• 1 Guy Gillet, Dix minutes d’aventures souterraines, production Son et lumière, 10 minutes et 10 secon (...)

4La deuxième partie de l’ouvrage, « Enlever » (p. 126), est consacrée aux chantiers d’excavation ou d’enlèvement. Les chantiers forestiers sont évoqués par Charlotte Glinel ; marqués par le temps long, concernant un espace en perpétuelle transformation, ils se caractérisent notamment par le souci, de la part des gardes forestiers, d’« effacer le travail, [de] naturaliser la forêt » (p. 132) qui demeure un espace habité et visité par divers acteurs (professionnels, mais aussi touristes et riverains), ainsi que par la faiblesse des contacts entre « opérateurs » et « réceptionneurs » (p. 136) qui se rencontrent difficilement dans les zones concernées, particulièrement isolées et mal desservies. Les chantiers de fouille archéologique font pour leur part l’objet des deux textes qui suivent. Dans « Tomber sur un os » (p. 143), Hugues Bonneton décrypte les multiples contraintes pesant sur les archéologues menant une fouille dans un chantier immobilier, leur capacité à renoncer à l’exhaustivité, la progression des autres corps de métier sur le terrain et la difficulté à tenir la fouille à l’écart de l’organisation générale et labile du chantier, les pressions temporelles et les défis soulevés par un chantier de fouille dont l’ampleur se dévoile progressivement, les arbitrages ayant dû être réalisés concernant la définition du protocole adéquat et la préservation ou non des vestiges… Le sociologue François Vatin évoque pour sa part ses souvenirs d’enfance auprès de son père, spécialiste d’épigraphie grecque sur le chantier de fouille à Délos dans les années 1960. Les trois derniers chapitres relatent le chantier du Grand Paris. Juliette Pautet présente sa recherche photographique dans le cadre d’une commande de la Société du Grand Paris Express. Gwenaële Rot et Elsa Gisquet traitent de l’organisation du travail d’un chantier visant à prolonger une ligne de métro parisien, dans un contexte contraint par l’exiguïté de l’espace sous-terrain et la multiplicité des équipes en co-activité. Nadège Mariotti évoque pour sa part la réalisation du film Dix minutes d’aventure souterraines, film d’information de Guy Gillet sur le travail de la mine1.

• 2 À savoir remplacer les volumes d’huile et de graisse dans les capacités des organes de transmission (...)
• 3 Réalisé avec l’aide d’Anne Krebs et d’Olivier Boulanger, ce film (2017-2021) est accessible sur le (...)

5La troisième partie de l’ouvrage, « Maintenir » (p. 203), traite des chantiers de maintenance : ceux réalisés en milieu sous-marin par les scaphandriers travaux-publics, étudiés par Céline Rosselin-Bareille ; ceux, menés la nuit, de modernisation du métro, analysés par Stéphanie Tillement ; les activités de lubrification industrielle2 au sein d’une entreprise sous-traitante, présentées par Gaëtan Godefroy ; le chantier d’entretien du grand salon des appartements Napoléon III du Musée du Louvre, décrypté par Léonie Hénaut, Anne Krebs et Jasmina Stevanovic. Le dernier chapitre présente l’enquête ethnographique et filmique menée par cette dernière, réalisatrice du film Coopérer en contexte patrimonial, le chantier du grand salon des appartements Napoléon III3. La nécessité de « faire ensemble », même de manière très temporaire, affleure dans toutes les enquêtes consacrées au chantier, et caractérise particulièrement le chantier sous-marin où tel scaphandrier, à peine remonté de sa plongée, est ainsi sollicité en surface pour renouer un temps avec ses activités passées par quelqu’un qui l’aura entendu en parler : « tu étais électricien, toi, non ? Viens ! » (p. 207). Ce chantier se caractérise également par l’absence de linéarité du temps et par la centralité de la question de la « vigilance », permettant aux scaphandriers « de refuser de s’engager dans une activité jugée dangereuse ou de se maintenir dans l’activité » (p. 221). À l’importance du milieu dans lequel s’exercent les activités et de ses contraintes (milieu sous-marin pour les scaphandriers, sous-terrain pour les chantiers de modernisation du métro, ou terrestre pour les deux autres chantiers évoqués ici) s’ajoute celle du moment de l’activité ; ainsi, s’agissant de la maintenance du métro, « les chantiers de nuit mettent les travailleurs sous tension : pénibilité des tâches à accomplir, fatigue qui se fait sentir à 3 h du matin, bruit qui rend difficile toute discussion ou concentration, pression temporelle qui s’accentue à mesure que l’on se rapproche de la reprise de l’exploitation » (p. 232). S’ajoutent les incidents susceptibles d’émailler le chantier, ou encore, s’agissant de la maintenance industrielle, le « corps à corps avec la machine » (p. 246) et les formes plus ou moins brutales de coordination auxquelles sont confrontés les maintenanciers pour réaliser une forme de « sale boulot » (p. 242) fréquemment externalisé.