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AccueilNuméros55L’Exposition de 1925 : témoignage...L’affaire de la Cour des métiers 

L’Exposition de 1925 : témoignages et vestiges

L’affaire de la Cour des métiers 

Histoire et devenir du clou de l’Exposition internationale de 1925
The affair of the Cour des métiers, the crafts courtyard. History and fate of the 1925 exhibition’s main attraction
Anne Henriette Auffret

Résumés

Chaque Exposition universelle ou internationale possède son « clou », cette attraction qui doit assurer le succès de la manifestation. À l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925, c’est la Cour des métiers, sorte de cloître de « recueillement » aux lignes simples et géométriques imaginé par l’architecte en chef de l’Exposition Charles Plumet. Si cet ensemble a aujourd’hui disparu, certains éléments subsistent et de nombreux documents et images en conservent des traces, permettant d’en cerner les enjeux historiques, esthétiques, géographiques et patrimoniaux. Conçue comme le point central de l’Exposition, la Cour des métiers traduit la pensée et le goût des organisateurs, au premier rang desquels Paul Léon, commissaire général adjoint, et Louis Bonnier, directeur des services d’Architecture. Elle est amplement décorée de statues, de bas-reliefs et entourée de neuf toiles peintes tendues sur ses parois. Figurant des thèmes célébrant la vie contemporaine, les décors muraux colorés d’Octave Guillonnet, Henri Marret et Henri Rapin contribuent à donner le ton de l’événement, à fixer une image et le style d’une époque.
Ces toiles marouflées ne sont pourtant pas celles qui avaient été initialement retenues. En effet, sept peintres avaient été choisis après examen des maquettes pour décorer la Cour en utilisant la technique de la fresque. Cette histoire contrariée, hissée au rang d’« affaire », notamment en raison de la personnalité du critique Gabriel Mourey, nous donne des indications sur l’organisation de l’Exposition, les circonstances de la commande, le rapport à la modernité ainsi que le devenir patrimonial de ces œuvres conçues pour une exposition temporaire. À la lumière d’archives, d’articles de presse et de photographies analysés dans le cadre des recherches entreprises pour ma thèse, cette contribution vise à retracer la genèse, la réception et la postérité des peintures de cette Cour des métiers, aussi bien en France qu’aux États-Unis et à s’interroger plus largement sur la place du décor mural dans ce patrimoine Art déco, entre souvenirs et devenir.

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Texte intégral

  • 1 T. [TABARANT Adolphe], « 1925. – Sur l’Esplanade des Invalides. Le cloitre des métiers », Le Bullet (...)
  • 2 VITRY Paul, « L’Exposition des arts décoratifs modernes », Gazette des beaux-arts, 67e année, juill (...)
  • 3 ROSENTHAL Gabrielle, « La Cour des métiers et l’Ambassade française », L’Art vivant, 1re année, no  (...)

1Chaque Exposition, qu’elle soit universelle ou internationale, possède son « clou », cette attraction qui doit assurer le succès de la manifestation. À l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, c’est la Cour des métiers, sorte de cloître de « recueillement » aux lignes simples et géométriques en ciment armé conçu par l’architecte en chef de l’Exposition, Charles Plumet (1861-1928) [fig. 1 et 2]. Considérée par les organisateurs comme « le point central de l’Exposition1 » ou même son « centre moral2 », cette Cour située « dans la tête de l’Exposition3 » sur l’esplanade des Invalides, entre les portes Saint-Dominique-Constantine et Grenelle-Fabert, peut aussi être considérée comme le point névralgique de la manifestation tant elle a suscité de commentaires.

Figure 1

Figure 1

« Jardin de la Cour des métiers, Charles Plumet architecte », publié dans L’Architecture officielle et les pavillons, Charles Patout, Éditions Charles Moreau, Paris, 1925, p. 42.

Photographe inconnu / reproduction bibliothèque des Arts décoratifs.

Figure 2

Figure 2

La Cour des métiers, photographie publiée dans La Construction moderne, no 45, 9 août 1925, p. 534, conservée dans une collection particulière.

Photographie Thibaut / reproduction Anne Henriette Auffret.

  • 4 Octave Guillonnet (1872-1967), élève de Fernand Cormon aux Beaux-Arts.
  • 5 Henri Marret (1878-1964), lui aussi élève de Fernand Cormon mais aussi de Paul Baudoüin, spécialist (...)
  • 6 Henri Rapin (1873-1939).
  • 7 La base Mémoire conserve plusieurs photographies de la Cour des métiers. Leur piètre qualité (image (...)

2Abondamment ornée de statues de bronze et de bas-reliefs, la Cour des métiers a également reçu un important programme peint constitué de neuf toiles marouflées de trois mètres sur six réalisées par trois peintres : Octave Guillonnet4 (Le Théâtre ; La Parure ; Les Jardins) [fig. 3], Henri Marret5 (Les Transports ; Les Sports ; La Rue ; L’Architecture) [fig. 4] et Henri Rapin6 (Le Mobilier ; L’Enseignement) [fig. 5]7.

Figure 3

Figure 3

Le Théâtre, La Parure, Les Jardins, panneaux d’Octave Guillonnet dans la Cour des métiers, autochrome réalisée le 2 septembre 1925 par Auguste Léon, 9 x 12 cm, conservée au musée départemental Albert-Kahn, Boulogne-Billancourt, coll. « Archives de la planète » (inv. A46180S).

Reproduction Musée départemental Albert-Kahn, département des Hauts-de-Seine.

Figure 4

Figure 4

Les Transports, Les Sports, La Rue, trois des quatre panneaux d’Henri Marret dans la Cour des métiers, autochrome réalisée le 29 septembre 1925 par Auguste Léon, conservée au musée départemental Albert-Kahn, Boulogne-Billancourt, coll. « Archives de la planète » (inv. A73775XS).

Reproduction Musée départemental Albert-Kahn, département des Hauts-de-Seine.

Figure 5

Figure 5

L’Enseignement, Le Mobilier, panneaux d’Henri Rapin à droite et à gauche ; au centre L’Architecture, le dernier panneau d’Henri Marret, dans la Cour des métiers, autochrome réalisée le 2 septembre 1925 par Auguste Léon, conservée au musée départemental Albert-Kahn, Boulogne-Billancourt, coll. « Archives de la planète » (inv. A46169S).

Reproduction Musée départemental Albert-Kahn, département des Hauts-de-Seine.

  • 8 Toutes ces questions sont soulevées dans ma thèse : AUFFRET Anne Henriette, Un éternel éphémère. La (...)
  • 9 À ce sujet, voir LACROIX DI MEO Élodie, Mise en récits et réévaluation de l’Art déco des années 196 (...)

3Figurant des thèmes célébrant la vie contemporaine, ces décors muraux colorés furent sévèrement jugés par les critiques de l’époque. Du choix des peintres à celui des sujets et de la technique, tout fut sujet à contestation, au point de devenir une véritable « affaire ». L’histoire et la postérité des neuf peintures qui décorent la Cour des métiers nous donnent l’occasion de nous interroger sur les idées et le goût des organisateurs, le rapport à la modernité artistique, l’image de la France ainsi que le devenir patrimonial d’œuvres conçues pour une exposition temporaire dont le rayonnement fut international8. Si cet ensemble a aujourd’hui disparu, il demeure emblématique du contexte artistique de l’entre-deux-guerres. Certaines peintures subsistent et de nombreux documents et images en conservent des traces, permettant d’en cerner les enjeux historiques, esthétiques, géographiques et patrimoniaux. Elles remettent aussi directement en cause l’usage de l’appellation « Art déco » appliquée à la peinture, qui ne rend pas compte de la variété de la production artistique des années 1910-19409.

Un projet contrarié qui « sue l’officiel10 »

La genèse du projet 

  • 11 « Supplément », Art et décoration, t. 14, août 1903, p. 4-5.
  • 12 Concernant la genèse de l’Exposition de 1925, voir ma thèse, op. cit., vol. 3, Annexe 6, p. 314-320
  • 13 MOUREY Gabriel, La Vérité sur la Cour des métiers. Ce qu’elle est… aurait dû être… pouvait être, Pa (...)
  • 14 Pierre Girieud (1876-1948).
  • 15 Georges Dufrénoy (1870-1943), élève de l’académie Julian, ami du précédent.
  • 16 Alfred Lombard (1884-1973) organise un Salon d’Automne à Marseille en 1907 avec Pierre Girieud.
  • 17 Louis Riou (1893-1958), élève des Beaux-Arts de Lyon et de l’École des arts décoratifs de Paris.
  • 18 André Favory (1889-1937), élève de l’académie Julian.
  • 19 Marcel Roche (1890-1959), élève de Fernand Cormon aux Beaux-Arts.
  • 20 Pierre Farrey (1896-1987), élève des Beaux-Arts.
  • 21 « La Vérité sur la Cour des métiers », Le Bulletin de la vie artistique, 6e année, no 20, 15 octobr (...)

4L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 est un projet contrarié dont la genèse remonte au tout début du xxe siècle. Évoquée pour la première fois en 1903 dans la presse11, c’est seulement en 1921 que son organisation se précise, avec la nomination d’un nouveau commissaire général, Fernand David, sénateur12. À la fin de l’année 1921, alors que les discussions au sujet de la manifestation s’accélèrent, Louis Bonnier, inspecteur général des services techniques d’Architecture et d’Esthétique de la Seine, est nommé directeur des services d’Architecture et des Travaux de l’Exposition, et le directeur des Beaux-Arts Paul Léon, commissaire général adjoint. Charles Plumet est l’architecte en chef de l’Exposition. Le critique Gabriel Mourey y voit l’occasion de réaliser un ensemble de décoration monumentale. Dans un rapport adressé en février 1922 à Fernand David et Paul Léon, Mourey décrit un promenoir couvert, une galerie largement ajourée, une sorte de cloître dont les parois seraient décorées à fresque par une série de compositions de mêmes dimensions ayant pour sujet l’histoire des arts décoratifs13. En accord avec Charles Plumet, sept peintres sont choisis pour réaliser neuf peintures à fresque : Pierre Girieud14 (Les Arts de la vie et Les Arts de la pierre), Georges Dufrénoy15 (Les Arts de la mort), Alfred Lombard16 (Les Arts religieux et Les Arts du métal), Louis Riou17 (Les Arts du bois), André Favory18 (Les Arts de la parure), Marcel Roche19 (Les Arts rustiques) et Pierre Farrey20 (Les Arts du feu). Validées dans un premier temps par Bonnier et Plumet, ces œuvres sont refusées par le comité d’esthétique de l’Exposition, au motif qu’elles ne sont modernes ni dans l’esprit ni dans la forme, et seraient donc contraires au principe de l’Exposition21.

  • 22 Ce comité est notamment constitué du commissaire général (président), de Paul Léon et Henry Wilfrid (...)
  • 23 JANNEAU Guillaume, « Ce que sera l’Exposition de 1925 », Le Temps, 25 mars 1924, p. 2 ; CARNOT Fran (...)
  • 24 Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Paris 1925. Rapport général, (...)

5À la fin de l’année 1925, Gabriel Mourey publie un plaidoyer intitulé La Vérité sur la Cour des métiers. Ce qu’elle est… aurait dû être… pouvait être, dans lequel il retrace les étapes du projet qu’il avait initié. Tenant à la fois du pamphlet et du réquisitoire, il fait notamment état des difficultés de Louis Bonnier à en assumer la conception et la mise en œuvre, face aux critiques de personnalités influentes comme Henri-Marcel Magne, conseiller technique du commissariat général. Dans cette affaire, le rôle du comité d’esthétique, principalement constitué d’architectes, a aussi été déterminant22. Réuni sous la présidence de Paul Léon, il examine, aux fins d’admission, d’éviction ou de correction, les projets d’ordre architectural dans un but d’harmonisation de l’ensemble des pavillons23. L’intervention de cette commission dans le choix des peintures de la Cour des métiers apparaît dans le Rapport général de l’Exposition, « estimant qu’au cœur d’une exposition dédiée aux arts décoratifs & industriels modernes, c’étaient la vie et le travail d’aujourd’hui qui devaient être glorifiés. Malgré sa belle tenue d’ensemble et le talent de ses auteurs, un premier groupe de projets fut écarté parce qu’il évoquait une synthèse historique d’anciennes civilisations24 ». Parmi ces œuvres, la maquette de Georges Dufrénoy sur le thème des Arts de la mort [fig. 6] est particulièrement critiquée.

Figure 6

Figure 6

Les Arts de la mort, de Georges Dufrénoy, 1924, esquisse reproduite dans La Vérité sur la Cour des métiers. Ce qu’elle est… aurait dû être… pouvait être, de Gabriel Mourey, Paris, Librairie de France, 1925.

Reproduction Bibliothèque des arts décoratifs.

6Dans La Construction moderne, Antony Goissaud exprime une franche hostilité vis-à-vis de ce panneau, dont le traitement est considéré et sinistre et malvenu en 1925 :

  • 25 GOISSAUD Antony, « Ouvrira-t-on l’Exposition en 1926 », La Construction moderne, 41e année, no 2, 1 (...)

Nous signalerons simplement aujourd’hui qu’il y avait, entre autres, un panneau décoratif macabre, épouvantable, horrible, plutôt digne de figurer au « Cabaret du Néant » qu’à la Cour des Métiers. Nous sommes parmi ceux qui estiment que M. Louis Bonnier a eu vraiment raison d’éviter à beaucoup de personnes de voir un tel tableau à l’Exposition et à proximité de ce joli jardin de la Cour des Métiers. Beaucoup de familles ont perdu à la guerre des êtres aimés et il eût été pénible de raviver de cruelles douleurs et de pénibles souvenirs. Il y avait beaucoup d’autres sujets à traiter dans un panneau destiné à une Exposition d’art décoratif ; pourquoi alors l’artiste a-t-il choisi un sujet aussi macabre si ce n’est pour se faire remarquer d’une façon regrettable25 ?

  • 26 Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Paris 1925, op. cit., p. 53.

7À l’opposé, les sujets finalement retenus par le Comité d’esthétique et Louis Bonnier permettent aux peintres d’évoquer de grandes scènes de la vie contemporaine26.

Des représentations de la vie moderne dénuées de modernité ?

  • 27 MOUREY Gabriel, op. cit., p. 22.
  • 28 « L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes », Le Matin, no 14035, 23 (...)
  • 29 BESSON George, « La décoration intérieure et les ensembles mobiliers », Vient de paraître, 1er janv (...)

8L’affaire de la Cour des métiers est révélatrice du pouvoir détenu par les hautes instances de l’Exposition et illustre sans doute l’importance des réseaux pour accéder à la commande. La voie du concours étant écartée, le choix des peintres est du ressort direct de l’architecte, sous le contrôle du comité d’esthétique. En l’espèce, la séance du 23 janvier 1924, rapportée par Gabriel Mourey dans son livre, met en lumière le refus insistant de Louis Bonnier, qui s’est montré particulièrement virulent à l’encontre des esquisses, qu’il avait pourtant acceptées dans un premier temps, n’y voyant que des formules et des canons « d’un art incontestablement périmé, archaïque, rétrospectif et académique27 ». Cet incident pose la question de la modernité artistique, adaptée au goût de son époque, et de son image au sein d’une Exposition qui affiche cette ambition dès son titre. Pour l’Exposition internationale de 1925, le règlement est clair : seules sont admises les œuvres nouvelles et originales conformes à leur destination28. Toutefois, le rapport des personnalités influentes de l’Exposition à la modernité peut faire débat, la sélection des nouveaux peintres de la Cour n’étant pas particulièrement audacieuse29.

9Cette affaire renvoie d’ailleurs à un autre conflit marquant de l’Exposition, qui se cristallise cette fois autour des peintures du hall du programme Une Ambassade française, aménagé par la Société des artistes décorateurs, situé dans une galerie de la Cour des métiers [fig. 7].

Figure 7

Figure 7

Hall du pavillon d’Une Ambassade française à l’Exposition internationale de 1925, photographie reproduite dans Une Ambassade française organisée par la Société des Artistes décorateurs, Société des artistes décorateurs, Paris, Éditions d’art Charles Moreau, 1925, pl. xlv.

Photographe inconnu / Reproduction Bibliothèque des arts décoratifs.

  • 30 FELS [Florent], « “L’affaire” de l’Exposition des arts décoratifs », Les Nouvelles littéraires, no  (...)
  • 31 « Courrier de la presse. Un incident à l’Exposition des arts décoratifs », Le Bulletin de la vie ar (...)
  • 32 Ibid.
  • 33 CHARENSOL [Georges], « Faits divers », L’Art vivant, A. 1, no 12, 15 juin 1925, p. 38. 
  • 34 « L’Affaire de l’Exposition des arts décoratifs », Les Nouvelles littéraires, no 140, 20 juin 1925, (...)
  • 35 Ibid.

10Robert Mallet-Stevens, chargé de son aménagement, fait appel à des peintres « aux conceptions très modernes30 », Fernand Léger et Robert Delaunay. À la fin du mois de mai 1925, les deux panneaux qu’ils ont réalisés sont en place quand la Société des artistes décorateurs, dont fait partie Henri Rapin, émet des réserves à leur égard, précisant que ces deux toiles présentent un « caractère peu conforme au programme général adopté par la collectivité des artistes participant à cette manifestation31 ». Quelques jours plus tard, le 23 mai 1925, lors d’une visite de l’Ambassade française, Fernand David, commissaire général, et Paul Léon confirment ce jugement sans pour autant formuler d’avis impératif. À la demande d’Henri Rapin, on promet de faire déposer la toile de Léger, décrite en ces termes par Paul Léon : « un grand panneau couvert de formes rouges et noires, genre Picabia32 ». Et vingt-quatre heures plus tard, Mallet-Stevens est sommé d’enlever les panneaux qui avaient fort déplu au directeur des Beaux-Arts33. Les œuvres sont retirées avant d’être replacées, à temps pour l’inauguration du pavillon34. Robert Delaunay pointe vigoureusement « l’ignorance des gens chargés de l’organisation de cette exposition » et insiste sur la nécessité de montrer une peinture dont les influences fondamentales s’exercent dans des pays jeunes au sein de l’Exposition, en hommage rendu à l’art français35. Cette affaire s’impose comme le catalyseur d’un décalage entre le goût des représentants des institutions officielles et la liberté des artistes modernistes, ce qu’expriment bien les propos du galeriste Léonce Rosenberg (1879-1947), fervent défenseur de l’art abstrait et du cubisme :

  • 36 ROSENBERG Léonce, « Un incident à l’exposition des Arts décoratifs », Bulletin de l’effort moderne, (...)

Il est inadmissible et profondément scandaleux que dans un pays marchant à la tête de la civilisation et chez lequel tous les artistes ayant contribué à sa gloire n’ont jamais été reconnus par le monde officiel, il est inadmissible et scandaleux, disons-nous, que des panneaux décoratifs d’artistes indépendants puissent être enlevées [sic] arbitrairement de l’enceinte même de l’œuvre d’un architecte, seul maître de son choix et de son bâtiment, par des personnes qu’un long passé d’erreurs et d’injustices en matière d’art devrait inciter à la prudence et la modestie36.

11Pour Rosenberg, ce qu’il s’agit de défendre en l’espèce n’est pas seulement le cas Fernand Léger et Robert Delaunay mais, au-delà, « la liberté artistique ». Cet incident montre bien comment l’organisation et les arcanes des Expositions affectent la peinture murale qui s’y développe.

  • 37 BESSON George, art. cit., p. 163.
  • 38 Si Henri Marret et Octave Guillonnet ont fait l’objet d’expositions monographiques et de publicatio (...)

12Ces deux affaires traduisent le flou persistant autour de la notion de modernité artistique et la volonté pour les personnalités responsables des choix artistiques « de doser avec prudence le moderne et la tradition37 ». Le choix définitif des peintres de la Cour des métiers traduit tout à fait cette vision mesurée. Avec pour idée directrice une véritable retraite au milieu du tumulte de l’Exposition, la Cour est entourée de grandes toiles marouflées réalisées par trois peintres, Octave Guillonnet, Henri Marret et Henri Rapin, qui sont globalement absents des réévaluations que les historiens ont proposées de l’art des années 1920 et 193038.

  • 39 Voir la figure 5 de la présente contribution et la figure 11 de l’article « L’ornement des autres m (...)
  • 40 Voir DENIS Maurice, « Henri Marret », L’Art et les artistes, t. 17, octobre 1928-février 1929, p. 1 (...)

13Si la modernité du premier cycle de peintures retenu avait été mise en cause, il ne s’agissait pas tant de leur style que des sujets traités. Pas plus que la première, cette nouvelle commande ne s’adresse à des peintres considérés comme d’une modernité vraiment affirmée. Elle s’attache toutefois à illustrer les grands moments de la vie contemporaine, à travers des œuvres joyeuses et colorées, loin du traitement jugé sinistre des Arts de la mort. Les toiles d’Henri Marret traitent de sujets nouveaux et proposent de nombreuses références à une modernité plurielle, architecturale, industrielle et technique. En témoigne le panneau L’Architecture, qui représente un chantier de constructions en béton entouré d’usines devant la toute récente église du Raincy des frères Perret39, ou encore La Rue, qui montre une sortie de métro devant le grand magasin Le Bon Marché40.

  • 41 Elles ont d’ailleurs été perçues comme une « peinture d’agités », voir THUBERT Emmanuel de, « Petit (...)

14Plus généralement, les peintures d’Octave Guillonnet et Henri Marret sont composées de nombreux personnages en action et de détails quotidiens, qui célèbrent l’effervescence de la vie contemporaine41. En 1925, les traumatismes de la Première Guerre mondiale sont encore bien présents et l’impératif de gaîté s’impose naturellement. Lors de la manifestation, les haut-parleurs diffusent d’ailleurs des fox-trot à la gaîté saccadée. Chili Bom Bom ou Tea for two, les deux airs de l’Exposition, traduisent un effort conscient pour incarner l’image de leur temps, au même titre que les peintures de la Cour des métiers.

  • 42 VITRY Paul, art. cit., p. 2.
  • 43 VANDERPYL Fritz-René, « Les arts décoratifs », Mercure de France, no 649, 1er juillet 1925, p. 228.
  • 44 NYS Raymond de, « L’Exposition des arts décoratifs à quatre jours du grand jour de l’inauguration » (...)
  • 45 WARNOD André, « La peinture à l’Exposition des arts décoratifs », Revue de l’art ancien et moderne, (...)
  • 46 THUBERT Emmanuel de, art. cit., p. 550.

15Considéré comme le « centre moral42 » et le « point central » de l’Exposition, cet ensemble a été largement et âprement critiqué. Les jugements sévères sont nombreux, allant jusqu’à le qualifier de « honte pour les responsables43 ». Cette évocation de la « vie frémissante44 » est souvent perçue comme « anecdotique45 », et donc contraire à la tradition de la grande décoration. Le critique d’art Emmanuel de Thubert, en particulier, insiste sur le caractère « douteux » du naturalisme en matière de décoration46. Les accusant d’avoir rendu le mouvement de l’atelier, de l’usine et de la rue au lieu de l’image de l’esprit de l’artiste et de l’ouvrier, il assimile les peintres à des photographes et non des décorateurs.

Les peintures de la Cour des métiers : l’image de la France en 1925

Une belle œuvre collective ?

  • 47 À noter que cette remarque est tout à fait récurrente dans les critiques des grands ensembles décor (...)
  • 48 Le Gardien de classe, « Courrier de l’Exposition de 1925. Beaux-Arts. Un fresquiste moderne », Como (...)
  • 49 Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Paris 1925. Rapport général, (...)

16Les critiques virulentes envers ces peintures soulignent également leur caractère dissonant47, ce qui semble particulièrement paradoxal pour le clou d’une Exposition dont le règlement stipule l’intégration de la peinture et de la sculpture à l’architecture. Contrairement aux Expositions universelles précédentes, il ne prévoit pas de section peinture ou sculpture autonome. Ces deux arts ne sont admis qu’en lien direct avec l’architecture ou l’aménagement intérieur48, c’est-à-dire selon une fonction décorative, dans le but de favoriser la collaboration des peintres et des sculpteurs avec les architectes49.

  • 50 MOUREY Gabriel, op. cit., p. 6.
  • 51 Ibid., p. 6.
  • 52 La technique de la fresque est associée à l’idée d’une œuvre et d’une pratique collective. Elle néc (...)
  • 53 FIERENS Paul, art. cit., p. 216.
  • 54 BENOIST Luc, « L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes. La peinture (...)
  • 55 ROSENTHAL Gabrielle, art. cit., p. 12

17Ce vœu d’union entre la peinture et l’architecture est d’ailleurs au centre du projet initial mené par Mourey. Dans La Vérité sur la Cour des métiers, il met bien en évidence son idée directrice : la réalisation d’un ensemble de décoration monumentale selon un programme défini, élaboré et dirigé par un maître d’œuvre50. Dans ce projet d’œuvre collective, Mourey va plus loin et propose la fresque, technique à la fois solennelle et exigeante, permettant d’obtenir unité et harmonie d’ensemble. De ce travail en commun entre l’architecte et les peintres devait « se dégager une forte et haute leçon infiniment profitable à l’art français51 ». L’abandon du projet imaginé par Mourey a également conduit à renoncer à la technique de la fresque, considérée comme une technique d’union52, au profit de l’huile sur toile marouflée. Dans les comptes rendus de l’Exposition, les peintures sont souvent considérées comme opposées aux principes de l’architecture. Elles sont perçues comme de larges tableaux et non plus des décors53. Dans Beaux-Arts, Luc Benoist souligne que Rapin, Guillonnet et Marret ont donné la preuve qu’ils pouvaient œuvrer seuls et se sont mutuellement gênés54. Dans L’Art vivant, Gabrielle Rosenthal partage le même constat, jugeant les peintures laides, vulgaires et désaccordées55. Ce sont ici les talents originaux de chacun qui se sont exprimés, au détriment de l’œuvre commune.

  • 56 THUBERT Emmanuel de, « Il nous faut des maîtres d’œuvre », L’Art de France, no 1, 15 juin 1913, p.  (...)
  • 57 MENEUX Catherine, Roger Marx (1859-1913), critique d’art, thèse de doctorat sous la direction de B (...)

18Cette quête du collectif n’est pourtant pas nouvelle. En 1913, des voix s’étaient élevées pour souligner l’importance du rôle de l’architecte et la nécessaire subordination des décorateurs pour la réussite d’un projet collectif56. À la suite du souhait déjà formulé quelques années auparavant d’organiser une exposition internationale consacrée aux arts décoratifs modernes, 1913 est aussi la date à laquelle Roger Marx avait fait valoir la nécessité d’un grand projet collectif en la matière, « pour le bienfait de la nation, du peuple et des artistes »57. Charles Plumet avait d’ailleurs réagi de façon particulièrement enthousiaste à l’appel du critique. En 1925, les commentaires sur les peintures de la Cour des métiers montrent pourtant l’échec de cette tentative.

Les images de l’événement : inauguration et exercice diplomatique

  • 58 Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Paris 1925. Rapport général, (...)

19Sévèrement jugées par les critiques, les peintures de la Cour des métiers n’en sont pas moins une fierté pour les organisateurs. Dans son Rapport général, Paul Léon souligne que Marret et Guillonnet font honneur à l’art mural français58. Cette mise en image trouve une concrétisation dans l’inauguration de l’Exposition internationale, célébrée avec faste.

  • 59 À ce sujet, voir notamment LARDELLIER Pascal, « Monuments éphémères : les entrées royales », Les Ca (...)
  • 60 « L’ouverture de l’Exposition des Arts Décoratifs », La Lanterne, no 17438, 29 avril 1925, p. 1.

20La cérémonie d’inauguration constitue un moment particulier de la mise en récit. Les photographies restituent l’importance et la solennité du moment, montrant une foule de personnages officiels qui évoluent dans un cadre grandiose, où l’architecture et son décor sont des lieux de représentation sociale. Les images des événements sont abondamment relayées dans la presse et procèdent de l’histoire de la représentation des entrées royales, comme rite politique majeur consistant à accueillir officiellement un souverain dans un décor architectural et théâtral apprêté pour l’occasion59. L’Exposition est inaugurée le 28 avril 1925 par le président de la République Gaston Doumergue. L’événement se déroule au Grand Palais et a « pour théâtre le salon aux propositions colossales et l’escalier d’honneur qui le prolonge, créés par M. Charles Letrosne60 » [fig. 8].

Figure 8

Figure 8

Cérémonie d’inauguration de l’Exposition internationale des arts décoratifs dans le hall central et l’escalier monumental du Grand Palais, photographie publiée dans L’Illustration, no 4287, 2 mai 1925, p. 438, conservée dans une collection particulière.

Reproduction Anne Henriette Auffret.

21Après la cérémonie, au son de la Marche héroïque de Camille Saint-Saëns, un cortège se forme, avec les ministres, le commissariat général, les invités de la tribune officielle et des hauts fonctionnaires :

  • 61 Ibid.

On franchit la porte d’honneur, aux ferronneries puissantes, on traverse le pont Alexandre III, entre les deux lignes de boutiques, dont les vitrines ne tarderont pas à se remplir, et l’on s’engage dans l’avenue centrale […]. Parmi les palais blancs, on gagne la Cour des métiers, asile harmonieux où l’on se repose un instant, où M. Doumergue félicite l’architecte, M. Ch. Plumet, et ses collaborateurs. Puis le cortège s’écoule par la porte des Invalides61.

22Les photographies publiées dans la presse, en particulier dans L’Illustration, reprennent fidèlement ce rapport, où la place du décor est centrale. Le passage du cortège officiel par la Cour des métiers est significatif de son importance. La foule uniforme en costumes sombres contraste alors avec les larges toiles peintes qui traduisent de façon colorée et animée une certaine vision de la modernité.

  • 62 « L’Exposition au jour le jour. Visite des souverains de Roumanie », La Lanterne, no 17502, 3 juill (...)
  • 63 « À l’Exposition des Arts décoratifs. La visite de la reine des Belges », Le Figaro, no 162, 11 jui (...)
  • 64 Pour le détail des sculpteurs et des sujets représentés, voir GOISSAUD Anthony, « La Cour des Métie (...)
  • 65 BESSON George, « La décoration intérieure et les ensembles mobiliers », Vient de paraître, no spéci (...)
  • 66 Ibid.

23Dans une Exposition internationale, le rôle des organisateurs est double, à la fois national et international. Dans cet exercice diplomatique, les représentants de nombreux pays sont officiellement reçus afin de visiter l’Exposition internationale. La presse quotidienne de l’époque se fait l’écho de ces réceptions en présence de Fernand David ou Paul Léon. Parmi les visiteurs de marque, on peut citer les souverains de Roumanie Ferdinand Ier et Marie d’Édimbourg, le 2 juillet 192562, ou la reine des Belges Élisabeth, le 10 juin 192563. À chaque fois, la Cour des métiers est incluse dans le parcours officiel. Elle symbolise l’excellence de l’artisanat français, comme en témoignent les quatorze statues de bronze qui habillent ses niches et dont les sujets rendent hommage aux techniques, parmi lesquels la verrerie, l’orfèvrerie ou encore la ciselure64. La place de l’artisanat est clairement valorisée afin de prouver l’excellence de la France dans la production d’articles de luxe, avec une attention particulière accordée aux ferronneries et aux mosaïques. Pour la peinture, le message est plus ambigu. En faisant appel à des peintres alors considérés comme non-avant-gardistes, qui optent pour des solutions plastiques raisonnables, les organisateurs tiennent comptent de leur rôle sur le plan national comme international et, consciemment, ne tolèrent « qu’un certain degré d’art65 ». Dans un article rédigé par George Besson, un représentant et défenseur anonyme de l’Exposition exprime ainsi clairement la nécessité de « doser avec prudence le moderne et la tradition » afin de ne pas donner dans le « tape à l’œil »66. Le choix des peintres retenus pour exécuter les décors de la Cour des métiers illustre cette solution moyenne, volontairement non outrancière sur le plan plastique, mais également dans une perspective diplomatique. La ligne défendue par les organisateurs viserait à ne pas offenser les puissances étrangères par excès d’audace. Mission réussie, si l’on considère le peu de littérature laissé par la presse étrangère à propos de la Cour des métiers. Dans la revue anglaise The Studio, le peintre George Sheringham consacre seulement quelques lignes à la Cour des métiers, à la fin de son article, sans évoquer les peintures de Guillonnet, Marret ou Rapin.

Processus de patrimonialisation et modes de légitimation

Des peintures sacrifiées ? Réaffectations et appropriations patrimoniales

  • 67 Sur ce sujet, voir AUFFRET Anne Henriette, op. cit., vol. 3, Annexe 6, p. 206 et suivantes.
  • 68 « Fresquistes », Le Bulletin de la vie artistique, 6e année, no 15, 1er août 1925, p. 334.
  • 69 MOUREY Gabriel, op. cit., 1925, p. 8.
  • 70 Ibid.
  • 71 Ibid., p. 18.
  • 72 « À l’Exposition. Décor mural fixe ou décor amovible ? », Le Bulletin de la vie artistique, 6e anné (...)

24L’usage de la fresque lors d’une Exposition internationale temporaire comporte un paradoxe : le recours à une technique faite pour durer mais destinée à une manifestation éphémère67. L’Exposition de 1925 est sur ce point significative ; l’emploi de la fresque se développe et l’événement est d’ailleurs présenté comme « une occasion peut-être unique d’édifier de vastes fresques sur d’amples surfaces »68. Dans le même temps, les architectes et les peintres savent que les bâtiments de l’Exposition « sont destinés à être démolis après six ou sept mois à peine d’existence »69. Dans La Vérité sur la Cour des métiers, Gabriel Mourey montre que, dès le départ, il a bien conscience de ce qui peut être considéré comme un gâchis ou un gaspillage et propose alors de réaliser les fresques sur des cloisons de béton armé transportables, afin qu’elles puissent être réutilisées70. Cette idée est jugée saugrenue par Louis Bonnier, qui remet en cause l’usage de matériaux durables pour une exposition temporaire au profit de la toile marouflée, moins exigeante, à la fois dans sa mise en œuvre et dans son devenir71. Au cours de l’Exposition, Guillonnet est d’ailleurs interrogé sur la question du décor mural fixe ou amovible dans une enquête publiée dans Le Bulletin de la vie artistique. Le peintre déclare que « [l]a décoration au mur sous moulure, conçue dans l’ensemble, peut devenir toile mobile s’il y a lieu. Ceci pour le côté pratique »72. Ainsi, c’est ce « côté pratique » qui a été favorisé pour l’Exposition de 1925, offrant la possibilité d’un réemploi pour ces grandes toiles marouflées.

  • 73 À noter que la toile Les Transports a également été retenue par Lefort, devant trouver sa place dan (...)

25C’est le cas de la peinture d’Henri Marret intitulée Les Sports73 [fig. 9].

Figure 9

Figure 9

Les Sports, d’Henri Marret, vers 1925, 300 x 580 cm, huile sur toile marouflée conservée au lycée Ernest-Renan à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), 2019.

© Anne Bonnafous (Région Bretagne).

  • 74 GIORGI Louis, « M. Albert Lebrun à Saint-Brieuc », Le Temps, 30 mai 1938, p. 6 ; « La ville de Sain (...)
  • 75 BOUJU Périg, Architecture et lieux de pouvoir en Bretagne : xviiie-xxe siècle, thèse de doctorat so (...)
  • 76 Je remercie Thierry Thibault, professeur d’histoire honoraire au lycée Ernest-Renan et auteur d’un (...)

26Le panneau est choisi par l’architecte Georges-Robert Lefort pour compléter la décoration de son collège de jeunes filles à Saint-Brieuc (actuel lycée Ernest-Renan), inauguré en 1938 en présence du président de la République Albert Lebrun74. Pour cette construction, Lefort abandonne le style pittoresque régionaliste et tend vers le classicisme structurel. Il utilise notamment l’ordre colossal au moyen de colonnes de béton et de serliennes et invente le péristyle à rotonde sommé d’un beffroi, directement inspiré de l’œuvre de Perret75. À côté des fresques de Théophile Lemonnier (1901-1986) sur le thème de l’enseignement, conçues et exécutées spécialement pour la façade de l’établissement, Lefort choisit également une œuvre existante, celle de Marret, qu’il avait sans doute remarquée lors de l’Exposition internationale de 192576. La peinture, une évocation des Jeux olympiques de 1924, est intégrée au réfectoire et invite les nombreux élèves à une célébration de la vie moderne. La toile marouflée est toujours présente dans cette salle, même si celle-ci a été désaffectée lors de la rénovation du lycée [fig. 10].

Figure 10

Figure 10

La toile d’Henri Marret, Les Sports (vers 1925), dans le réfectoire du lycée Ernest-Renan à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), 2019.

© Anne Bonnafous (Région Bretagne).

  • 77 Selon l’inventaire du Centre national des arts plastiques, Inv. FNAC 15703 et 15704, Réf. prêt/dépô (...)
  • 78 Il est intéressant de noter que l’existence de la toile de Marret était à peine connue par le perso (...)
  • 79 SMITH Laurajane, Uses of Heritage, Londres, New York, Routledge, 2006.

27Deux autres panneaux, La Rue et L’Architecture, ont quant à eux été déposés en 1938 à la nouvelle mairie de Skikda (anciennement Philippeville), en Algérie, mais l’on ignore s’ils s’y trouvent toujours77. Ces nouvelles affectations dans des lieux publics symboliques de la politique de la Troisième République traduisent la volonté de réutiliser et légitimer ces œuvres dans des architectures typiques des années 1930 et de les intégrer au patrimoine héritier de l’Exposition internationale de 1925. Elles perdent toutefois leur contexte architectural d’origine et leur valeur nationale pour intégrer un environnement forcément moins adapté. Conçues pour être visitées, elles sont désormais, et malgré leurs dimensions imposantes, reléguées au rang de décor accessoire, auquel on ne prête pas forcément attention, jusqu’à ce que l’histoire propose d’y porter un nouveau regard78. En étant conservées et transmises, et aujourd’hui étudiées, ces œuvres possèdent une valeur particulière, par le regard porté sur elles et le discours produit à leur propos79. Cette reconnaissance patrimoniale contribue à leur conserver une forme d’actualité.

  • 80 NEVES Corinne, « Vincennes. L’immense toile ressort de l’ombre 90 ans après sa création », Le Paris (...)
  • 81 Ibid.
  • 82 Sur l’importance des processus de transmission, voir ADELL Nicolas & POURCHER Yves (dir.), Transmet (...)
  • 83 L’Enseignement et Le Mobilier sont en dépôt au musée des Beaux-Arts de Reims.

28C’est ce que montre l’histoire de l’unique toile de Guillonnet aujourd’hui localisée. Le 4 septembre 2015, Le Parisien publie un article retraçant la « sortie de l’ombre » des Jardins80. C’est avec humour que l’article débute : « On ne peut pas ne pas la voir81 ! » Et pourtant, cette œuvre qui occupe un mur entier d’une des salles de la Maison des associations à Vincennes était jusque-là inconnue de ceux qui la côtoyaient, notamment une association baptisée Le Divan littéraire. Il a fallu le hasard d’une publication sur un blog internet pour qu’un passionné de Guillonnet, Hervé Dubois, attire l’attention des membres de l’association sur ce décor. À la suite de cette redécouverte, ceux-ci ont changé de regard sur cette peinture et son histoire, et se la sont appropriée – « C’est notre fresque maintenant » ; ils lui ont ainsi offert une forme de pérennité patrimoniale, en l’intégrant dans l’héritage de l’Exposition internationale de 1925 et plus largement, dans un héritage « Art déco ». Il s’agit ici d’un processus de construction de filiation, une prise de conscience de la part des individus et des communautés de l’importance et de la valeur données à un objet82. Force est de constater que la redécouverte de ces peintures est le plus souvent le fruit d’initiatives individuelles. Sur les sept autres panneaux constituant le cycle de la Cour des métiers, seuls deux autres, ceux d’Henri Rapin, ont pu être retrouvés83.

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  • 84 THUBERT Emmanuel de, « Petite chronique… », art. cit., p. 550.

29En 1925, Emmanuel de Thubert note que les peintures de la Cour des métiers « accrochent le passant et lui tapent dans l’œil, de la même manière qu’une affiche aux portes des boutiques »84. Dans sa critique assez acerbe, Thubert dénigre cet ensemble de peintures murales en identifiant les panneaux à de la réclame. Ce rapprochement avec la publicité paraît extrêmement pertinent à la lumière de leur nouvelle destination, un grand magasin de Philadelphie.

  • 85 DUBOIS Hervé, « Guillonnet chez Wannamaker’s », in LANDUCCI Dominique & DUBOIS Hervé, Octave Guillo (...)
  • 86 « Have you seen the New Murals », Store and Home, été 1927, n. p.

30En 1925, Rodman Wanamaker, fils du fondateur du grand magasin de Philadelphie Wanamaker’s, visite l’Exposition internationale des arts décoratifs et repère les neuf peintures de la Cour des métiers, au point d’en commander des reproductions dans le but de décorer les galeries du magasin85. Guillonnet, Marret et Rapin réalisent donc des copies et, à l’été 1927, les grandes toiles sont installées à l’aplomb des ascenseurs, visibles dès la porte d’entrée. Le numéro d’été de la revue Store and Home, brochure publicitaire gratuite, vante la qualité des peintures exposées pour offrir une expérience aux clients. Une attention particulière est portée aux couleurs des toiles, qui attirent l’œil86. On assiste alors à une conversion du sens originel des œuvres en support marketing. Octave Guillonnet continue de travailler pour Wanamaker jusqu’au début des années 1930, relation qui met en lumière l’importance des décors dans un cadre purement commercial.

  • 87 De nombreux groupes privés, par exemple Nestlé, L’Oréal, Chanel, LVMH, Lacoste, disposent aujourd’h (...)

31Plus récemment, la marque Ralph Lauren a également utilisé une œuvre de Guillonnet pour façonner son image, confirmant que la valorisation d’un patrimoine ancien est devenue une préoccupation importante et même une stratégie commerciale pour de nombreux groupes privés87. En 2013, la façade extérieure de la boutique de Hong Kong a été entièrement recouverte d’une grande peinture sur verre rétroéclairée [fig. 11].

Figure 11

Figure 11

Magasin Ralph Lauren à Hong Kong (Chine), 16 février 2019.

© D Phoenix z buddy, extraite de Wikimedia Commons (sous la licence CCBY-SA4.0).

32Sur cinq étages s’étendait une reproduction de Chemin de randonnée à Hyde Park, peinture qui fait partie de la collection privée de Ralph Lauren. L’aménagement intérieur, bien décrit sur le site internet de la marque, revendiquait un syncrétisme entre l’atmosphère d’un gentlemen’s club britannique et une « sensibilité Art déco88 ». Aujourd’hui, l’utilisation de l’héritage « Art déco » par les marques, toujours perçu comme un atout commercial, contribue au prestige d’un établissement. Il permet aussi de mesurer la pénétration du patrimoine Art déco et de sa popularité et d’interroger la pluralité des processus de patrimonialisation. Il s’agit de dépasser les seules traces valorisées pour sonder comment, à quelles conditions et selon quelles finalités elles sont constituées en objets patrimoniaux89.

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Notes

1 T. [TABARANT Adolphe], « 1925. – Sur l’Esplanade des Invalides. Le cloitre des métiers », Le Bulletin de la vie artistique, 5e année, no 17, 1er septembre 1924, p. 389.

2 VITRY Paul, « L’Exposition des arts décoratifs modernes », Gazette des beaux-arts, 67e année, juillet 1925, p. 2.

3 ROSENTHAL Gabrielle, « La Cour des métiers et l’Ambassade française », L’Art vivant, 1re année, no 20, 15 octobre 1925, p. 11.

4 Octave Guillonnet (1872-1967), élève de Fernand Cormon aux Beaux-Arts.

5 Henri Marret (1878-1964), lui aussi élève de Fernand Cormon mais aussi de Paul Baudoüin, spécialiste de la fresque.

6 Henri Rapin (1873-1939).

7 La base Mémoire conserve plusieurs photographies de la Cour des métiers. Leur piètre qualité (images numériques provenant d’un vidéodisque) ne permet toutefois pas de les publier ici. Voir http://www.pop.culture.gouv.fr/search/list?resPage=2&listResPage=2&mainSearch=%22Cour%20des%20métiers%201925%22 [lien valide en avril 2025].

8 Toutes ces questions sont soulevées dans ma thèse : AUFFRET Anne Henriette, Un éternel éphémère. La peinture murale aux Expositions universelles et internationales de Paris (1889-1937), thèse de doctorat sous la direction de Bertrand Tillier et Pierre Sérié, Paris, université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, 2023.

9 À ce sujet, voir LACROIX DI MEO Élodie, Mise en récits et réévaluation de l’Art déco des années 1960 à nos jours, thèse de doctorat sous la direction de Dominique Jarrassé, Bordeaux, université Bordeaux 3, 2012, et l’introduction de la thèse de doctorat de DELTOUR Louis, Les Artistes du groupe de Rome. Académisme, pouvoir et fantaisie dans l’entre-deux-guerres, thèse de doctorat sous la direction de Dario Gamboni et Giovanna Zapperi, université de Genève, 2024.

10 Expression empruntée à ROSENTHAL Gabrielle, art. cit., p. 12.

11 « Supplément », Art et décoration, t. 14, août 1903, p. 4-5.

12 Concernant la genèse de l’Exposition de 1925, voir ma thèse, op. cit., vol. 3, Annexe 6, p. 314-320.

13 MOUREY Gabriel, La Vérité sur la Cour des métiers. Ce qu’elle est… aurait dû être… pouvait être, Paris, Librairie de France, 1925, p. 6.

14 Pierre Girieud (1876-1948).

15 Georges Dufrénoy (1870-1943), élève de l’académie Julian, ami du précédent.

16 Alfred Lombard (1884-1973) organise un Salon d’Automne à Marseille en 1907 avec Pierre Girieud.

17 Louis Riou (1893-1958), élève des Beaux-Arts de Lyon et de l’École des arts décoratifs de Paris.

18 André Favory (1889-1937), élève de l’académie Julian.

19 Marcel Roche (1890-1959), élève de Fernand Cormon aux Beaux-Arts.

20 Pierre Farrey (1896-1987), élève des Beaux-Arts.

21 « La Vérité sur la Cour des métiers », Le Bulletin de la vie artistique, 6e année, no 20, 15 octobre 1925, p. 456 ; DESHAIRS Léon, « Chronique. Informations. La Vérité sur la Cour des métiers », Art et décoration, t. 48, novembre 1925, p. 1.

22 Ce comité est notamment constitué du commissaire général (président), de Paul Léon et Henry Wilfrid Deville (vice-présidents), Henri Paul Nénot, Victor Laloux, Alphonse Defrasse, Léon Chifflot, Charles Genuys, Paul Boeswillwald, Henri Deglane, François Carnot, Émile Humblot, Emmanuel Pontremoli, Pierre Paquet, André Ventre, André Collin, Frantz Jourdain, Arnaud, Louis-Hippolyte Boileau, Pierre Patout, Henri Prost, Louis Süe, Jean Claude Nicolas Forestier, Marcel Legros Morel, Maurice du Bois d’Auberville, Louis Bonnier, Charles Plumet, L. Nicolle, Louis Courtray, Naves, Henri-Marcel Magne, Gosselin, Victor Bourgeois.

23 JANNEAU Guillaume, « Ce que sera l’Exposition de 1925 », Le Temps, 25 mars 1924, p. 2 ; CARNOT François, « L’Exposition des arts décoratifs modernes de 1925 », La Revue politique et littéraire, 3 novembre 1923, p. 731.

24 Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Paris 1925. Rapport général, Paris, Larousse, 1928, t. II, p. 52.

25 GOISSAUD Antony, « Ouvrira-t-on l’Exposition en 1926 », La Construction moderne, 41e année, no 2, 11 octobre 1925, p. 15.

26 Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Paris 1925, op. cit., p. 53.

27 MOUREY Gabriel, op. cit., p. 22.

28 « L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes », Le Matin, no 14035, 23 août 1922, p. 2 ; JANNEAU Guillaume, « Ce que sera l’Exposition de 1925 », La Revue de l’art ancien et moderne, no 256, mai 1924, p. 316.

29 BESSON George, « La décoration intérieure et les ensembles mobiliers », Vient de paraître, 1er janvier 1925, p. 163.

30 FELS [Florent], « “L’affaire” de l’Exposition des arts décoratifs », Les Nouvelles littéraires, no 138, 6 juin 1925, p. 4. 

31 « Courrier de la presse. Un incident à l’Exposition des arts décoratifs », Le Bulletin de la vie artistique, no 12, 15 juin 1925, p. 262.

32 Ibid.

33 CHARENSOL [Georges], « Faits divers », L’Art vivant, A. 1, no 12, 15 juin 1925, p. 38. 

34 « L’Affaire de l’Exposition des arts décoratifs », Les Nouvelles littéraires, no 140, 20 juin 1925, p. 4.

35 Ibid.

36 ROSENBERG Léonce, « Un incident à l’exposition des Arts décoratifs », Bulletin de l’effort moderne, no 16, juin 1925, p. 16.

37 BESSON George, art. cit., p. 163.

38 Si Henri Marret et Octave Guillonnet ont fait l’objet d’expositions monographiques et de publications associées, ces dernières peinent à les resituer dans un contexte artistique global.

39 Voir la figure 5 de la présente contribution et la figure 11 de l’article « L’ornement des autres modernes. Le décor de la vie à l’Exposition de 1925 » d’Estelle Thibault dans ce même numéro : https://journals.openedition.org/insitu/44230#illustrations [lien valide en avril 2025].

40 Voir DENIS Maurice, « Henri Marret », L’Art et les artistes, t. 17, octobre 1928-février 1929, p. 124-125.

41 Elles ont d’ailleurs été perçues comme une « peinture d’agités », voir THUBERT Emmanuel de, « Petite chronique des Arts décoratifs. La Cour des métiers », La Revue française politique et littéraire, no 20, 17 mai 1925, p. 550.

42 VITRY Paul, art. cit., p. 2.

43 VANDERPYL Fritz-René, « Les arts décoratifs », Mercure de France, no 649, 1er juillet 1925, p. 228.

44 NYS Raymond de, « L’Exposition des arts décoratifs à quatre jours du grand jour de l’inauguration », Le Petit Parisien, no 17587, 24 avril 1925, p. 2.

45 WARNOD André, « La peinture à l’Exposition des arts décoratifs », Revue de l’art ancien et moderne, t. 48, juin-décembre 1925, p. 296 ; FIERENS Paul, « L’Exposition des arts décoratifs modernes », Gazette des beaux-arts, t. 12, juillet-décembre 1925, p. 216.

46 THUBERT Emmanuel de, art. cit., p. 550.

47 À noter que cette remarque est tout à fait récurrente dans les critiques des grands ensembles décoratifs au xixe siècle. Voir notamment VAISSE Pierre, La Troisième République et les peintres, Paris, Flammarion, coll. « Art, histoire, société », 1995, p. 246-249.

48 Le Gardien de classe, « Courrier de l’Exposition de 1925. Beaux-Arts. Un fresquiste moderne », Comoedia, no 4534, 18 mai 1925, p. 5.

49 Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Paris 1925. Rapport général, Paris, Larousse, 1927, t. 4, p. 14.

50 MOUREY Gabriel, op. cit., p. 6.

51 Ibid., p. 6.

52 La technique de la fresque est associée à l’idée d’une œuvre et d’une pratique collective. Elle nécessite pour les artistes une immersion dans les chantiers ainsi qu’un rapport étroit avec l’architecte. Elle renvoie aussi à un art de compagnonnage, issu de la tradition médiévale, où les élèves d’un même atelier travaillent sous l’autorité d’un maître. À ce sujet, voir AUFFRET Anne Henriette, op. cit., vol. 1, p. 206-210.

53 FIERENS Paul, art. cit., p. 216.

54 BENOIST Luc, « L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes. La peinture murale. La tapisserie. Les tapis », Beaux-Arts, no 15, 15 août 1925, p. 240.

55 ROSENTHAL Gabrielle, art. cit., p. 12

56 THUBERT Emmanuel de, « Il nous faut des maîtres d’œuvre », L’Art de France, no 1, 15 juin 1913, p. 59-64.

57 MENEUX Catherine, Roger Marx (1859-1913), critique d’art, thèse de doctorat sous la direction de Bruno Foucart, Paris, université Paris 4-Sorbonne, 2007, p. 816.

58 Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Paris 1925. Rapport général, Paris, Larousse, 1932, t. 13, p. 46.

59 À ce sujet, voir notamment LARDELLIER Pascal, « Monuments éphémères : les entrées royales », Les Cahiers de médiologie, no 7, janvier 1999, p. 239-245.

60 « L’ouverture de l’Exposition des Arts Décoratifs », La Lanterne, no 17438, 29 avril 1925, p. 1.

61 Ibid.

62 « L’Exposition au jour le jour. Visite des souverains de Roumanie », La Lanterne, no 17502, 3 juillet 1925, p. 3.

63 « À l’Exposition des Arts décoratifs. La visite de la reine des Belges », Le Figaro, no 162, 11 juin 1925, p. 3 ; « Visite officielle de la Reine des Belges à l’Exposition », La Journée industrielle, 11 juin 1925, p. 3.

64 Pour le détail des sculpteurs et des sujets représentés, voir GOISSAUD Anthony, « La Cour des Métiers », La Construction moderne, 9 août 1925, p. 535.

65 BESSON George, « La décoration intérieure et les ensembles mobiliers », Vient de paraître, no spécial « Les Arts décoratifs modernes 1925 », 1925, p. 163.

66 Ibid.

67 Sur ce sujet, voir AUFFRET Anne Henriette, op. cit., vol. 3, Annexe 6, p. 206 et suivantes.

68 « Fresquistes », Le Bulletin de la vie artistique, 6e année, no 15, 1er août 1925, p. 334.

69 MOUREY Gabriel, op. cit., 1925, p. 8.

70 Ibid.

71 Ibid., p. 18.

72 « À l’Exposition. Décor mural fixe ou décor amovible ? », Le Bulletin de la vie artistique, 6e année, no 18, 15 septembre 1925, p. 402.

73 À noter que la toile Les Transports a également été retenue par Lefort, devant trouver sa place dans la bibliothèque attenante à l’amphithéâtre des Lettres et de Géographie. Elle n’est aujourd’hui pas localisée.

74 GIORGI Louis, « M. Albert Lebrun à Saint-Brieuc », Le Temps, 30 mai 1938, p. 6 ; « La ville de Saint-Brieuc a magnifiquement accueilli le chef de l’État », L’Ouest-Éclair, 29 mai 1938, p. 5.

75 BOUJU Périg, Architecture et lieux de pouvoir en Bretagne : xviiie-xxe siècle, thèse de doctorat sous la direction de Jean-Yves Andrieux, université Rennes 2, 2011, p. 311.

76 Je remercie Thierry Thibault, professeur d’histoire honoraire au lycée Ernest-Renan et auteur d’un livre à paraître sur l’histoire de l’établissement, qui m’a accordé un entretien téléphonique et a bien voulu partager une partie de ses recherches. Une première œuvre signée Pierre Tal-Coat sur le thème de la joie de vivre avait été initialement prévue, mais finalement refusée. Un dossier conservé aux archives municipales de Saint-Brieuc garde trace des échanges entre le maire de Saint-Brieuc et Lefort. Une lettre du 28 avril 1938 précise que la veille, Lefort s’est rendu au Garde-meubles national « pour choisir parmi les propositions de l’État ce qui serait susceptible d’orner les locaux du collège Ernest Renan ».

77 Selon l’inventaire du Centre national des arts plastiques, Inv. FNAC 15703 et 15704, Réf. prêt/dépôt : 55276.

78 Il est intéressant de noter que l’existence de la toile de Marret était à peine connue par le personnel du lycée Ernest-Renan à Saint-Brieuc.

79 SMITH Laurajane, Uses of Heritage, Londres, New York, Routledge, 2006.

80 NEVES Corinne, « Vincennes. L’immense toile ressort de l’ombre 90 ans après sa création », Le Parisien, 4 septembre 2015, disponible en ligne, https://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/vincennes-94300/vincennes-l-immense-toile-ressort-de-l-ombre-90-ans-apres-sa-creation-03-09-2015-5059655.php [lien valide en avril 2025].

81 Ibid.

82 Sur l’importance des processus de transmission, voir ADELL Nicolas & POURCHER Yves (dir.), Transmettre, quel(s) patrimoine(s) ? Autour du patrimoine culturel immatériel, Paris, Michel Houdiard, 2011 et TORNATORE Jean-Louis, « L’Esprit de patrimoine », Terrain, anthropologie et sciences humaines, no 55, 2010, p. 106-127.

83 L’Enseignement et Le Mobilier sont en dépôt au musée des Beaux-Arts de Reims.

84 THUBERT Emmanuel de, « Petite chronique… », art. cit., p. 550.

85 DUBOIS Hervé, « Guillonnet chez Wannamaker’s », in LANDUCCI Dominique & DUBOIS Hervé, Octave Guillonnet, de l’ombre à la lumière, cat. exp., 10 juin-17 sept. 2017, Carros, château de Carros, Centre international d’art contemporain, s. l., Melis, 2017, p. 19.

86 « Have you seen the New Murals », Store and Home, été 1927, n. p.

87 De nombreux groupes privés, par exemple Nestlé, L’Oréal, Chanel, LVMH, Lacoste, disposent aujourd’hui d’un service Patrimoine.

88 Ralph Lauren, Magasins phares, Hong Kong, https://www.ralphlauren.fr/fr/flagship-stores/hong-kong/70701449?ab=EU_store_867Madison_Slot_6_S13_Image_SHOP [lien valide en avril 2025].

89 AMBROISE-RENDU Anne-Claude & OLIVESI Stéphane, « Du patrimoine à la patrimonialisation. Perspectives critiques », Diogène, nos 257-258-260, 2/2017, p. 265

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende « Jardin de la Cour des métiers, Charles Plumet architecte », publié dans L’Architecture officielle et les pavillons, Charles Patout, Éditions Charles Moreau, Paris, 1925, p. 42.
Crédits Photographe inconnu / reproduction bibliothèque des Arts décoratifs.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 258k
Titre Figure 2
Légende La Cour des métiers, photographie publiée dans La Construction moderne, no 45, 9 août 1925, p. 534, conservée dans une collection particulière.
Crédits Photographie Thibaut / reproduction Anne Henriette Auffret.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-2.JPG
Fichier image/jpeg, 287k
Titre Figure 3
Légende Le Théâtre, La Parure, Les Jardins, panneaux d’Octave Guillonnet dans la Cour des métiers, autochrome réalisée le 2 septembre 1925 par Auguste Léon, 9 x 12 cm, conservée au musée départemental Albert-Kahn, Boulogne-Billancourt, coll. « Archives de la planète » (inv. A46180S).
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 215k
Titre Figure 4
Légende Les Transports, Les Sports, La Rue, trois des quatre panneaux d’Henri Marret dans la Cour des métiers, autochrome réalisée le 29 septembre 1925 par Auguste Léon, conservée au musée départemental Albert-Kahn, Boulogne-Billancourt, coll. « Archives de la planète » (inv. A73775XS).
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 177k
Titre Figure 5
Légende L’Enseignement, Le Mobilier, panneaux d’Henri Rapin à droite et à gauche ; au centre L’Architecture, le dernier panneau d’Henri Marret, dans la Cour des métiers, autochrome réalisée le 2 septembre 1925 par Auguste Léon, conservée au musée départemental Albert-Kahn, Boulogne-Billancourt, coll. « Archives de la planète » (inv. A46169S).
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Titre Figure 6
Légende Les Arts de la mort, de Georges Dufrénoy, 1924, esquisse reproduite dans La Vérité sur la Cour des métiers. Ce qu’elle est… aurait dû être… pouvait être, de Gabriel Mourey, Paris, Librairie de France, 1925.
Crédits Reproduction Bibliothèque des arts décoratifs.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 241k
Titre Figure 7
Légende Hall du pavillon d’Une Ambassade française à l’Exposition internationale de 1925, photographie reproduite dans Une Ambassade française organisée par la Société des Artistes décorateurs, Société des artistes décorateurs, Paris, Éditions d’art Charles Moreau, 1925, pl. xlv.
Crédits Photographe inconnu / Reproduction Bibliothèque des arts décoratifs.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 163k
Titre Figure 8
Légende Cérémonie d’inauguration de l’Exposition internationale des arts décoratifs dans le hall central et l’escalier monumental du Grand Palais, photographie publiée dans L’Illustration, no 4287, 2 mai 1925, p. 438, conservée dans une collection particulière.
Crédits Reproduction Anne Henriette Auffret.
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 250k
Titre Figure 9
Légende Les Sports, d’Henri Marret, vers 1925, 300 x 580 cm, huile sur toile marouflée conservée au lycée Ernest-Renan à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), 2019.
Crédits © Anne Bonnafous (Région Bretagne).
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 264k
Titre Figure 10
Légende La toile d’Henri Marret, Les Sports (vers 1925), dans le réfectoire du lycée Ernest-Renan à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), 2019.
Crédits © Anne Bonnafous (Région Bretagne).
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 241k
Titre Figure 11
Légende Magasin Ralph Lauren à Hong Kong (Chine), 16 février 2019.
Crédits © D Phoenix z buddy, extraite de Wikimedia Commons (sous la licence CCBY-SA4.0).
URL http://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/45346/img-11.jpeg
Fichier image/jpeg, 3,4M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne Henriette Auffret, « L’affaire de la Cour des métiers  »In Situ [En ligne], 55 | 2025, mis en ligne le 26 avril 2025, consulté le 17 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/insitu/45346 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13te6

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Auteur

Anne Henriette Auffret

Docteure en histoire et histoire de l’art, université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et université Clermont-Auvergne, jeune chercheuse associée au Centre d’histoire du xixe siècle
annehenriette.auffret@hotmail.fr

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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