la nature. Passagères, celles qu’impose l’homme9. » Marseille ne fait pas exception : comme ailleurs, des conditions « passagères » tenant aux champs économique et politique mais aussi aux usages, règlements, modes propres au domaine de l’architecture, ont souvent eu raison des ambitions initiales. Cela est d’autant plus vrai à partir de 1931, au moment où la cité phocéenne bascule dans une double instabilité politique et économique, en même temps que commencent à se faire durement ressentir les conséquences de la crise mondiale.

  • 10 Pourtant élu maire dans la ferveur populaire en mars 1935, nommé l’année suivante secrétaire d’État (...)
  • 11 La construction d’un nouvel hôtel de ville est étudiée par Eugène Sénès, architecte en chef de la V (...)
  • 12 Il est à signaler que d’autres architectes soumettront des projets, notamment dans le cadre des con (...)
  • 13 GRÉBER Jacques, Ville de Marseille. Plan d’aménagement et d’extension. Mémoire descriptif, Paris, V (...)

6Ce contexte, qui voit le pouvoir municipal sévèrement mis à mal jusqu’à la mise sous tutelle de la Ville en 193910, n’est pas étranger au fait que l’extension et/ou la reconstruction de l’hôtel de ville – un édifice construit entre 1653 et 1673 à l’initiative de Louis XIV par Jean-Baptiste Méolans puis Gaspard Puget –, envisagée depuis 191911, ne voie finalement pas le jour12. Pourtant, le projet est étudié à plusieurs reprises par l’éminent architecte marseillais Gaston Castel. L’architecte en chef du département des Bouches-du-Rhône y travaille d’abord seul (1921), puis en collaboration avec Jacques Gréber (1931-1932) à qui venait d’être confiée l’élaboration du plan d’aménagement, d’extension et d’embellissement de Marseille13 ; il y revient ensuite avec Eugène Sénès, Jacques Gréber et A. Richard (1932) et, enfin, à nouveau en duo avec Jacques Gréber (1935-1939). Les études successives, certaines juste esquissées, d’autres définitives et prêtes à être exécutées, offrent de multiples visions de ce qu’aurait pu être, ou devenir, la maison commune de la deuxième ville de France. Si le projet élaboré par Gaston Castel en 1921 ne modifie pratiquement pas la physionomie du quartier et conserve toute sa prééminence au bâtiment historique [fig. 2], celui de 1931-1932 prévoit de le remplacer par un palais néoclassique doté d’une imposante façade ordonnancée sur la place Daviel, et curieusement dominé par un beffroi aux lignes nettement plus contemporaines [fig. 3].

Figure 2

Figure 2

Projet d’extension de l’hôtel de ville de Marseille : élévation sur le port, architecte Gaston Castel (1921). Dessin de Gaston Castel conservé au musée d’Histoire de Marseille (inv. 89.32637).

Reproduction musée d’Histoire de Marseille.

Figure 3

Figure 3

Projet d’extension de l’hôtel de ville de Marseille : élévation sur la place Daviel, architectes Gaston Castel et Jacques Gréber (1931-1932). Dessin de Gaston Castel, conservé au musée d’Histoire de Marseille (inv. 89.3.1094).

Reproduction musée d’Histoire de Marseille.

  • 14 M. R. G. G., « Ce que pourrait être notre mairie », Sud Magazine, 4e année, n55, 16 mars 1931, p. (...)
  • 15 BLANC Marielle & HOFMAN Jean-Marc, Esprit(s) des lieux. Du Trocadéro au palais de Chaillot, cat. ex (...)

7Dans cet entre-deux, l’architecte, doté d’une solide formation académique – il avait obtenu le Second Grand Prix de Rome en 1913 –, exprime son double attachement à la grande tradition architecturale et aux expressions plus actuelles. La presse, certainement effrayée par la dépense somptuaire qu’aurait entraînée un tel chantier, défend pour sa part l’idée d’une exécution « rapide et peu coûteuse : l’agrandissement de la place Villeneuve jusqu’à l’Hôtel-Dieu, la démolition de la rue de la Guirlande, côté gauche, et l’occupation par les services de la mairie, des maisons historiques et dignes d’être conservées »14, à savoir la maison de ville du xviie siècle, les hôtels du xviiie qui se dressaient sur son flanc occidental, le pavillon Daviel, ainsi que l’hôtel Belcodène et ses dépendances. Cette dispersion des services municipaux dans les bâtiments patrimoniaux était déjà une réalité. Elle était peu satisfaisante du point de vue des usages. Aussi, en 1936, lorsque la municipalité d’Henri Tassot lance un concours pour agrandir l’hôtel de ville et remodeler le quartier, Gaston Castel saisit l’occasion pour composer un ensemble encore plus vaste et imposant que celui imaginé quelques années auparavant : un complexe de bâtiments se développant en gradins à l’arrière de l’ancienne maison de ville jusqu’à l’hôtel-Dieu et rappelant, par sa rigoureuse monumentalité, les musées qui se construisent alors à Paris, sur la colline du Trocadéro, en vue de l’Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne de 193715 [fig. 4]. Mais, à Marseille, le projet de Castel, bien que lauréat et sur le point d’être mis en chantier, est empêché par les ultimes soubresauts de la vie municipale, la subvention accordée à la Ville par le bureau national des Travaux publics étant finalement allouée à la réorganisation du service de lutte contre les feux à la suite de l’incendie dramatique des Nouvelles Galeries de 1938.

Figure 4

Figure 4

Projet d’extension de l’hôtel de ville de Marseille, architecte Gaston Castel (1936-1937). Dessin de Gaston Castel conservé aux archives départementales des Bouches-du-Rhône (15 Fi 107).

Reproduction archives départementales des Bouches-du-Rhône.

  • 16 Après la Seconde Guerre mondiale, la priorité est définitivement donnée au logement dans le cadre d (...)

8Dans cette véritable saga, les architectures de papier sont les uniques traces de l’intense activité de Gaston Castel qui, pendant près de trente ans, n’a eu de cesse de formuler des propositions pour l’hôtel de ville de Marseille, dont le réaménagement n’aboutira finalement qu’au début du xxie siècle sous la houlette de Franck Hammoutène16. Les nombreux dessins, au-delà de leur intérêt quant à l’histoire du projet, témoignent de la manière dont émerge et évolue l’esthétique Art déco au cours des années 1920 et 1930, et dont l’architecte, qui y est sensible, fait évoluer son écriture vers une géométrie plus rigoureuse et dépouillée.

Papiers d’architecture : « reliques » de l’Art déco marseillais

  • 17 Pour ne citer que quelques références récentes dans l’historiographie française : MIGNOT Claude & H (...)
  • 18 Nous pourrions dire « de la cathédrale à la petite cuillère » si l’on ne craignait de détourner de (...)

9Les papiers d’architecture, qu’il s’agisse de dessins, de documents graphiques, de photographies ou d’autres représentations, constituent, pour l’architecte, les principaux outils d’intelligibilité et de médiatisation du projet. Les multiples facettes du dessin d’architecture ont été suffisamment énoncées, étudiées et analysées pour ne pas nécessiter de développements spécifiques dans le cadre qui nous occupe17. Néanmoins, le statut de « relique », mis en lumière par Claude Mignot, qu’acquièrent ces documents quand l’architecture a elle-même disparu, est particulièrement prégnant en ce qui concerne l’Art déco en général, et l’Art déco marseillais en particulier. En effet, l’Art déco, comme l’Art nouveau avant lui, mobilise le concept d’œuvre d’art totale. Il fait converger tout un ensemble de pratiques artistiques et artisanales dans une unité esthétique qui se décline à différentes échelles spatiales, du plus petit détail décoratif au quartier urbain18. Parce qu’il est aussi une esthétique dans l’air du temps, l’Art déco trouve un terrain d’expression particulièrement propice dans les programmes en lien avec une société désormais davantage tournée vers la consommation et les loisirs : pavillons d’exposition, cafés, restaurants, brasseries, boutiques, cinémas, théâtres, dancings, etc. Si ce type de commandes contribue à élargir le champ d’action des architectes et à rendre plus poreuses les frontières entre leur statut et celui de décorateur, elles engendrent aussi des architectures éphémères par essence, ou tout au moins soumises aux diktats de la mode, bien souvent invisibilisées par les strates de l’histoire architecturale et urbaine.

10Sans images, il est ainsi difficile d’imaginer que le Vieux-Port a accueilli, à l’occasion d’évènements particuliers, des dispositifs et décors temporaires, mais néanmoins très impressionnants, par exemple deux pylônes décoratifs inspirés des buildings Art déco new-yorkais dressés sur le quai des Belges pour la venue du président Gaston Doumergue, en avril 1927 [fig. 5].

Figure 5

Figure 5

Pylônes décoratifs dressés sur le quai des Belges (Marseille) pour la venue du président Doumergue en avril 1927, photographie sans date conservée aux archives municipales de Marseille (7K45B).

Photographe inconnu / reproduction archives municipales de Marseille.

  • 19 Il y en avait par exemple aux Dames de France (1926-1928, arch. : Marius Dallest, Febvre et Eugène  (...)
  • 20 AMM 10M7, Extrait du registre des délibérations du Conseil municipal de la ville de Marseille, séan (...)
  • 21 Il s’agit du secteur communément appelé les « Terrains de la Bourse », qui fut exproprié, et dont l (...)
  • 22 AMM 10M7, Lettre de soumission de la société René Lalique & Cie, Paris, 3 juillet 1937.

11Des aménagements urbains plus pérennes, les parcs en particulier, ont également vu naître, puis disparaître, des éléments typiques de l’entre-deux-guerres, telles que les fontaines lumineuses (ou buffets d’eau). Nombreuses dans les cinémas où elles constituaient des attractions participant au cérémonial du spectacle, parfois présentes dans les expositions et les grands magasins19, il était plutôt rare d’en trouver dans l’espace public. Étonnamment, à Marseille, deux fontaines lumineuses analogues à celles construites à Paris au rond-point des Champs-Élysées20 furent érigées dans le jardin aménagé derrière la Bourse à la fin des années 193021. En l’occurrence, c’est la société du célèbre verrier René Lalique, éminente figure des arts décoratifs, qui en réalise « l’ornement lumineux »22, à savoir la pyramide de verre, composée de motifs en forme de poissons, d’où émergeait le jet d’eau central [fig. 6 et 7].

Figure 6

Figure 6

Fontaine lumineuse installée dans le jardin situé derrière la Bourse à Marseille : coupe, société René Lalique (1937-1939). Dessin conservé aux archives municipales de Marseille (10M7). L’auteure remercie Laurent Noet d’avoir attiré son attention sur ce document.

Reproduction Xavier de Jaureguiberry.

Figure 7

Figure 7

Une des deux fontaines lumineuses installées dans le jardin situé derrière la Bourse à Marseille, société René Lalique (1937-1939). Photographie, vers 1939, conservée aux archives municipales de Marseille (10M7).

Photographe inconnu / Reproduction Xavier de Jaureguiberry.

12En réalité, au-delà de ces quelques éléments de décor urbain remarquables, nombreux sont les hauts lieux de la vie marseillaise des années 1920 et 1930 conçus dans le style Art déco à n’exister plus que sous forme d’artefacts. Rien que dans le domaine de l’architecture commerciale, on pourrait citer pêle-mêle la parfumerie de Noailles, le salon de beauté Coty, la boutique Pathéphone conçus par Jean Allar au début des années 1930 [fig. 8] ; mais aussi la parfumerie Lamotte dessinée par Alfred Nogaro, la laverie-institut Persil installée par Eugène Chirié dans un local attenant à l’entrée du cinéma Rex rue Saint-Ferréol, les tailleurs Rugby, Dandy et Harry dont le même architecte dessine les nouveaux magasins, et pour lesquels la maison Patrizio réalise de remarquables mosaïques de pavement [fig. 9] ; ou encore la boutique Noireblanc aménagée par Roger Négrel [fig. 10].

Figure 8

Figure 8

Boutique Pathéphone de la Canebière à Marseille, architecte Jean Allar (avant 1932) : photographie non datée, publiée dans « L’œuvre des architectes marseillais : Jean Allar », Sud Magazine, 5e année, n80, 16 mai 1932, p. 53.

Photographe Cl. Lafargue / reproduction Éléonore Marantz.

Figure 9

Figure 9

Carton de la mosaïque de pavement reprenant le logo et le slogan (« Dandy le maître du ciseau ») de l’enseigne du tailleur Dandy, boutique du cours Belsunce à Marseille, architecte Eugène Chirié et mosaïste Patrizio (1936-1937), conservé dans les archives privées de Mosaïques Patrizio.

Reproduction Xavier de Jaureguiberry.

Figure 10

Figure 10

Encart publicitaire pour la boutique Noireblanc, 24, rue Saint-Ferréol à Marseille, architecte R.-G. Négrel (1936), publié dans Sud Magazine, 9e année, no 135 (numéro spécial Architecture), février-mars 1936, p. 54.

© Photographe inconnu / reproduction Éléonore Marantz.

  • 23 Par exemple, en ce qui concerne le parcours d’Eugène Chirié, voir MARANTZ Éléonore, « Les arts déco (...)
  • 24 Nous renvoyons à nos travaux sur l’architecture des cinémas : MARANTZ Éléonore, « Architectures de (...)

13Ici, les documents d’archives rappellent que les architectes de l’époque furent nombreux à s’acquitter de travaux relevant davantage de la décoration et de l’art de l’étalage que de l’architecture, mais que cette activité – pourtant non négligeable, voire essentielle, au fonctionnement de leurs agences23 – n’a pas laissé de traces pérennes dans la ville. De même, rares sont les cafés, restaurants et brasseries à être parvenus jusqu’à nous, sans parler des cinémas dont à Marseille, à l’exception de l’Odéon (très transformé depuis), de l’Alhambra-Palace et du Ciné-Madeleine, il ne reste pratiquement rien24. Dans ces circonstances, la presse de l’époque, notamment la revue Sud Magazine, permet de prendre la mesure de la cohérence de ces ensembles Art déco dont quelques architectes s’étaient fait une spécialité : Eugène Chirié, Roger Négrel et Gaston Castel, déjà cités, mais aussi André Gallerand, Pierre Romette ou encore André Grillon. Les photographies publiées au fil des pages permettent en particulier de découvrir leur parure ornementale : de grandes compositions décoratives très structurées, où prédominent des lignes géométriques ainsi que des végétaux, des figures et des formes stylisées, pour la plupart réalisées par deux peintres marseillais – Jean-Frédéric Canepa et Jean Lair – que les architectes associaient fréquemment à leurs projets [fig. 11]. Ce pan de l’Art déco a presque intégralement disparu en même temps que fermaient les portes des établissements.

Figure 11

Figure 11

Détail de l’escalier décoré par les fresques de Jean-Frédéric Canepa dans la brasserie-restaurant Le Mont-Ventoux, située à l’angle de la Canebière et du quai des Belges à Marseille, architecte André Gallerand, dessinateur-décorateur H. Zundel (1934). Photographie non datée, publiée dans « Marseille s’embellit tous les jours… La brasserie-restaurant Mont-Ventoux », Sud Magazine, 7e année, no 112, 15 février 1934, p. 44.

Photo Jean Ouvière / reproduction Éléonore Marantz.

Instantanés d’architecture : images fixes de l’Art déco marseillais

  • 25 DALLEST Marius, « Sur la construction », Sud Magazine, 1re année, n5, 1er décembre 1928, p. 7-10.
  • 26 CABESTAN Jean-François & LEMPEREUR Hubert (dir.), La Samaritaine. Paris, Paris, Picard, 2015 ; voir (...)

14Quel que fût le destin des œuvres et de l’architecture Art déco à Marseille, certains documents renseignent très utilement le processus de conception ou les étapes clés de la mise en œuvre des projets. Par exemple, les photographies d’état des lieux jointes aux plans, coupes et élévations déposés en mairie en 1925 dans la perspective de l’installation des Dames de France dans la rue Saint-Ferréol, rendent assez intelligible la manière dont les architectes (Marius Dallest, Jules Febvre et Eugène Sénès) composent avec les immeubles existants pour concevoir un grand magasin moderne dont les portes ouvrent le 6 octobre 1928, au terme d’un chantier extrêmement rapide « utilisant le plus possible le facteur mécanique »25 et mettant à profit des logiques industrielles et normalisées [fig. 12]. Au-delà des questions architecturales ou esthétiques, il est ainsi possible de rapprocher la démarche de Marius Dallest, Jules Febvre et Eugène Sénès de celle d’Henri Sauvage qui, à peu près au même moment, alors qu’il conçoit les magasins 2 (1925-1928) et 3 (1930) de La Samaritaine à Paris, doit lui aussi prendre en compte les exigences de l’architecture commerciale, notamment en termes de procédés et de délais de construction26.

Figure 12

Figure 12

Les Dames de France (1926-1928, architectes Marius Dallest, Jules Febvre et Eugène Sénès, 1926-1928) : élévation sur la rue Saint-Ferréol (27 février 1925), archives municipales de Marseille (4M51).

Reproduction archives municipales de Marseille.

  • 27 La psychologue et sociologue Monique Eleb a analysé ces questions en ce qui concerne les espaces de (...)
  • 28 Située en bord de mer, à l’extrémité ouest de l’avenue du Prado (actuel 8e arrondissement), la vill (...)

15Par ailleurs, le patrimoine de papier offre des instantanés particulièrement précieux des intérieurs Art déco qui, soumis en permanence à des formes d’appropriation et de renouvellement27, ont majoritairement disparu. Les documents donnant à voir la villa Éolienne achevée en 1928 par Gaston Castel28 [fig. 13] ainsi que les appartements conçus par Eugène Chirié pour Guy Maïa ou pour le célèbre avocat Armand Vidal-Naquet [fig. 14] – ensembles décoratifs extrêmement cohérents mais ayant tous été démantelés – renseignent tout autant sur le mode de vie de la bourgeoisie de l’entre-deux-guerres que sur le savoir-faire des artistes et artisans ou sur l’imaginaire Art déco des architectes.

Figure 13

Figure 13

La villa Éolienne, architecte Gaston Castel (1926-1928) : intérieur des salons avant que le mobilier ne soit dispersé aux enchères les 3 et 4 décembre 1929 (la villa fut transformée en restaurant – Marseille-Plage – en 1933, puis détruite lors du bombardement allié du 27 mai 1944). Photographie publiée dans Sud Magazine, 2e année, no 27, 1er décembre 1929, p. 29.

Reproduction Éléonore Marantz.

Figure 14

Figure 14

La salle de sport, dans l’appartement de maître Armand Vidal-Naquet, vers 1935. Architecte Eugène Chirié ; ensembliers-décorateurs : David frères, Blanc frères (1934-1935). Photographie conservée aux archives départementales des Bouches-du-Rhône (75J1542).

Photo studio Marcel-Audry / reproduction archives départementales des Bouches-du-Rhône.

  • 29 AMM 4M5 et 4M7 ; une seconde tranche de travaux (1938), prévoyant la construction d’ailes supplémen (...)

16Les photographies, en particulier, permettent de saisir les œuvres dans leur état initial, puis d’enregistrer leurs transformations et altérations éventuelles. Elles constituent un apport déterminant pour l’historien car, même quand les édifices sont conservés, leur environnement a souvent notablement évolué, modifiant la perception que l’on peut en avoir. Par exemple, la bourse du travail (1936) édifiée à Marseille sur le boulevard Charles-Nédelec, entre la gare Saint-Charles et la porte d’Aix, a vu son contexte urbain se densifier et se métamorphoser plusieurs fois en près d’un siècle. Seules trois de ses façades sont actuellement visibles depuis l’espace public, ce qui rend finalement peu compréhensible le parti adopté par son architecte, Eugène Sénès, d’autant que la seconde tranche du projet n’a jamais été réalisée29 [fig. 15].

Figure 15

Figure 15

La bourse du travail située boulevard Charles-Nédelec à Marseille, peu de temps après son achèvement en 1936, architecte Eugène Sénès et sculpteurs Louis Botinelly, Raymond Servian (1929-1936). Photographie conservée aux archives municipales de Marseille (89Fi174).

Photographe inconnu / reproduction archives municipales de Marseille.

17Le bâtiment de la Compagnie de navigation Paquet, œuvre de Jean Rozan, a lui aussi perdu quelque peu de sa visibilité au fur et à mesure que se transformait le boulevard des Dames. À l’inverse, le silo d’Arenc, réhabilité et reconverti en salle de concert (2007-2011, arch. : Roland Carta), a acquis une monumentalité qui n’était pas la sienne lors de son achèvement en 1927, lorsqu’il n’était qu’un équipement portuaire parmi d’autres. Dans une ville comme Marseille, en perpétuel changement, le patrimoine de papier constitue donc une source première pour la connaissance de l’histoire architecturale et urbaine, même relativement récente dont relève l’Art déco.

Un fil de mémoire

18La production architecturale et artistique marseillaise des années 1920 et 1930 fut en effet rapidement mise à mal par la Seconde Guerre mondiale et son lot de dommages et de destructions. Elle ne fut pas épargnée non plus par le changement d’époque qui s’ensuivit et fit basculer le monde de l’art et de l’architecture dans d’autres paradigmes. Au cours du temps, certains édifices ont subi de telles métamorphoses qu’ils ne conservent de leur lointaine origine que le nom. Ainsi, le célèbre Vélodrome n’a plus grand-chose à voir avec le stade-vélodrome municipal de 35 000 places construit par Henry Ploquin et inauguré en grande pompe le 13 juin 1937 [fig. 16].

Figure 16

Figure 16

Le stade-vélodrome municipal à Marseille, peu de temps après son achèvement, architecte Henry Ploquin (1935-1937), photographie conservée aux archives municipales de Marseille (89Fi101).

Photographe inconnu / reproduction archives municipales de Marseille.

19Dans ce cas, au-delà des mots, seules les archives perpétuent la mémoire du monument Art déco que fut ce temple du sport. Sans être l’unique moyen d’appréhender les multiples facettes de l’Art déco marseillais, force est de constater qu’un riche patrimoine de papier en restitue la « part des anges », celle qui s’est évaporée au fil du temps. Rassemblés, ces fragments documentaires témoignent de la créativité des architectes, artistes et artisans ayant œuvré individuellement et collectivement au déploiement d’une esthétique contemporaine, susceptible d’incarner leur époque et de faire de la cosmopolite Marseille une ville Art déco.

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Notes

1 LONDRES Albert, « Jeunes gens, allez voir le phare » [1926], in Marseille Porte du Sud, Paris, Arléa, 1999, p. 119.

2 Ibid.

3 ZALIO Pierre-Paul, Grandes familles de Marseille au xxe siècle. Enquête sur l’identité économique d’un territoire populaire, Paris, Belin, 1999.

4 RONCAYOLO Marcel, Les Grammaires d’une ville. Essai sur la genèse des structures urbaines à Marseille, Paris, École des hautes études en sciences sociales, coll. « Civilisations et sociétés », 1996.

5 BENTON Charlotte, BENTON Tim & WOOD Ghislaine, Art Deco 1910-1939, cat. exp., Londres, Victoria & Albert Museum Publications, 2003.

6 GAUTIER Jean-Claude (dir.), L’Église Saint-Louis. Une mémoire en devenir, Hyères, Mémoire à lire, territoire à l’écoute (MALTAE), 2020.

7 COHEN Jean-Louis (dir.), Les Années 30. L’architecture et les arts de l’espace entre industrie et nostalgie, cat. exp., Paris, musée des Monuments français, 23 janvier-15 avril 1997, Paris, Éditions du patrimoine, 1997.

8 BENJAMIN Walter, Paris, capitale du xixe siècle. Le Livre des passages, trad. de l’allemand par Jean Lacoste, Paris, Cerf, 1989. Ce texte a été « exposé » en 1935 puis en 1939, écrit directement en français par Walter Benjamin et publié pour la première fois dans BENJAMIN Walter, Das Passagen-Werk, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1982. L’historien Patrick Boucheron se saisit et fait magistralement fructifier les concepts de trace et d’aura dans BOUCHERON Patrick, Faire profession d’historien, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Itinéraires », 2010.

9 PERRET Auguste, « Contribution à une théorie de l’architecture », Technique et Architecture, série IV, nos 7-8 (livraison sans numéro intitulée Construire. Doctrines et programmes), janvier 1945, p. 3-4, texte reproduit dans LAURENT Christophe, LAMBERT Guy & ABRAM Joseph (dir.), Auguste Perret. Anthologie des écrits, conférences et entretiens, Paris, Le Moniteur, coll. « Architextes », 2006, p. 418 [p. 418-420].

10 Pourtant élu maire dans la ferveur populaire en mars 1935, nommé l’année suivante secrétaire d’État à la Marine marchande, élu au Sénat en 1938, Henri Tassot (1882-1945) voit sa fulgurante ascension politique stoppée par l’incendie des Nouvelles Galeries qui, le 28 octobre 1938, provoque la mort de 73 personnes et met en lumière un certain nombre de défaillances dans la gestion de la Ville. Ces dernières sont sanctionnées, au niveau national, par le décret-loi du 20 mars 1939 qui décide de la mise sous tutelle de la Ville. La souveraineté municipale ne fut rétablie qu’en décembre 1946 lors de l’élection du maire communiste Jean Cristofol (1901-1957).

11 La construction d’un nouvel hôtel de ville est étudiée par Eugène Sénès, architecte en chef de la Ville en 1919 (« L’Hôtel de ville de Marseille. Conférence de M. Eugène Pierre », Sud Magazine, 5e année, n73, 1er février 1932, p. 15.), puis par l’équipe Grégori-Richard en 1920-1921 (archives municipales de Marseille, désormais AMM, 2M48).

12 Il est à signaler que d’autres architectes soumettront des projets, notamment dans le cadre des concours de 1921 et de 1936. Sur Gaston Castel, voir Gaston Castel architecte marseillais, cat. exp., Marseille, musée d’Histoire de Marseille, avril-septembre 1988, Aix-en-Provence, Marseille, Édisud/Musées de Marseille, 1988 ; CHIAVASSA Isabelle & GASNAULT François (dir.), Les Castel. Une agence d’architecture au xxe siècle, Marseille, Parenthèses, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 2009 ; Laurent Noet, « Autour de Gaston Castel. Promotion d’une sculpture monumentale parlante à Marseille », In Situ. Revue des patrimoines, no 32, 2017, [en ligne], http://journals.openedition.org/insitu/15391 [lien valide en mars 2025].

13 GRÉBER Jacques, Ville de Marseille. Plan d’aménagement et d’extension. Mémoire descriptif, Paris, Vincent Fréal & Cie, coll. « Bibliothèque de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris », 1933. Voir BURRUEY René, « Contes de l’urbanisme ordinaire. Politiques et urbanistes à Marseille (1931-1949) », Espaces Temps, nos 43-44 (« Pouvoir, l’esprit des lieux. Visiter l’espace du politique »), 1990, p. 55-62.

14 M. R. G. G., « Ce que pourrait être notre mairie », Sud Magazine, 4e année, n55, 16 mars 1931, p. 6.

15 BLANC Marielle & HOFMAN Jean-Marc, Esprit(s) des lieux. Du Trocadéro au palais de Chaillot, cat. exp., Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, 17 septembre 2011-17 janvier 2012, Paris, Archives nationales, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2011 ; ORY Pascal, Le Palais de Chaillot, Arles, Paris, Actes Sud-Aristeas, Cité de l’architecture et du patrimoine, coll. « Les Grands témoins de l’architecture », 2006.

16 Après la Seconde Guerre mondiale, la priorité est définitivement donnée au logement dans le cadre de la reconstruction du Vieux-Port de Marseille au détriment des équipements municipaux. Néanmoins, de nouveaux projets d’extension ou de construction d’hôtel de ville sont étudiés par Gaston Castel à la porte d’Aix et au fort Saint-Jean (1949-1950). En 2006 s’achèvent les travaux de rénovation de l’hôtel de ville, conduits par l’architecte Franck Hammoutène, qui avait remporté en 1999 le concours d’aménagement des abords de l’hôtel de ville. Le nouveau site de l’esplanade Villeneuve-Bargemon est récompensé par l’Équerre d’argent en 2006.

17 Pour ne citer que quelques références récentes dans l’historiographie française : MIGNOT Claude & HATTORI Cordélia (dir.), Le Dessin, instrument et témoin de l’invention architecturale, Paris, Dijon, Société du Salon du dessin, L’Échelle de Jacob, 2014 ; Id., Le Dessin d’architecture, document ou monument ?, Paris, Dijon, Société du Salon du dessin, L’Échelle de Jacob, 2015 ; BAUDEZ Basile, « Autonomie du dessin d’architecture. “Un langage sensible qui parle aux yeux”, dessins d’architecture au Siècle des Lumières », in BRUGEROLLES Emmanuelle (dir.), De l’alcôve aux barricades, de Fragonard à David. Dessins de l’École des beaux-arts, cat. exp., Paris, Fondation Custodia, 15 oct. 2016-8 janvier 2017, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 2016, p. 19-21 ; CHOUGNET Pauline & GARRIC Jean-Philippe, La Ligne et l’ombre. Dessins d’architectes (xvie-xixe siècle), Paris, Bibliothèque nationale de France, 2020.

18 Nous pourrions dire « de la cathédrale à la petite cuillère » si l’on ne craignait de détourner de leur sens premier les célèbres paroles prononcées par André Malraux en 1964 à propos de l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France.

19 Il y en avait par exemple aux Dames de France (1926-1928, arch. : Marius Dallest, Febvre et Eugène Sénès, entrepreneur : Julien frères), grand magasin situé au 40-48, rue Saint-Ferréol. Plan, coupe et élévation du buffet d’eau situé au 5e étage du magasin Les Dames de France (9 juillet 1928), archives privées Patrizio (Marseille).

20 AMM 10M7, Extrait du registre des délibérations du Conseil municipal de la ville de Marseille, séance du 23 juillet 1937. L’auteure remercie Laurent Noet d’avoir attiré son attention sur ce document.

21 Il s’agit du secteur communément appelé les « Terrains de la Bourse », qui fut exproprié, et dont les îlots, jugés insalubres, furent détruits en 1911, livrant à cette occasion de nombreux vestiges antiques, dont le « mur de Crinas ». Les découvertes archéologiques furent plus importantes encore dans les années 1960, lors des premières phases de la reconstruction du quartier. S’y dressent aujourd’hui le Centre Bourse (1973-1977, arch. : Jacques Henri-Labourdette, extension et réhabilitation par Moatti & Rivière en 2015), le jardin des vestiges, le World Trade Center ainsi que les trois tours et la barre d’habitation et de bureaux (1958-1962) construites par Jacques Henri-Labourdette.

22 AMM 10M7, Lettre de soumission de la société René Lalique & Cie, Paris, 3 juillet 1937.

23 Par exemple, en ce qui concerne le parcours d’Eugène Chirié, voir MARANTZ Éléonore, « Les arts décoratifs au prisme de la vie moderne : Eugène Chirié et les espaces commerciaux », Histoire de l’art, no 61, octobre 2007, « Les arts décoratifs aujourd’hui », p. 73-82.

24 Nous renvoyons à nos travaux sur l’architecture des cinémas : MARANTZ Éléonore, « Architectures de cinémas. Expérience et réalisations d’Eugène Chirié. 1930-1939 », Rives nord-méditerranéennes, 2e série, n13, 2003, p. 95-112 ; Ead., « Le cinéma et ses temples », Marseille, no 228, mars 2010, p. 18-21 ; Ead., « L’architecture des cinémas en France pendant les années 1930 : captation et mise à l’épreuve du concept de modernité », Apuntès. Revista de estudios sobre Patrimonio Cultural - Journal of cultural heritage studies, vol. 31, no 1, janvier-juin 2018, p. 84-101.

25 DALLEST Marius, « Sur la construction », Sud Magazine, 1re année, n5, 1er décembre 1928, p. 7-10.

26 CABESTAN Jean-François & LEMPEREUR Hubert (dir.), La Samaritaine. Paris, Paris, Picard, 2015 ; voir en particulier MINNAERT Jean-Baptiste, « Henri Sauvage à la Samaritaine : Art déco et construction rapide », p. 150-169. Voir aussi Id., « Henri Sauvage et les brevets de construction rapide », La Revue de l’art, n118, décembre 1997, p. 41-55.

27 La psychologue et sociologue Monique Eleb a analysé ces questions en ce qui concerne les espaces de la vie privée dès sa thèse de doctorat (ELEB-VIDAL Monique, Se construire et habiter. Proposition d’analyse psycho-sociale clinique, thèse de doctorat sous la direction de Claude Revault d’Allonnes, université Paris-7, 1980), puis dans nombre de ses travaux ultérieurs.

28 Située en bord de mer, à l’extrémité ouest de l’avenue du Prado (actuel 8e arrondissement), la villa Éolienne fut d’abord transformée en restaurant – Marseille-Plage – en 1933, puis détruite lors du bombardement allié du 27 mai 1944. Son mobilier avait auparavant été vendu aux enchères les 3 et 4 décembre 1939. GOISSAUD Antony, « La villa L’Éolienne à Marseille », La Construction moderne, 44e année, n27, 7 avril 1929, une, p. 329-334 ; « Chronique de la salle des ventes de Marseille. Intérieur des salons de la villa L’Éolienne à Marseille dont le mobilier va être dispersé aux enchères les 3-4 décembre », Sud Magazine, 2e année, n27, 1er décembre 1929, p. 28-29 ; « L’œuvre des architectes marseillais : Gaston Castel », Sud Magazine, 5e année, n80, 16 mai 1932, p. 45 ; Y. B. D., « Les beaux soirs de Marseille », Sud Magazine, 6e année, n100, 1er mai 1933, p. 26-27.

29 AMM 4M5 et 4M7 ; une seconde tranche de travaux (1938), prévoyant la construction d’ailes supplémentaires, fut annulée en raison de la guerre.

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende L’opéra municipal de Marseille peu après l’achèvement de l’édifice (1921 : concours, 1923-1924 : construction), vers 1924. Architectes Gaston Castel, Henri Ébrard et Georges Raymond ; sculpteurs Antoine Sartorio et Antoine Bourdelle, peintres Jean Julien et Oscar Eichacker ; ferronnier Raymond Subes. Photographie conservée aux archives municipales de Marseille (49Fi44).
Crédits Photographe inconnu / reproduction archives municipales de Marseille.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 308k
Titre Figure 2
Légende Projet d’extension de l’hôtel de ville de Marseille : élévation sur le port, architecte Gaston Castel (1921). Dessin de Gaston Castel conservé au musée d’Histoire de Marseille (inv. 89.32637).
Crédits Reproduction musée d’Histoire de Marseille.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 366k
Titre Figure 3
Légende Projet d’extension de l’hôtel de ville de Marseille : élévation sur la place Daviel, architectes Gaston Castel et Jacques Gréber (1931-1932). Dessin de Gaston Castel, conservé au musée d’Histoire de Marseille (inv. 89.3.1094).
Crédits Reproduction musée d’Histoire de Marseille.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 4,9M
Titre Figure 4
Légende Projet d’extension de l’hôtel de ville de Marseille, architecte Gaston Castel (1936-1937). Dessin de Gaston Castel conservé aux archives départementales des Bouches-du-Rhône (15 Fi 107).
Crédits Reproduction archives départementales des Bouches-du-Rhône.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 233k
Titre Figure 5
Légende Pylônes décoratifs dressés sur le quai des Belges (Marseille) pour la venue du président Doumergue en avril 1927, photographie sans date conservée aux archives municipales de Marseille (7K45B).
Crédits Photographe inconnu / reproduction archives municipales de Marseille.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 265k
Titre Figure 6
Légende Fontaine lumineuse installée dans le jardin situé derrière la Bourse à Marseille : coupe, société René Lalique (1937-1939). Dessin conservé aux archives municipales de Marseille (10M7). L’auteure remercie Laurent Noet d’avoir attiré son attention sur ce document.
Crédits Reproduction Xavier de Jaureguiberry.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 354k
Titre Figure 7
Légende Une des deux fontaines lumineuses installées dans le jardin situé derrière la Bourse à Marseille, société René Lalique (1937-1939). Photographie, vers 1939, conservée aux archives municipales de Marseille (10M7).
Crédits Photographe inconnu / Reproduction Xavier de Jaureguiberry.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 277k
Titre Figure 8
Légende Boutique Pathéphone de la Canebière à Marseille, architecte Jean Allar (avant 1932) : photographie non datée, publiée dans « L’œuvre des architectes marseillais : Jean Allar », Sud Magazine, 5e année, n80, 16 mai 1932, p. 53.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 7,6M
Titre Figure 9
Légende Carton de la mosaïque de pavement reprenant le logo et le slogan (« Dandy le maître du ciseau ») de l’enseigne du tailleur Dandy, boutique du cours Belsunce à Marseille, architecte Eugène Chirié et mosaïste Patrizio (1936-1937), conservé dans les archives privées de Mosaïques Patrizio.
Crédits Reproduction Xavier de Jaureguiberry.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 3,7M
Titre Figure 10
Légende Encart publicitaire pour la boutique Noireblanc, 24, rue Saint-Ferréol à Marseille, architecte R.-G. Négrel (1936), publié dans Sud Magazine, 9e année, no 135 (numéro spécial Architecture), février-mars 1936, p. 54.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 475k
Titre Figure 11
Légende Détail de l’escalier décoré par les fresques de Jean-Frédéric Canepa dans la brasserie-restaurant Le Mont-Ventoux, située à l’angle de la Canebière et du quai des Belges à Marseille, architecte André Gallerand, dessinateur-décorateur H. Zundel (1934). Photographie non datée, publiée dans « Marseille s’embellit tous les jours… La brasserie-restaurant Mont-Ventoux », Sud Magazine, 7e année, no 112, 15 février 1934, p. 44.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 360k
Titre Figure 12
Légende Les Dames de France (1926-1928, architectes Marius Dallest, Jules Febvre et Eugène Sénès, 1926-1928) : élévation sur la rue Saint-Ferréol (27 février 1925), archives municipales de Marseille (4M51).
Crédits Reproduction archives municipales de Marseille.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 423k
Titre Figure 13
Légende La villa Éolienne, architecte Gaston Castel (1926-1928) : intérieur des salons avant que le mobilier ne soit dispersé aux enchères les 3 et 4 décembre 1929 (la villa fut transformée en restaurant – Marseille-Plage – en 1933, puis détruite lors du bombardement allié du 27 mai 1944). Photographie publiée dans Sud Magazine, 2e année, no 27, 1er décembre 1929, p. 29.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 382k
Titre Figure 14
Légende La salle de sport, dans l’appartement de maître Armand Vidal-Naquet, vers 1935. Architecte Eugène Chirié ; ensembliers-décorateurs : David frères, Blanc frères (1934-1935). Photographie conservée aux archives départementales des Bouches-du-Rhône (75J1542).
Crédits Photo studio Marcel-Audry / reproduction archives départementales des Bouches-du-Rhône.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 156k
Titre Figure 15
Légende La bourse du travail située boulevard Charles-Nédelec à Marseille, peu de temps après son achèvement en 1936, architecte Eugène Sénès et sculpteurs Louis Botinelly, Raymond Servian (1929-1936). Photographie conservée aux archives municipales de Marseille (89Fi174).
Crédits Photographe inconnu / reproduction archives municipales de Marseille.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 373k
Titre Figure 16
Légende Le stade-vélodrome municipal à Marseille, peu de temps après son achèvement, architecte Henry Ploquin (1935-1937), photographie conservée aux archives municipales de Marseille (89Fi101).
Crédits Photographe inconnu / reproduction archives municipales de Marseille.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/44555/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 386k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Éléonore Marantz, « L’Art déco, un « patrimoine de papier » ? »In Situ [En ligne], 55 | 2025, mis en ligne le 26 avril 2025, consulté le 17 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/insitu/44555 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13tdu

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Auteur

Éléonore Marantz

Maître de conférences en histoire de l’architecture contemporaine, directrice-adjointe de l’École d’histoire de l’art et d’archéologie de la Sorbonne (UFR 03), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, EA 4100 Histoire culturelle et sociale de l’art (HiCSA)
eleonore.marantz@univ-paris1.fr

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