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Travail et Utopie(s)

Appel à contributions pour le numéro de juillet 2026

Responsables scientifiques du dossier 

Patricio Nusshold (Université de Montpellier Paul-Valéry)
Carole Baudin (Université Lumière Lyon 2)
Enrico Donaggio (Iméra, AMU, collectif ArtLib)
Valérie Pueyo (Université Lumière Lyon 2)

Calendrier

14 octobre 2025 : Date limite de soumission des propositions d'articles avec le contenu suivant : le titre de l'article ; un résumé de 500 mots avec les intentions projetées pour sa rédaction ; et 5 références bibliographiques, y compris des références des publications des auteurs. Les propositions de contributions doivent être envoyées à l'adresse électronique suivante : laboreal@fpce.up.pt 

31 octobre 2025 : Date limite pour informer les auteurs des résultats de l'évaluation des propositions. 

15 décembre 2025 : Date limite de réception des articles complets. 

15 février 2026 : Date limite pour informer les auteurs des résultats de l'évaluation des articles. 

31 mars 2026 : Date limite de réception de la version révisée de l'article.

31 mai 2026 : Date limite de réception de la version finale du travail, traduite en espagnol ou portugais

Depuis le 19ème siècle, les crises cycliques de nos sociétés industrielles ont nourri de multiples démarches s’inscrivant dans le projet de définition d’un autre monde possible. Mais ces dernières décennies ont révélé un état de crise profond qui nous amène à douter, plus radicalement que jamais, de la validité et de la pérennité de nos manières de penser et d’agir. Nos futurs sont en question, nos modèles de sociétés s’épuisent sous le joug du dérèglement climatique, des crises sociales et sociétales, sanitaires et politiques. Et le travail humain y est un enjeu indéniable.

Clé de voûte de nos sociétés, le travail humain a, en même temps, participé à façonner ces contextes et à en cristalliser les symptômes. Mais c’est aussi par le travail que des voies alternatives, des dynamiques se mettent en place pour faire autrement et transformer en mieux notre manière de vivre. En filigrane de ces initiatives, la notion d’utopie devient féconde pour penser ce qui est possible, ce qui se trame au-delà des faits, ce qui soutient, ce qui se remet en question, ce qui se propose d’un vivre ensemble, mais encore, ce qui se construit dans cet état d’urgence. Car l’utopie naît dans l’urgence et apparaît lorsque le futur s’obscurcit et/ou le présent devient inacceptable. Or le futur du travail, tel qu’il est prescrit et vécu aujourd’hui, semble plus que jamais insoutenable à long terme. Nouvelles formes de précarité, de vulnérabilité, nouvelles formes de collaboration technologique, nouvelles assignations et compétences métier, polyvalence, agilité et mobilité accrues, tensions liées à de nouvelles formes de responsabilités, d’injonctions contradictoires, logique du risque zéro, participent à l’insoutenabilité de notre ère... Les dimensions pathogènes et aliénantes du travailler semblent s’exacerber depuis des années suscitant des initiatives, ponctuelles mais qui se multiplient, de personnes et collectifs qui décident d’essayer de travailler autrement, de transformer leur travail pour qu’il (re)devienne source d’évolution et d’une autre maîtrise des projets de vie

Horizon, plus que concept, l’utopie s’esquisse souvent plus qu’elle ne se définit. Elle se façonne au gré des projets, des collectifs et des personnes qui les incarnent et les concrétisent. Ce sont la plupart des fois de “ petites utopies » (Donaggio, 2025), des “ utopies concrètes » (Bloch, 1976) qui prennent corps et définissent ainsi d’autres manières de faire ensemble, de travailler et de créer de nouveaux rapports au travail, souvent ancrés dans des territoires ou des milieux spécifiques (Pueyo, 2020). Comme le note Jacques Rancière dans un récent entretien, l’utopie qui se donne aujourd’hui n’est plus tant celle des grands bouleversements, mais plutôt celle des petites communautés utopiques (Le Monde, 25 août 2025).

Que ce soit des collectifs nés de la réactivation de friches industrielles, des coopératives qui se mettent en place dans une logique de circularité écologique, d’une mise en réseau de mouvements de féminisation de certains métiers, de la reprise d’usine et d’entreprise par des salariés, etc., toutes ces initiatives ont en commun une approche utopique et esquissent des configurations de travail qu’il nous semble fécond de mettre en lumière dans cette nouvelle étape de notre revue Laboreal qui vient de fêter ses 20 ans.

Utopie(s) comme filigrane d’un passage d’étape, qui n’est pas seuil ni rupture, mais plutôt vecteur de cette trajectoire que poursuit la revue Laboreal, car, ses auteurs n’ont eu de cesse de montrer et d’analyser, sans nécessairement se référer à cette notion, comment, entre le prescrit et le réel, entre la tâche et l’activité, se sont dessinés dans différents contextes des utopies discrètes, des savoir-faire, des désobéissances, des agir collectifs mineurs visant à faire mieux et meilleur, à retrouver des formes d’émancipation au travail. Utopie(s) aussi à travers les propositions axiologiques et méthodologiques portés par certains penseurs et acteurs du Travail (Oddone, Wisner, Schwartz, etc. pour ceux qui ont cimentés les réflexions de Laboreal), et proposant, de bonne heure, des concepts et des configurations originales de penser et agir ensemble. Utopie(s) portée(s) par les tenants d’une ergonomie de l’activité qui, dans une approche développementale, ont participé à l’émergence de systèmes de travail questionnant les relations de pouvoir instituées (Barcellini, Cerf, & Lacomblez, 2024). Utopie(s), enfin, comme clé de lecture pour historiciser et positionner l’analyse et la transformation du travail, les ancrer dans une Histoire plus large et les interroger.

Utopies discrètes, utopies concrètes, utopies pratiques, ou réelles, elles semblent aujourd’hui surtout nécessaires et urgentes, devant à ce titre (re)devenir matière à réflexion, partage et transformation comme le déclarait, il y a déjà 15 ans, Renato Di Ruzza dans le dictionnaire de Laboreal (2011). En ces temps de transitions, les manières de penser et d’agir sur le travail intègrent de plus en plus la dimension utopique qui sous-tend l’évolution des mondes du travail et des communautés de vie, ce numéro sera donc l’occasion d’en faire l’état de l’art.

Le dossier sera, notamment, structuré autour des questions suivantes : 

  1. Quels sont les constats et diagnostics qui suscitent l’élan utopique d’un projet ? Et comment les dimensions du travail et du travailler sont-elles pensées, réfléchies, anticipées ?

  2. Que révèlent ces utopies concrètes des conditions pour créer des configurations émancipatrices et transformatives du travail ?

  3. Quelles sont les dynamiques de transformation à l’œuvre et comment les experts et chercheurs du travail peuvent-ils accompagner ces processus ?

  4. Quels exemples pouvons-nous mettre en lumière par le biais de l’analyse du travail pour identifier le potentiel utopique de tout travail vivant ?

Il est essentiel que les auteurs/es soulignent les contributions spécifiques de leur article à la discussion du dossier, en tenant compte des axes de cet appel mais aussi de la politique éditoriale de la revue reprises dans les lignes directrices suivantes : (1) les articles doivent traiter du travail réel sur la base de critères de contextualisation et de faisabilité ; (2) ils doivent contribuer à influencer/transformer des situations de travail concrètes ; et (3) présenter des thèmes novateurs qui contribuent à développer les connaissances, tant dans le domaine scientifique que dans le domaine de l'intervention. 

Les articles seront acceptés sous deux rubriques de la revue : Recherche empirique et Instruments de recherche. 

Les articles seront publiés en portugais ou en espagnol. Toutefois, les propositions et les textes soumis à l'évaluation peuvent également être rédigés en français ou en anglais. Les auteurs seront responsables de la traduction des articles approuvés, en portugais ou en espagnol.

Bibliografia

Barcellini, F., Cerf, M., & Lacomblez, M. (2024). Developmental foundations of Activity-Centered Ergonomics: knowledge encounters to construct both a critical analysis of work and developmental set-ups. Ergonomics, 68(6), 813-831. https://doi.org/10.1080/00140139.2024.2415965

Bloch, E. (1976). Le principe espérance, tome I. Gallimard.

Di Ruzza, R. (2011). Utopia. Laboreal, 7(1). https://doi.org/10.4000/laboreal.8505

Donaggio, E. (2025). Dans la mesure du possible - Utopie et travail aujourd’hui. In Journées Travail et Anthropocène, Laboratoire d’Ergonomie de l’ULL, 25 janvier 2025.

Rancière, J. (2025). Entretien par Nicolas Truong, dans La “pensée 68” face au moment Trump (1/6). Le Monde, 25 août 2025.

Pueyo, V. (2020). Pour une Prospective du Travail. Les mutations et transitions du travail à hauteur d’Hommes [Habilitation à Diriger des Recherches, Université Lumière Lyon 2]. HAL Thèses. https://hal.science/tel-02480599

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