• 1 Le sociologue interroge dans cet ouvrage des militants des groupes suivants : ANV-COP21, Les Amis d (...)

1Dans cette étude tirée d’un rapport pour l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), Laurent Lardeux analyse l’engagement de jeunes activistes dans plusieurs mobilisations écologistes connues sous le nom de « mouvement climat »1. Sur la base d’une enquête qualitative approfondie, qui inclut plusieurs phases d’observation et une cinquantaine d’entretiens réalisés entre 2021 et 2023, il souligne les débats caractéristiques de ces milieux militants. Tout en déconstruisant « l’image monolithique entretenue d’un mouvement en réalité extrêmement hétérogène » (p. 177), le sociologue rappelle l’homogénéité sociale caractéristique de ces mobilisations, constituées majoritairement de jeunes urbains de classes moyennes supérieures qui suivent ou ont suivi des études supérieures longues. Dans la continuité de ses précédents travaux, il analyse également le rapport au politique de ces militants dont le recours à des actions de désobéissance civile fait l’objet de controverses. Loin des activistes radicaux parfois dépeints comme tels dans les médias, les personnes interrogées ici sont plutôt présentées comme des citoyens exigeants vis-à-vis des élus et des institutions, voyant moins la démocratie comme un régime politique figé que comme un « processus critique en constante évolution » (p. 15) auquel ceux-ci souhaitent participer.

• 2 Par exemple des ouvriers sous-traitants empêchés de se rendre à leur travail durant des blocages de (...)

3À contre-courant des analyses qui affirment parfois sans nuance une radicalisation des militants et de leurs méthodes d’action, Laurent Lardeux traite dans le deuxième chapitre de la question de la radicalité politique. Il y présente des activistes déçus de l’inaction des pouvoirs publics et de l’inefficacité des méthodes d’action traditionnelles dans la lutte contre le réchauffement climatique. Tous ne partagent cependant pas le même avis sur la radicalité : certains défendent le recours à des actions à plus haut risque, tandis que d’autres mettent en garde contre les « dommages collatéraux » (p. 73) de celles-ci sur des personnes extérieures aux conflits engagés2 ou sur l’image du mouvement, réduite à « un buzz plutôt [qu’à un] discours de fond » (p. 74).

• 3 Certains sont encore lycéens ou étudiants et vivent chez leurs parents, tandis que d’autres sont in (...)

5Dans la continuité de sa réflexion sur les variables explicatives de l’engagement dans le mouvement climat, Laurent Lardeux aborde dans le quatrième chapitre les effets d’âge et de génération. Il met alors en garde contre les risques d’une homogénéisation de la « génération climat », supposée distincte des précédentes pour son engagement et ses préoccupations pour l’écologie. Si les classes d’âge les plus jeunes sont celles qui soutiennent le plus le mouvement climat, la variable de l’âge ne semble en effet exercer qu’une faible influence sur les valeurs et pratiques environnementales. De plus, si les activistes interrogés partagent un engagement politique et un profil social relativement similaire, ceux-ci se distinguent au sein même du mouvement climat par différentes situations personnelles et professionnelles3.

• 4 Si cette idée est régulièrement mise en avant par des militants et collectifs, certains travaux sou (...)

6Le cinquième chapitre questionne le rôle de l’éco-anxiété. Ce concept, qui regroupe les symptômes physiques et psychologiques d’angoisses vis-à-vis de l’environnement, est particulièrement pris au sérieux dans les groupes militants4. En effet, ce mal-être est abordé dans des groupes de paroles au sein desquels se développe une culture du soin (care). Selon certains, de tels échanges permettent de transformer l’angoisse en moteur d’engagement. D’autres critiquent toutefois la dimension dépolitisée et individuelle de l’éco-anxiété, supposant la nécessité d’un soin psychologique de ses symptômes plutôt que d’un engagement collectif contre ses causes.

• 5 On retrouve ici en creux la notion de « cadres de l’action collective » définis comme des croyances (...)

8Dans le septième et dernier chapitre, Laurent Lardeux traite longuement des problématiques de convergence et de divergence entre plusieurs mobilisations. Il analyse en premier lieu les intérêts et les freins des tentatives d’alliance entre deux mobilisations à l’origine opposées tant sur leurs revendications que les profils de leurs participants : le mouvement climat et les gilets jaunes. Selon lui, le rapprochement de différentes mobilisations locales de ces deux mouvements semble avoir pu se réaliser grâce au développement de « motifs d’action collective » dérivés de la notion de justice5 (sociale, climatique, voire démocratique), mais aussi aux points communs entre les organisations de ces mouvements (supposées décentralisées, horizontales et sans chef) et au rôle de militants écologistes « transclasses », d’origine sociale plus modeste, dans le dialogue avec les gilets jaunes. Cette alliance n’a cependant pas fait l’unanimité, certains activistes écologistes soulignant leur désaccord avec les « dérapages » et opinions « complotistes » des gilets jaunes ou leur souhait de conserver une neutralité politique et une autonomie du mouvement. Le chapitre aborde ensuite la notion d’intersectionnalité et l’inclusion généralement acceptée mais encore timide des questions décoloniales et féministes au sein du mouvement climat.