L’élection directe du président de la République italienne entre le spectre de Weimar, l’attrait des États-Unis et l’exemple de la France (1944-1962)
Résumés
Cet article reconstitue le débat sur l’élection directe du président de la République en Italie pendant la période allant de 1944 à 1962. Il tente de répondre à la question : pourquoi les idées et les propositions pour l’élection directe n’ont-elles recueilli le soutien que d’une très faible minorité d’Italiens ? Durant la première période, de 1944 à 1947, il s’agissait d’une minorité inspirée par le modèle américain. Dans une seconde période, à partir de 1958, l’exemple de la France a attiré une attention et un consensus plus significatifs, mais toujours très minoritaires. Les promoteurs de l’élection directe du chef de l’État se sont heurtés à une large et ferme opposition, qui allait bien au-delà de la majorité des forces politiques. L’hypothèse d’élire directement le président était considérée comme un choix dangereusement autoritaire. La plaie laissée par l’expérience de Weimar ne s’était pas refermée. La plupart des politiciens et des juristes italiens refusaient de croire à l’homme providentiel et cherchaient à éviter que l’Italie, comme la France de Charles de Gaulle, ne se convertisse au culte du chef. L’élection directe était qualifiée de révision trahissant l’esprit antifasciste de la Constitution italienne.
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- 1 P. Pombeni, La questione costituzionale in Italia, Bologne, Il Mulino, 2016 ; R. Romanelli, L’Itali (...)
1Dans l’histoire de l’Italie contemporaine, l’idée d’élire directement le président de la République a suscité à plusieurs reprises l’intérêt des hommes politiques et des experts en droit constitutionnel, qui se sont croisés dans un débat assez vif mais intermittent, avec des phases d’âpres controverses ponctuées de silence total. L’historiographie a souligné la pertinence des discussions sur les réformes institutionnelles1, mais sans consacrer de contributions spécifiques aux options présidentielles. Une étude plus approfondie semble donc nécessaire, notamment pour répondre à la question suivante : pourquoi l’élection directe du chef de l’État n’a-t-elle recueilli le consensus que d’une petite minorité d’Italiens ?
- 2 Dans les années suivantes, à partir de 1964, l’idée de l’élection directe du chef de l’État, souten (...)
- 3 On se limite ici à citer l’une des contributions parmi les plus récentes : L. Lacché, « L’esperienz (...)
- 4 M. Weber, « Il presidente del Reich (1919) », dans Id., Scritti politici, A. Bolaffi éd., Rome, Don (...)
2La période qui s’étend de 1944, date des premières propositions en faveur de l’élection directe du président de la République, à 1962, année du référendum sur la révision constitutionnelle en France, représente une phase cruciale2. Les promoteurs de l’élection directe du chef de l’État se sont heurtés à une ferme opposition, qui dépassait largement la majorité des forces politiques. Chaque grand parti (Démocratie chrétienne, Parti communiste italien et Parti socialiste italien d’unité prolétarienne) avait ses propres raisons liées à des intérêts politiques et électoraux spécifiques, mais l’interprétation des modèles américain et français vus comme des formes de gouvernement essentiellement dangereuses, capables de miner la jeune démocratie italienne, prévalait sur toutes les autres. L’élection populaire du président de la République était indirectement connectée à l’avènement de la dictature nazie, au contrôle des masses et aux causes du déclenchement d’une guerre mondiale encore trop récente3. Les choix de Paul von Hindenburg constituaient un avertissement. Aucun homme politique ou intellectuel important n’osait reprendre les arguments de Max Weber en faveur de la création d’un sommet de l’État fondé sur la volonté du peuple dans son ensemble4. En effet, le président de la République de Weimar n’avait pas été une barrière efficace contre ceux qui attaquaient les droits fondamentaux ; il n’était pas le représentant suprême d’une institution solide, capable de soutenir l’État en période de crise ; il n’avait pas bien rempli la fonction de limitation et de contrepoids aux pouvoirs exécutif et législatif ; le président n’avait pas assumé une valeur unificatrice ; il n’avait pas été une sorte de substitut du monarque : la possibilité même d’être réélu le rendait particulièrement sensible à la dynamique des partis et aux objectifs de certains groupes politiques. La forme plébiscitaire de l’élection avait offert au président un prestige qui l’a poussé vers un rôle actif et non vers une position d’impartialité. Les règles constitutionnelles concernant le président de la République de Weimar, en somme, étaient très discutables parce qu’elles étaient condamnées par l’histoire et ne pouvaient pas être réappliquées facilement.
- 5 C. Mortati, « Società e stato nella nuova costituzione francese », Comunità, no 67, 1959, p. 46-53 (...)
3L’élection directe du chef de l’État n’avait aucune chance de réussir au lendemain du régime fasciste car elle évoquait tout d’abord le spectre de la dictature. Elle ravivait en quelque sorte le mythe du « surhomme » et désavouait la culture antifasciste, qui trouvait sa légitimité dans l’opposition à la culture du chef qui avait dominé l’entre-deux-guerres. L’investiture d’un homme seul à la tête du pays, même en étant le fruit d’une élection libre et d’un mandat limité dans le temps, revenait à alimenter l’idée que le peuple italien pouvait à nouveau confier son destin à une seule personne. Les dirigeants politiques et les militants des partis n’étaient pas les seuls à avoir voulu rompre radicalement avec la tradition des leaders charismatiques. Cela concernait aussi les spécialistes reconnus des systèmes politiques et institutionnels qui faisaient le lien entre l’expérience historique et la culture politique des États-Unis et, plus encore, celle de la Ve République française, et l’affirmation d’un leader autour duquel se concentraient de nombreux pouvoirs au point d’éclipser l’assemblée représentative et la démocratie elle-même. Presque unanimement, les juristes-publicistes italiens évaluèrent très sévèrement l’expérience française, parce qu’elle alimentait, entre autres, la fascination pour le chef quelques années après la fin du fascisme5. L’élection directe du président de la République aurait donc éloigné l’Italie des acquis de la Résistance et de la lutte pour la Libération.
L’attrait des États-Unis
- 6 T. L. Rizzo, « Rizzo Giambattista », dans Dizionario del Liberalismo italiano, Soveria Mannelli, Ru (...)
- 7 G. Rizzo, La Repubblica presidenziale, Rome, Edizioni italiane, 1944.
- 8 Assemblea Costituente (AC), Commissione per la costituzione, II sottocommissione (IISc), 13 gennaio (...)
- 9 M. Caravale, « Astuti, Guido », dans Dizionario biografico degli italiani, vol. XXXIV, Rome, Istitu (...)
- 10 G. Astuti, I principi informatori della nuova Costituzione, Tivoli, Istituto Grafico Tiberino, 1946 (...)
- 11 F. Grassi Orsini et G. Nicolosi éd., I liberali italiani dall’antifascismo alla Repubblica, Soveria (...)
4En juillet 1944, le dirigeant du Parti libéral (PLI), Giambattista Rizzo, qui deviendra par la suite sénateur, et qui était alors un élève prometteur des illustres juristes Vittorio Emanuele Orlando et Santi Romano6, acheva un volumineux ouvrage, en partie anticipé l’année précédente, intitulé La Repubblica presidenziale, qui tentait d’analyser, d’un point de vue historico-constitutionnel et à titre de comparaison, la forme de gouvernement des États-Unis7. L’étude de Rizzo ne modifia pas la position dominante au sein du PLI, opposée à l’idée d’importer le modèle américain8, mais elle ouvrit quelques pistes. L’historien du droit Guido Astuti, qui après la lutte clandestine aux côtés des antifascistes avait rejoint le Parti libéral, dont il devint secrétaire adjoint de mai 1946 à avril 19489, plaidait en faveur d’une république à la française, mais suggérait que le chef de l’État puisse être élu par le corps électoral, soit directement, soit par le biais d’élections à deux degrés, afin de donner une « plus grande autorité » au président, parce qu’un « régime d’assemblée » lui semblait plus dangereux qu’une « dictature personnelle »10. Dans cette phase de transition entre le fascisme et la République, même le PLI ne considérait pas l’élection directe du chef de l’État comme un contrepoids capable de limiter le pouvoir et l’intrusion des partis11. Au sein du PLI, la tendance dominante était de réhabiliter l’expérience préfasciste. La proposition d’Astuti ne doit cependant pas être sous-estimée, car elle constitue l’une des premières tentatives, bien qu’infructueuse, pour éloigner le débat politique du lien indissoluble entre l’élection directe du chef de l’État et la république présidentielle.
- 12 Voir R. Ruffilli éd., Cultura politica e partiti nell’età della Costituente, vol. I et II, Bologne, (...)
5Les partis dits de masse (DC, PCI, PSIUP) excluaient catégoriquement l’option présidentielle. En leur sein, l’élection directe du chef de l’État n’a même pas été débattue, car l’idée qu’il s’agissait d’un grand danger pour une jeune démocratie sortant du fascisme dominait. La peur du tyran se traduisait par un refus de toute mesure qui aurait pu favoriser un retour à la prévalence des organes monocratiques sur les organes collégiaux. La dictature, notamment chez les communistes et les socialistes, avait suscité une réaction de rejet à l’égard du rôle politique du chef de l’État, qui devait devenir aussi minime que possible. Les catholiques étaient particulièrement préoccupés par les institutions censées garantir le fonctionnement démocratique du système (Parlement, Régions, Cour constitutionnelle) et, au cours de la période triennale 1943-1946, ils ne prirent même pas en considération la proposition d’élire directement le président de la République12.
- 13 G. De Luna, Il partito della Resistenza. Storia del Partito d’Azione 1942-1977, Milan, Utet, 2021, (...)
- 14 « Dal programma del Partito d’azione », Italia libera, no 1, 1943.
- 15 « Punti programmatici fondamentali del Partito d’Azione », [sans lieu], Partito d’Azione, 1944.
6Dans l’Italie de l’après-guerre, l’élection populaire du chef de l’État ne recueillit un soutien significatif qu’au sein du Parti d’action (Partito d’azione, PdA), qui n’obtiendra que 1,45 % des voix aux élections de 1946, réussissant quand même à faire élire sept députés à l’Assemblée constituante13. Avant même la signature de l’armistice, le PdA avait indiqué au préalable sa préférence pour un « pouvoir exécutif » doté « d’une autorité et d’une stabilité qui permettent la continuité, l’efficacité et la rapidité d’action afin d’éviter tout retour aux systèmes de crise permanente qui avaient été fatals pour les régimes parlementaires »14. Le « parti des intellectuels » (c’est ainsi que fut défini le PdA) excluait le soutien d’un modèle politico-institutionnel qui ne garantissait pas des gouvernements suffisamment stables. Une définition plus précise de la proposition programmatique du Parti d’action était cependant encore lointaine. Après la libération de Rome, les fameux « Seize points », l’un des documents les plus importants approuvés par le Congrès (août 1944) et fruit d’un débat intense au sein du parti, ne contenaient aucune référence à l’élection directe du chef de l’État15. L’imprécision des « points » était évidemment un moyen de maintenir la pluralité des positions au sein du parti, de sorte qu’aucun représentant autoritaire et aucune faction ne se sentent complètement exclus. À l’époque, il n’y avait donc aucune proposition explicite en faveur de l’élection directe du chef de l’État, et il aurait été exagéré d’interpréter les « points » schématiques de manière extensive, comme si le choix présidentialiste était déjà mûr.
- 16 « Azione rivoluzionaria », Giustizia e Libertà. Organo veneto del Partito d’Azione, no 2, 1944 ; « (...)
- 17 Piano di lavoro del Partito d’azione (proposta di discussione), [sans lieu], Partito d’Azione, 1944 (...)
- 18 Linee programmatiche per il Partito d’azione, Milan, 1945, opuscule publié plusieurs fois et aussi (...)
- 19 La Costituzione degli Stati Uniti d’America, France, Quaderni di “Vette”, 1945 ; T. Corsi, Storia d (...)
- 20 Tous les deux : Rome, Ufficio informazioni di guerra degli Stati Uniti d’America, 1945.
7Au sein du PdA, en réalité, l’élaboration d’une synthèse programmatique sur la forme de gouvernement venait de commencer, et la majorité était séduite par la possibilité, qui apparaît aujourd’hui comme complètement irréaliste, de construire une forme révolutionnaire de gouvernement basée sur les Comités de libération nationale (CLN)16. Dans le Plan de travail du Parti d’action, datant de décembre 1944, on peut lire : « Les organes du nouvel État italien sont les comités de lutte qui ont surgi au cours de la guerre de libération »17. Les organes collégiaux étaient nettement favorisés et l’idée d’un chef d’État directement élu ne rencontrait pas d’approbation particulière dans un parti où la pensée socialiste trouvait un soutien considérable. Après tout, c’était une hypothèse non révolutionnaire que de prendre exemple sur la plus ancienne constitution écrite du monde. Et pourtant, c’était précisément dans cette direction que le groupe milanais du PdA s’était engagé au cours de l’été et de l’automne 1944, lorsqu’il avait élaboré ses lignes programmatiques, qui prévoyaient que le président de la République soit élu au suffrage universel à la majorité absolue, qu’il reste en fonction pendant quatre ans et qu’il ait la tâche, entre autres, de nommer les ministres18. Les États-Unis exerçaient une grande fascination. Les expériences vécues pendant la guerre avaient rapproché les deux pays, ce que même l’émigration massive vers l’Amérique n’était pas parvenue à faire. Une série de publications avait également contribué à raviver l’intérêt qui s’était émoussé pendant le fascisme19. L’administration américaine elle-même s’était efforcée de diffuser des manuels de vulgarisation permettant de se faire rapidement une idée : Come funziona il Governo degli Stati Uniti? rassemblait en quelques pages les notions essentielles du système américain, et Come si vota negli Stati Uniti expliquait, de manière synthétique, comment se déroulaient les opérations de vote et quelles étaient les règles qui les régissaient20.
- 21 Il n’existe pas un profil biographique d’Angelo Giugni. Après avoir obtenu sa licence en droit, il (...)
- 22 A. Giugni, La Costituente e la nuova organizzazione dello Stato. Saggio di diritto costituzionale, (...)
- 23 Ibid.
- 24 A. Giugni, « Risoluzione del convegno del Partito d’azione per la riforma costituzionale », dans La (...)
- 25 Id., La Costituente, op. cit., p. 66-67.
8La conférence de début janvier 1946 peut être envisagée comme un tournant important. Au cours de celle-ci, le conseiller de la Cour des comptes, Angelo Giugni, qui n’était pourtant pas un érudit de haut niveau, jouissant d’une réputation similaire à celle d’autres membres du parti, présenta un rapport sur l’organisation de l’État21. Les réflexions de Giugni, qui achevait alors le volume La Costituente e la nuova organizzazione dello Stato22, ne doivent pas être sous-estimées, car elles contiennent, en les anticipant, les principaux arguments sur lesquels le choix présidentialiste allait mûrir. Tout d’abord, la nécessité d’un gouvernement stable : la forme présidentielle était « plus commode pour l’Italie », surtout pendant la phase de reconstruction, tandis que la forme parlementaire aurait généré, en l’absence de quelques partis forts, une série continue de crises, capables de saper la mise en œuvre d’un « programme administratif » organique23. Et puis, il lui semblait excessif d’associer le présidentialisme à un risque de dérive dictatoriale, d’autant plus que c’était justement le régime parlementaire qui n’avait pas su empêcher l’avènement du fascisme24. Pour lui, dans un État démocratique, le chef de l’État ne pouvait être qu’élu par le peuple, et la durée de son mandat devait être strictement limitée dans le temps. L’élection devait être aussi générale et directe que possible. Le représentant de « tous les citoyens » ne pouvait être le résultat du choix d’un ou de plusieurs partis ou d’un certain nombre de délégués, qu’il s’agisse de parlementaires ou non25.
- 26 Pendant les travaux de l’Assemblée constituante, le PCI n’était pas encore sûr des pouvoirs à attri (...)
- 27 A. Levi, « Per una Repubblica democratica », Critica Sociale, no 2, 1945, p. 26 ; A. Olivetti, L’or (...)
- 28 Preti, qui était opposé à l’alliance entre le PCI et le PSIUP, deviendra l’un des principaux représ (...)
- 29 L. Preti, « Problemi costituzionali di domani », Critica sociale, no 5, 1946, p. 76.
9Le PdA n’influença pas les autres partis de la gauche italienne. Le PCI n’avait aucune idée du rôle et des pouvoirs à attribuer au chef de l’État, mais souhaitait l’empêcher d’avoir une légitimité populaire égale à celle du Parlement26. Le PSIUP, à la fin de l’année 1945, proposait encore une sorte de présidence collégiale, qui se caractérise surtout par sa difficulté à se réaliser27. Une exception doit cependant être notée : Luigi Preti (alors candidat du Parti socialiste aux élections pour l’Assemblée constituante dont il deviendra membre)28, qui soutient que seule l’élection par le peuple garantirait au chef de l’État « un pouvoir plus effectif et plus réel que celui des présidents de la IIIe République française » et lui donnerait indépendance, prestige et parité par rapport aux Chambres et aux autres organes constitutionnels29. La position de Preti est plus pragmatique et plus équilibrée que beaucoup d’autres, mais reste absolument minoritaire au sein du Parti socialiste, qui, de fait, l’ignora.
- 30 « Repubblica presidenziale, autonomie locali, economia di popolo, governo democratico di sinistra » (...)
- 31 Ibid.
10Dans le programme du PdA d’avril 1946, en vue des élections à l’Assemblée constituante, un choix précis apparaissait enfin : la république présidentielle « à l’américaine » comme modèle. L’âme libérale-démocrate l’avait emportée sur l’âme socialiste, qui s’était avérée avoir des idées beaucoup moins définies et concrètement réalisables. Le PdA confiait donc au « peuple », sans passer par les grands électeurs, la tâche d’élire directement le président de la République, qui serait devenu en même temps président du Conseil30. Pourquoi un parti à l’orientation résolument antifasciste ne voyait-il pas les dangers d’une personnalisation excessive et donc d’une dérive autoritaire ? Il s’agissait d’une interprétation différente des origines de la dictature fasciste. Les dirigeants du PdA associaient, plus et mieux que d’autres, le tournant autoritaire des années 1920 à la faiblesse du système parlementaire, incapable d’assurer un gouvernement stable et suffisamment fort pour le pays. Dans le programme du PdA, il y avait cependant des contrepoids et la concentration des pouvoirs de l’État au sommet était moins pesante qu’il n’y paraissait. En effet, le système présidentiel proposé par le PdA, à l’instar de celui des États-Unis, présupposait le choix fédéraliste comme garantie démocratique fondamentale. La réforme autonomiste était « la base nécessaire » du modèle présidentiel, et sans cette base, toute l’approche se serait effondrée31. En d’autres termes, l’élection directe du chef de l’État-président du Conseil était étroitement liée au système régional, mais si la première ne pouvait avoir lieu sans le second, parce que la démocratie elle-même était en jeu, le second était « toujours » souhaité.
- 32 G. De Ruggero, « Repubblica presidenziale o repubblica parlamentare », La Nuova Europa, no 36, 1945 (...)
- 33 E. Flora, « Repubblica presidenziale o parlamentare? », Lo Stato moderno, no 9, 1946, p. 200. Au su (...)
11Au sein du PdA, cependant, les détracteurs de l’élection directe du président n’étaient pas prêts à se taire par esprit d’appartenance. Un intellectuel italien important, Guido De Ruggero, qui avait été, sur indication du PdA, ministre de l’Éducation publique sous le gouvernement Bonomi puis membre de la Consultation nationale, avait déjà identifié une différence substantielle entre les cas américain et italien. La « fragmentation des partis politiques » rendait difficile l’émergence d’un leader capable « d’imprimer une direction unitaire au gouvernement ». De Ruggero avait écrit que « la condition préalable indispensable, le porro unum necessarium de toute réforme institutionnelle est toujours la simplification et la concentration des partis, ou au moins la réduction de leur pluralité à un dénominateur commun stable et ferme, qui pourrait être la prémisse d’une future unification »32. De même, la revue du PdA Lo Stato Moderno publia un article qui démontait la thèse selon laquelle la république présidentielle garantissait des gouvernements forts et stables, contrairement à la république parlementaire. En Grande-Bretagne, par exemple, il n’y avait pas de modèle présidentiel, mais les gouvernements étaient assez stables. Le système de partis était donc une condition préalable à la stabilité des gouvernements. Même si l’Italie avait importé le présidentialisme américain, les partis, en concurrence féroce les uns avec les autres, auraient conditionné le travail de la structure gouvernementale, qui serait restée « faible et inorganique »33.
12Pourquoi l’élection directe du président n’a-t-elle pas obtenu un soutien significatif, même parmi la plupart des modérés italiens ?
- 34 AC, Commissione per la Costituzione, IISc, 3 septembre 1946, p. 82.
13Tout d’abord, le président directement élu était considéré comme un danger, car il centralisait trop de pouvoir et pouvait (facilement) en abuser, mettant en péril la stabilité du régime démocratique. L’un des plus grands constitutionnalistes, membre de l’Assemblée constituante, le démocrate-chrétien Costantino Mortati, souligna qu’aux États-Unis il n’y avait pas de « contrôle de la fonction exercée par le président ». Les organes législatifs n’exerçaient pas de contrôle sur l’exécutif, car une « séparation claire des pouvoirs » était prévue34.
- 35 AC, Commissione per la Costituzione, IISc, 4 septembre 1946, p. 105.
14En deuxième lieu, c’était précisément la division trop rigide entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif qui créait des inconvénients. Le président, qui tenait son investiture directement du corps électoral, pouvait suivre une orientation politique différente, voire alternative, à celle des Chambres. Le fonctionnement de l’État aurait pu en souffrir. Le membre influent de l’Assemblée constituante, également gouverneur de la Banque d’Italie (il deviendra vice-président du Conseil, ministre du Budget et, en 1948, président de la République), l’économiste libéral Luigi Einaudi, était convaincu que le système américain n’avait pas résolu « le très grave inconvénient du système présidentiel » lié à la séparation des pouvoirs. Aux États-Unis, le pouvoir présidentiel, observa-t-il, « ne fonctionne bien qu’en temps de guerre » parce que « les deux Chambres abdiquent leurs pouvoirs »35. Le cas de Woodrow Wilson, qui, malgré sa popularité et son autorité internationale, n’a pas réussi à faire adopter l’accord sur la Société des Nations, avait laissé une marque indélébile.
15En troisième lieu, le système présidentiel américain était étranger à la tradition politique italienne. Le Statut albertin, tel qu’il avait été appliqué à l’époque libérale, avait créé une culture politique libérale-démocratique basée sur la centralité du Parlement, qui était également le contrôleur de l’activité gouvernementale. Le poids de cette approche était prépondérant et transversal parmi les modérés italiens.
- 36 C. Novelli, op. cit., p. 223.
- 37 AC, Commissione per la Costituzione, IISc, 5 septembre 1946, p. 119.
- 38 Ibid., p. 115 et p. 127-128.
16À l’Assemblée constituante, l’un des principaux fondateurs du PdA, le juriste et intellectuel Piero Calamandrei, bien que fondamentalement isolé, défendit l’élection directe du président de la République conformément au modèle américain. Pour lui, c’était le meilleur moyen de garantir la stabilité politique en Italie et d’éviter ainsi le danger de la dictature. Son analyse était avant tout le résultat d’une interprétation de l’histoire italienne et non d’un « américanisme » générique36. L’expérience de la première période d’après-guerre, qui avait conduit au fascisme, démontrait selon lui les effets sur la démocratie de crises gouvernementales répétées et rapprochées37. D’autres expédients, comme par exemple la fixation dans la Constitution d’une durée minimale d’au moins deux ans pour chaque gouvernement, ne lui semblaient pas acceptables38. Cependant, la position de Calamandrei resta isolée et ne recueillit pas de soutiens significatifs, même parmi les députés du PdA.
- 39 F. Lanchester, « Tosato, Egidio », dans Dizionario biografico degli italiani, Rome, Istituto dell’E (...)
- 40 AC, seduta plenaria pomeridiania, 19 septembre 1947, p. 339.
17Le choix d’une république parlementaire n’élimina toutefois pas complètement l’hypothèse de l’élection directe du chef de l’État. Alors que la rédaction de la constitution était avancée et que la gauche avait été évincée de la structure gouvernementale, le juriste chrétien-démocrate Egidio Tosato39, qui laissa une empreinte importante dans les travaux de l’Assemblée constituante, se démarquant des positions dominantes au sein de son parti, proposa l’élection directe du chef de l’État si le cercle restreint des parlementaires et des délégués régionaux ne parvenait pas à concentrer deux tiers des voix sur un candidat au troisième tour de scrutin40. L’intention n’était évidemment pas d’établir une république présidentielle sui generis, mais d’élargir la légitimité du chef de l’État, et donc sa force politique, même par rapport aux partis, au parlement et au gouvernement. Toutefois, si le chef de l’État avait été élu avec une très faible majorité (par exemple 50,1 %), cela aurait entraîné une division des électeurs qui n’aurait pas renforcé la plus haute fonction de la République, et aurait également réduit la perception de pouvoir compter sur une figure de garantie.
- 41 AC, seduta plenaria pomeridiana, 22 octobre 1947, p. 1426-1427.
18Lors de la séance plénière du 22 octobre 1947, l’Assemblée constituante vota la proposition relative à l’élection du président de la République au suffrage universel et direct. Deux jours plus tôt, le PdA était officiellement dissous. Riccardo Lombardi, qui en avait été le secrétaire de juin 1946 à juin 1947, se sentit obligé de justifier le motif pour lequel les députés élus sur les listes du PdA auraient voté contre l’élection directe. Le bref discours n’était cependant pas très incisif : on affirmait notamment que « l’élection pure et simple du chef de l’État » ne constituait « en soi qu’une rectification […] aggravante, […] sans rapprocher la république de type parlementaire » de la république de type présidentiel41. Le tournant de 1947 – la fin de la cohabitation des démocrates-chrétiens avec la gauche et l’accentuation de l’opposition entre les blocs de l’Ouest et de l’Est – réduisit encore la probabilité, déjà très faible, que l’Assemblée constituante approuve une règle sur l’élection directe du président de la République. Dans ce climat tendu, un choix de type présidentiel aurait été perçu comme un sérieux forcing, voire comme une attaque qui aurait sapé les fondements de la démocratie italienne naissante.
19En résumé, dans les années 1940, DC, PCI e PSIUP n’offrirent pas de soutien aux politiciens et spécialistes qui proposent l’élection populaire du chef de l’État. L’attrait des États-Unis, bien que fort, ne s’avéra pas décisif dans l’affirmation du présidentialisme. Encore plus minoritaire et sans développement adéquat, l’idée de l’élection directe du chef de l’État dans une république parlementaire, qui aurait garanti au président de la République une plus grande indépendance par rapport aux partis, ne fut pas retenue. Le risque d’un affrontement entre le gouvernement et le président, expression de deux orientations politiques différentes, était très élevé. Le pays n’en aurait pas profité. Au contraire, l’idée, qui sera introduite en France avec la Constitution de 1958, de faire élire le chef de l’État par un collège plus large, composé, comme nous le verrons, de plus de 80 000 membres de la classe politique, ne s’est pas imposée.
La voie de la France : un exemple à suivre ?
- 42 Afin de cadrer le débat sur le chef de l’État entre la France et l’Italie, voir C. Fusaro, « Forme (...)
- 43 « Intervento di Augusto De Marsanich », dans P. G. Fabiani éd., Processo alla Costituzione, Rome, R (...)
20L’approche des dix ans de l’entrée en vigueur de la Constitution italienne, occasion naturelle pour tenter un bilan, coïncide avec la dernière phase de la IVe République française, le retour du général de Gaulle et le réveil du débat sur le présidentialisme42. En Italie, c’est surtout la droite qui y voyait une opportunité. Les monarchistes et le Mouvement social italien (MSI) insistaient sur les limites de l’Assemblée constituante italienne, qui avait exclu les néofascistes, et sur la nécessité d’une « révision totale » de la Constitution, afin de créer un compromis plus inclusif parmi toutes les tendances politiques : en bref, un autre pacte fondateur capable d’offrir une légitimité plus large et plus forte à la Charte républicaine43. Ainsi, à l’évidence, les droites qui étaient restées en dehors de l’arc constitutionnel comptaient bien sortir de l’ornière où elles avaient été reléguées.
- 44 Atti Parlamentari (AP), Camera, Documenti, Legislatura (Leg.) II, doc. 3178, art. 1.
- 45 A. Giacone, « Gronchi, Segni e Saragat di fronte al gollismo », dans G. Orsina et M. Ridolfi éd., L (...)
21Le 24 septembre 1957, à la Chambre des députés, le monarchiste Massimo Del Fante présenta la première proposition de loi constitutionnelle pour l’élection directe du chef de l’État. Le candidat ayant obtenu la majorité relative des votes valides deviendrait président de la République dès le premier tour de scrutin44. Ingénieur et entrepreneur en bâtiment, nommé comte par Vittorio Emanuele III pendant le fascisme, Del Fante, qui n’avait pas de formation juridique et constitutionnelle, était bien aligné sur la position dominante des monarchistes italiens et de la droite. Cependant, contrairement à d’autres qui étaient plus conscients des très faibles chances de succès des élections directes, il avait agi avec une proposition spécifique de révision de la Constitution, poussé à la fois par le comportement interventionniste de président de la République Giovanni Gronchi et par le débat politico-constitutionnel qui se déroulait parallèlement en France45.
- 46 E. Mattei, « Giovanni Gronchi ci parla di politica estera e interna e della Costituzione », La Nazi (...)
- 47 A. Giacone, « Giovanni Gronchi », dans S. Cassese, G. Galasso et A. Melloni éd., I presidenti della (...)
- 48 G. Formigoni, Storia d’Italia nella guerra fredda (1943-1978), Bologne, Il Mulino, 2016, p. 250-258 (...)
- 49 G. Orsina, L’alternativa liberale. Malagodi e l’opposizione al centro-sinistra, Venise, Marsilio, 2 (...)
- 50 G. Baldi, « Malagodi contro Fanfani. Intervista a Malagodi », Epoca, no 361, 1957, p. 32-34.
- 51 Ibid.
22Au travers d’une conversation avec un journaliste, le 18 août 1957, Gronchi manifesta, entre autres, son intention de se rendre en Iran, en Turquie, en Syrie et au Liban, et de mener ainsi sa propre politique étrangère dans le bassin méditerranéen et au Moyen-Orient ; il défendit ses propres prérogatives, qui étaient celles d’une fonction politico-institutionnelle et non d’un notaire ; il adressa indirectement quelques remarques critiques au président du Conseil, Adone Zoli, qui dirigeait un gouvernement soutenu seulement par la DC46. Bien que les déclarations aient été démenties par le Quirinal, elles avaient suscité de vives controverses47. D’autre part, elles étaient très crédibles et correspondaient à ce qu’il était en train de se passer : les pouvoirs du chef de l’État, ses relations avec le gouvernement et la direction politique du pays posaient problème. La gauche (PCI et PSI), qui n’aimait généralement pas non plus l’activisme présidentiel, évitait d’intervenir publiquement contre le chef de l’État parce qu’elle appréciait, entre autres, la ligne de Gronchi : elle était moins atlantiste et accentuait les contrastes au sein de la DC et entre celle-ci et ses alliés48. Les droites (MSI et PNM), en désaccord avec le fond des déclarations du président de la République, accusèrent Gronchi de ne pas respecter suffisamment la forme parlementaire du gouvernement et auraient plutôt souhaité un virage vers un chef d’État élu au suffrage universel direct. Le secrétaire du Parti libéral, Giovanni Malagodi49, précisa lui aussi, s’adressant manifestement au Quirinal, qu’il ne pouvait y avoir « rien de pire qu’une République présidentielle de fait, revêtue des habits d’une République parlementaire »50. Et il ajouta que le chef de l’État, parce que « difensor libertatis, c’est-à-dire garant de la méthode démocratique et du juste équilibre des pouvoirs », impliquait « le renoncement à l’action » en faveur d’une ligne politique déterminée51.
23Le monarchiste Del Fante se préoccupait des règles du jeu qui, selon lui, n’étaient pas respectées. Utilisant une métaphore footballistique, il explique que l’« arbitre » n’avait pas
- 52 AP, Camera, Documenti, Leg. II, doc. 3178, p. 7.
le droit de se mêler aux actions du match, en donnant un coup de pied dans le ballon pour qu’il se dirige vers un but ou un autre. Personne ne peut prendre la place de l’arbitre, mais l’arbitre ne peut pas prendre la place de l’avant-centre ; si à un moment donné l’arbitre, saisi par la nostalgie de la jeunesse, veut abandonner sa tunique noire pour revêtir le maillot du joueur, le moins qui puisse lui arriver est qu’il recevra la même proportion de coups de pied dans les tibias que tous les joueurs.52
- 53 M. Duverger, La Ve République, Paris, Presses universitaires de France, 1968 ; J.-L. Debré, Les idé (...)
- 54 « Intervento di Meuccio Ruini », dans P. G. Fabiani éd., Processo alla Costituzione, op. cit., p. 2 (...)
- 55 S. Mura éd., Antonio Segni e i giuspubblicisti. Carteggio sui poteri del Presidente della Repubblic (...)
24Les partis de droite jugeaient le comportement de Gronchi comme très grave mais, en même temps, ils l’utilisaient pour justifier une révision constitutionnelle. Pour eux, l’orientation prise par la France, qui s’apprêtait à modifier plusieurs articles de la Charte, notamment ceux relatifs aux rapports entre le gouvernement, le parlement et le chef de l’État, était un exemple à suivre53. Pendant ce temps, une modification limitée à quelques articles fit l’objet discussions. Meuccio Ruini – l’ex-président de la Commission des 75, chargée par l’Assemblée constituante de rédiger le texte de la « Carta », puis président du Sénat, mais qui, après 1953, fut dans une position plus en retrait – affirma que la Constitution avait des défauts et qu’elle pouvait donc être corrigée. « Les révisions, écrivit-il, ne peuvent faire l’objet d’une répugnance exclusive et préjudiciable ; elles sont à l’ordre du jour, par exemple en France, et nous avons nous aussi procédé à quelques ajustements mineurs. Mais elles ne doivent être faites qu’en cas de nécessité absolue établie »54. Les déclarations publiques étaient très prudentes. Cependant, les hommes politiques et les constitutionnalistes discutaient discrètement des dispositions constitutionnelles qu’il était important, voire nécessaire, de modifier55.
- 56 A. Fanfani, Diari 1960-1963, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2012, p. 216.
- 57 Ibid.
- 58 S. Mura, « La questione della rieleggibilità del presidente della Repubblica italiana da Luigi Eina (...)
- 59 A. Fanfani, op. cit., p. 216.
25Dans son journal du 14 février 1961, Amintore Fanfani, alors président du Conseil des ministres, écrivit : « Gronchi m’a dit qu’il pensait adresser en mai un message aux Chambres, leur demandant d’examiner l’opportunité de faire passer le mandat présidentiel de 7 à 4 ans et de prévoir l’élection directe du président »56. Fanfani exprima sa perplexité, mais pas principalement parce que le suffrage direct aurait radicalement changé la forme de gouvernement et substantiellement révisé le travail de l’Assemblée constituante. Ce qui lui semblait surtout dangereux concernait la proposition d’un président élu tous les quatre ans et d’un Parlement renouvelé tous les cinq ans par le même corps électoral : si le chef de l’État avait été issu d’une majorité différente, voire opposée, à celle des Chambres, le fonctionnement des organes aurait subi des revers pour le moins risqués. Fanfani mit toutefois en lien l’hypothèse de Gronchi et les élections présidentielles qui devaient avoir lieu l’année suivante57. Le Premier ministre n’avait pas tort : le septennat de Gronchi était entré dans sa phase finale et le désir de l’homme d’État de Pontedera d’être reconduit était bien connu, mais une très large majorité s’opposait à sa réélection58. Silvio Gava, président du groupe des sénateurs démocrates-chrétiens, écarta la possibilité même d’une élection directe dans le but principal de ne pas laisser sa chance à Gronchi59. Le secrétaire de la DC, Aldo Moro, excluait que ce fût le moment de présenter un projet de loi constitutionnelle sur la réduction du mandat et l’élection directe. Il s’agissait en effet d’une voie impossible à mettre en place avant les élections présidentielles de 1962, car même s’il y avait eu une forte volonté politique de la part de la majorité soutenant le gouvernement, il aurait été difficile d’atteindre l’objectif des deux tiers des députés et des sénateurs, qui était le seul moyen de modifier la Constitution relativement rapidement. La proposition de Gronchi – qui resta à l’état d’intention et ne fut jamais présentée formellement – était vouée à l’échec et le président lui-même s’était rendu compte que les conditions politiques n’étaient pas réunies pour que son message aux Chambres soit suivi d’effet.
- 60 P. Scoppola, La Repubblica dei partiti. Evoluzione e crisi di un sistema politico 1945-1996, Bologn (...)
- 61 C. Mortati, « Società e stato », art. cité, p. 50 ; S. Galeotti, « La nuova costituzione », art. ci (...)
- 62 J.-L. Debré, op. cit., p. 272 ; G. Ferrara, « Una Repubblica per de Gaulle. Il referendum del 28 ot (...)
- 63 De Gaulle précise, le 18 octobre 1962, qu’il se serait retiré de la politique même avec une faible (...)
- 64 Voir L. Noël, De Gaulle et les débuts de la Ve République (1958-1965), Paris, Plon, 1976, p. 201-21 (...)
- 65 J. Chapsal, La vie politique sous la Ve République, Paris, Presses universitaires de France, 1981, (...)
- 66 Pour approfondir, voir P. Avril, « Les débats de 1962 » et L. Hamon, « La thèse gaullienne », dans (...)
26L’élection populaire du président de la République, quant à elle, retint l’attention. Les événements ayant lieu en France étaient observés à la loupe60. La Constitution de 1958 avait introduit un système d’élection du chef de l’État par un collège restreint de plus de 80 000 notables politiques, ce qui ne suscita en Italie que protestations et critiques61. La volonté du général de Gaulle de doter l’État d’un chef suffisamment fort et légitime pour ne pas rester l’otage des partis ne supposait pas nécessairement l’élection directe du président de la République. Le général, au cours de la période 1944-1961, se prononça à la fois pour et contre le suffrage universel comme mode de désignation du chef de l’État62. Si l’idée d’une élection populaire s’inscrivait bien dans la pensée gaulliste, ce dernier développa une position peu claire et imprécise, pas toujours cohérente, qu’il défendit avec constance tout au long de son expérience politique. Il saisit donc l’occasion de l’été 1962, après l’échec d’une tentative d’assassinat contre lui, dans un moment de tension et d’émotion du pays, parce qu’il était convaincu qu’il pouvait encore accroître son pouvoir avec le soutien direct d’une large majorité d’électeurs63. Mais le recours à la modification de la Constitution par l’utilisation directe du référendum était inconstitutionnel, comme le soutenaient la plupart des spécialistes du droit public, ou du moins très exagéré64. Le président du Sénat Gaston Monnerville – on le sait – contesta vivement ce choix, le qualifiant de violation délibérée et scandaleuse de la Constitution, tout comme Georges Pompidou et plusieurs ministres (Pierre Joxe, Maurice Couve de Murville et Edgard Pisani, entre autres) qui avaient exprimé des doutes sur la légitimité de la procédure65. L’article 89, par ailleurs, était précis : la proposition de révision devait d’abord être examinée et votée par les deux Chambres et seulement ensuite soumise au référendum66. Le chef de l’État contournait donc non seulement le Parlement sans trop de scrupules, mais il refusait aussi de se plier au diktat constitutionnel.
- 67 À propos de la personnalisation de la politique, voir R. Brizzi, L’uomo dello schermo. De Gaulle e (...)
- 68 M. Volpi, La democrazia autoritaria. Forma di governo bonapartista e V Repubblica francese, Bologne (...)
- 69 S. Volta, « De Gaulle proporrà il referendum per l’elezione del suo successore », La Stampa, 13 sep (...)
- 70 F. Margiotta Broglio, « Jemolo, Arturo Carlo », dans Dizionario biografico degli italiani, vol. LXI (...)
27Ce qui se passait à Paris semblait confirmer les dangers de la personnalisation excessive de la politique et de la concentration du pouvoir au sommet67. Les choix du général de Gaulle alimentèrent la méfiance d’une grande partie de la classe politique italienne à l’égard de l’élection directe du président de la République. La démission de Pompidou et la dissolution de l’Assemblée nationale par de Gaulle semblaient marquer le début d’une nouvelle phase, encore moins démocratique que la précédente68. Le correspondant à Paris du journal La Stampa, Sandro Volta, écrivit que les « pouvoirs » du général étaient « presque absolus »69. Le juriste et historien Arturo Carlo Jemolo, intellectuel apprécié et commentateur de faits politiques70, espéra une réaction contre le gaullisme, un sursaut d’orgueil de la part des Français, et mit en garde :
- 71 A. C. Jemolo, « Un popolo e un uomo », La Stampa, 23 septembre 1962.
En politique, un peuple qui marche sans mot dire derrière un chef est inquiétant ; l’histoire (relativement récente, car en d’autres temps les peuples étaient plutôt objets que sujets, ils obéissaient, ils n’agissaient pas) montre presque toujours des désastres au bout de ces dévotions collectives […]. Cette abdication entre les mains d’un seul homme, ce fait de dire à un seul « prenez le pouvoir, opérez, choisissez pour nous » est un phénomène de lassitude ou de désespoir, parfois bien compréhensible. Mais pour un peuple, c’est l’appauvrissement qu’il y a pour l’individu à ne pas affronter ses propres cas en conscience et à laisser la solution à un autre.71
- 72 A. D’Orsi, « Salvatorelli, Luigi », dans Dizionario biografico degli italiani, Rome, Istituto dell’ (...)
- 73 L. Salvatorelli, « Il generale-presidente », La Stampa, 18 novembre 1962.
28Après le résultat du référendum français, l’historien et éditorialiste Luigi Salvatorelli, qui par le passé avait adhéré au PdA, mais qui était alors analyste de la politique extérieure72, revint sur la question, réservant des mots encore plus durs à de Gaulle. Outre la « violation formelle » de la procédure de révision constitutionnelle, il y eut « une autre violation plus grave », qui « touchait – à son avis – à l’essence même de l’État français »73. Le vote contre le référendum, qui devait s’appliquer exclusivement à l’objet précis de la consultation, s’était transformé en plébiscite sur la personne et l’autorité du président de la République.
- 74 Ibid.
29De Gaulle a réalisé, écrit Salvatorelli, avec le référendum du 28 octobre 1962, un véritable coup d’État, qu’il a ensuite confirmé et appliqué par ses paroles et ses actes. Et ce coup d’État a pris la forme d’une prise de pouvoir absolue du gouvernement74.
- 75 À propos de la ligne du Corriere della Sera, voir M. Forno, « Russo, Alfio », dans Dizionario biogr (...)
- 76 « Una lezione », Corriere della Sera, 7 octobre 1962.
30Dans les grands journaux italiens, au cours de l’automne 1962, on pouvait lire presque exclusivement des commentaires très critiques sur de Gaulle et ses choix. Le Corriere della Sera avait « une ligne de libéralisme modéré » et une opposition résolue à l’ouverture à gauche75. Pourtant, dans un éditorial non signé intitulé Una lezione (Une leçon), que l’on peut considérer comme illustratif de la position de la rédaction, on pouvait lire dès les premières lignes : « En France, la légalité a été bafouée. Elle a été bafouée par le chef de l’État lui-même ». Et en dessous, une citation du libéral Paul Reynaud était écrite : « Cela n’agrandit pas un homme, mais rétrécit un pays »76. En conclusion, le Corriere della Sera s’interrogeait sur les leçons que l’Italie pouvait tirer de l’expérience française et le journal se prononça clairement contre le mythe du surhomme, appelant les Italiens à se méfier du tournant gaulliste.
- 77 Ibid.
31On peut raisonnablement dire que les années de la IVe République ressemblent aux années italiennes entre 1919 et 1922, lorsque le désordre, les bagarres entre partis, l’impuissance des parlements et des gouvernements ont ouvert la voie au fascisme et à la dictature77.
- 78 « La Francia è giunta al bivio della storia », Corriere della Sera, 12-13 novembre 1962 ; « The Cho (...)
- 79 AP, Camera, Discussioni, Leg. III, séance matinale du 26 octobre 1962, p. 35131.
32Un mois et quelques jours plus tard, le Corriere della Sera insistait : « La France est arrivée au carrefour de l’histoire ». Pour renforcer sa position, le journal milanais citait un éditorial du New York Times dans lequel il était souligné que le général gouvernait en autocrate, faisant preuve de « mépris et de défiance ouverte à l’égard du Parlement » et des partis, et cherchant à établir « un système basé sur un président si puissant qu’il est une invitation à une future dictature »78. Le Parti libéral aussi, qui représentait une partie des conservateurs italiens, s’inquiéta de voir le peuple français se mettre « entre les mains de l’homme providentiel », qui était en train de transformer en plébiscite ce qui devait être à l’origine un référendum ou une simple modification partielle de la Constitution de 195879.
- 80 Ibid., discours de Tullio Vecchietti, p. 35148.
- 81 À propos de l’orientation chrétienne-démocrate sur le tournant gaulliste de 1958, voir A. Argenio, (...)
- 82 C. Tasca, « A De Gaulle il 62 per cento dei voti del settimo referendum costituzionale », Il Popolo(...)
- 83 « Il voto in Francia », Il Popolo, 31 octobre 1962 ; voir aussi l’éditorial « Un nuovo referendum » (...)
33Il ne semble pas nécessaire de s’attarder sur les positions du journal communiste L’Unità ou du journal socialiste Avanti! concernant le choix gaulliste de 1962, ni de s’étonner des discours des hommes politiques communistes et socialistes qui considéraient l’élection directe du président de la République française comme un pas de plus vers l’instauration d’un régime dictatorial fasciste80, mais il est intéressant de prendre en compte la ligne de la DC81. Même les chrétiens-démocrates n’ont pas défendu l’idée de l’élection directe du chef de l’État. Il Popolo a accordé une attention marginale au référendum par rapport à d’autres nouvelles de l’époque, telles que la mort d’Enrico Mattei (le 27 octobre) et la crise des missiles de Cuba. Le correspondant à Paris, Carlo Tasca, rédigea des articles prudents, décrivant les événements et commentant les faits, sans proposer de jugement critique82. Le 31 octobre, un éditorial intitulé « Il voto in Francia » proposait une analyse en clair-obscur : le référendum était une victoire du général de Gaulle, mais partielle, car il avait divisé les Français, exaspéré l’affrontement politique et alimenté le danger d’une rupture de l’équilibre démocratique83. Le DC refusa d’interpréter l’introduction forcée de l’élection directe du président de la République comme une tentative de coup d’État, mais n’y vit pas une évolution positive car elle avait entre autres diminué l’importance et le sens du parti en tant que corps intermédiaire, instrument d’éducation politique et de formation du citoyen électeur.
- 84 G. Formigoni, P. Pombeni et G. Vecchio, Storia della democrazia cristiana 1943-1993, Bologne, Il Mu (...)
- 85 AP, Camera, Discussioni, Leg. III, 5 août 1960, p. 16257-16258.
34L’image globale donnée par la presse italienne a en fait empêché la maturation d’un débat sur l’élection directe du chef de l’État. De plus, dans ces années-là, un revirement semblable à celui de la France, qui semblait être une ouverture à droite, était devenu presque impossible : les événements de Gênes et la chute du gouvernement Tambroni avaient réveillé un fort sentiment antifasciste. Au sein même de la Démocratie chrétienne, une attitude de fermeture et d’hostilité à l’égard de la droite se développait84. Le secrétaire Aldo Moro fit de son mieux pour amplifier l’antifascisme de la DC, notamment parce qu’il voulait pousser le parti vers la gauche. L’attaque de Moro contre le Mouvement social fut très dure. Le MSI fut accusé d’être un parti qui ne croyait pas en la démocratie, qui ne la servait pas, « une force politique étrangère et opposée au fil historique, à l’héritage idéal de la Résistance », dans lequel « la nouvelle histoire de l’Italie démocratique »85 avait pris sa source. Le secrétaire se ferma catégoriquement à toute hypothèse de retour à la culture du leader, considérant qu’il s’agissait là d’un retour au fascisme.
Conclusions
- 86 G. Sircana, « Lussu, Emilio », dans Dizionario biografico degli italiani, vol. LXVI, Rome, Istituto (...)
- 87 AC, Commissione per la Costituzione, IISc, 5 septembre 1946, p. 116.
35Pourquoi le modèle américain et le modèle français ne convenaient-ils pas à l’Italie ? L’analyse qu’Emilio Lussu – politicien et écrivain, et l’un des principaux fondateurs du PdA86 – fit à l’Assemblée constituante offre des pistes de réflexion significatives, mais ne constitue pas une réponse satisfaisante. Dans l’après-guerre, le pays avait besoin de réformes sociales, comme la réforme agraire, qu’un gouvernement soutenu par une coalition large et composite de partis idéologiquement opposés ne pouvait pas réaliser. Un gouvernement reposant sur une majorité parlementaire homogène issue des élections aurait eu plus de chances de mettre en œuvre les réformes, mais cela aurait inévitablement créé des tensions sociales. Avec une république parlementaire, les conflits auraient été mieux absorbés, et donc modérés, alors qu’une république présidentielle aurait conduit à la prévalence trop nette d’un camp sur l’autre, augmentant le risque d’une sorte de « guerre civile ». Lussu arriva à la conclusion que la république présidentielle américaine, qu’il considérait comme le modèle idéal, ne pouvait pas être importée en Italie, où le « problème social » était ressenti avec une « intensité excessive »87.
36Il y avait même plus : l’hypothèse de l’élection directe du chef de l’État était considérée comme un choix dangereusement autoritaire. La plaie ouverte par l’expérience de Weimar n’était pas refermée. La constitution allemande de 1919 prévoyait l’élection directe du président de la République et, sur la base de ces règles, Hindenburg avait procédé à la dissolution des Chambres, pris des ordonnances d’urgence et forcé certains ministres à démissionner. Alberto Predieri écrivit :
- 88 A. Predieri, art. cité, p. 1105.
La constitution de de Gaulle commence avec Hindenburg : elle est la rationalisation de la constitution matérielle de Hindenburg. Et il ne suffit pas de dissiper les inquiétudes sur les risques futurs pour que de Gaulle ne soit pas Hindenburg, ce qui est évident (mais Hindenburg ne voulait pas non plus de cet Hitler qui arrivait alors : il se croyait, comme d’habitude, soutenu par lui) ; qu’après tout, la constitution a été faite pour de Gaulle, sur mesure et sous l’impulsion de nécessités contingentes : que c’est déjà dangereux, parce que les hommes, tôt ou tard, passent, et que les constitutions parfois (même françaises) restent : et alors l’élasticité, ou les plurivalences, deviennent non seulement des schémas commodes, mais, ce qui est pire, des incitations ou des mécanismes qui augmentent d’autres résultats ou même, à un certain moment, vivent d’une vie propre et imposent certaines évolutions.88
37La plupart des hommes politiques italiens, avec le soutien de nombreux journalistes, spécialistes, et intellectuels, refusaient de croire en l’homme providentiel et ont tenté d’empêcher l’Italie, comme la France de De Gaulle, de se convertir au culte du chef de l’État. Le souvenir de la dictature de Mussolini était encore une plaie ouverte. L’élection directe était synonyme de trahison de l’esprit antifasciste de la Constitution italienne.
Notes
1 P. Pombeni, La questione costituzionale in Italia, Bologne, Il Mulino, 2016 ; R. Romanelli, L’Italia e la sua Costituzione. Una storia, Bari-Rome, Laterza, 2023.
2 Dans les années suivantes, à partir de 1964, l’idée de l’élection directe du chef de l’État, soutenue en particulier par Randolfo Pacciardi et Giuseppe Maranini, retrouva une importance significative. Mais cela appartient à un autre chapitre de l’histoire.
3 On se limite ici à citer l’une des contributions parmi les plus récentes : L. Lacché, « L’esperienza costituzionale di Weimar nel dibattito italiano (1919-1948) », dans M. Gregorio et P. Corona éd., Weimar 1919. Alle origini del costituzionalismo democratico novecentesco, Milan, Giuffré, 2023, p. 161-197.
4 M. Weber, « Il presidente del Reich (1919) », dans Id., Scritti politici, A. Bolaffi éd., Rome, Donzelli, 1998, p. 231-236.
5 C. Mortati, « Società e stato nella nuova costituzione francese », Comunità, no 67, 1959, p. 46-53 ; A. Predieri, « La nuova vecchia costituzione », Il Ponte, no 8-9, 1958, p. 1100 ; S. Galeotti, « La nuova costituzione francese (Appunti sulla recessione del principio democratico nella Va Repubblica) », Studi urbinati, no 26, 1960, p. 78. Voir aussi C. Fusaro, L’Italia e il modello della Quinta Repubblica: dall’odio, all’amore… e al dubbio. En ligne : [https://www.forumcostituzionale.it/wordpress/wp-content/uploads/pre_2006/773.pdf] (consulté le 20 février 2025).
6 T. L. Rizzo, « Rizzo Giambattista », dans Dizionario del Liberalismo italiano, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2015, vol. II, p. 944-947.
7 G. Rizzo, La Repubblica presidenziale, Rome, Edizioni italiane, 1944.
8 Assemblea Costituente (AC), Commissione per la costituzione, II sottocommissione (IISc), 13 gennaio 1947. Voir Movimento liberale italiano, Il problema istituzionale, 1943, p. 9, mais également dans Il “Movimento Liberale Italiano”, M. De Giorgi éd., Galatina, Congedo, 2005, p. 114 ; A. Giordano, Le regole del buongoverno. Il costituzionalismo liberale nell’Italia repubblicana, Gênes, De Ferrari-Genova University Press, 2016, p. 14.
9 M. Caravale, « Astuti, Guido », dans Dizionario biografico degli italiani, vol. XXXIV, Rome, Istituto dell’Enciclopedia italiana, 1988. En ligne : [https://www.treccani.it/enciclopedia/guido-astuti_(Dizionario-Biografico)/] (consulté le 20 février 2025).
10 G. Astuti, I principi informatori della nuova Costituzione, Tivoli, Istituto Grafico Tiberino, 1946, p. 35.
11 F. Grassi Orsini et G. Nicolosi éd., I liberali italiani dall’antifascismo alla Repubblica, Soveria Manelli, Rubbettino, 2008.
12 Voir R. Ruffilli éd., Cultura politica e partiti nell’età della Costituente, vol. I et II, Bologne, Il Mulino, 1979. Malgré leur parution déjà ancienne, ces volumes sont encore une référence.
13 G. De Luna, Il partito della Resistenza. Storia del Partito d’Azione 1942-1977, Milan, Utet, 2021, p. 297.
14 « Dal programma del Partito d’azione », Italia libera, no 1, 1943.
15 « Punti programmatici fondamentali del Partito d’Azione », [sans lieu], Partito d’Azione, 1944.
16 « Azione rivoluzionaria », Giustizia e Libertà. Organo veneto del Partito d’Azione, no 2, 1944 ; « Stato e Governo », Italia libera, no 2, 1944 (édition piémontaise).
17 Piano di lavoro del Partito d’azione (proposta di discussione), [sans lieu], Partito d’Azione, 1944, p. 7. Voir E. Rossi, « Il vento del Nord », L’Italia libera, no 8, 1945 (édition lombarde) ; G. De Luna, op. cit., p. 259-265 ; C. Novelli, Il Partito d’azione e gli italiani, Milan, La Nuova Italia, 2000, p. 140-141.
18 Linee programmatiche per il Partito d’azione, Milan, 1945, opuscule publié plusieurs fois et aussi présent dans S. Magagnoli, E. Mana et L. Conte éd., La formazione della Repubblica, Bologne, Il Mulino, 1998, p. 310-311.
19 La Costituzione degli Stati Uniti d’America, France, Quaderni di “Vette”, 1945 ; T. Corsi, Storia degli Stati Uniti d’America, Rome, De Luigi, 1945 ; F. Abbot Magruder, Il governo degli Stati Uniti, Rome, Novissima, 1946 ; R. Astraldi, La Costituzione degli Stati Uniti d’America, Florence, Sansoni, 1946 ; G. Domenico Ferri, Le leggi elettorali degli Stati Uniti d’America, Florence, Sansoni, 1946.
20 Tous les deux : Rome, Ufficio informazioni di guerra degli Stati Uniti d’America, 1945.
21 Il n’existe pas un profil biographique d’Angelo Giugni. Après avoir obtenu sa licence en droit, il se consacre à l’étude de l’ordre étatique, participant au débat interne au sein du Parti d’action. Sa réflexion devient une référence pour de nombreux dirigeants. Voir A. Colombo, « Leo Valiani e la Costituente », dans C. Scibilia éd., L’utopia necessaria. Leo Valiani a cento anni dalla nascita, Rome, Annali della Fondazione Ugo La Malfa, 2012, p. 188 ; E. Mana, « Un governo per la Repubblica. Il dibattito sul “problema centrale della democrazia” », dans S. Magagnoli, E. Mana et L. Conte éd., La formazione della Repubblica, op. cit., p. 208.
22 A. Giugni, La Costituente e la nuova organizzazione dello Stato. Saggio di diritto costituzionale, Rome, V. Bonacci, 1946, p. 60.
23 Ibid.
24 A. Giugni, « Risoluzione del convegno del Partito d’azione per la riforma costituzionale », dans La formazione della Repubblica, op. cit., p. 326.
25 Id., La Costituente, op. cit., p. 66-67.
26 Pendant les travaux de l’Assemblée constituante, le PCI n’était pas encore sûr des pouvoirs à attribuer au chef de l’État. Voir AC, Commissione per la Costituzione, IISc, seduta antimeridiana 4 gennaio 1947.
27 A. Levi, « Per una Repubblica democratica », Critica Sociale, no 2, 1945, p. 26 ; A. Olivetti, L’ordine politico della Comunità, Ivrea, Nuove edizioni, 1945.
28 Preti, qui était opposé à l’alliance entre le PCI et le PSIUP, deviendra l’un des principaux représentants du Parti socialiste démocratique italien. Il fut plusieurs fois ministre sous l’Italie républicaine. C. De Maria, « Preti, Luigi », dans Dizionario biografico degli italiani, vol. LXXXV, Rome, Istituto dell’Enciclopedia italiana, 2016. En ligne : [https://www.treccani.it/enciclopedia/luigi-preti_(Dizionario-Biografico)/] (consulté le 20 février 2025).
29 L. Preti, « Problemi costituzionali di domani », Critica sociale, no 5, 1946, p. 76.
30 « Repubblica presidenziale, autonomie locali, economia di popolo, governo democratico di sinistra », L’Italia libera, no 83, 1946.
31 Ibid.
32 G. De Ruggero, « Repubblica presidenziale o repubblica parlamentare », La Nuova Europa, no 36, 1945, p. 1.
33 E. Flora, « Repubblica presidenziale o parlamentare? », Lo Stato moderno, no 9, 1946, p. 200. Au sujet de la revue, voir E. Savino, «Lo Stato moderno». Mario Boneschi e gli azionisti milanesi, Milan, FrancoAngeli, 2005.
34 AC, Commissione per la Costituzione, IISc, 3 septembre 1946, p. 82.
35 AC, Commissione per la Costituzione, IISc, 4 septembre 1946, p. 105.
36 C. Novelli, op. cit., p. 223.
37 AC, Commissione per la Costituzione, IISc, 5 septembre 1946, p. 119.
38 Ibid., p. 115 et p. 127-128.
39 F. Lanchester, « Tosato, Egidio », dans Dizionario biografico degli italiani, Rome, Istituto dell’Enciclopedia italiana, 2019, En ligne : [https://www.treccani.it/enciclopedia/bio-tosato-enrico_(Dizionario-Biografico)/] (consulté le 20 février 2025).
40 AC, seduta plenaria pomeridiania, 19 septembre 1947, p. 339.
41 AC, seduta plenaria pomeridiana, 22 octobre 1947, p. 1426-1427.
42 Afin de cadrer le débat sur le chef de l’État entre la France et l’Italie, voir C. Fusaro, « Forme di governo e figura del capo dello Stato in Francia e in Italia. Il fascino resistibile delle soluzioni ambigue », dans Le radici del semi-presidenzialismo. Viaggio alle origini di un modello cui si guarda in Italia, Soveria Mannelli, Rubbettino, 1998, p. 17-201 ; M. Marchi, Presidenzialismo a metà. Modello francese, passione italiana, Bologne, Il Mulino, 2023, p. 7-14.
43 « Intervento di Augusto De Marsanich », dans P. G. Fabiani éd., Processo alla Costituzione, Rome, Ruggeri Editore, 1958, p. 107.
44 Atti Parlamentari (AP), Camera, Documenti, Legislatura (Leg.) II, doc. 3178, art. 1.
45 A. Giacone, « Gronchi, Segni e Saragat di fronte al gollismo », dans G. Orsina et M. Ridolfi éd., La Repubblica del Presidente, Rome, Viella, 2022, p. 225-230.
46 E. Mattei, « Giovanni Gronchi ci parla di politica estera e interna e della Costituzione », La Nazione, 18 août 1957, p. 1.
47 A. Giacone, « Giovanni Gronchi », dans S. Cassese, G. Galasso et A. Melloni éd., I presidenti della Repubblica. Il Capo dello Stato e il Quirinale nella storia della democrazia italiana, Bologne, Il Mulino, 2017, vol. I, p. 173.
48 G. Formigoni, Storia d’Italia nella guerra fredda (1943-1978), Bologne, Il Mulino, 2016, p. 250-258.
49 G. Orsina, L’alternativa liberale. Malagodi e l’opposizione al centro-sinistra, Venise, Marsilio, 2010.
50 G. Baldi, « Malagodi contro Fanfani. Intervista a Malagodi », Epoca, no 361, 1957, p. 32-34.
51 Ibid.
52 AP, Camera, Documenti, Leg. II, doc. 3178, p. 7.
53 M. Duverger, La Ve République, Paris, Presses universitaires de France, 1968 ; J.-L. Debré, Les idées constitutionnelles du général de Gaulle, Paris, LGDJ, 1974 ; F. Bastien, Naissance d’une constitution. La Cinquième République 1958-1962, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1996.
54 « Intervento di Meuccio Ruini », dans P. G. Fabiani éd., Processo alla Costituzione, op. cit., p. 237 et 341.
55 S. Mura éd., Antonio Segni e i giuspubblicisti. Carteggio sui poteri del Presidente della Repubblica, Milan, FrancoAngeli, 2024.
56 A. Fanfani, Diari 1960-1963, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2012, p. 216.
57 Ibid.
58 S. Mura, « La questione della rieleggibilità del presidente della Repubblica italiana da Luigi Einaudi a Giovanni Leone », Rivista storica italiana, no 2, 2023, p. 557-561.
59 A. Fanfani, op. cit., p. 216.
60 P. Scoppola, La Repubblica dei partiti. Evoluzione e crisi di un sistema politico 1945-1996, Bologne, Il Mulino, 1997, p. 339-346, mais en particulier R. Colozza, « Charles de Gaulle visto dall’Italia (1958-2012) », Cahiers d’études italiennes, no 22, 2016, p. 97-110.
61 C. Mortati, « Società e stato », art. cité, p. 50 ; S. Galeotti, « La nuova costituzione », art. cité, p. 71-73.
62 J.-L. Debré, op. cit., p. 272 ; G. Ferrara, « Una Repubblica per de Gaulle. Il referendum del 28 ottobre 1962 », dans M. Fioravanti éd., Culture e modelli costituzionali dell’Italia repubblica, Cosenza, Pellegrini, 2008, p. 111-113.
63 De Gaulle précise, le 18 octobre 1962, qu’il se serait retiré de la politique même avec une faible majorité de personnes ayant voté en sa faveur (G. Quagliariello, De Gaulle e il gollismo, Bologne, Il Mulino, 2003, p. 560).
64 Voir L. Noël, De Gaulle et les débuts de la Ve République (1958-1965), Paris, Plon, 1976, p. 201-215 ; E. Burin des Roziers, Retour aux sources. 1962, l’année decisive, Paris, Plon, 1986 ; E. Roussel, De Gaulle, Paris, Gallimard, 2002, p. 580-712 ; R. Brizzi et M. Marchi, Charles de Gaulle, Bologne, Il Mulino, 2008, p. 162-171 ; G. Quagliariello, De Gaulle, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2012, p. 611-613 ; J. Jackson, A Certain Idea of France. The Life of Charles de Gaulle, Londres, Penguin Books, 2019, p. 562-567.
65 J. Chapsal, La vie politique sous la Ve République, Paris, Presses universitaires de France, 1981, p. 247.
66 Pour approfondir, voir P. Avril, « Les débats de 1962 » et L. Hamon, « La thèse gaullienne », dans L. Hamon et G. Lobrichon éd., L’élection du chef de l’État en France : de Hugues Capet à nous jours, Paris, Beauchesne, 1998, p. 173-195.
67 À propos de la personnalisation de la politique, voir R. Brizzi, L’uomo dello schermo. De Gaulle e i media, Bologne, Il Mulino, 2010, p. 198-246.
68 M. Volpi, La democrazia autoritaria. Forma di governo bonapartista e V Repubblica francese, Bologne, Il Mulino, 1979, p. 82.
69 S. Volta, « De Gaulle proporrà il referendum per l’elezione del suo successore », La Stampa, 13 septembre 1962.
70 F. Margiotta Broglio, « Jemolo, Arturo Carlo », dans Dizionario biografico degli italiani, vol. LXII, Rome, Istituto dell’Enciclopedia italiana, 2004. En ligne : [https://www.treccani.it/enciclopedia/arturo-carlo-jemolo_(Dizionario-Biografico)/] (consulté le 20 février 2025).
71 A. C. Jemolo, « Un popolo e un uomo », La Stampa, 23 septembre 1962.
72 A. D’Orsi, « Salvatorelli, Luigi », dans Dizionario biografico degli italiani, Rome, Istituto dell’Enciclopedia italiana, 2017. En ligne : [https://www.treccani.it/enciclopedia/luigi-salvatorelli_(Dizionario-Biografico)/] (consulté le 20 février 2025).
73 L. Salvatorelli, « Il generale-presidente », La Stampa, 18 novembre 1962.
74 Ibid.
75 À propos de la ligne du Corriere della Sera, voir M. Forno, « Russo, Alfio », dans Dizionario biografico degli italiani, Rome, Istituto dell’Enciclopedia italiana, vol. LXXXIX, 2017. En ligne : [https://www.treccani.it/enciclopedia/alfio-russo_(Dizionario-Biografico)/] (consulté le 20 février 2025).
76 « Una lezione », Corriere della Sera, 7 octobre 1962.
77 Ibid.
78 « La Francia è giunta al bivio della storia », Corriere della Sera, 12-13 novembre 1962 ; « The Choice for France », The New York Times, 11 novembre 1962.
79 AP, Camera, Discussioni, Leg. III, séance matinale du 26 octobre 1962, p. 35131.
80 Ibid., discours de Tullio Vecchietti, p. 35148.
81 À propos de l’orientation chrétienne-démocrate sur le tournant gaulliste de 1958, voir A. Argenio, « Da maggio a maggio. La Dc e l’avvento al potere di Charles de Gaulle nel 1958 », Italia contemporanea, no 270, 2013, p. 11-32.
82 C. Tasca, « A De Gaulle il 62 per cento dei voti del settimo referendum costituzionale », Il Popolo, 29 octobre 1962.
83 « Il voto in Francia », Il Popolo, 31 octobre 1962 ; voir aussi l’éditorial « Un nuovo referendum », Il Popolo, 22 novembre 1962, dans lequel le jugement émis sur de Gaulle est plus positif.
84 G. Formigoni, P. Pombeni et G. Vecchio, Storia della democrazia cristiana 1943-1993, Bologne, Il Mulino, 2023, p. 189-206 ; A. Giovagnoli, Il partito italiano. La Democrazia cristiana dal 1942 al 1994, Rome-Bari, Laterza, 1996, p. 98-101.
85 AP, Camera, Discussioni, Leg. III, 5 août 1960, p. 16257-16258.
86 G. Sircana, « Lussu, Emilio », dans Dizionario biografico degli italiani, vol. LXVI, Rome, Istituto dell’Enciclopedia italiana, 2006. En ligne : [https://www.treccani.it/enciclopedia/emilio-lussu_(Dizionario-Biografico)/] (consulté le 20 février 2025).
87 AC, Commissione per la Costituzione, IISc, 5 septembre 1946, p. 116.
88 A. Predieri, art. cité, p. 1105.
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Référence électronique
Salvatore Mura, « L’élection directe du président de la République italienne entre le spectre de Weimar, l’attrait des États-Unis et l’exemple de la France (1944-1962) », Laboratoire italien [En ligne], 34 | 2025, mis en ligne le 26 mai 2025, consulté le 12 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/laboratoireitalien/14184 ; DOI : https://doi.org/10.4000/140kb
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