Les deux textes proposés sont le fruit d’un travail réalisé dans le cadre du cours de « français expression écrite et orale » qui fait partie du curriculum du diplôme universitaire Climate Resilience and Humanitarian Action (crha – Action humanitaire et résilience climatique) proposé par l’Université Nationale de Vanuatu (unv).
L’Université Nationale de Vanuatu est une jeune université qui a vu le jour en janvier 2020 (Nirua et Vivier, 2020). La plupart des formations offertes par l’unv sont délivrées en partenariat avec des universités régionales (Université de la Nouvelle-Calédonie, James Cook University, Victoria University) et/ou internationales (Université Toulouse 1 Capitole, Taylor’s University of Malaysia), à l’exception de la Licence en sciences de l’éducation et plus récemment du diplôme universitaire crha. Le diplôme Climate Resilience and Humanitarian Action a accueilli sa première promotion en 2023. Cette formation a spécialement été conçue pour répondre aux enjeux climatiques auxquels le Vanuatu est confronté. Ce programme aborde les principaux enjeux liés au changement climatique et a vocation à aider à renforcer la résilience climatique et à accroître la capacité du pays à (ré)agir. En adoptant une approche pluridisciplinaire, ce diplôme apporte aux étudiants des connaissances et compétences en matière de changement climatique, d’action humanitaire, de politique et de droits climatiques.
Bien que le diplôme soit entièrement délivré en anglais, sur une promotion de 20 étudiants en 2023, environ la moitié étaient issus du système éducatif francophone. Si le système éducatif du Vanuatu se distingue de celui de sa voisine la Nouvelle-Calédonie, ces deux archipels ont en commun l’utilisation du français comme (l’une des) langue(s) principale(s) d’éducation. Au Vanuatu, à partir de l’année 3 (correspondant au CE2 du système calédonien), les élèves reçoivent une éducation soit principalement en français soit en anglais selon le choix effectué (Vandeputte, 2020). Le système éducatif national reflète l’histoire unique du Vanuatu et notamment de la colonisation de l’archipel par la France et le Royaume-Uni (1906-1980). Depuis l’indépendance (1980), les bureaucraties française et anglaise ont fusionné au fil du temps et l’éducation est administrée en vertu d’une seule loi (No 9. 2014) bien que le système reste duel.
Les deux étudiants auteurs de ces textes ont tous deux suivis une scolarité jusqu’au lycée (13ème équivalent de la Terminale) et ont effectué une 14ème année afin d’obtenir un diplôme français : le diplôme d’accès aux études universitaires (daeu). Ils ont ensuite effectué deux années de Licence à l’Université de la Nouvelle-Calédonie (unc) respectivement en sciences et vie de la terre et en géographie et aménagement du territoire sans la valider avant de revenir au Vanuatu s’inscrire à l’unv. L’auteur de « Entre ma maison et le campus universitaire » se nomme Fabrizzio Metsan, il est originaire de l’île de Malekula. Fabrizzio a effectué différents stages dans le secteur du changement climatique. Il vient d’obtenir son diplôme en résilience climatique et action humanitaire et souhaite trouver un emploi dans ce domaine avant de reprendre une formation complémentaire dans un ou deux ans. L’auteure de « Ma vie d’étudiante » a souhaité garder l’anonymat. Tout comme Fabrizzio, elle vient de valider son diplôme crha et cherche un emploi dans le secteur du changement climatique mais souhaite par la suite reprendre ses études.
- 1 Parler « des îles » au Vanuatu désigne un environnement en dehors des centres urbains.
Le devoir donné aux étudiants s’intitule « Chronique quotidienne de ma vie étudiante ». Combinant des éléments discutés dans le cours de recherche méthodologique (Academic research skills) sur le récit auto-ethnographique et des techniques de rédaction autobiographique, les étudiants devaient discuter d’un élément significatif de leur vie étudiante. Ces deux textes mettent en lumière les expériences vécues par les étudiants ni-Vanuatu allant de la nécessité à vivre « chez des correspondants » dans un foyer loin de ses repères, de sa famille nucléaire à l’exposition de diverses obligations quotidiennes (mises en opposition à la vie « des îles1 », exprimée dans le récit onirique).
Je voyais mes cousins qui m’appelaient de la pirogue et qui me faisaient signe de les rejoindre. Je courais vers la mer et je commençais à nager vers eux. Le soleil brillait fort, une luminosité à perdre la vue. La surface de l’eau était chaude mais froide en profondeur. Je montais dans la pirogue et on partait au large pour pêcher. C’était une belle journée, il y avait beaucoup de poissons et d’autres pirogues nous rejoignaient. Au moment où j’ai remonté mon premier poisson, une lumière éblouissante m’a aspergé les yeux et j’entendis les oiseaux qui chantaient une mélodie tellement douce et belle à entendre. Au début je n’arrivais pas à distinguer la lumière et les cris des oiseaux car tout était flou. Au moment où j’ouvrais les yeux, j’étais sur mon lit dans ma chambre. Il était 6 heures du matin et les premières lueurs du jour traversèrent la fenêtre de ma chambre et j’apercevais dehors dans le ciel une lumière rouge-jaune qui tendait vers l’orange et au milieu les nuages qui dansaient, portés par un vent frais, matinal. C’était tellement paisible d’assister à un tel spectacle que seule la nature peut nous procurer.
Mais aussitôt la réalité me rattrapait, c’était lundi et il fallait mettre les gaz pour se préparer avant les cours. Ce n’est pas toujours évident de se réveiller tous les jours pour aller en cours quand on sait qu’il va nous falloir faire beaucoup d’effort physique pour y aller mais le plus important c’est de faire des efforts cérébraux alors que le cerveau est saturé... Dépité, je me levai et commençai à étirer mes membres, mes hanches et ma tête pour faire fuir la dysanie. Mon ventre gargouillait, je mourais de faim. Mon petit rituel du matin : je buvais tout d’abord un grand verre d’eau, puis un café et je prenais soit du pain ou des biscuits crackers avec du beurre de cacahuète. Après je préparais mon sandwich du midi, avec du pain, une omelette, de la sauce tomate ou de la mayonnaise et des avocats quand il y en a. Je prenais ma douche, je me changeais puis après je prenais le temps de fumer une cigarette devant une vue incroyable qui donne sur tous les quartiers de Freshwater. Je prenais le temps d’admirer la vue, laissant le soleil me donner un bon coup sur la tête pour bien réveiller mes neurones. Je savais que j’allais être en retard mais c’était pas grave, j’étais toujours en retard depuis le lycée, même pendant les examens. Je ne sais pas pourquoi mais j’aime beaucoup être en retard. Je sais qu’il faut être ponctuel dans la vie mais le retard et moi, on ne fait qu’un ! Je ne sais pas, peut-être que je donnerai cette copie de mon autobiographie en retard ? Qui sait ? En tout cas il est fort probable que ça arrive. Enfin bref, je fumais ma cigarette et là aussi je sais que ce n’est pas dans l’intérêt de ma santé mais j’avais besoin de commencer ma journée sans stress et rien de mieux qu’une Peter Jackson le matin après le petit-déjeuner. Je pouvais pas aller en cours sans regarder les infos sportives et un peu de dessins animés sur Canal + pour faire passer l’heure. Je surfais aussi des fois sur les réseaux pour chater avec les copains et la famille en attendant l’heure. J’attendais normalement 15 minutes avant que les cours ne commencent pour démarrer de chez moi et je ne prenais pas la peine de me dépêcher parce que j’aime ça traîner. Je marchais sur la route et je prenais plaisir à saluer les gens et converser avec tous ceux que je connaissais. C’était pour moi une façon de tirer la bonne humeur de chez chacun d’eux pour en faire mienne, à partir des rires et des sourires. J’étais une antenne relais qui avait besoin d’ondes positives pour bien commencer sa journée sinon ça se voyait sur mon humeur que je m’étais levé du pied gauche le matin. Avant j’écoutais de la musique sur la route mais après j’ai arrêté parce que c’est dangereux pour ma sécurité car il y a beaucoup de voitures qui circulent et que je ne socialisais pas assez avec les gens. J’aimais emprunter le sentier à côté du cimetière car on retrouve là de la verdure et de l’ombre pour se protéger des faisceaux lumineux qui proviennent du ciel. Les rayons du soleil qui percent les feuilles des arbres sont fascinants mais tapent très fort.
Quand j’arrivais enfin au campus, je prenais le temps d’inventer une excuse bidon avant de rentrer en classe. Lorsque j’étais au lycée, quand je venais en retard, ça dépendait de l’humeur de la cpe, si elle était de mauvaise humeur je rentrais direct à la maison. Mais après un temps, je sais plus mais ils me laissaient venir en retard parce que malgré mes retards répétés, je gérais comme un dingue en classe. J’étais le seul élève qui n’avait pas besoin de billet de retard pour rentrer en classe. Et depuis, cette fierté d’être le roi des retardataires me poursuit sans cesse. La vie d’un étudiant se résume à se réveiller le matin pour aller en cours, apprendre puis revenir l’après-midi à la maison pour réviser. S’il faut prendre le temps pour penser à soi alors je pense que mes nombreux retards depuis de nombreuses années sont justifiés.
La vie étudiante n’est pas toujours facile contrairement à ce que peuvent penser de nombreuses personnes. Elle est faite d’embuches et d’obstacles, elle est même plutôt pire que la vie d’un fonctionnaire où sa journée de travail se résume à huit heures alors qu’une étudiante tous les jours a du travail à faire, à rendre, même les weekends sont stressants. Cette difficulté ne se résume pas seulement qu’aux devoirs, aux tests, aux dst, aux td et tout, mais aussi au quotidien, chez soi ou chez les correspondants.
Cette année n’est pas comme toutes les autres années passées. En plus d’être ma première année à l’Université Nationale de Vanuatu, c’est aussi ma première fois à être logée chez mon correspondant. J’avoue que ce n’est pas le premier correspondant que j’ai eu, j’avais aussi eu d’autres correspondant pendant mes années au collège et au lycée. Mais cette année était particulièrement différente bien que mon correspondant ne fût personne d’autre qu’un membre de la famille.
À la maison, le quotidien n’était pas toujours facile entre ma correspondante qui ne cessait de râler tous les jours et à chaque fois elle me donnait cette impression de ne pas vouloir rentrer à la maison chaque soir après les cours. Il y a même cette ambiance qui me donne envie de rentrer auprès de mes parents mais bien évidement je ne peux pas car eux ils habitaient sur une autre île… Et ces mots qui sortaient de leurs bouches et qui me donnaient cette impression d’être comme un fardeau pour eux même si au départ je ne voulais pas d’eux comme correspondant car je n’étais pas habituée à vire avec eux. Chaque fois quand quelque chose n’allait pas à la maison c’est toujours sur moi qu’on rejetait la faute comme si je n’étais pas la seule à vivre avec eux. Pour essayer de m’évader de cette ambiance impossible à supporter, des fois je restais tard au campus jusqu’à des heures pas possibles juste pour les éviter et rentrer à l’heure où tout le monde dormait. Et une fois rentrée, il y avait ce calme et cette obscurité qui envahissaient toutes les pièces et c’est ce calme que j’aimais entendre, cette obscurité infinie qui hantait la pièce et ce vent du soir si paisible et agréable qui faisait danser les rideaux et qui se faisait ressentir dans les quatre coins de la chambre. D’habitude le matin, le réveil se fait tôt et cette excitation de revoir mes collègues tous les jours me donnait envie de venir à chaque fois en cours juste pour passer des moments agréables tout en oubliant le quotidien juste le temps d’une journée ça comptait énormément pour moi. Tous ces sentiments et ces émotions qui me rongeaient de l’intérieur tout au long de cette année, je les voyais comme mes obstacles quotidiens dans lesquels je puisais en eux cette force de pouvoir et vouloir terminer cette année avec de bonnes notes qui rendraient fiers mes parents. C’est cet objectif que je me suis fixé et qui me pousse à ne pas baisser les bras et à continuer d’avancer jour après jour tout en gardant la tête haute.
Cette année marquera une expérience que je n’oublierai jamais, ça m’a marquée car je n’ai jamais vécu une telle chose auparavant. Voilà en quoi se résume ma vie d’étudiante cette année, rien d’intéressant juste un quotidien perturbant qui me pose problème car ce n’est pas un environnement dans lequel on peut s’épanouir pleinement dans ses études cela fait que je dois toujours venir au campus pour réviser et même pour faire mes devoirs, même les week-ends je suis au campus. Cela dit comme quoi la vie étudiante n’est pas toujours pareille pour chaque étudiant.
Anonyme