1Depuis ses débuts dans le documentaire au courant des années 1990, William Karel s’est rapidement fait le spécialiste des analyses politiques. Après l’analyse de la montée du Front National (Histoire d’une droite extrême, 1998), de la communication politique de Valery Giscard d’Estaing (VGE : le théâtre du pouvoir, 2002), de la politique internationale de George W. Bush (Le monde selon Bush, 2004), et des derniers jours de Margaret Thatcher au pouvoir (Mais qui a tué Maggie ?, 2009), c’est au tour de la présidence de Nicolas Sarkozy d’être passée au crible de son regard.

2Afin d’apporter une pointe d’originalité, William Karel a décidé, comme à son habitude, de construire son propos à partir du montage de différents entretiens. En l’occurrence, dix-huit correspondants de la presse étrangère (télévisuelle ou écrite) sont interrogés et apportent ainsi un regard « exotique » sur notre roman national – même si certains correspondants sont beaucoup plus représentés que d’autres durant les 77 minutes que dure le documentaire. Reprenant le geste de Montesquieu dans Les Lettres persanes, William Karel essaie ainsi de nous rendre étrangers à nous-mêmes afin d’observer avec un regard – en principe – neutre, à la manière d’un anthropologue, ce qui fait pourtant notre quotidien depuis 2007. Cette démarche d’objectivation a le mérite de rendre le propos du documentaire plus percutant, parce que détaché des habitudes des champs médiatique et politique français.

3Mis à bout à bout, les différentes scènes du film constituent alors un documentaire à charge contre la présidence de Nicolas Sarkozy, à l’exception de la parenthèse qu’a pu constituer la présidence du Conseil de l’Union Européenne de juillet 2008 à décembre 2008. En reprenant de manière chronologique les différents événements qui ont fait la présidence de Nicolas Sarkozy, William Karel revient par l’intermédiaire des correspondants de la presse étrangère sur différentes étapes du quinquennat. On y trouve principalement une dénonciation des différents « scandales » qui ont marqué les années 2007 à 2011 (le dîner du Fouquet’s et le yacht de Bolloré, l’affaire de Jean Sarkozy et de l’Epad, etc. mais sans un mot sur l’affaire Woerth-Bettencourt). Leur évocation permet d’insister d’une part sur le manque de sens politique de Nicolas Sarkozy à certains moments : un des journalistes insiste par exemple sur « l’énormité » de l’affaire Jean Sarkozy, d’un côté par le manque de clairvoyance de Nicolas Sarkozy quant à la réaction médiatique, d’un autre côté par les justifications publiques apportées par les membres de l’UMP qui ont dû à de nombreuses reprises défendre une position pourtant politiquement dangereuse à la seule fin d’agréer aux désirs du Président. D’autre part, William Karel évoque par le biais des affaires l’importance du rôle de l’Elysée dans le choix des images fournies aux chaînes de télévision (principalement par le choix de l’emplacement des caméras et leur nombre) et l’acceptation par les journalistes d’une telle contrainte politique.

5Tous ces éléments servent finalement à construire par petites touches le tableau du King Nicolas Sarkozy (comme l’indique en filigrane le jeu typographique sur le titre du film, Looking for Nicolas Sarkozy) et les caractéristiques d’une république monarchique (à la différence d’une Angleterre qui serait plutôt une monarchie parlementaire) où la logique de cour, le poids de la vie privée, et les relations entre le monde politique et le monde des médias transforment les logiques de fonctionnement d’une démocratie. A ce titre, le documentaire de William Karel n’apportera pas grand-chose au lecteur habitué à l’actualité politique des cinq dernières années et aux commentaires critiques sur la présidence de Nicolas Sarkozy. Il pourra par contre constituer une introduction – orientée politiquement – à l’analyse des mécanismes de pouvoir sous la présidence de Nicolas Sarkozy pour quelqu’un n’ayant suivi que de loin les événements politiques des cinq dernières années.

7Ainsi, sans être un DVD indispensable, tant par le documentaire principal que par l’entretien avec Christian Salmon, le curieux pourra ainsi trouver un rapide résumé de différentes positions critiques contre la présidence de Nicolas Sarkozy.