- 1 Nous tenons à remercier les coordinateurs du numéro ainsi que les personnes relectrices, le comité (...)
- 2 Dans cet article, nous avons fait le choix d’utiliser à la fois l’écriture inclusive et l’écriture (...)
Ce dimanche 15 octobre 20231, au siège de la CGT à Montreuil, 600 travailleur·ses2 sans-papiers viennent faire le point une dernière fois. Ce mardi, elles et ils se mettront en grève et occuperont 33 piquets installés un peu partout dans la région Île-de-France. Iels revendiquent la régularisation de leur situation administrative et de travail. Les travailleur·ses sont réuni·es dans le grand hall pour entendre les discours des représentant·es syndicaux. Après chaque discours, iels scandent en chœur : « On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici ! Régularisation de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs sans-papiers ».
Extrait du journal de terrain, siège de la CGT, Montreuil, dimanche 15 octobre 2023.
Photographie 1. Réunion de préparation de la grève de plusieurs centaines de travailleur·ses sans-papiers prévue mardi 17 octobre 2023 au siège de la CGT à Montreuil
© Camille Millerand/octobre 2023
- 3 Précisons que par CGT il ne s’agit pas de la totalité du syndicat mais des activités organisées au (...)
- 4 Rencontre qui prend la forme d’un projet collectif depuis janvier 2024. Le projet « Revisite » ass (...)
1Ce n’est pas la première fois que nous assistons à un tel événement (photographie 1). Cela fait presque dix ans que nous documentons, chacun·e à notre manière, le travail des personnes sans-papiers et les mobilisations collectives qu’iels initient. Camille est photographe, notamment pour la presse dont le quotidien Le Monde. En 2022, il a obtenu une bourse de la Bibliothèque nationale de France pour se consacrer à une série de photographies documentaires axée sur le quotidien de personnes sans-papiers en Île-de-France et la diversité des secteurs professionnels qui survivent grâce à elles et eux. La série s’appelle Preuves. Émeline est socio-anthropologue de formation et consacre ses travaux de recherche à la question du travail des sans-papiers, notamment en étudiant comment leurs mobilisations collectives aussi inédites qu’improbables (Collovald & Mathieu, 2009 ; Barron & al. 2011) tiennent de l’appropriation de routines conflictuelles (Zougbédé, 2021). C’est par cela que nous nous sommes rencontré·es : Camille mettant en images le quotidien de ces travailleur·ses, Émeline le décrivant avec des mots et des concepts. Plus précisément, c’est sur un terrain d’enquête commun – une permanence syndicale de la CGT3 dédiée aux travailleur·ses sans-papiers – que nous nous sommes connu·es ; nous intéressant tous deux à un objet, sous-exploré par la recherche française en sciences et sociales et défrayant en de rares occasions la chronique4.
- 5 Mouvement qui a été à la fois d’une ampleur inégalée depuis les grèves de 2006-2010 qui ont vu des (...)
2C’est aussi cette rencontre et cet intérêt croisé pour cet objet d’étude, cette réalité sociale et économique, ce sujet politique – le travail des personnes sans-papiers – qui nous conduisent ici à réunir images et textes, à les confronter et à les interroger ensemble. Bien que produits séparément, l’extrait de journal de terrain et la photographie mis en exergue de ce texte démontrent chacun à sa manière la force du nombre, dévoilent une partie des coulisses du mouvement du 15 octobre 20235. D’une autre façon, ces deux productions se complètent l’une l’autre : la photographie montre une assemblée attentive aux discours et dernières consignes, quand le texte rapporte une part de la ferveur et de l’exaltation du jour.
3Cet article s’intéresse au travail de fabrication de la mobilisation, en en montrant précisément les coulisses. À partir de la proposition d’une écriture hybride – à quatre mains entre un photographe et une socio-anthropologue –, l’article décrit, d’une part, comment le travail journalistique, de photoreportage et de recherche, nécessite une immersion de longue durée permettant d’accéder à la puissance de l’image et à la richesse empirique. De l’autre, il interroge comment à travers leur engagement mutuel les deux narrateurs ont participé à un travail de fabrication des grèves du travail de sans-papiers. Montrant dans le détail comment à travers cet engagement elle et il ont été tous deux des observateurs privilégiés, mais sans doute aussi des acteurs des grèves du travail de sans-papiers, iels posent ainsi un regard réflexif – à la fois méthodologique et politique – sur leurs productions et pratiques qui les ont conduits d’une façon ou d’une autre à produire des iconographies contestataires de ces grèves. C’est pourquoi, la première partie donne à voir et à lire comment l’engagement de nos personnes permet la relation de confiance, donne accès à l’enquête et autorise la récolte d’un matériau aussi riche que dense. La deuxième partie restitue différentes dimensions de la construction des grèves : qu’il s’agisse de la préparation en amont, de la prise de parole, de l’attente, de l’occupation des lieux de travail, de la négociation et de la construction de rapports de force avec les entreprises employeuses et l’État. La troisième et dernière partie prend à bras-le-corps la question du rôle du photographe et de la chercheuse dans la construction de la mobilisation : qu’il s’agisse de sa publicisation par les choix éditoriaux qui sont faits, ou encore de la sélection des descriptions ethnographiques.
- 6 Ethnographie qui réunit une première phase d’enquête réalisée au sein d’une permanence syndicale d (...)
4Sur le plan méthodologique, notre travail s’inscrit à la croisée d’une sociologie des mouvements sociaux et d’une anthropologie du travail photographique. Il recourt aux méthodes de l’iconologie et de la sémiologie : d’abord par l’ethnographie prolongée auprès du syndicat de la CGT et des mobilisations collectives de travailleur·ses sans-papiers pour la période 2014-20236 ; ensuite, en cherchant à analyser la place de l’image dans la fabrique des mouvements sociaux. En entrelaçant ces deux techniques d’enquête, et en faisant correspondre par moments image photographique et description ethnographique, il s’agit aussi de témoigner de « l’usage de l’image comme instrument de la recherche et l’approche scientifique de l’image comme objet social » (Terrenoire, 1985). Cette perspective heuristique est aussi ici le substrat à une analyse réflexive, qui autorise à parcourir et à sélectionner dans des corpus ethnographique et photographique produits depuis dix ans.
5Comprendre comment se fabrique une mobilisation nécessite en amont un important travail d’investigation. Si c’est là un énoncé qui semble pouvoir fonder toute production scientifique et journalistique, il convient toutefois d’en saisir certaines particularités qui transforment le travail d’enquête en engagement. Quand et comment s’engage-t-on ? Auprès de quoi et avec qui ?
6Au départ, je (Camille) voulais faire du journalisme écrit. Je voulais raconter des histoires. Mais parce que je manquais de compétences à l’écrit, j’ai été orienté en IUT InfoCom avec option documentaire. Puis, c’est finalement un peu par hasard et suite à un stage aux archives photographiques du journal Libération, que je me suis engagé dans la voie d’un BTS photo. C’était en 2004.
- 7 Il s’agit de l’occupation d’une résidence universitaire à Cachan pendant dix-huit mois (entre 2003 (...)
7En BTS, on avait différents projets d’étude à mener. C’est aussi à cette époque qu’il y a eu l’occupation de l’ENS Cachan, celle des « 1 000 de Cachan7 ». J’y ai fait ma première série de photographies. À ce moment-là, je travaillais aussi pour un journal étudiant à Nantes : j’ai donc proposé ces photographies. Par le plus pur des hasards, ce journal, avec mon reportage photo, s’est retrouvé dans les mains d’un des coordinateurs du mouvement des « 1 000 de Cachan ». Je me suis fait incendier. J’avais suivi le mouvement : participer aux réunions, partager l’attente de l’occupation, écouter les revendications, etc. Quand j’ai proposé le reportage photo, je n’avais alors pas tout à fait conscience de quel avait été mon engagement dans le mouvement et surtout comment le retranscrire à travers l’édition de photographies et leur publicisation, sans que cela ne s’inscrive dans une relation inégale et dissymétrique (Lepoutre, 2001). Ça a été une sacrée douche froide. J’ai pris conscience du pouvoir du médium photographique : autant par ce qu’il permet de dévoiler que par ce qu’il peut aussi taire, dissimuler. Je débutais et ça m’a marqué à vie. C’est comme ça que je suis devenu photographe, par un « ratage heuristique » (Jamin, 1986).
- 8 Je dis « histoires de vie » parce qu’elles font écho à un voyage que j’ai fait avec mon père quand (...)
8Aujourd’hui, je fais toujours des reportages photo, principalement sur les travailleur·ses et les personnes sans-papiers. Ça peut paraître anecdotique mais à travers la photographie, j’ai à cœur de raconter des histoires de vie8. Il peut s’agir de projets plus personnels comme la série Preuves ou de commandes. Mais dans tous les cas, il m’importe de dire que ces histoires de vie font écho à tant d’autres, de montrer comment elles s’enracinent et d’où elles viennent. Ça n’explique pas tout mais c’est le point de départ de mon engagement : construire une sorte de mosaïque d’histoires de vie que je compose photographie après photographie. Mon engagement dans les photographies que je prends et que j’édite, il vient aussi d’où et avec qui j’ai grandi, et cette envie de comprendre pourquoi les personnes bougent, pourquoi elles partent, pourquoi elles viennent et de donner à voir ces particularités sans être pour autant dans la caricature.
9Sur la question des grèves du travail de sans-papiers, c’est pour le coup quelque chose de plus journalistique. Je me suis intéressé au sujet à partir de commandes des rédactions. C’est tout bêtement comme ça que j’en suis venu à cette thématique. Mais là encore, parce qu’il s’agit de rapporter des situations de vie, qu’elles soient au travail ou hors-travail, cela nécessite aussi tout un engagement : à la fois par immersion mais aussi par retour des photographies prises. C’est-à-dire qu’à chaque fois, qu’à chaque discussion avec les personnes, et qu’à chaque prise de photo, j’entre en relation avec elles. Cette relation me permet par la suite de revenir auprès d’elles, de leur montrer leur photographie ou l’article qui l’accompagne.
Photographie 2. Devant le siège de la CGT à Montreuil
© Camille Millerand/octobre 2023
- 9 Certains noms d’entreprises et prénoms ont été modifiés quand ils n’ont pas été explicitement cité (...)
- 10 La circulaire du 28 novembre 2012, dite aussi circulaire Valls, régit l’admission exceptionnelle a (...)
Sur le piquet de Bridget Nettoyage9, des négociations avec la direction de l’entreprise sont déjà en cours. Accompagnés de deux syndicalistes, les deux délégués du piquet reviennent de la première table des négociations. Représentant la direction, la responsable des ressources humaines est d’accord pour s’engager à fournir les documents employeurs qui permettraient la régularisation des neuf grévistes10. Toutefois, pendant l’examen de leur dossier à la préfecture, les salariés ne pourront pas reprendre le travail, même si la circulaire Valls du 28 novembre 2012 ne s’y oppose pas. Les deux syndicalistes, Beren et Jérôme, sont embêté·es. Le délégué du personnel, accompagné d’un salarié qui semble être son adjoint, est présent. Ils tentent de rassurer les grévistes et les syndicalistes sur le sérieux de l’engagement de l’entreprise. Mais tous restent méfiants. En effet, c’est ce même délégué qui n’a pas appuyé les demandes de régularisation des grévistes auprès de la direction. Beren, avec qui je [Émeline] fais la permanence les lundis dans le 19e, me demande conseil. Nous regardons ensemble les différents protocoles de fin de conflit qui ont été rédigés pour nous en inspirer. Sur l’ordinateur de Jérôme, je me mets à taper le texte, pendant qu’ensemble nous cherchons tantôt à formuler certaines ambiguïtés ou au contraire à les lever.
Extrait du journal de terrain, piquet de grève de Bridget Nettoyage, mardi 17 octobre 2023
10Toute ethnographie suppose un engagement, soit une implication directe à la première personne et exige : du temps (il s’agit d’une immersion de longue durée), de la présence sur le terrain (il y va aussi d’une implication physique), et des relations sociales. C’est ce que rétrospectivement montre l’extrait de journal de terrain ci-dessus. M’intéressant à l’origine à l’étude de l’articulation entre situation d’emploi et situation administrative d’hommes originaires de la vallée du fleuve Sénégal (une région située entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal) et sans-papiers, installés en région parisienne, j’ai commencé, voilà plus de dix ans, en janvier 2013, un travail ethnographique au sein d’une permanence syndicale de la CGT dédiée aux travailleur·ses sans-papiers. Il s’agit d’une permanence spécialisée dans le montage de dossiers de régularisation par le travail de la circulaire Valls. Au sein de cette permanence, mon engagement bénévole m’a très vite permis d’affiner mes interrogations sur les situations de travail des hommes sans-papiers rencontrés, dans le même temps qu’il a aussi été le terreau à une autre analyse quant au processus de régularisation du séjour par le travail de la circulaire Valls et à la mise à jour d’un type idéal du travailleur sans-papiers régularisable (Zougbédé, 2018). Cette permanence a aussi été le théâtre de relations nouées : entre camaraderie (sur les piquets de grève par exemple) et intimité (autour d’un verre ou d’un dîner).
- 11 Selon le suivi des dossiers à mener notamment pour récupérer les documents employeurs auprès des e (...)
- 12 Notamment dans le but de régulariser la situation de séjour des travailleur·ses en grève mais auss (...)
11À force d’années passées à constituer des dossiers, cet engagement hebdomadaire (la permanence ayant lieu une fois par semaine, les lundis) – et quasi quotidien11 – m’a ouvert l’accès à d’autres dimensions du terrain dont celle de la construction d’un rapport de force avec la puissance publique à travers les grèves du travail de sans-papiers12. C’est donc en occupant la place d’observatrice privilégiée, dans la mesure où je faisais tout autant partie de l’ensemble des syndicalistes et bénévoles de la permanence que j’aidais à la préparation de la grève notamment en participant aux réunions en amont, que j’ai aussi acquis une certaine liberté d’action et de mouvements, entretenant avec les un·es et les autres une sorte d’intimité extérieure, comme le rapporte Michel Naepels : « Il me semble pourtant que l’extériorité par rapport aux enjeux sociaux d’une situation rend possible, au hasard de certaines rencontres, l’implication subjective de l’enquêteur dans la relation qu’il crée avec certaines personnes » (1998, 197).
12Somme toute, ma présence prolongée sur ce terrain, si elle a autant permis de me socialiser à un ethos syndical, elle m’a aussi conduit, à m’inscrire tout d’abord comme actrice située du dispositif (Makaremi, 2008), à faire partie d’une clique (Olivier de Sardan, 1995), ensuite. Cet « enclicage » – c’est-à-dire le fait de faire (plus ou moins) partie du groupe des enquêté·es – est une composante du terrain dans la mesure où la présence de l’ethnographe appelle à son insertion plus ou moins durable, plus ou moins véritable dans des réseaux d’interconnaissances. Mais l’enclicage est alors un processus qui tout autant autorise l’accès à une richesse empirique (qu’il s’agisse d’observations en réunion pour préparer les grèves, sur les piquets de grève, de la collecte de documents comme les tracts, les courriers et notes internes entre la CGT, les directions des entreprises employeuses et les préfectures, les accords négociés, mais aussi de la conduite d’entretiens auprès des grévistes sans-papiers et des militant·es CGT), qu’il « est sûrement un des principaux problèmes de la recherche de terrain [par le fait même qu’il rend l’ethnographe] […] tributaire de ces réseaux pour produire ses données » (ibid., 20). Ce qui pose in fine certains dilemmes dans l’analyse et la restitution des données ; on le verra en troisième et dernière partie.
- 13 À ce sujet, les archives du journal Libération disponibles à Pierrefitte-sur-Seine en sont un exem (...)
13Les manifestations donnent lieu à un certain volume de productions : d’abord audio et visuelles, constituant autant d’archives13 aux travaux d’historiens, ou encore de sociologues et d’anthropologues, par la suite, tout comme les différents articles de presse. Si l’on peut ainsi disposer d’une certaine exhaustivité en termes de sources, ce qui fait manifestation, c’est-à-dire les différentes manières dont ont été constituées ces archives dont les choix opérés, est rarement rendu visible. Car ce qui fabrique une manifestation peut être omis ou tu. Aussi, et paradoxalement, ce qui rend tributaire des réseaux de connaissances par l’engagement et les relations de confiance dans la recherche de terrain peut s’avérer ici heuristique, permettant simultanément un travail de production, d’analyse, d’enregistrement et d’archives. C’est ainsi, que nous avons pu, tous deux, observer et saisir sur le vif cette fabrique de la manifestation : Comment ? Qui ? Pour quoi ? Avec qui ? Contre qui ?
Photographie 3. À la réunion de préparation de la grève de plusieurs centaines de travailleurs sans-papiers prévue mardi 17 octobre 2023 au siège de la CGT à Montreuil
© Camille Millerand/octobre 2023
14En faisant la grève du travail, les personnes sans-papiers convoquent un droit du travail, réaffirment qu’ils ont une place sur les marchés du travail. Mais parce qu’il s’agit de personnes sans-papiers, il y a alors dans la fabrique de ces grèves d’importants enjeux de représentation, mais aussi de légitimité à donner au mouvement.
Il est 10 heures quand j’arrive dans la salle. Six des huit travailleurs de l’entreprise de nettoyage sont là. Trois dossiers sont déjà faits. Je suis venue en renfort pour terminer la préparation des dossiers. […] Paula, la responsable CGT, explique comment va se passer la grève qu’ils préparent : ce sera en septembre et il y aura d’autres piquets de grève. “On va partir sur un mouvement coordonné”, annonce-t-elle. […] Elle explique aussi que s’ils le peuvent, ce serait bien qu’ils prennent des photos d’eux sur leur lieu de travail. Le jour J, ils pourront aussi porter les chasubles de la société.
Extrait du journal de terrain, dans les locaux de la CGT Paris, lundi 22 juillet 2019
Photographies 4 et 5. Photographie du dossier regroupant l’ensemble des preuves (fiche de paies, abonnements Navigo, déclaration d’impôts…) de présence et activité salariée en France de Mohamed Traoré, 38 ans, malien
Mohamed Traoré, 38 ans, malien, vit en France depuis 10 ans. Il a travaillé dans le bâtiment, le secteur du ménage, en tant que gardien d’immeuble, auxiliaire de vie, agent de sécurité, déménageur et ripeur grâce à quatre alias fournis par quatre personnes possédant la nationalité française. Juriste de formation, Mohamed est titulaire d’une maîtrise de droit au Mali. Avant d’arriver en France, il travaillait à la Banque Malienne de Solidarité. « C’était bien j’étais calé avec ce job. Parfois je regrette vraiment d’être venu ici » précise-t-il.
© Camille Millerand/octobre 2023
15L’extrait de journal de terrain et les deux photographies placées ci-dessus donnent à lire et à voir une dimension particulière des grèves du travail de personnes sans-papiers : la préparation des dossiers de demande de régularisation du séjour en amont. En faisant la grève du travail, les personnes sans-papiers revendiquent la régularisation des situations de séjour par la régularisation de leur situation d’emploi. Cela implique, d’une part, de s’assurer en amont de la grève que les préfectures en charge des régularisations accepteront les dossiers (photographies 4 et 5) des travailleur·ses grévistes. Car bien souvent, les dossiers des grévistes sont en deçà des critères énoncés par la circulaire Valls ; ce qui peut leur faire courir le risque de recevoir une obligation de quitter le territoire français. D’autre part, si le droit de grève est un droit fondamental reconnu par l’alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946 et consacré par différents textes de lois dont des articles du Code du travail, c’est un droit reconnu aux personnes détentrices d’un contrat de travail. Or, rien n’est moins évident dans la situation des personnes sans-papiers qui travaillent souvent sous alias, c’est-à-dire sous le nom d’autres et avec des titres de séjour empruntés à d’autres personnes. En prenant des photographies sur les lieux de travail et en portant les chasubles au nom et couleurs de l’entreprise le jour venu, il s’agit alors de démontrer l’existence de la relation d’emploi, et donc d’un contrat de travail, de se protéger contre des possibles mesures en référés demandant l’expulsion des personnes sans-papiers. Ce contre quoi des photographies prises sur les lieux de travail, tout comme les chasubles portées durant les grèves, permettent de se prémunir. C’est aussi que dans cette perspective qu’au démarrage de chaque grève, des contrôles de l’inspection du travail ont lieu. Ces contrôles ont pour but de constater la relation d’emploi entre les travailleur·ses en grève et l’entreprise, de légitimer l’occupation du lieu de travail et ainsi la grève :
Il y a eu ce matin des contrôles de l’inspection du travail sur les différents sites et la constatation de la relation d’emploi. Les travailleurs peuvent se mettre en grève et occuper leur lieu de travail.
Extrait du journal de terrain, piquet de grève d’ARK, Paris, lundi 15 octobre 2018.
16Mais la grève du travail de sans-papiers, tant dans sa fabrique que dans sa représentation, est aussi là pour attester d’un répertoire d’action qui est celui du mouvement ouvrier. Et de cette façon, de l’inclusion des travailleur·ses sans-papiers à une lutte collective.
Figure 1.
Photographie 6. Préparation de la caisse de grève par plusieurs travailleurs sans-papiers rattachés au piquet de grève prévu à Saint-Denis devant une boîte d’intérim employant des ripeurs et manœuvre sur les chantiers. Siège de la CGT.
© Camille Millerand/octobre 2023
17Comme l’expose le tract ci-dessus (figure 1), en mettant l’accent sur les formes de subordination d’un salariat qui, pour précarisé et éclaté qu’il soit, n’en met pas moins en œuvre des formes de résistances, les grèves du travail de sans-papiers invitent, d’une part, à requestionner la place des sans-papiers dans les marchés du travail français, à la lisière d’un travail pensé autant comme un ajustement contingent que comme une donnée structurelle de secteurs économiques, sanctionné par des politiques d’emploi et migratoires (Morice & Potot, 2010 ; Bouffartigue 2012 ; Rea, 2013). De l’autre, ces grèves mettent en lumière les ressorts d’une politisation des travailleurs sans-papiers à l’aune de processus de syndicalisation qui traversent depuis une vingtaine d’années certains mouvements de sans-papiers (Tourette, 2022).
18Depuis les premières grèves du travail de sans-papiers de 2006-2010 où il s’est profilé en chef de file du mouvement et en interlocuteur privilégié de l’État (Barron & al. 2011), le syndicat de la CGT est fortement repéré par les travailleur·ses sans-papiers comme un canal de mobilisation pour obtenir les papiers : à travers ses permanences syndicales pour la constitution de dossiers de demande de régularisation, d’une part ; par la poursuite et l’organisation d’autres mouvements de grèves, de l’autre.
Dans les différents bureaux, on termine les derniers dossiers de la journée. Il n’y a presque plus personne dans la salle d’attente : quelques travailleurs sont encore là. Ils sont venus voir Paula, la responsable de la permanence. Ils sont une dizaine de salariés. Ils veulent se mettre en grève car l’entreprise qui les emploie ne veut pas leur fournir les documents employeurs pour leur régularisation. Paula les écoute et leur dit de revenir lundi prochain avec tout leur dossier.
Extrait du journal de terrain, dans les locaux de la permanence CGT Paris du 19e, lundi 11 mai 2015
19En recourant au syndicat, les travailleur·ses sans-papiers affichent qu’ils sont des travailleur·ses comme les autres. Ce faisant, en revendiquant la régularisation des situations de séjour et en dénonçant les contradictions entre leur situation d’emploi et les politiques migratoires, elles et ils s’opposent à leurs employeur·ses réfractaires à reconnaître leur travail et à leur délivrer les documents nécessaires à la régularisation de leur séjour (la promesse d’embauche dite « cerfa » et le certificat de concordance). Par la grève du travail, iels provoquent un rapport de force, d’abord avec les entreprises qui les emploient, avec l’État, ensuite. C’est précisément ce qu’a réussi à capturer Camille dans les photographies 7 et 8. On y voit principalement des hommes travailleurs sans-papiers, d’abord montrer leur carte professionnelle permettant au gérant de les identifier comme des travailleurs de la société en grève et occupant légitimement et légalement leur lieu de travail. D’autres ont revêtu les chasubles au nom de l’entreprise. Accompagnés de syndicalistes portant en cocarde l’inscription « la CGT », ils discutent avec le gérant des revendications qu’ils portent : ici la régularisation de leur séjour et la revalorisation de leur contrat de travail.
Photographies 7 et 8. Accompagnés par des militants syndicaux, des travailleurs sans-papiers grévistes ont déployé une banderole de la CGT et promis d’occuper les locaux jusqu’à leur « régularisation »
© Camille Millerand/octobre 2023
20En proposant les trois photographies suivantes, toutes prises à l’occasion du mouvement de grève d’octobre 2023 et sur le même piquet, nous avons toutefois cherché à faire varier les points de vue et à montrer d’autres dimensions de la fabrique de ces grèves. Bien que similaires, elles sont intéressantes à lire ensemble, en particulier parce que chacune d’elles relève d’un choix de narration : scénographique, visuel et sémantique.
Photographies 9, 10, 11. Au siège d’une entreprise d’intérim à Saint-Denis, pour le compte de laquelle ces travailleurs sont employés comme rieurs ou comme ouvriers dans le BTP notamment sur les chantiers des Jeux olympiques et du Grand Paris
© Camille Millerand/octobre 2023
21D’abord, le mélange des chasubles aux inscriptions « CGT » sur les photographies 9 et 10 montre bien qu’il s’agit de grèves du travail soutenues par la CGT et interroge sur la place de ces travailleurs·es particulièrement précaires, du fait de leurs conditions de travail et de séjour, au sein même du syndicat.
C’est une salle plus petite que d’habitude avec des murs peints d’un orange décrépi. Il y a des néons au plafond et deux gros haut-parleurs. Un damier de couleur recouvre le sol. La pièce a une allure de salle de classe avec ses rangées de tables et de chaises disposées les unes derrière les autres. Les travailleurs déjà présents dans la salle patientent en bavardant par petits groupes. Vers 17 heures, Paula, la responsable de la permanence, suivie de Guilhem, un autre responsable, arrivent. Ils saluent l’assemblée. Paula reprend un travailleur qui vient de la saluer par un « Madame ». Elle ne veut pas qu’on l’appelle comme ça, elle veut les relations les plus égalitaires possibles. C’est une réunion pour regarder les dossiers et faire le point sur la grève à venir : celle de manutentionnaires dans le secteur du livre. […] Paula explique ce qu’est une grève et le syndicat. Puis, elle dit : « Le prochain combat, c’est les papiers, mais c’est aussi pour vos droits dans l’intérim et dans le livre. La CGT, c’est comme une association de travailleurs pour défendre les droits. Il est important que vous vous unissiez, vous travailleurs, pour défendre vos droits. C’est un combat pour vos droits dans la société en vous organisant au sein de la CGT. Vous avez votre place dans le syndicat »
Extrait du journal de terrain, dans les locaux de la Bourse du Travail de Paris, mardi 6 août 2019
22Pendant plus d’une décennie, on a vu des actions et initiatives syndicales pénétrer des espaces productifs où les syndicats sont d’ordinaire peu présents (Béroud, 2009). De même, ces actions et initiatives ont semble-t-il donné un certain regain au mouvement syndical, notamment à la grève du travail (Béroud, 2014). Toutefois, l’extrait ci-dessus fait aussi émerger une des tensions centrales quant aux manières d’organiser les travailleur·ses sans-papiers au sein du syndicat. En appuyant sur cette phrase – « Vous avez votre place dans le syndicat » –, Paula insiste sur le fait qu’ils sont dès lors partie intégrante du syndicat. Car ce que montrent des travaux centrés sur la question de la syndicalisation de travailleur·ses immigré·es (avec ou sans papiers), c’est qu’elle est une question à la fois centrale et dépendante des traditions syndicales nationales (Chauvin, 2007 ; Alberti & al., 2013 ; Chuang, 2018).
Le point de départ de ce mouvement de grève [de février-mars 2018], ça a été les Unions locales de la CGT pour certains, et des Unions départementales, pour d’autres. Mais c’est au niveau confédéral que le mouvement a été coordonné. Au niveau CGT, si on part sur une lutte, il faut que tous les échelons, quoi en tout cas… Ça a évolué depuis 2008. 2008, c’était beaucoup plus organisé de manière informelle. Mais le but, en tout cas, c’est d’impliquer au maximum toutes les structures, c’est-à-dire les Unions locales, les Unions départementales, mais aussi les Professions. Donc là, on est sur une problématique intérim, donc la CGT intérim a été très partie prenante. Mais aussi les professions concernées. […] Le livre était présent pour France Routage. La fédé transport était dans la boucle. […] Et l’intérim est considéré comme une fédération à la CGT, à part.
Extrait d’un entretien avec Paula, responsable CGT, mercredi 25 avril 2018
23Si les ambivalences ont pu être constitutives des conduites syndicales vis-à-vis des travailleur·ses étranger·ères (Morice, 2001), et notamment sans-papiers, dans le détail et par juxtaposition, les grèves du travail de sans-papiers soutenues et organisées par le CGT attestent d’une évolution et du regard porté sur ces travailleurs (photographie 11), notamment contre des tentatives et volontés de les organiser à part.
24Nos enquêtes prolongées, nos immersions dans l’univers des grèves du travail de sans-papiers, nous ont ainsi donné à voir l’évolution de l’organisation de ces luttes, l’entrée en scène et l’engagement de nouveaux acteurs (comme l’inspection du travail ou encore les fédérations et les professions). Elles nous ont aussi permis d’analyser une scénographie de la manifestation et les manières dont se sont construites des identités collectives contestataires (Fillieule & Tartakowsky, 2008).
25Dans la deuxième partie, ci-dessus, images et textes se sont répondus. Dans leurs entrelacs, nous avons cherché à montrer comment s’opère un travail de fabrication des grèves du travail de sans-papiers, en en détaillant les coulisses, avec ses recettes, ses prérequis, etc. Néanmoins, en présentant une partie de ces coulisses, nous avons choisi certains angles de vue plutôt que d’autres. Nous n’avons dès lors pas tout dit. Certaines choses ont été tues, quand d’autres éludées car peut-être oubliées. Dans cette dernière partie, nous questionnons l’implication que nos rôles et positions de photographe et de chercheuse ont eu dans la construction de la mobilisation à travers ses différentes formes de publicisation. Que montre-t-on ? Pourquoi et pour qui le raconte-t-on ? À travers quels choix ? Par quels arrangements donnés à l’image et au rythme du texte ? En quoi ce moment de la publication met-il aussi en tension les relations construites ? Est-il à même de trahir ce(ux) qui nous a (ont) donné accès à la puissance de l’image et à la richesse empirique ?
26L’écriture journalistique et sa mise en images sont souvent à la recherche du spectaculaire. Aussi, si dans son écriture un article de presse vise à apporter un éclairage sur un événement particulier, il y a un malaise qui peut s’installer dans la prise de photographies. Car il y a à ce moment-là une sorte de décalage qui peut conduire à toutes sortes de prises de position, de points de vue : d’abord du fait de contraintes journalistiques où il revient à l’éditeur de choisir la photographie qui accompagnera l’article. La photographie peut alors ici perdre ou au contraire gagner en puissance par rapport à l’usage que se réservait le photographe. Autrement dit, le choix d’une photographie peut participer à construire médiatiquement un fait en événement (Nora, 1972) et même devenir événement (Bensa & Fassin, 2002) ou alors ce choix peut aussi venir trahir un univers, des émotions partagées le temps de l’enquête, etc.
27Pour les grèves du travail de sans-papiers d’octobre 2023, la commande reçue était de couvrir le mouvement, notamment depuis l’intérieur sachant l’engagement de Camille auprès de la CGT. Par ailleurs, la couverture médiatique de cette mobilisation par des journaux aux lignes éditoriales différentes, en même temps que celle qui s’est déroulée au même moment par l’occupation du chantier Arena, situé Porte de la Chapelle dans le 18e arrondissement de Paris, par plusieurs dizaines de travailleurs des chantiers des Jeux olympiques rassemblés autour de la Confédération Nationale du Travail (CNT), a pu chercher à faire événement.
Figure 2. Capture d’écran. Article de presse sur le mouvement de grèves d’octobre 2023
28C’est un choix de photographie intéressant que nous avons eu avec la rédaction du journal Le Monde pour accompagner l’article. Il y a là quelque chose qui peut sembler décalé à première vue car loin de l’idée que l’on peut se faire du bouillonnement d’une grève ou d’une manifestation. Ici, l’image et le texte s’accompagnent et montrent autre chose des grèves du travail de sans-papiers : la préparation et l’attente en coulisses (photographie 14).
Photographie 12. Des travailleurs sans-papiers attendent les ressources humaines de leur entreprise
© Camille Millerand/octobre 2023
29De manière ambivalente, comme le montre le corpus photographique choisi pour l’article et sa publicisation épurée par Le Monde, mon travail photographique participe à produire des iconographies contestataires (Dezé, 2013). Il s’inscrit dans une dynamique qui est celle de la pratique journalistique, mais aussi photographique.
30Est-il possible d’observer et d’être dans le même temps partie prenante ? S’il s’agit sans doute plus d’une question rhétorique, dont la réponse est sans cesse en débat, qui interroge sur les conditions de production du savoir et sur les engagements contractés (Laplantine, 2005), elle pose aussi toute une série d’autres questions qui lui sont corrélées. Que raconte et rapporte-t-on du terrain ? Pourquoi l’écrit-on ? Pourquoi de cette manière ? Qu’est-ce qui préside aux choix faits ?
31Dans un article datant de 1994, Françoise Zonabend s’interroge sur la pertinence du terme de « restitution ». Sans lui préférer la notion de « réception », qu’elle juge peu adéquate car forgée par des théoriciens de la littérature, Zonabend finit par convenir que : « En anthropologie, les deux notions peuvent donc être envisagées : elles décrivent des aspects complémentaires de ce long processus de “retour” de la recherche qui, du reste, débute bien avant l’édition d’un texte écrit ou audiovisuel » (p. 4).
32Comme évoqué au début de l’article, le travail de recherche d’Émeline sur les grèves de sans-papiers s’est fait dans le prolongement d’une précédente enquête portant notamment sur l’analyse du processus de régularisation par le travail. Deux perspectives ont ainsi présidé au commencement de cette nouvelle enquête. D’une part, en s’intéressant aux grèves du travail de sans-papiers, il s’agissait de développer et d’affiner l’objet d’étude, d’affirmer une spécialité anthropologique et sociologique – en bref, académique – notamment autour de mots-clefs (« migrations », « travail », « syndicalisme »). De l’autre, sans vouloir se faire l’écrivaine publique de ces grèves, il y avait, à travers cette enquête et les publications académiques possibles, l’idée de restitution de ces luttes à la fois auprès de pair·es (et notamment au sein de champs sociologiques particuliers ; Zougbédé, 2021), mais également auprès d’un grand public initié (Zougbédé, 2020). Ces choix de diffusion des résultats et de publication de recherche ont notamment poussé à privilégier les descriptions ethnographiques comme supports à l’analyse. Dans l’attention portée aux détails, l’idée était aussi de traduire les univers sonores et sensibles de ces grèves. Cependant, c’est avec précaution et en tenant compte des manières dont ce travail pouvait être reçu par les premières et premiers concerné·es qu’il a aussi pu avancer. Car « comment rendre compte publiquement, sans choquer qui que ce soit, sans décevoir le groupe étudié des bénéfices symboliques ou matériels qu’il peut attendre d’un travail qu’il n’a cependant pas demandé ni, le plus fréquemment, souhaité voir mené sur lui ? » (Zonabend, 1994, 6).
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33L’objet de cet article était de revenir sur le travail de fabrication d’une manifestation. Depuis les grèves du travail de sans-papiers, nous avons cherché à en montrer, tout d’abord, certaines coulisses ; coulisses qui ne se laissent voir que parce qu’il existe des relations de confiance, des engagements contractés par le photographe et l’ethnographe dans le temps. C’est ainsi qu’ensuite, à partir de cette densité et richesse empirique, nous nous sommes questionné·es sur ce que nos engagements mutuels contribuaient à produire en termes d’images et de textes. Pour qui et pourquoi écrit-on ? Photographie-t-on ? Pour nous ? Nos pair·es ? Pour les travailleur·ses sans-papiers rencontré·es et leurs soutiens CGT ? Avec quels enjeux de publicisation ?
34Si nos pratiques sont à la croisée du professionnel et de l’engagement personnel, elles requièrent un travail d’équilibriste : une exigence entre l’éthique professionnelle et l’intime des liens et relations nouées. Cette exigence se fait dans une tension permanente où « à partir de ces matériaux sollicités ou “cueillis sur le vif”, l’ethnographe [ou le photographe] élabore un texte, démarche qui consiste tout à la fois “à restituer le sensible et à atteindre le sens ; montrer en même temps que démontrer ; décrire autant qu’interpréter” » (Zonabend, 1994, 8). C’est aussi tout à la fois un choix méthodologique et politique, car nous ne prenons pas cette distance physique que différents manuels et précis de méthode recommandent. Nous nous engageons dans l’écriture photographique et ethnographique : il s’agit d’écritures hybrides, réalisées pour soi et pour le terrain. Ce n’est pas donc sans ambivalences. D’autant qu’en saisissant dans ses enquêtes « toute une rhétorique qu’il enregistre ou note au fil de sa recherche » (ibid., 4), le photographe et l’ethnographe peuvent être un aide-mémoire, et par-là, participer à constituer une archive du mouvement (Vertongen 2024).
Photographie 13. Réunion de préparation de la grève de plusieurs centaines de travailleurs sans-papiers prévue mardi 17 octobre 2023 au siège de la CGT à Montreuil
© Camille Millerand/octobre 2023