Navigation – Plan du site

Accueilnuméros30Actualité de la rechercheRecherche libreY a-t-il une « évolution » des mœ...

Actualité de la recherche
Recherche libre

Y a-t-il une « évolution » des mœurs ?

Historiographie et anthropologie de la famille et du mariage
Sylvie Joye
p. 115-130

Texte intégral

  • 1  Évelyne Sullerot, La Crise de la famille. Paris. Hachette, 2000.
  • 2  Michel Godet et Evelyne Sullerot. La Famille : affaire privée et publique, Paris, La Documentalion (...)

1La « crise de la famille » est largement présentée comme une donnée caractéristique de notre temps1. Au début de l’année 2007, a été publiée une partie du rapport sur la famille rédigé par Michel Godet et Evelyne Sullerot en 2005 à l’intention du Premier ministre. D’emblée, ils reviennent sur l’importance qui doit être accordée aux mutations de la famille dans l’Europe d’aujourd’hui car « la famille, si elle est une affaire privée, est aussi une affaire publique qui conditionne la cohésion sociale et le développement durable2 ». Au-delà de ce langage convenu, propre aux préoccupations affichées par les Etats européens du xxie siècle, le rapport pointe un problème qui est ressenti avec une acuité particulière aujourd’hui, mais qui ne date pas d’hier : la définition même de ce qu’est une famille. Cette notion relève-t-elle seulement de la vie privée ? Quid alors de la place occupée par la famille dans le fonctionnement de la société ou dans la gestion de l’État ? S’ils cherchent quelles mesures peuvent remédier en partie aux conséquences des déboires que connaît le mariage, les auteurs du rapport de 2005 se gardent cependant bien de porter des jugements moraux sur la situation.

  • 3  Nara Milanich vient de pointer le contraste actuel entre l’intérêt du public pour les perspectives (...)
  • 4  Sur l’extrême prudence à observer au sujet de la notion de progrès lorsqu’on traite de l’histoire (...)
  • 5  Ce qui m’amena à développer l’étude de cette pratique dans le cadre de ma thèse : Sylvie Joye, La (...)

2Cela va à l’encontre d’une longue tradition qui a quasiment assimilé histoire du mariage et de la famille et « évolution » des mœurs pendant le xixe siècle et une bonne partie du xxe3. Le mariage monogame et indissoluble, idéal bourgeois des sociétés occidentales du xixe siècle, apparaissait comme l’acte par excellence par lequel pouvait être fondée une famille. Toutes les autres formes d’union étaient alors considérées comme imparfaites, brouillons ou déviances de ce modèle vers lequel aurait tendu l’histoire de la famille humaine : l’idée de progrès4 développée au siècle précédent marque fortement les évolutionnistes, qui associent implicitement transformation des modes d’union et progrès moral de l’humanité. Or, lorsque l’on étudie des pratiques telles que le rapt au haut Moyen Âge5, c’est-à-dire le mariage par enlèvement, on se rend compte, au contraire, que ces formes d’union considérées par les évolutionnistes et leurs épigones comme une survivance barbare, violente, arriérée sont une réponse trouvée par ceux à qui on refuse une femme (et donc un statut, une fortune un honneur) pour l’obtenir.

Naissance de l’histoire de la famille

  • 6  Thomas R. Trautmann. « La parenté comme langage », dans Philippe Descola et alii (dir.), La Produc (...)
  • 7  Claude Lévi-Strauss, « Race et Histoire » [1952] dans Id., Race et Histoire. Race et Culture, Pari (...)

3L’anthropologie est liée intimement dans ses débuts à l’histoire, puisque l’on peut dire que « l’anthropologie naquit lorsque l’histoire des origines qui avait cours en Occident entra en crise, et que cette science se fixa comme tâche d’en concocter une nouvelle6 ». L’évolutionnisme culturel7 prit d’ailleurs son essor avant même que Darwin ne popularise le concept d’évolution des espèces.

  • 8  Charles Darwin, La Descendance de l’Homme et la sélection sexuelle [1871], Paris, 1874, p. 392.
  • 9  George W. Stocking Jr., After Tylor : British Social Anthropology (1888-1951), Madison, University (...)
  • 10  John Lubbock, The Origin of Civilization and the Primitive Condition of Man, Londres, Longmans, Gr (...)
  • 11  Edward B. Tylor, Primitive Culture : Researches into the Development of Mythology, Philosophy, Rel (...)
  • 12  Herbert Spencer, Les Bases de la morale évolutionniste, Paris, Librairie Germer Baillière, 1881.
  • 13  Lewis H. Morgan, Ancient Society, or Researches in the Lines of Human Progress front Savagery thro (...)
  • 14  Augustus H. Lane-Fox Pitt-Rivers, « On the Evolution of Culture », Proceedings of the Royal Instit (...)
  • 15  John F. McLennan, Primitive Marriage : An Enquiry into the Origin of the Form of Capture in Marria (...)
  • 16  William I. Miller, The Anatomy of Disgust, Cambridge, Harvard University Press, 1997 ; George W. S (...)

4Dans le contexte de l’intérêt nouveau porté à la préhistoire de l’humanité, Darwin se cantonna aux transformations anatomiques caractéristiques de l’hominisation et se refusa à faire des conjectures sur l’évolution possible des relations sociales et du lien conjugal en particulier8. Les tenants de l’évolutionnisme culturel tentèrent cependant de mettre en évidence une évolution des formes de la famille et du mariage9. Venus d’horizons divers, des anthropologues comme les Anglais John Lubbock10, Edward Burnett Tylor11 et Herbert Spencer12, des ethnologues comme l’Américain Lewis Henry Morgan13 et l’Anglais Augustus Henry Lane-Fox Pitt-Rivers14 ou des juristes comme l’Écossais John Ferguson Mac Lennan15 se donnèrent pour but de mettre en évidence les étapes principales de l’évolution des pratiques sociales. Pour cela, ils décidèrent de remonter aux origines préhistoriques des cultures humaines, dont l’état « primitif »16 de certains peuples contemporains semblait leur fournir un modèle. Il s’agissait pour eux de penser la diversité des formes de la parenté, du mariage et de la famille dans l’espace, mais aussi dans le temps, afin de comprendre comment on avait finalement abouti en Occident à l’adoption du mariage monogame tel qu’il se présentait à leur époque, celui-ci correspondant dans leur esprit au modèle d’union le plus « civilisé ».

  • 17  James G. Frazer, Totemism and Exogamy. A Treatise on certain Early Forms of Superstition and Socie (...)
  • 18  John Lubbock, Les Origines de la civilisation, op. cit., p. 80-88.
  • 19  Johann Jakob Bachofen, Le Droit maternel. Recherche sur la gynécocratie de l’Antiquité dans sa nat (...)

5L’humanité serait passée, selon ce schéma, par trois stades qui correspondent chacun à un type d’union. Les premières communautés humaines ne connaissaient pas le mariage, ou pratiquaient une sorte de « mariage en commun », où tous les hommes et les femmes de la communauté appartenaient indifféremment les uns aux autres. La seule filiation reconnaissable aurait alors été maternelle. James Frazer considère ainsi le totémisme comme une expression du fait qu’à l’origine la paternité génétique n’était pas connue. La mère, lorsqu’elle prenait conscience de sa grossesse, se croyait possédée par un esprit qui était ensuite considéré comme le totem de l’enfant17. John Lubbock trouvait notamment dans l’adoption et sa pratique chez les Romains de l’Antiquité le signe d’une importance moindre accordée à la paternité génétique, indice de l’existence antérieure de la « communauté des femmes18 ». De cette constatation naquit l’idée des sociétés matrilinéaires de l’époque préhistorique, qui fut liée rapidement à celle de l’existence d’un matriarcat primitif, développée par Johann Jakob Bachofen19.

  • 20  John Lubbock, Les Origines de la civilisation, op. cit., p. 93.
  • 21  Ibid., p. 94.
  • 22  Ibid., p. 95.
  • 23  Ibid., p. 110-111.

6Le deuxième âge de l’humanité, après celui de la « horde primitive », est ainsi pour certains celui du matriarcat : comme les évolutionnistes supposent que la seule filiation connue était maternelle, ils en déduisent en effet que le pouvoir était alors aux mains des femmes. La capture de prisonnières venues d’autres clans procure des femmes qui appartiennent exclusivement à leur vainqueur. Dès 1870, John Lubbock soutenait quant à lui qu’on était passé directement de la « communauté des femmes » au mariage par capture occasionnelle. La possession exclusive d’une belle fille capturée lors d’une expédition par un guerrier aurait selon lui coexisté sans problème pendant un temps avec la « communauté des femmes », puisque les droits de toute la tribu ne concernaient que les filles nées dans la tribu, et non les captives20. À l’origine, le mariage par capture n’était donc pas un acte illégal, puisque, au contraire, la captive était considérée comme une possession légale21. De ce fait, l’enlèvement aurait été originellement le seul moyen de posséder une femme à l’exclusion de tous les autres membres de la tribu22. La capture réelle ou simulée était dès lors peu à peu devenue indispensable à la conclusion d’un mariage23. La motivation de cette généralisation du mariage par capture s’explique dans le modèle de Lubbock par des préoccupations touchant la paternité. Les seuls enfants dont la paternité était assurée étaient en effet ceux qui étaient nés des captives, puisque les autres femmes étaient partagées par toute la tribu. Dès lors, le mariage par capture, puis par rapt, serait pour un temps devenu la manière la plus honorable et la plus couramment répandue de sceller une union. La troisième étape est celle du mariage par achat de l’épouse, notion déduite de l’importance des transferts patrimoniaux réalisés au moment du mariage dans certaines sociétés. Ce « mariage par achat » marque pour les évolutionnistes la mise en place du patriarcat.

  • 24  John F. McLennan, Primitive Marriage. op. cit., p. 138.
  • 25  Voir par exemple Louis Dumont, Homo hierarchicus. Le système des castes et ses implications, Paris (...)
  • 26  Par exemple, Barbara Cassin, Maurice Mathieu, Voir Hélène en toute femme : d ’Homère à Lacan, Pari (...)

7Les raisons qui ont pu pousser l’homme à passer d’une forme de mariage à l’autre sont alors l’objet d’un débat nourri, qui insiste souvent sur la rudesse des mœurs « primitives ». La théorie de Lubbock sur l’importance accordée à la paternité se voulait en effet concurrente de celle de John F. McLennan, qui avait rattaché l’apparition du mariage par capture à la relative rareté des femmes au sein du groupe. Il attribuait celle-ci à un manque de nourriture qui aurait poussé la communauté à pratiquer un infanticide visant plus particulièrement les petites filles. Dès lors, les jeunes hommes se trouvaient dans l’obligation de se procurer des compagnes au dehors, par la force24. Chez Lubbock aussi bien que chez McLennan, le mariage par capture et le rapt se définissaient donc comme les formes primitives et violentes par lesquelles on serait passé de l’endogamie à l’exogamie. C’est d’ailleurs à l’occasion de l’exposition de son opinion sur l’importance de la capture que McLennan forgea le mot exogamie, qui ne devait plus sortir du vocabulaire des anthropologues et des historiens25, et qui est toujours lié au rapt dans la littérature et la psychanalyse26. Sa théorie concernant les origines du mariage, en revanche, fut très rapidement remise en cause, en particulier celle de l’infanticide comme élément déclencheur de la période des rapts. L’idée de la valorisation tardive de la paternité développée par Lubbock et Frazer connut une postérité plus large et est encore reprise par certains chercheurs.

  • 27  Le rapport de Michel Godet et Évelyne Sullerot présente la famille comme un fait de culture et rep (...)
  • 28  Thomas R. Trautmann, « La parenté comme langage », art. cit., p. 433.
  • 29  Maurice Godelier, « Incest Taboo and the Evolution of Society. The Herbert Spencer Lecture », dans (...)
  • 30  Louis Dumont, Groupes de filiation et alliance de mariage. Introduction à deux théories d’anthropo (...)

8Les théories évolutionnistes présentent au final un lent cheminement de la horde primitive et du matriarcat vers le mariage monogamique et le patriarcat comme un parcours qui s’éloigne toujours plus de la nature pour aller vers la culture. Le statut de la famille, entre culture et nature, était et est toujours loin d’être évident27. Une bonne part des anthropologues considèrent cependant aujourd’hui que c’est la parenté, et elle seule, qui est caractéristique de l’espèce humaine, et qui est un fait de culture28. L’invention du père, parfois présentée comme l’acte de naissance de la parenté, serait un fait de nature, présent d’ailleurs chez d’autres espèces29. Cette théorie est d’autant plus répandue dans l’anthropologie française que celle-ci fonde son étude de la parenté sur l’alliance, contrairement aux chercheurs anglophones, qui traitent plus volontiers de la filiation30.

  • 31  Claude Lévi-Strauss, « Postface », Question de parenté, L’Homme, 154-155, 2000, p. 713-720, notamm (...)

9Dans le contexte de cette valorisation de l’alliance, le terme d’échange est l’un des plus couramment utilisés aujourd’hui. Emprunté à Marcel Mauss et appliqué par Claude Lévi-Strauss au champ de la parenté et du mariage, ce terme a été l’objet de nombreux débats entre les anthropologues ces dernières années. L’usage de ce concept détaché des préjugés moraux et raciaux du xixe siècle n’a pas totalement dépassionné le débat sur le rapport entre l’univers mental, les valeurs de l’anthropologue et la façon dont il aborde, au travers de la parenté, les domaines de la sexualité et de la famille. En 2000, Claude Lévi-Strauss a ainsi dû revenir sur « le malaise qui se fait jour au sujet de l’échange » : il remarque que « tantôt l’échange des femmes apparaît comme une vérité d’évidence, et l’expression n’appelle aucun commentaire tant elle semble appartenir au langage courant de la profession ; tantôt cette notion est rejetée, parfois avec véhémence », par exemple parce qu’elle ne prend pas assez en compte la possibilité d’échange des hommes plutôt que des femmes ou qu’elle met excessivement en valeur le rôle du père ou du mari31.

  • 32  Edward Westermarck, The History of Human Marriage, Londres, Mc Millan, 1891
  • 33  Thomas R. Trautmann, Lewis Henry Morgan and the Invention of Kinship, Berkeley, Univ. California P (...)
  • 34  Cécile Dauphin, Arlette Farge, « Introduction », dans C. Dauphin, A. Farge (dir.), De la violence (...)

10Revenons au début du xxe siècle, lorsque l’idée d’une relation entre histoire du mariage et « évolution des mœurs » est rejetée par la plupart des anthropologues. Le Finlandais Edward Westermarck, notamment, avait voulu mettre un point final au débat dans sa thèse, soutenue en 1889. The History of Human Marriage, enrichie et revue jusqu’en 192132. Même si la promiscuité primitive et le matriarcat sont encore évoqués dans des travaux ultérieurs, l’essentiel de la recherche anthropologique s’écarte de cette problématique à partir des années 189033. Cependant, ces théories sont largement utilisées par les historiens et les juristes après cette époque. Dans le champ de l’anthropologie elle-même, aussi bien que dans celui de l’histoire, certains thèmes, comme celui de la violence exercée contre ou par les femmes, continuent de jeter les chercheurs dans l’embarras34.

Historiographie de la famille : l’exemple du haut Moyen Âge et du rapt

  • 35  Par exemple, Charles Galy, La Famille à l’époque mérovingienne, Paris, 1901.
  • 36  Georges Duby, Jacques Le Goff (dir.), Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Rome. École fra (...)
  • 37  Par exemple. Lothar Dargun, Mutterrecht und Raubehe, und ihre Reste im germanischen Recht und Lebe (...)
  • 38  Pierre Guichard, « L’Occident médiéval : L’Europe barbare », dans André Burguière et alii (dir.), (...)
  • 39  Friedrich Engels, Der Ursprung der Familie, des Privateigentums und des Staates im Anschluss an Le (...)

11Si l’anthropologie apparut d’abord comme une histoire des origines, l’histoire n’eut de cesse de s’inspirer de l’anthropologie, même lorsqu’elle s’en défendait35 et bien avant le rapprochement affiché des deux disciplines dans les années 197036. Le problème de ces liens très anciens entre histoire des débuts de l’humanité et théories anthropologiques réside justement dans le non-dit. Si les historiens qui se sentaient proches des évolutionnistes dans les années 1880 rappelaient ouvertement d’où venaient leurs inspirations et avaient conscience de la nouveauté de ces idées37, celles-ci passèrent par la suite pour une doxa dont ceux qui l’utilisaient ne maîtrisaient plus les tenants et les aboutissants. Pierre Guichard regrette encore, en 198638, que les historiens se fondent toujours, lorsqu’ils imaginent l’existence durant l’Antiquité et le Moyen Âge d’une « famille large » précédant l’avènement de la famille nucléaire, sur les idées des pères fondateurs de l’anthropologie qui avaient été popularisées par Engels39.

  • 40  Qui ne disparaît pas avec les « barbares ». Voir Danielle Haase-Dubosc, Ravie et enlevée, de l’enl (...)

12À cette utilisation des schémas évolutionnistes, qui assimilent les populations anciennes – et à plus forte raison ceux que l’on a qualifiés de « barbares »– aux « primitifs », s’ajoute une tendance à émailler le discours historique de jugements de valeur qui n’ont plus cours aujourd’hui. Les barbares étaient classiquement comparés à des enfants, incapables de maîtriser leurs instincts (mauvais). Dès lors se posait la question d’une possible éducation de l’humanité, qui mettrait de plus en plus de côté ses instincts. La disparition progressive du rapt40 serait due à ce progrès des mœurs.

  • 41  Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, Paris, Pocket, 1973, p. 280 [1re éd. all. 1939] ; critiq (...)
  • 42  Georges Vigarello, L’Histoire du viol, Paris, Seuil, 1998, p. 18.

13La survalorisation et la surinterprétation de l’aspect violent du rapt le rangent d’emblée, pour de nombreux historiens, dans le domaine de l’instinctivité et de l’outrance, alors que l’importance du rapt dans le haut Moyen Âge et la relative tolérance à son égard (presque plus au sein des familles que de la part du pouvoir législatif ou judiciaire) doit être replacée dans le contexte de la variation dans le temps des « normes de l’agressivité » évoquée par Norbert Elias41. Les modernistes et les contemporanéistes qui ont étudié le viol ou le rapt expliquent en partie grâce à cette notion la moindre visibilité et la moindre mise en jugement de ces brutalités nombreuses par rapport à la période actuelle42. La violence est un élément nécessaire à la réalisation du rapt, mais elle n’est qu’un moyen, pas une fin.

  • 43  Robert Fossier, La Société médiévale, Paris, Armand Colin, 1991, p. 86-87.
  • 44  Jean-Pierre Poly, Le Chemin des amours barbares. Genèse médiévale de la sexualité européenne, Pari (...)

14Faire de l’usage du rapt un critère propre à définir le niveau de civilisation d’une société ou considérer celle-ci comme un vestige archaïque et moins policé au sein d’une société plus « civilisée » semble bien dangereux43. L’idée selon laquelle le rapt aurait été au haut Moyen Âge une survivance d’un ancien âge germanique matriarcal, encore évoquée dans des publications très récentes et qui ont eu un large écho44, doit être abandonnée. Il en va de même des interprétations qui rattachent systématiquement le rapt au domaine de la pulsion et du désordre sexuel. Son étude permet de mettre au jour les stratégies matrimoniales caractéristiques des moments de crise et de renouvellement des élites.

  • 45  François Bougard, Laurent Feller et Régine Le Jan (dir.), Dots et douaires dans le haut Moyen Âge, (...)
  • 46  Jack Goody, L’Évolution de la famille et du mariage en Europe, Paris, Seuil, 1985 [Cambridge, 1983 (...)
  • 47  Voir Mireille Corbier, « Adoptés et nourris », dans M. Corbier (dir.), Adoption et fosterage, Pari (...)

15Qui dit stratégie matrimoniale dit aussi souvent stratégie patrimoniale. Les questions de transferts de biens au moment du mariage sont de première importance pour les sociétés comme celles du haut Moyen Âge45. Cependant, s’intéresser aux seules questions de transferts de biens et d’héritages peut mener à des explications caricaturales des transformations que connaît le mariage à ces époques. Le rôle de l’Église a parfois été présenté sans nuances. La mise en place et l’extension de l’interdit d’inceste ont été interprétées par Jack Goody46 comme une stratégie patrimoniale de l’Église visant à concurrencer les stratégies familiales des élites laïques. Cette explication qui place les seuls intérêts matériels de l’Église au cœur de ses décrets touchant les interdits de parenté a été en grande partie remise en cause ces dernières années. L’Église n’apparaît pas, pour les époques qui nous intéressent, comme une institution qui développerait une stratégie concertée en ce domaine. De plus, les laïques savaient comment jouer de ces codes et usaient de leurs liens avec les monastères et des interdits de parenté pour préserver leur propre patrimoine47.

16La conception de la société et de la place qu’y jouent le couple ou la sexualité dans l’esprit des laïques, comme dans celui des clercs, ne peut donc être réduite aux éventuelles arrière-pensées matérielles des uns et des autres. De fait, de nombreux bouleversements adviennent en ce qui concerne la famille et le sexe au haut Moyen Âge, et la christianisation des instances de pouvoir et des mœurs est souvent invoquée comme explication. Il y a une réelle réflexion sur la place de la sexualité dans l’ordre du monde au haut Moyen Âge, qui fait que l’on ne peut réduire aux stratégies matrimoniales et patrimoniales l’étude d’une pratique comme le rapt, même si cette voie peut apparaître comme la plus féconde et la moins hasardeuse. Cette prise en compte des données liées aux transformations de la société en terme de religion, de représentations de la violence, de la femme ou de la sexualité nous ramènent-elles inexorablement à une question d’évolution des mœurs ?

Qu’en est-il d’une évolution des mœurs au haut Moyen Âge ?

  • 48  Paul Veyne, « La famille et l’amour sous le Haut Empire romain », dans ld., La Société romaine, Pa (...)
  • 49  Ibid., p. 90-96.
  • 50  Voir la discussion sur les liens des hypothèses de Paul Veyne avec les vieilles théories de la déc (...)

17L’argument qui a été le plus souvent avancé pour expliquer la transformation des mœurs au début du Moyen Âge est lié à la christianisation de la société à cette époque. Cette idée a été remise en question notamment par Paul Veyne48 : il a réfuté en particulier le lien classiquement établi entre moralisation de la famille et influence chrétienne. Il présente le nouveau statut du mariage, du couple et de l’idée d’amour conjugal, qui semble apparaître au iiie siècle, comme le résultat d’une mutation intervenue durant les deux premiers siècles de notre ère et généralisée à l’époque des Sévère. La stabilité du couple et l’idée d’amour conjugal paraissent devenir alors la norme, et ce avant qu’ait pu s’exercer toute influence chrétienne, et sans que l’on puisse par ailleurs imputer ce changement à une soi-disant morale stoïcienne, parfois conçue comme le terreau de cette mutation49. Si certains aspects de cette position doivent être remis en cause50, il n’en demeure pas moins qu’il faut effectivement lier l’attention nouvelle portée au couple à des transformations sociales et politiques, et qu’il faut surtout se garder de la lier à la christianisation de l’Occident.

  • 51  Ainsi, on a parlé d’un certain « féminisme » professé par l’archevêque Hincmar de Reims ; voir Pie (...)
  • 52  Joëlle Beaucamp, « La christianisation du droit à Byzance : l’exemple du statut des femmes », Cris (...)
  • 53  Ramsay McMullen, « What Différence did Christianity Make ? », Historia, 35, 1986, p. 322-343. Voir (...)

18Les transformations touchant le mariage et la famille intéressent cependant effectivement de plus en plus les ecclésiastiques, à partir du viiie siècle en particulier. Il s’agit pour eux de faire du mariage une image irréprochable de l’union du Christ et de l’Église en lui assurant des fondements sûrs, par un plus grand contrôle des modalités de sa conclusion. Cette préoccupation pour le « bon mariage » a des répercussions sur la représentation des bonnes mœurs et, en moindre part, sur les comportements. En particulier, elle entraîne une valorisation de la place de la femme dans le couple conjugal, que ce soit dans le processus de sa formation ou dans sa perpétuation51. Le problème de l’appréciation de la condition féminine était il y a encore quelques années indissociable de celui de la christianisation de la société à la fin de l’Antiquité. Le constat effectué par Joëlle Beaucamp sur les conditions dans lesquelles elle entreprit sa recherche sur les femmes à l’époque protobyzantinc est éloquent : dans les années 1970, on ne pouvait faire l’économie d’une réflexion sur l’impact du christianisme sur le statut de la femme52. Plus généralement, l’impact des lois émises par les empereurs romains chrétiens sur la christianisation de la société a été discuté à de multiples reprises. Ramsay McMullcn préfère s’en tenir à une position minimaliste : le « tournant constantinien » n’aurait rien changé aux pratiques sociojuridiques romaines53.

  • 54  Walter Pohl, Die Germanen. Enzyklopädie deutscher Geschichte, Munich, Oldenburg, 2000.
  • 55  Jean-Pierre Poly, op. cit., p. 18.
  • 56  Cristina La Rocca (dir.), Italy in the Early Middle Ages, Oxford, Oxford University Press, 2002, p (...)
  • 57  Dicter Hägermann, Wolfgang Haubrichs, Jörg Jarnut (dir.), Akkulturation. Problème einer germanisch (...)

19La chute de l’Empire romain n’a pas plus de conséquences, bien que les modèles de société barbare et romain aient été présentés comme antagonistes. Le concept du « choc des cultures » romaine et germanique, nouvel avatar des vieilles querelles entre germanistes et romanistes54, a été appliqué par les juristes et les historiens tout spécialement aux mutations qui semblaient les plus spectaculaires et les plus fondamentales : celles qui concernent le couple conjugal. Les études les plus anciennes se préoccupaient de la conclusion du mariage et de son statut juridique, les plus récentes s’intéressent davantage aux problèmes liés à la sexualité. Les tenants d’une stricte opposition entre les sociétés matriarcales du Nord et les sociétés méditerranéennes patriarcales ont fait leur miel des propositions du Mutterrecht de Bachofen. L’influence de celui-ci est d’ailleurs encore prégnante aujourd’hui dans certaines études historiques55. Ce type d’étude se fonde sur les indices supposés d’une telle survivance dans les sources du Moyen Âge tardif plutôt que dans la confrontation aux sources émanant du haut Moyen Âge, pourtant nombreuses. Les travaux sur le haut Moyen Âge ont connu de ce point de vue un changement radical56. La recherche du caractère plutôt romain, germanique ou chrétien de tel ou tel trait de la société altomédiévale, se révèle au final assez vaine. Les attitudes les plus variées coexistent et constituent un véritable choix, qui n’est pas restreint par l’origine ethnique ou sociale des parties57.

  • 58  Jean-Pierre Poly, op. cit.
  • 59  Michael Herzfeld, « As in your own House : Hospitality, Ethnography and the Stéréotypé of Mediterr (...)
  • 60  Nira Pancer, Sans peur et sans vergogne. De l’honneur et des femmes aux premiers temps mérovingien (...)

20Si l’historiographie actuelle, à quelques notables exceptions près58, a renoncé à l’idée de trouver des éléments purement germaniques dans les sociétés du haut Moyen Âge, notamment en ce qui concerne le statut de la femme, le mariage et la sexualité, la spécificité de l’espace méditerranéen reste en revanche un thème fort chez les anthropologues et ethnologues, notamment sur ces questions. La spécificité de l’« honneur méditerranéen » est cependant elle aussi remise aujourd’hui en cause par certains chercheurs qui la présentent comme un fantasme créé de toute pièce par les chercheurs de l’Europe du Nord et des Etats-Unis59. Par honneur, on entend souvent honneur sexuel : honneur actif des mâles, honneur passif des femmes, qui est lié à l’idée de souillure60.

  • 61  Sur l’importance donnée à la vierge et au viol de la vierge en parallèle au développement du culte (...)
  • 62  Voir par exemple Hincmar de Reims, De Stephanii nuptiis, PL 126.

21Ces notions de souillure et de pureté virginale ont été présentées depuis longtemps comme fondamentales chez les barbares du haut Moyen Âge. On représente volontiers la fille qui a perdu sa virginité comme ayant perdu toute valeur intrinsèque. Or, ce n’est absolument pas le cas à la lecture des sources de l’époque, que l’on prenne en compte les sources normatives, les sources narratives ou celles de la pratique. En revanche, les sources de l’époque postérieure, c’est-à-dire de l’époque carolingienne, sont marquées par le thème du rejet de la sexualité comme seul socle du mariage. L’idée selon laquelle le mariage païen, barbare, était fondé sur l’union sexuelle semble être une création des ecclésiastiques carolingiens, avides de montrer la supériorité du mariage chrétien. L’importance de la perte de la virginité n’apparaît quasiment nulle part dans les premiers siècles du haut Moyen Âge, si ce n’est dans les écrits ecclésiastiques concernant la possibilité pour la seule vierge de devenir une épouse du Christ, une sponsa Christi. On ne peut raccrocher à la tradition germanique cette préoccupation pour la souillure et pour l’aspect sexuel de la conclusion du mariage61. En revanche, un auteur comme l’archevêque de Reims Hincmar (845-882) est fort prolixe à propos de l’importance à accorder à l’union sexuelle dans le mariage et sur les effets corrupteurs de l’union sexuelle incestueuse62. Dans le traité synodal sur le rapt rédigé sous la direction d’Hincmar, la pénitence est présentée comme le seul moyen de se débarrasser de la tache du rapt, considéré comme une faute sociale, mais aussi sexuelle.

  • 63  Suzanne Fonay Wemple, Women in Frankish Society : Marriage and the Cloister, 500 to 900, Philadelp (...)
  • 64  Fr. Mezger, « Did the Institution of Marriage by Purchase Exist in old Germanic Law ? », Spéculum, (...)
  • 65  Inès Weber, « Consensus facit nuptias ! Überlegungen zum ehelichen Konsens in normativen Texten de (...)

22Les éléments liés aux hypothèses évolutionnistes qui avaient été avancés pour démontrer que le haut Moyen Âge était une période où la condition féminine était particulièrement déprimée ont été battus en brèche : les théories sur l’infanticide ont été presque unanimement abandonnées. L’idée d’un mariage par vente, impliquant pour certains historiens que les femmes étaient considérées comme des biens meubles63, ont été fermement remises en question ces dernières années64. D’un autre côté, les arguments des partisans d’une amélioration de la condition féminine liée à la « christianisation des mœurs » sont eux aussi à revoir. L’idée selon laquelle les évêques et les papes du ixe siècle auraient donné une place beaucoup plus considérable qu’auparavant au consentement des femmes dans la formation du mariage est en grande partie erronée. Dans les faits, comme en droit, le consentement des parents prime toujours. Certes, le fait que la fille accorde son consentement à son ravisseur peut faciliter le règlement à l’amiable des affaires de rapt, mais seulement lorsque le ravisseur obtient des appuis extérieurs assez influents pour obtenir le consentement du père de sa compagne. Cependant, une fois de plus, on parle ici de consentement multiple : aussi bien celui de la femme enlevée que celui de ses parents65.

  • 66  Geneviève Fraisse, Du consentement, Paris, Seuil, 2007.
  • 67  Susan Brownmiller, Against our Will. Toronto, Penguin, 1981, p. 313-342 (sont représentatives de c (...)
  • 68  Élisabeth Badinter, Fausse Route. Réflexions sur 30 années de féminisme, Paris, Odile Jacob, 2003, (...)

23Cette notion de consentement, sans cesse convoquée pour décrire les capacités de la femme médiévale à agir sur son destin, est devenue ces dernières années un objet d’étude à part entière66. En ce qui concerne la reconnaissance et la défense des droits des femmes, la définition des signes que peut donner la femme de son consentement se trouve encore au cœur des débats des féministes américaines67. Les études qui s’inscrivent dans cette optique ne vont pas sans poser problème, car elles présentent la sexualité masculine sous l’angle d’une volonté de pouvoir exercée à l’égard de la femme et tendent à sa victimisation68.

  • 69  « Des lois nouvelles ont été établies pour réformer les mœurs et réprimer les vices [...] . L’honn (...)

24Plus encore que les mœurs, la famille est donc un domaine où public et privé se chevauchent. La préoccupation actuelle de l’État pour la famille, notamment en France, n’est pas une nouveauté : l’apparition des premières lois réprimant le rapt en tant que tel et le distinguant du viol vers 320 correspond nettement à une volonté de contrôler la reproduction sociale (et en particulier celle des élites) de la part de Constantin, qui se substitue au père dans la punition du crime. En effet, si les parents de la femme enlevée dissimulent l’événement, arrangent un mariage entre le ravisseur et leur fille, et que l’affaire est révélée, ils se voient punis au même titre que ces derniers. En l’occurrence, la volonté affichée de préserver les mœurs69 (punir la légèreté et la rébellion des filles de famille et de leur ravisseur) dissimule une volonté politique de contrôler le social (empêcher un ambitieux d’entrer dans le cercle des bonnes familles par un coup de force suivi d’un arrangement à l’amiable).

  • 70  Michel Godet et Evelyne Sullerot, op. cit., p. 124.
  • 71  Ibidem, p. 121.
  • 72  Voir les réflexions sur le Pacs d’Éric Fassin, L’Inversion de la question homosexuelle, Paris, Poc (...)

25L’intervention politique actuelle dans le domaine de la famille semble découler en grande partie de préoccupations liées à l’ordre social et à l’économie, qui sont celles du rapport paru en 2007 : combien donner et comment donner aux acteurs appauvris du divorce. Les conséquences de cet intérêt peuvent paraître morales au « bon » (défendre la divorcée et l’orphelin) et au « mauvais » sens du terme, remettant implicitement en cause la valeur (sociale) des dernières transformations connues par la famille et la sexualité : « La liberté des mœurs apparaît comme une affaire de pays riche, mais les instabilités familiales qu’elle engendre créent de la pauvreté et sont dures pour les plus démunis70 ». Si la sexualité et le couple semblent a priori, plus que la famille, appartenir au domaine du privé, ce sont eux qui sont au centre des débats, des réalités et des représentations aujourd’hui, plutôt que l’ancien « ménage », qui se rattache à la lignée et à ses soucis économiques71. Les débats sur le genre renforcent la mise sur le terrain public et politique des questions touchant la sexualité et la famille72.

  • 73  Paul Veyne, « La famille et l’amour... », art. cit., p. 88.

26Mais l’article de Paul Veyne consacré à « la famille » et à « l’amour » n’était-il pas d’emblée très clair, en 1978, sur son objet réel : « l’histoire sexuelle romaine73 » (ou plutôt l’histoire du discours sur la sexualité) ? Pour lui, le fait que la civilisation occidentale fasse du mariage, de la famille et de l’amour conjugal la pierre d’angle de la société était avant tout une conséquence du changement d’attitude engagé durant les deux premiers siècles de notre ère face à la sexualité. Il imaginait, à l’époque de la rédaction de son article, qu’assez rapidement le mariage, les mœurs, la famille n’existeraient plus. Si les voix sont en effet nombreuses pour évoquer la « crise » actuelle de la famille et du mariage, les discours sur le progrès ou la dégradation des mœurs demeurent pourtant un fonds important de l’imaginaire et du fonctionnement de la société. Telle est l’évolution des mœurs, qui n’est jamais que celle de l’idée qu’on s’en fait.

Haut de page

Notes

1  Évelyne Sullerot, La Crise de la famille. Paris. Hachette, 2000.

2  Michel Godet et Evelyne Sullerot. La Famille : affaire privée et publique, Paris, La Documentalion française, 2007, p. 7.

3  Nara Milanich vient de pointer le contraste actuel entre l’intérêt du public pour les perspectives historiques sur le mariage, le divorce, l’enfance, les unions du même sexe et l’apathie de l’histoire de la famille, qui reste centrée sur le rejet de l’opposition ancienne entre familles traditionnelle et moderne, sans mettre en relation changements de la famille et contexte socio-historique ou interroger le rapport important entre hiérarchie et famille ; voir Nara Milanich, « Wither Family History ? A Road Map from Latin America », American Historical Review, 112, avril 2007. p. 439-458.

4  Sur l’extrême prudence à observer au sujet de la notion de progrès lorsqu’on traite de l’histoire de la famille (à propos de la période contemporaine), voir Jack Goody, L’Orient en Occident, Paris, Seuil
– La librairie du xxe siècle, 1999, p. 240-241.

5  Ce qui m’amena à développer l’étude de cette pratique dans le cadre de ma thèse : Sylvie Joye, La Femme ravie. Le mariage par rapt dans les sociétés occidentales du haut Moyen Âge (vie-xe siècle), thèse dactylographiée, soutenue le 4 mars 2006 à l’université de Lille III, en cotutelle avec l’université de Padoue, dirigée par Régine Le Jan et Cristina La Rocca (à paraître, Turnhout, Brepols, « Haut Moyen Âge », 2008).

6  Thomas R. Trautmann. « La parenté comme langage », dans Philippe Descola et alii (dir.), La Production du social. Autour de Maurice Godelier, Paris, Fayard 1999, p. 434.

7  Claude Lévi-Strauss, « Race et Histoire » [1952] dans Id., Race et Histoire. Race et Culture, Paris, Albin Michel/Éditions Unesco, 2001, p. 48-52.

8  Charles Darwin, La Descendance de l’Homme et la sélection sexuelle [1871], Paris, 1874, p. 392.

9  George W. Stocking Jr., After Tylor : British Social Anthropology (1888-1951), Madison, University of Wisconsin Press, 1998.

10  John Lubbock, The Origin of Civilization and the Primitive Condition of Man, Londres, Longmans, Green and Co, 1870, traduction française Les Origines de la civilisation. État primitif de l’homme et mœurs des sauvages modernes, Paris, Germer Baillière, 1873, p. 80-88.

11  Edward B. Tylor, Primitive Culture : Researches into the Development of Mythology, Philosophy, Religion, Language Art and Custom, 2 vol., Londres, Brentano’s, 1871.

12  Herbert Spencer, Les Bases de la morale évolutionniste, Paris, Librairie Germer Baillière, 1881.

13  Lewis H. Morgan, Ancient Society, or Researches in the Lines of Human Progress front Savagery through Barbarism to Civilization, Londres, Mac Millan, 1877.

14  Augustus H. Lane-Fox Pitt-Rivers, « On the Evolution of Culture », Proceedings of the Royal Institute of Great Britain, 1875.

15  John F. McLennan, Primitive Marriage : An Enquiry into the Origin of the Form of Capture in Marriage Ceremonies, Edinburgh, Black, 1865 et Studies in Ancient History, Londres, Quaritch, 1876.

16  William I. Miller, The Anatomy of Disgust, Cambridge, Harvard University Press, 1997 ; George W. Stocking, « The Dark-skinned Savage : the Image of Primitive Man in Evolutionary Anthropology », dans Id., Race, Culture and Evolution. Essays in the History of anthropology, Chicago, University of Chicago Press, 1982, p. 110-132.

17  James G. Frazer, Totemism and Exogamy. A Treatise on certain Early Forms of Superstition and Society, Londres, Mc Millan, 1910.

18  John Lubbock, Les Origines de la civilisation, op. cit., p. 80-88.

19  Johann Jakob Bachofen, Le Droit maternel. Recherche sur la gynécocratie de l’Antiquité dans sa nature religieuse et juridique, trad. d’Étienne Barilier, Lausanne, L’âge d’homme, 1996 ; Philippe Borgeaud et alii, La Mythologie du matriarcat. L’atelier de Johann Jakob Bachofen, Genève, Droz, 1999, n. 1 p. 7.

20  John Lubbock, Les Origines de la civilisation, op. cit., p. 93.

21  Ibid., p. 94.

22  Ibid., p. 95.

23  Ibid., p. 110-111.

24  John F. McLennan, Primitive Marriage. op. cit., p. 138.

25  Voir par exemple Louis Dumont, Homo hierarchicus. Le système des castes et ses implications, Paris, Gallimard, 1979, p. 143-167.

26  Par exemple, Barbara Cassin, Maurice Mathieu, Voir Hélène en toute femme : d ’Homère à Lacan, Paris, Institut Sanofi-Synthélabo, 2000, p. 28.

27  Le rapport de Michel Godet et Évelyne Sullerot présente la famille comme un fait de culture et reprend l’idée de l’ignorance primitive de l’identité du père et de la horde primitive ; voir Michel Godet et Évelyne Sullerot, op. cit., p. 98-100.

28  Thomas R. Trautmann, « La parenté comme langage », art. cit., p. 433.

29  Maurice Godelier, « Incest Taboo and the Evolution of Society. The Herbert Spencer Lecture », dans Alan Grafen (dir.). Evolution and its Influence, New York, Oxford University press, 1989, p. 63-92.

30  Louis Dumont, Groupes de filiation et alliance de mariage. Introduction à deux théories d’anthropologie sociale, Paris, Gallimard, 1997.

31  Claude Lévi-Strauss, « Postface », Question de parenté, L’Homme, 154-155, 2000, p. 713-720, notamment p. 713 et Chantal Collard, « Femmes échangées, femmes échangistes. À propos de la théorie de l’alliance de Claude Lévi-Strauss », Question de parenté, L’Homme, 154-155, 2000, p. 101-116.

32  Edward Westermarck, The History of Human Marriage, Londres, Mc Millan, 1891

33  Thomas R. Trautmann, Lewis Henry Morgan and the Invention of Kinship, Berkeley, Univ. California Press, 1987, p. 255.

34  Cécile Dauphin, Arlette Farge, « Introduction », dans C. Dauphin, A. Farge (dir.), De la violence et des femmes, Paris, 1999, p. 13-14.

35  Par exemple, Charles Galy, La Famille à l’époque mérovingienne, Paris, 1901.

36  Georges Duby, Jacques Le Goff (dir.), Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Rome. École française de Rome, 1977.

37  Par exemple. Lothar Dargun, Mutterrecht und Raubehe, und ihre Reste im germanischen Recht und Leben, Breslau, Koebner, 1883.

38  Pierre Guichard, « L’Occident médiéval : L’Europe barbare », dans André Burguière et alii (dir.), Histoire de la famille 2. Temps médiévaux : Orient, Occident, Paris, 1986, Livre de Poche, p. 15).

39  Friedrich Engels, Der Ursprung der Familie, des Privateigentums und des Staates im Anschluss an Lewis H. Morgans Forschungen, Ziirich, Schweizerischen Volksbuchhandlung, 1884.

40  Qui ne disparaît pas avec les « barbares ». Voir Danielle Haase-Dubosc, Ravie et enlevée, de l’enlèvement des femmes comme stratégie matrimoniale au xviie siècle, Paris, Albin-Michel, 1999.

41  Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, Paris, Pocket, 1973, p. 280 [1re éd. all. 1939] ; critique de la datation du processus de civilisation dans Barbara Rosenwein, Emotional Communities in the Early Middle Ages, Ithaca. Cornell University Press, 2006

42  Georges Vigarello, L’Histoire du viol, Paris, Seuil, 1998, p. 18.

43  Robert Fossier, La Société médiévale, Paris, Armand Colin, 1991, p. 86-87.

44  Jean-Pierre Poly, Le Chemin des amours barbares. Genèse médiévale de la sexualité européenne, Paris, Perrin, 2003.

45  François Bougard, Laurent Feller et Régine Le Jan (dir.), Dots et douaires dans le haut Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2002.

46  Jack Goody, L’Évolution de la famille et du mariage en Europe, Paris, Seuil, 1985 [Cambridge, 1983].

47  Voir Mireille Corbier, « Adoptés et nourris », dans M. Corbier (dir.), Adoption et fosterage, Paris, 1999, p. 5-41, part. p. 10. Le système de Jack Goody est réfuté, exemples à l’appui, pour l’Antiquité tardive : voir Judith Evans Grubbs, Law and Family in Late Antiquity. The Emperor Constantine’s Marriage Législation. Oxford/New York, Oxford University Press, 1999, p. 139, n. 142.

48  Paul Veyne, « La famille et l’amour sous le Haut Empire romain », dans ld., La Société romaine, Paris, Seuil. 2001, [1978], p. 88-130.

49  Ibid., p. 90-96.

50  Voir la discussion sur les liens des hypothèses de Paul Veyne avec les vieilles théories de la décadence romaine dans Marcel Bénabou, « Pratique matrimoniale et représentation philosophique : le crépuscule des stratégies ? », dans Jean Andreau, Hinnerk Bruhns (dir.). Parenté et stratégies familiales dans l’Antiquité romaine, Rome, École française de Rome, 1990, p. 129-130.

51  Ainsi, on a parlé d’un certain « féminisme » professé par l’archevêque Hincmar de Reims ; voir Pierre Toubert, « La théorie du mariage chez les moralistes carolingiens », Il Matrimonio nella società altomedievale, Settimana di studi sull’alto medioevo, 24/1, 1976, p. 233-281 et Jean Dévissé, Hincmar, archevêque de Reims (t. I), Genève, Droz, 1976, p. 462.

52  Joëlle Beaucamp, « La christianisation du droit à Byzance : l’exemple du statut des femmes », Cristianità d’Occidente e Cristianità d’Oriente (secoli VI-XI), Settimana..., 51/2, 2004, p. 917.

53  Ramsay McMullen, « What Différence did Christianity Make ? », Historia, 35, 1986, p. 322-343. Voir aussi Peter Brown, L’Autorité et le sacré, Paris, Seuil, 1998 ; Henri-Irénée Marrou, Théologie de l’histoire, Paris, Seuil, 1968.

54  Walter Pohl, Die Germanen. Enzyklopädie deutscher Geschichte, Munich, Oldenburg, 2000.

55  Jean-Pierre Poly, op. cit., p. 18.

56  Cristina La Rocca (dir.), Italy in the Early Middle Ages, Oxford, Oxford University Press, 2002, p. 1-10.

57  Dicter Hägermann, Wolfgang Haubrichs, Jörg Jarnut (dir.), Akkulturation. Problème einer germanisch-romanischen Kultursynthese in Spätantike und frühem Mittelalter, Berlin/New York, De Gruyter, 2004.

58  Jean-Pierre Poly, op. cit.

59  Michael Herzfeld, « As in your own House : Hospitality, Ethnography and the Stéréotypé of Mediterranean Society », dans David D. Gilmor (dir.), Honor and Shame and the Unity of Mediterranean, Washington, American Anthropological Association, 1987, p. 26-33.

60  Nira Pancer, Sans peur et sans vergogne. De l’honneur et des femmes aux premiers temps mérovingiens, Paris, Albin Michel, 2001.

61  Sur l’importance donnée à la vierge et au viol de la vierge en parallèle au développement du culte marial à la fin du Moyen Âge, voir Mireille Vincent-Cassy, « Viol des jeunes filles et propagande politique en France à la fin du Moyen Âge », dans Louisette Bruit Zaïdman et alii (dir.), Le Corps des jeunes filles, Paris, 2001, part. p. 137.

62  Voir par exemple Hincmar de Reims, De Stephanii nuptiis, PL 126.

63  Suzanne Fonay Wemple, Women in Frankish Society : Marriage and the Cloister, 500 to 900, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1981.

64  Fr. Mezger, « Did the Institution of Marriage by Purchase Exist in old Germanic Law ? », Spéculum, 18, 1943, p. 369-371 ; Laurent Feller, « Introduction », dans François Bougard, Laurent Feller et Régine Le Jan (dir.), Dots et douaires dans le haut Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2002, p. 1-3 ; Cl. Meillassoux, Mythes et limites de l’anthropologie. Le sang et les mots, Lausanne, Syllepse, 2001, p. 34-35.

65  Inès Weber, « Consensus facit nuptias ! Überlegungen zum ehelichen Konsens in normativen Texten des Frühmittelalters », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtgeschichte, Kanonistische Abteilung, 118/87, 2001, p. 38-39.

66  Geneviève Fraisse, Du consentement, Paris, Seuil, 2007.

67  Susan Brownmiller, Against our Will. Toronto, Penguin, 1981, p. 313-342 (sont représentatives de ce courant également Catharine MacKinnon et Andrea Dworkin).

68  Élisabeth Badinter, Fausse Route. Réflexions sur 30 années de féminisme, Paris, Odile Jacob, 2003, p. 146-156.

69  « Des lois nouvelles ont été établies pour réformer les mœurs et réprimer les vices [...] . L’honneur à l’abri, le mariage protégé... » : Nazarius, « Panégyrique de Constantin » X, 38 : Panégyriques latins (2). trad. Étienne Galletier, Paris, 1952, p. 198.

70  Michel Godet et Evelyne Sullerot, op. cit., p. 124.

71  Ibidem, p. 121.

72  Voir les réflexions sur le Pacs d’Éric Fassin, L’Inversion de la question homosexuelle, Paris, Poches, 2005.

73  Paul Veyne, « La famille et l’amour... », art. cit., p. 88.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Sylvie Joye, « Y a-t-il une « évolution » des mœurs ? »Labyrinthe, 30 | 2008, 115-130.

Référence électronique

Sylvie Joye, « Y a-t-il une « évolution » des mœurs ? »Labyrinthe [En ligne], 30 | 2008 (2), mis en ligne le 27 mai 2008, consulté le 24 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/labyrinthe/3777 ; DOI : https://doi.org/10.4000/labyrinthe.3777

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search