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Hommages

Nancy Ochoa Siguas (1956-2025)

Bonnie Chaumeil et Jean-Pierre Chaumeil
p. 221-224

Texte intégral

Nancy Ochoa Siguas lors du vernissage de l’exposition « Bois d’Amazonie »

Nancy Ochoa Siguas lors du vernissage de l’exposition « Bois d’Amazonie »

(photo de Miguel Izaga-beat, Paris, septembre 2018 ; peinture de Harry Pinedo Valera ; archive Clémence Gilonne)

1Entre plusieurs mondes… Tel est le titre que notre collègue Nancy Ochoa Siguas avait donné à sa thèse de doctorat en anthropologie sociale en 2007. Et de fait, elle avait trois mondes dans son cœur et dans sa vie : le Pérou, son pays de naissance où elle est née en 1956 ; la France, son pays d’adoption et d’accueil comme chercheure amazoniste ; et le Japon, le pays d’horizon de sa fille Clémence. À l’aube de l’été 2025, elle est entrée dans un autre monde, après une longue lutte contre la maladie.

2Au Pérou, Nancy se forma en anthropologie à l’Universidad Nacional Mayor de San Marcos (UNMSM) avant de rejoindre, au début des années 1980, le programme Anaconda de la Coopération technique suisse (dédié au soutien aux communautés indigènes du Loreto), en tant que consultante. Dans ce cadre, elle entreprit une recherche auprès des Bora du rio Ampiyacu (affluent de l’Amazone), afin d’appréhender leur vie sociale et culturelle à travers leur tradition orale. Cette étude donna lieu à une maîtrise à l’UNMSM en 1985 et à un livre, Niimúhe, publié en 1999 par le Centro Amazonico de Antropología y Aplicación Práctica (CAAAP), organisation péruvienne avec laquelle Nancy collabora activement pendant plusieurs années.

3En France, où elle s’installa en 1986, sa formation se poursuivit à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Puis elle intégra le centre Enseignement et recherche en ethnologie amérindienne (Erea) du CNRS comme membre associée. Elle entamait alors une nouvelle étape dans sa vie ainsi qu’un nouveau domaine de recherche avec les Chayahuita, bénéficiant du soutien de l’Erea et de plusieurs bourses du Legs Lelong (CNRS). Parallèlement, elle développa un vaste réseau d’amitiés et de relations avec la communauté péruvienne de Paris.

4En 2007, Nancy a obtenu son doctorat à l’EHESS avec une thèse intitulée Entre plusieurs mondes. Les Chayahuita d’Amazonie péruvienne, sous la direction de Philippe Descola. On peut regretter que ce travail universitaire soit resté inédit, car il s’agit d’une importante contribution à l’étude de la tradition culturelle de ce peuple.

  • 1 Cette série est produite par Lupuna avec la collaboration de Bertrand Lozay et Jean-Marc Desrosier (...)

5Tout en rédigeant sa thèse et en publiant quelques articles, Nancy consacra une grande partie de son temps à promouvoir en France les arts contemporains autochtones, en organisant divers événements culturels. En 2005, elle fonda l’association culturelle Lupuna et en devint la présidente. Avec cette association et son intérêt pour l’art et l’expression picturale, Nancy avait à cœur de donner écho aux voix de la forêt amazonienne. Elle s’investit avec passion et dynamisme dans la promotion et diffusion de l’expression d’artistes peintres autochtones autodidactes d’Amazonie péruvienne, notamment Brus Rubio et Victor Churay (Bora-Witoto), ou encore Elena Valera (Shipibo-Konibo). Elle organisa plusieurs expositions et débats : Les Yeux de l’Amazonie, à l’Ambassade du Pérou en France (2014) ; les Arts visuels et cultures indigènes en Amazonie péruvienne (2015), le Bosque Volador à la Maison de l’Amérique latine (2021) ; et collabora à l’exposition Visions chamaniques. Arts de l’ayahuasca en Amazonie péruvienne au musée du quai Branly (2023-2024). Avec l’association, elle participa à la réalisation et à la diffusion, sur YouTube, d’une série d’entretiens avec des artistes péruviens et péruviennes installés en France (collection « A travès. Une œuvre, un artiste »)1.

6Nancy était aussi engagée auprès d’associations de défense des droits autochtones d’Amazonie et de préservation de l’environnement. Avec Lupuna elle soutiendra la mise en place du jardin botanique Chaikoni Jonibo (projet de l’Association shipibo de San Francisco de Yarinacocha, dans le département de l’Ucayali).

7Durant plusieurs années, Nancy s’est consacrée – avec le soutien de son association et de son mari Michel Gilonne – à l’organisation régulière à la Maison de l’Amérique latine de conférences et de débats sur les publications américanistes récentes, avec des anthropologues, des historiens, des archéologues, des géographes, des écrivains et des artistes.

8Malgré la maladie contre laquelle elle lutta jusqu’au bout avec un remarquable courage, Nancy œuvra sans relâche à la valorisation des cultures de son pays – et de l’Amazonie en particulier – avec la sensibilité, la gentillesse et la détermination qui la caractérisaient. Pour toutes ces qualités reconnues par toutes et tous, elle reçut en 2024 une distinction honorifique du ministère péruvien des Affaires étrangères.

9Nancy Ochoa était une personne d’une grande générosité, qui s’est investie avec passion et discrétion dans plusieurs domaines et à qui nous sommes reconnaissants pour ses engagements. Son amitié et son exemplarité nous manqueront.

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Bibliographie

Ochoa Siguas Nancy
1983  « Artesanía entre los Bora del Ampiyacu », El Trueno [Centro Amazónico de Antropología y Aplicación Práctica, CAAAP, Lima], 16 (août-septembre), p. 3.

Ochoa Siguas Nancy
1985  Los Bora del Ampiyacu: una experiencia antropológica, tesis de maestria, antropología, Universidad Nacional Mayor de San Marcos, Lima.

Ochoa Siguas Nancy
1986a  « Huellas de un combate por la sobrevivencia », Pueblo Indio, 3, p. 55-56.

Ochoa Siguas Nancy
1986b  « Los Bora y la economía de mercado », Extracta [CIPA, Lima], 3, p. 15-19.

Ochoa Siguas Nancy
1986c  Diagnóstico situacional comunidades Chayahuitas (Sapote, Palmiche, Chacatan), CAAAP, Lima, 35 p.

Ochoa Siguas Nancy
1992  « El mito del diluvio y la creación de la división sexual entre los Kanpopiyapi de la Amazonía peruana », Journal de la Société des américanistes, 78 (2), p. 163-180.

Ochoa Siguas Nancy
1999  Niimúhe. Tradición oral de los Bora de la Amazonía Peruana, CAAAP/Banco Central de Reserva del Perú, Lima, 309 p.

Ochoa Siguas Nancy
2006  « Fonctions cérémonielles et sociales de la bière chez les Chayahuita d’Amazonie péruvienne », in Philippe Erikson (dir.), La pirogue ivre. Bières traditionnelles en Amazonie, publié avec le concours de l’université Paris X-Nanterre à l’occasion de l’exposition « Bières traditionnelles d’Amazonie » [musée français de la Brasserie, 28 mai-24 août 2004], Musée français de la Brasserie, Saint-Nicolas-de-Port, p. 81-86.

Ochoa Siguas Nancy
2007  Entre plusieurs mondes. Les Chayahuita d’Amazonie péruvienne, thèse de doctorat, anthropologie sociale et ethnologie, École des hautes études en sciences sociales, Paris, 355 p.

Ochoa Siguas Nancy
2014  « Introducción a la medicina shawi », in Guillaume Odonne (coord.), Plantas medicinales y de otros usos de los Shawi de Soledad y Atahualpa de Conchiyacu (Loreto, Perú), avec la participation de Geneviève Bourdy, Nancy Ochoa Siguas et Joaquina Albán Castillo, CONCYTEC/FONDECYT, IRD, Lima, p. 17-23.

Ochoa Siguas Nancy
2016  « Los piyapi yamorai o “gente del río de la sal”. Los últimos proveedores de sal del Paranapuras, Alto Amazonas, Perú », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 45 (1), p. 91-108. DOI : https://doi.org/10.4000/bifea.7819

Ochoa Siguas Nancy et Maria Eugenia Yllia
2012  Brus Rubio Churay. La forêt invisible, catalogue d’exposition [Paris, Maison des associations du 15e arrondissement, 11-19 octobre 2012], Lupuna/CAAAP, Paris (https://www.calameo.com/read/00434445516e57082d0a1, consulté le 15/09/2025).

Ochoa Siguas Nancy et Jean-Marc Desrosiers
2014  Les yeux de l’Amazonie. La peinture contemporaine de l’Amazonie péruvienne, catalogue de l’exposition [Paris, Maison des associations du 15e arrondissement, 9-16 décembre 2014], Lupuna, sous les auspices de l’Ambassade du Pérou en France, Paris, 15 p.

Odonne Guillaume (coord.)
2014  Plantas medicinales y de otros usos de los Shawi de Soledad y Atahualpa de Conchiyacu (Loreto, Perú), avec la participation de Geneviève Bourdy, Nancy Ochoa Siguas et Joaquina Albán Castillo, CONCYTEC/FONDECYT, IRD, Lima, 414 p.

2014  Plantas medicinales y de otros usos de los Shawi de Soledad y Atahualpa de Conchiyacu (Loreto, Perú), avec la participation de Geneviève Bourdy, Nancy Ochoa Siguas et Joaquina Albán Castillo, CONCYTEC/FONDECYT, IRD, Lima, 414 p.

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Notes

1 Cette série est produite par Lupuna avec la collaboration de Bertrand Lozay et Jean-Marc Desrosiers, Michel Gilonne, Nancy Ochoa et Ana Villafana, ainsi que la participation des membres de l’association (https://www.youtube.com/@lupuna1605, consulté le 15/09/2025).

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Table des illustrations

Titre Nancy Ochoa Siguas lors du vernissage de l’exposition « Bois d’Amazonie »
Crédits (photo de Miguel Izaga-beat, Paris, septembre 2018 ; peinture de Harry Pinedo Valera ; archive Clémence Gilonne)
URL http://journals.openedition.org/jsa/docannexe/image/25011/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 259k
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Pour citer cet article

Référence papier

Bonnie Chaumeil et Jean-Pierre Chaumeil, « Nancy Ochoa Siguas (1956-2025) »Journal de la Société des américanistes, 111-1 | 2025, 221-224.

Référence électronique

Bonnie Chaumeil et Jean-Pierre Chaumeil, « Nancy Ochoa Siguas (1956-2025) »Journal de la Société des américanistes [En ligne], 111-1 | 2025, mis en ligne le 30 septembre 2025, consulté le 07 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/jsa/25011 ; DOI : https://doi.org/10.4000/14ya3

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont susceptibles d’être soumis à des autorisations d’usage spécifiques.

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