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Chroniques de l'actualité scientifique et culturelle
In Memoriam

In memoriam Mikaele Tui (1956-2023)

Frank Asi Talatini
p. 317-320

Alulā Mikaele Tui

Mikaele Tui (photo 1) aura été une personnalité centrale et extraordinairement active à ‘Uvea (Wallis), dont il a profondément marqué la vie culturelle, administrative, coutumière et associative.

Photo 1. – Portrait de Mikaele Tui

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(cliché Muriel Bordier)

Né le 14 février 1956 à Alele (Hihifo), il est le fils de Sosimo Tui et de Malia Pelenetita Hansen et grandit dans une famille nombreuse et aimante. Il a, comme son jeune frère Kesiano, les cheveux roux, hérités de ses ancêtres maternels européens. Il déclare à ce sujet en 2018 dans une entrevue à France Télévisions (Pujar, 2018) :

« J’ai du sang danois, c’est peut-être ce métissage qui fait que je concours beaucoup à avoir des comportements occidentaux mais je ne démords pas de ma situation locale, de mon insularité, de l’autochtone que je suis. Il y a un mélange, une passion pour moi d’être curieux, d’apprendre et de rediffuser. »

L’ouverture, la vitalité, la générosité et la spontanéité sont autant de qualités qui définissent non seulement Mikaele lui-même, mais aussi sa vie et son parcours d’exception.

En 1971, âgé de 15 ans, Mikaele entre au séminaire de Païta (Nouvelle-Calédonie), où il effectue ses études pendant quatre années avant d’aller faire son service militaire dans la marine. Il retourne ensuite au fenua (pays) et devient traducteur à la station radio de fr3, qui venait alors d’ouvrir ses portes à Matala’a (Mu’a) en 1978. En 1980, il rejoint le service de Météo France à Hihifo, et travaille brièvement pour la station locale de rfo comme caméraman et journaliste reporter d’images, avant de repartir pour la Nouvelle-Calédonie où il est employé à l’office des postes. À son retour à ‘Uvea, il sera embauché au service territorial des postes et télécommunications, et deviendra par la suite secrétaire général du syndicat Force Ouvrière, alors émergent sur le territoire.

Au-delà de ses activités professionnelles et syndicales, Mikaele répond à l’appel de la grande chefferie d’Uvea, qui le désigne en 1997 comme Mahe Fotua’ika, ministre coutumier en charge de l’environnement et des affaires maritimes. Il occupera cette fonction coutumière pendant deux ans avant d’être nommé adjoint au chef du service territorial des Affaires Culturelles. À ce titre, Mika participe à plusieurs projets culturels et sert de point de contact pour les visiteurs, étudiants et chercheurs qui viennent à ‘Uvea.

Avec Elise Huffer de l’University of the South Pacific à Suva, il codirige en 2004 le premier ouvrage entièrement écrit par des ‘Uvéens : ‘UVEA (Tui et Huffer 2004). C’est à cette occasion que j’ai pu travailler avec Mika et contribuer à ce projet en lui soumettant un article intitulé « Lotu Mavae » sur les identités religieuses en mutation à ‘Uvea et Futuna (Asi Talatini, 2023).

Par la suite, j’ai gardé contact avec Mika et eu la chance d’échanger à plusieurs reprises avec lui sur différents aspects de la culture uvéenne. Notre dernière rencontre en personne remonte au mois d’août 2007 à Matā’utu. Affable, accueillant et disponible, comme à son habitude, la veille de mon départ d’Uvea il m’avait invité à diner, en compagnie d’Atoloto Uhila, l’ancien Kulitea ou ministre coutumier chargé de la culture.

En 2008, Mikaele deviendra faipule, c’est-à-dire chef du district de Mu’a dans le sud de l’île d’Uvea. À l’occasion du 50e anniversaire du territoire, Mikaele Tui et l’ancien chef du service des affaires culturelles Sioli Pilioko prennent l’initiative d’organiser des festivités culturelles (danses, expositions, jeux, etc.) à Vaitupu. Ils publient à l’occasion un livret commémoratif sur l’histoire et les personnalités du territoire de 1961 à 2011.

En 2015, au cours d’une mission à Paris, Mika fait un malaise qui révèle un cancer du foie. En raison du traitement qu’il doit suivre, il s’installe définitivement dans la commune d’Épieds-en-Beauce, dans la région orléanaise. Tout au long de son séjour en France, il continue à s’impliquer au sein de la communauté d’Uvea et de Futuna et d’intervenir auprès des médias et dans le milieu culturel hexagonal.

Mikaele sera interviewé en 2021 à l’émission littéraire d’Outre-mer la 1ère, À la 1ère page, pour présenter son ouvrage ‘UVEA. Il intervient également dans le documentaire de Lionel Boisseau consacré au 60e anniversaire du territoire en 2022, Wallis et Futuna, une histoire singulière.

Il participe à plusieurs reprises aux séances du Cinéma des Océanistes au musée du quai Branly-Jacques Chirac, où il n’hésite pas à exprimer ses critiques vis-à-vis de la représentation négative de son île, notamment lors de la projection de Beauté fatale en 2017 (Dalsace, 2016). Ces séances seront aussi l’occasion de renouer des liens ancestraux, comme lors de la projection du film Nous, Tikopia’ en 2018 (Fajal, 2018). Mika y renoue avec les chefs de Tikopia, dont les ancêtres provenaient en partie d’Uvea. Depuis que Tikopia est devenu un satellite polynésien des îles Salomon, toute relation a été interrompue.

Mika s’est toujours intéressé à l’histoire du fenua, à la généalogie et aux grandes familles aristocratiques du royaume d’Uvea. Sa passion pour ces recherches l’avait mené en Israël, en Suisse et au Vatican pour consulter les archives des missions maristes d’Océanie.

Défenseur de la langue uvéenne, il travaille en étroite collaboration avec les enseignants et la nouvelle Académie des langues uvéenne et futunienne. En 2017, il publie, avec Thierry Murcia, Pelelina Ikauno et Claire Moyse-Faurie, le premier Dictionnaire pratique français-wallisien disponible en ligne. La même année, il crée une troupe de danse, Felave’i Fiafia (Voisin, 2021), qui se produit dans différents festivals régionaux de France, notamment à La Rochelle, Gannat et Noyon. À la veille de son décès encore, les 21, 22 et 23 juillet 2023, Mikaele participait au festival du Boupère en Vendée pour y faire, une dernière fois, la promotion culturelle de son territoire.

Mikaele s’est éteint le 4 août 2023 à Paris, à l’âge de 67 ans, laissant derrière lui sa femme, Ilaisa, 9 enfants et 26 petits-enfants. Il a été inhumé à Mala’efo’ou, (Mu’a) sur sa terre natale, ‘Uvea.

Qu’il repose en paix.

‘Ofa atu ki faitoka.

Bibliographie

Asi Talatini Frank, 2023. Lotu mavae: Fetogi o te ma’uli fakalotu i ’Uvea mo Futuna. (Religious identity and change in Wallis and Futuna), in Our Language: Journal of Pacific Research, pp. 1-3. Available online: https://iol.ac.nz/index.php/iol/article/view/20

Tui Mikaele et Elise Huffer (eds), 2004. ‘Uvea, Institute of Pacific Studies.

Tui Mikaele, Thierry Murcia, Pelelina Ikauno et Claire Moyse-Faurie, 2017. Dictionnaire pratique français-Wallisien. Disponible en ligne : www.ac-wf.wf/IMG/pdf/dico_francais_wallisien_aujuin_2017-2.pdf

Voisin Philippe, 2020. « 2021, l’année de Wallis-et-Futuna #1 », magcentre.fr, 26 décembre. En ligne : www.magcentre.fr/206026-2021-lannee-de-wallis-et-futuna-1/

Pujar Kelly, 2018. « Dans le Loiret, Mikaele Tui est le gardien des traditions wallisiennes », Outre-mer la 1ère, 17 août. Disponible en ligne: https://la1ere.francetvinfo.fr/loiret-mikaele-tui-est-gardien-traditions-wallisiennes-618318.html

Filmographie

Boisseau Lionel, 2022. Wallis et Futuna, une histoire singulière, Wallis et Futuna la 1ère/Merapi productions, 54min30. Disponible en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=B_drUwuS6a4

Dalsace Mélanie, 2016. Beauté fatale, GB Prod & Lodge Productions, coproduction Nouvelle-Calédonie 1ère et Wallis et Futuna 1ère, 52 min.

Fajal Corto, 2018. Nous, Tikopia’, Blue hours film & Awerstud Films, 110 min.

« Mikaele Tui, passeur de culture wallisienne », in À la 1ère page, 2 décembre 2021, France télévisions. Disponible en ligne : www.france.tv/la1ere/a-la-1ere-page/3345493-mikaele-tui-passeur-de-culture-wallisienne.html

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