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Vu d'Occitanie : parler d'une seule voix, mission impossible ?

Robert Lafont, candidat des « minorités nationales » à l’élection présidentielle de 1974

Damien Canavate

Résumés

L’article explore un épisode singulier de la revendication des « minorités nationales » dans la France des années 1968 : la candidature invalidée du militant et intellectuel occitan Robert Lafont à l’élection présidentielle de 1974. Malgré son échec pour défaut de parrainages valides, l’initiative marque une étape importante dans l’itinéraire du mouvement occitan et dans une moindre mesure, des autres mouvements régionalistes français. Le projet rassemble une série de formations nationalitaires de gauche en lutte commune contre le capitalisme et pour l’autonomie régionale, de la Corse au Pays basque en passant par la Bretagne et la Catalogne du Nord, sans oublier le Midi occitan. Bien que fugace, l’épisode catalyse des changements marqués dans l’orientation politique de la revendication occitane, en donnant naissance à une nouvelle organisation autonomiste et socialiste : Volèm viure al païs. L’événement situe le rôle central joué par Robert Lafont dans l’expansion du régionalisme dans la France des années 1960 et 1970 et mesure la portée politique de l’occitanisme, tout en donnant à voir les mécanismes institutionnels qui filtrent une entrepirse de mobilisation électorale localisée aux marges de la vie politique.

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Texte intégral

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude aux archivistes du CIRDOC – Institut occitan de cultura, de la Bibliothèque nationale de France, des Archives nationales, des Archives départementales des Pyrénées-Orientales, des Archives de Corse – Cismonte, des Archives du Sénat, de la Direction de la Communication et de la valorisation patrimoniale de l’Assemblée nationale ainsi que du Musée basque pour l’aide qu’ils m’ont apportée dans l’accès aux documents d’archives, en particulier Jean-Michel Alessandrini à Bastia, Marie-Hélène Déliart à Bayonne, Bertrand Lapaire au Palais-Bourbon et Jean-Baptiste Roos au Palais du Luxembourg. Je remercie également André Fazi et François Waag pour leurs précieux éclaircissements historiques sur les traits politiques du mouvement corse et du mouvement alsacien vers 1974, Clémentine Belle Grenier pour les aimables indications qu’elle m’a fournies concernant les sources de la loi n° 76-528 du 18 juin 1976 réformant la procédure de parrainage, Stéphane Coursière pour le renfort en matière de cartographie ainsi que les relecteurs de Lengas pour leurs conseils avisés et pour leur bienveillante confiance.

  • 1 On consultera Gardy, Philippe, L’arbre et la spirale. Robert Lafont polygraphe, Valence-d’Albigeois (...)

1Il est un événement singulier de la revendication des « minorités nationales » dans la France des années 1968 : la candidature manquée de Robert Lafont – écrivain, intellectuel et militant occitan – à la présidence de la République lors de l’élection de 1974. Préparée à la hâte, l’initiative tourne court en raison d’un nombre insuffisant de parrainages en règle. Le 18 avril 1974, le Conseil institutionnel invalide 18 des 114 présentations collectées – 100 sont alors nécessaires afin de se présenter – au motif qu’elles proviennent d’élus ayant signé pour plusieurs candidats. Malgré son échec, ce projet ressort comme un rare exemple de constitution d’une offre électorale régionaliste à la présidence de la République française, sur des bases réunissant plusieurs formations nationalitaires de gauche en lutte commune pour l’autonomie régionale et contre le capitalisme. L’épisode catalyse aussi des changements marqués dans l’orientation politique du mouvement occitan : d’un côté, avec l’émergence d’une nouvelle organisation politique autonomiste délaissant la voie révolutionnaire et de l’autre, avec le renforcement des liens avec les partis de la gauche traditionnelle, socialistes et communistes en tête. L’initiative mesure enfin l’influence politique d’un Robert Lafont engagé sur tous les fronts, en tant que théoricien écouté et animateur important de la revendication régionale dans la France des années 1960 et 19701.

Aux origines militantes d’une candidature des « minorités nationales »

  • 2 Rouquette, Yves, « Per parar a tota recuperacion: la practica occitanista », Occitània Nòva, n° 12, (...)

2L’idée d’une candidature des « minorités nationales » à la présidence de la République semble émerger à l’été 1973 dans les rangs du mouvement occitan, l’élection étant régulièrement prévue pour le printemps 1976. L’un des leaders occitanistes et ancien élève de Lafont, Yves Rouquette, publie alors dans le douzième numéro de la revue Occitània Nòva, un périodique indépendant publié à Toulouse et qui traite aussi bien des thèmes culturels que politiques, un article intitulé « Per parar a tota recuperacion: la practica occitanista »2 [Pour parer à toute récupération : la pratique occitaniste]. Le billet détaille un programme d’action autonome pour les militants occitans, à la fois affranchi des partis de la gauche traditionnelle et des groupes « gauchistes » actifs ici ou là. Rouquette achève son article en défendant l’idée que l’élection présidentielle offrirait une caisse de résonance sans précédent aux luttes de ce qu’on appelle alors les « nationalités » :

Politicament lo problèma es pas diferent. L’esparpalh d’ara deu pas far paur. Es signe qu’una pensada amadura dins lo sens de l’unitat. La question de l’ameinatjament, del desvolopament inegal de las regions, de l’asfixia culturala, del drech de viure dins son lòc, la volontat dels òmes ont son d’assumir tot son avenir, travèrsa desenant tota la vida politica « francesa ». Dins aquela mesa en question del capitalisme e de las estructuras de l’estat, dins aquela cerca concrèta de justicia, la revindicacion occitana rescontra la bretona, basca, corsa, catalana, alsaciana. L’ora es venguda de donar a totas aquelas forças sa coherencia, en questionant l’Estat directament, tot en metent la gaucha socialista davant sas responsabilitats.

L’eleccion del President de la Republica « francesa » es l’ocasion de dire a totes que d’escapa n’i a pas mai e de faire de la luta per l’autonomia regionala l’axe del combat anticapitalista.

Es l’ocasion – la bona e la sola – de portar lo debat dins cada ostal, cada consciencia. Avèm pas lo drech de la daissar pèrdre. Mas se cal pas pèrdre en alonguis. Ara que Luta Occitana ven de definir Occitania coma una nacionalitat, ren l’empacha pas, de principe, de discutir amb los Bascos, los Bretons, los Catalans, que lutan sus un axe nacional e dins la perspectiva socialista. Es dins L. Oc, tot o mostra, que se dèu trapar l’òme que cal per federar las energias. I tornarai, se cal, que lo temps nos buta.

[Politiquement le problème n’est pas différent. L’éparpillement actuel ne doit pas faire peur. C’est le signe qu’une pensée mûrit dans le sens de l’unité. La question de l’aménagement, du développement inégal des régions, de l’asphyxie culturelle, du droit de vivre en son lieu, la volonté des hommes d’assumer leur avenir là où ils sont, traverse désormais toute la vie politique « française ». Dans cette remise en question du capitalisme et des structures de l’État, dans cette recherche concrète de justice, la revendication occitane rencontre la bretonne, basque, corse, catalane, alsacienne. L’heure est venue de donner à toutes ces forces leur cohérence, en questionnant l’État directement, tout en mettant la gauche socialiste devant ses responsabilités.

L’élection du président de la République « française » est l’occasion de dire à tous qu’il n’y a plus d’échappatoire et de faire de la lutte pour l’autonomie régionale l’axe du combat anticapitaliste.

C’est l’occasion – la bonne et la seule – d’amener le débat dans chaque foyer, dans chaque conscience. Nous n’avons pas le droit de la laisser se perdre. Mais il ne faut pas tergiverser. Maintenant que Lutte Occitane vient de définir l’Occitanie comme une nationalité, rien ne l’empêche, sur le principe, de discuter avec les Basques, les Bretons, les Catalans, qui luttent sur un axe national et dans la perspective socialiste. C’est dans L. Oc, tout le montre, qu’on doit trouver l’homme qu’il faut pour fédérer les énergies. J’y reviendrai, s’il le faut, car le temps presse.]

  • 3 Lafont, Robert, « De deputats occitans : per que far ? », Occitània Nòva, n° 12, été 1973, p. 20-21

3Quelques pages plus loin, Lafont fait paraître une tribune qui commente les résultats des élections législatives de mars 1973 et précise les contours d’une force politique occitane orientée vers le socialisme et en lien avec la gauche3. Dans ces conditions, il énumère cinq priorités essentielles, la dernière préconisant la « divulgacion de la revindicacion occitana per totes los mejans » [divulgation de la revendication occitane par tous les moyens]. Pour ce faire, pense Lafont, « devèm prevèire d’operacions prestigi, coma las que capitam ara dins la premsa » [nous devons prévoir des opérations de prestige, comme celles que nous réussissons en ce moment dans la presse]. « L’eleccion presidenciala de 1976 », finit-il quelque peu laconique, « es un moment favorable ».

  • 4 Kernalegenn, Tudi, Belliveau, Joel et Roy, Jean-Olivier (dir.), La vague nationale des années 1968. (...)
  • 5 Cavaillé, Jean-Pierre, « La question nationale chez Robert Lafont, Yves Rouquette et Joan Larzac (1 (...)
  • 6 C’est ce que décrit Yves Rouquette dans Occitània Nòva à l’occasion d’un compte-rendu de la prépara (...)
  • 7 Sur l’histoire de l’élection présidentielle de 1974, on se reportera aux ouvrages suivants : Duhame (...)

4On le voit, l’initiative d’une candidature demeure à ce stade assez vague, comme un vœu pieux, les élections apparaissant encore assez lointaines. Il s’agit d’abord et surtout de capitaliser sur la remontée spectaculaire de la contestation régionaliste dans ces années, un phénomène à l’œuvre dans le Midi occitan comme dans toute l’Europe voire l’Occident4. Par ailleurs, le projet porte déjà la trace des dissensions qui divisent les deux chefs de file du mouvement occitan, Yves Rouquette et Robert Lafont, autour des linéaments de l’idéologie nationale et de la stratégie politique à engager tout particulièrement5. Le projet est relancé le mois suivant, en août 1973, à l’occasion de la deuxième université occitane d’été à Villeneuve-sur-Lot puis derechef au cours des mois de février et mars 1974, alors que plus personne ne doute de la grave maladie dont souffre Georges Pompidou, mais sans que se dessine encore pour autant la moindre stratégie réfléchie6. Le 2 avril, lorsqu’un communiqué de l’Élysée annonce le décès du chef de l’État, les militants sont pris de court7.

  • 8 Dans Pecics de mièg-sègle (1999), Lafont précise ainsi que l’idée « veniá pas deis occitanistas, ma (...)
  • 9 Rouquette, Yves, art. cité, juin 1974. Sur la candidature de Guy Héraud, voir Dard, Olivier, « Guy (...)
  • 10 Rouquette, Yves, art. cité, juin 1974.

5Le projet concret de candidature, ainsi que l’indique Lafont dans certains de ses ouvrages d’inspiration autobiographique, tire en réalité son origine de militants corses et basques8. Tandis que le président du Sénat, Alain Poher, est désigné président par intérim et qu’une élection présidentielle anticipée est annoncée pour les 5 et 19 mai, Lafont reçoit plusieurs sollicitations le poussant à faire acte de candidature. Le fédéraliste Guy Héraud, un professeur de droit influencé par la théorie ethniste de François Fontan et lié à la Nouvelle Droite, lui annonce par courrier qu’il retirerait la sienne le cas échéant9. Mais à la date du 6 avril où Lafont se trouve à Béziers pour donner une conférence, la principale formation politique occitaniste du moment, Lutte occitane, demeure indécise. Le lendemain, dimanche 7 avril, l’organisation tient une réunion à Montpellier, mais la question n’est pas à l’ordre du jour. Le sujet est toutefois abordé. D’après la relation de la journée due à Yves Rouquette, les militants de Lutte occitane expriment des positions extrêmement changeantes10. En fin de matinée, ils décident de présenter Lafont à condition qu’il se retire en fin de campagne et donne pour consigne de voter pour le candidat unique de la gauche, François Mitterrand. Mais l’après-midi, en présence de l’intéressé, ils font machine arrière et abandonnent toute volonté de briguer la présidence de la République. Le soir, ils changent encore une fois d’opinion : la candidature est de nouveau envisagée, mais il est convenu que le sujet sera tranché lors d’une Assemblée générale prévue à Nîmes le mercredi 10 avril.

6Lafont lui-même est saisi par le doute. Dans un manuscrit destiné à Lutte occitane et daté du lendemain, lundi 8 avril, il renonce à la course pour l’élection présidentielle et tente d’analyser froidement la situation :

J’ai décidé d’abandonner le projet d’une candidature à la présidence. Pour cette candidature, je n’avais jamais été très chaud. Deux inconvénients majeurs n’ont cessé de me paraître évidents :

  1. Quelles que soient les précautions prises, une telle candidature paraîtrait dessinée contre les chances de Mitterrand, dès le premier tour. Nous allions passer comme des diviseurs de l’électorat de gauche.

  2. Même si nous refusions de nous situer sur un plan électoraliste, nous ne pouvions qu’être jugés à nos résultats chiffrés. Ne pas obtenir 3 % des suffrages signifiait publiquement que notre campagne actuelle, sur la naissance des consciences nationalitaires, était erronée.

Ces inconvénients auraient été palliés :

  1. Si une campagne massive d’explications à la base avait été entreprise, créant une dynamique susceptible de contrebalancer un résultat quelconque dans les urnes. Cette campagne demandait une mise au point sérieuse et immédiate.

  2. Si des contacts avaient été pris dès jeudi dernier avec les autres nationalités pour créer dans leur cadre aussi le même dynamisme.

  3. Si une analyse politique de l’enjeu avait été faite, compte tenu des structures sociologiques de l’électorat (cf. classes moyennes).

  4. Si Lutte occitane avait mis en branle tout de suite une action suivant le critère gramscien d’hégémonie qui est de son « credo » : c’est-à-dire acceptait vraiment, et sans arrière-pensée de sortir d’elle-même pour mieux s’imposer.

Aucune de ces conditions n’est acquise. Je passe sur le fait qu’aucune assurance n’est encore envisagée quant aux signatures à réunir et aux moyens financiers à mettre en œuvre.

Il semble bien qu’il en soit de même en Bretagne, en Corse, en Euskadi.

De plus, depuis hier, la dynamique de la candidature de Mitterrand se dessine : il est prévisible que toutes les sympathies dont nous pouvons nous prévaloir dans l’opinion ne feront pas que quiconque se déclare en notre faveur, à gauche. Le match est ouvert : l’électeur de gauche ne fait plus d’analyse, il va au score.

Pour moi, il y a deux leçons à tirer de l’affaire :

  1. Une leçon immédiate : il faut négocier avec la gauche l’abandon d’une candidature ; tirer avantage de notre carence.

  2. Une leçon pour l’avenir : Lutte occitane doit choisir. Ou bien elle restera fidèle aux conditions de sa naissance et considèrera de sa seule tâche la présence dans les luttes révolutionnaires, mais alors il lui faut se faire ouvrière et paysanne, et abandonner l’intellectualisme. Ou bien elle considèrera qu’elle a aussi une tâche politique d’intervention sur l’opinion, éventuellement électorale : elle doit alors transformer son recrutement, ses structures, ses modes de discussion.

  • 11 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentati (...)

Cette affaire de candidature n’est d’ailleurs qu’un élément de l’ensemble. Les derniers mois ont prouvé la difficulté à répondre à cette poussée de curiosité qui vient vers nous : le succès déborde nos meetings ; en trois mois une simple brochure – à défaut d’un programme ! – n’est pas écrite. C’est très grave. Quelle que soit la définition de Lutte occitane, il me paraît évident qu’on a besoin de construire un « appareil », sans doute léger et démocratique, mais efficace11.

  • 12 Roumier, Théo, « Leçons d’un candidat des luttes. Enquête sur l’éphémère candidature de Charles Pia (...)

7La date du manuscrit n’est pas fortuite : le 8 avril est le jour où François Mitterrand lance officiellement sa campagne en tant que candidat du rassemblement de la gauche, en vertu du Programme commun signé avec les communistes et les radicaux le 27 juin 1972. Par ailleurs, si l’aile gauche du Parti socialiste unifié (PSU) soutient dans un premier temps la « candidature des luttes » de Charles Piaget, l’emblématique syndicaliste de la grève des « Lip », le leader du parti, Michel Rocard, obtient finalement le 7 avril un ralliement à la candidature unique de François Mitterrand12.

8Lafont, dans ce contexte, essaie d’agir avec lucidité : il considère, dans une élection marquée par l’arrivée massive des sondages d’opinion et qui allait s’annoncer disputée, l’union de la gauche absolument essentielle dès le premier tour aux fins de battre le candidat de la droite. Par ailleurs, si les revendications nationalitaires sont, sur le terrain, assez fortes pour porter un projet de candidature, leur potentiel électoral demeure faible, qui plus est dans l’ensemble français ; une situation qui montrerait aux yeux de l’opinion toutes les carences d’une cause régionaliste présentée comme en plein essor. Il pointe enfin l’impréparation et le manque de maturité politique qui caractérisent l’organisation politique qui promeut sa candidature, Lutte occitane, apparue trois ans plus tôt à peine, en 1971.

9Au total, Lafont apparaît ici fidèle aux principes qui l’ont souvent guidé depuis ses plus jeunes années militantes : compréhension des expériences réelles, refus de l’idéalisme mistralien et de la fuite en avant, lien étroit entre réflexion intellectuelle et engagement de terrain. Par ailleurs, s’il incarne l’un des intellectuels français les plus représentatifs de la question régionale dans ces années et s’il exerce une autorité reconnue dans l’occitanisme du temps, l’engagement politique semble lui peser. En effet, dans une lettre à l’occitaniste René Nelli en date du 8 février 1972, Lafont précisait déjà les circonstances suivantes :

  • 13 Cité dans Ruquet, Michel, « René Nelli, un humaniste à la croisée de la gauche et de l’occitanisme  (...)

à un certain moment de ma vie (1962), j’ai cru de mon devoir d’avancer des analyses et des idées sur l’histoire de l’Occitanie, sur son économie, sur sa colonisation. […] J’ai sur cette base, quelques années assuré le secrétariat général du COEA, jusqu’à ce que les engagements prennent un aspect politique violent. Je redeviens un simple ouvrier ou militant. Je ne suis ni Lénine, ni Ferhat Abbas, ni Boumediene ; je me retrouve en mon lieu de toujours : écrivain d’oc13.

  • 14 Lafont, Robert, « Après le rejet de sa candidature, Robert Lafont fait le point », Vida Nò͘stra, n° (...)

10Il n’en demeure pas moins que le projet d’une candidature à la présidence de la République continue de prendre forme. Le 10 avril, lors de la rencontre de Nîmes, Lutte occitane accepte bel et bien de présenter Lafont. Les militants décident toutefois que la candidature ne sera publiquement annoncée que le 15 avril, lundi de Pâques, pour peu que les 100 parrainages nécessaires aient été récoltés. Selon le récit que fait l’impétrant de la journée, « la décision a été difficile à prendre, mais tous les groupes, à l’exception de celui du Tarn et de fractions de quelques autres, ont été d’accord pour rechercher les moyens de présenter une candidature »14.

  • 15 Lafont, Robert, Le Coq et l’Oc, Arles, Actes Sud, 1997, p. 211.
  • 16 « Une candidature pour donner la parole aux gens qui luttent : le mouvement occitan et les élection (...)
  • 17 Lafont, Robert, art. cité, mai-juin 1974.

11Ce qui devient alors une « candidature-symbole »15 autorisant l’accès à des moyens de publicité inégalés est par ailleurs évoqué lors de l’Aberri Eguna, le jour de la patrie basque, qui se tient à Saint-Jean-de-Luz les 13 et 14 avril 1974. Une délégation de Lutte occitane ainsi que des militants bretons, catalans et corses sont présents. Sur ces entrefaites, nombre de militants continuent à recueillir les parrainages. Mais à la date du 15 avril, les pages hebdomadaires du quotidien Libération sur l’actualité du mouvement occitan, Occitania al present, montrent en fait que les tâtonnements de Lutte occitane se prolongent pratiquement jusqu’au dernier moment : la formation se partage entre anti-électoralistes, soutiens de Piaget, ralliés à Mitterrand et partisans de Lafont16. Au total, la décision définitive semble avoir été prise le lundi 15 avril au soir, soit la veille de la date butoir fixée pour faire acte de candidature, sans doute une fois les signatures nécessaires bel et bien collectées17.

  • 18 Lafont, Robert, art. cité, mai 1974. Lafont les a croisés en 1964 lors de la création de la CIR, en (...)
  • 19 Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1 (...)
  • 20 Voir Lespoux, Yan, « Conférence de presse de Robert Lafont, candidat à l'élection présidentielle », (...)
  • 21 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentati (...)
  • 22 Leerssen, Joep, National Thought in Europe. A Cultural History, Amsterdam, Amsterdam University Pre (...)

12Le 16 avril au soir, Lafont arrive à Paris : Georges Dayan et Charles Hernu, hiérarques socialistes et anciens camarades de la Convention des institutions républicaines (CIR), l’attendent à la gare18. Il dépose ses présentations peu avant minuit au Conseil constitutionnel, moment au cours duquel il tient une conversation avec le premier candidat écologiste à la présidence de la République, l’agronome René Dumont, qui soumet lui aussi in extremis sa candidature19. Le lendemain matin, 17 avril, l’équipe du candidat organise une conférence de presse à la Maison corse de Paris, un lieu commercial, culturel et politique ouvert quelques années plus tôt au cœur de la capitale20. Lafont expose alors un projet politique assez vague qui se résume en sept points : il en va de la défense des langues régionales et de la préservation de l’environnement comme de la décentralisation et du combat contre le « colonialisme intérieur »21. On discerne ici deux revendications fondamentales, qui interviennent comme autant d’invariants dans la matrice idéologique du régionalisme en Europe : le culte national de pratiques culturelles locales et la redistribution territoriale du pouvoir politique22. Mais il est également question d’une « candidature des luttes », marquée à gauche et solidaire des revendications sociales qui animent la France d’alors.

Robert Lafont, porte-parole des régions françaises

  • 23 Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1 (...)

13Dans ce contexte, les soutiens à la candidature rassemblent une large partie des militants de Lutte occitane, mais aussi ceux de l’Esquerra catalana dels treballadors (ECT), d’une série de petits partis corsistes issus du Front régionaliste corse (FRC), des Comités d’action bretons (CAB) chapeautés par Guy Caro ainsi que de l’aile gauche d’Enbata, reconstituée en mars 1974 sous le nom de Herriko Alderdi Sozialista (Parti socialiste basque, HAS) après la dissolution du mouvement par le ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin le 30 janvier 1974 ; toutes formations politiques orientées vers un régionalisme socialiste et influencées par les thèses lafontiennes du « colonialisme intérieur ». Ces organisations, en contact occasionnel à Paris au travers du Comité de coordination des peuples en lutte, œuvrent alors au recueil des parrainages. Dans ce cadre, sur le plan des territoires mobilisés, l’espace occitan contribue à hauteur de 80 présentations soit plus des deux tiers, puis viennent la Bretagne (13), la Corse (11), la Catalogne du Nord (11) et le Pays basque (4)23.

  • 24 Nicolas, Michel, Histoire du mouvement breton, Paris, Syros, 1982, p. 271.
  • 25 Voir « Présidentielles : pas de candidats des luttes ! Pourquoi ? », Bretagne révolutionnaire, n° 2 (...)

14En Bretagne, les soutiens proviennent essentiellement des Comités d’action bretons et de leur principal animateur, Guy Caro, médecin, conseiller général et ancien du PSU, qu’il a quitté en 1973. Formés à la fin de l’année 1972 sur la base des comités de soutien aux détenus du Front de libération de la Bretagne, les CAB introduisent les thématiques autogestionnaires dans le mouvement breton et défendent un régionalisme socialiste, lié au mouvement social24. D’autres formations politiques de l’Emsav déplorent en temps utile la fin de l’aventure politique de Lafont : ainsi d’un petit groupement d’extrême gauche fondé en 1971, le Parti communiste breton et, dans une moindre mesure, de Strollad ar Vro (Parti du Pays, SAV), un parti éclectique fondé en vue des élections législatives de mars 1973 et qui réunit aussi bien des éléments de gauche que de droite25.

  • 26 « Éditorial : la liberté d’exister », Populu Corsu, n° 44, mai 1974, p. 1 ainsi que « Pourquoi Lafo (...)
  • 27 « Les minorités nationales et les élections présidentielles : les autonomistes corses pris de court (...)

15En Corse, les soutiens affluent de la mouvance la plus socialisante de l’autonomisme corse, constituée d’un assortiment de petits partis héritiers du Front régionaliste corse : le Parti du peuple corse, le Parti corse pour le progrès et l’Unione di a patria ; trois formations politiques qui avaient initié le 7 janvier 1973 une démarche unitaire, l’appel du Castellare. Ces organisations publient un communiqué commun dès le 10 avril, dans lequel elles indiquent que la candidature de Lafont permet de « poser dans le débat politique la question des nationalités opprimées et niées » et de faire progresser l’autonomisme corse, considéré comme politiquement plus mature que les autres régionalismes français26. Un article publié dans Libération du 12 avril décrit toutefois un corsisme de gauche pris au dépourvu, hésitant (à l’image de Lutte occitane) entre une candidature des « minorités nationales », un soutien à Charles Piaget et un ralliement à François Mitterrand27.

  • 28 « Pourquoi Lafont ? », art. cité, mai 1974.
  • 29 « Élections », Terra Corsa, n° 23, mai-juin 1974, p. 1.

16L’initiative corse d’un candidat des « minorités nationales » procède plus spécifiquement du Parti du peuple corse, fondé au printemps 1973 et continuateur direct du FRC28. La cheville ouvrière de l’organisation, l’avocat Charles Santoni, a côtoyé Lafont lors de la fondation de la CIR en 1964 et l’un et l’autre correspondent occasionnellement depuis lors. Main basse sur une île, le manifeste du FRC qu’il a rédigé en 1971 avec le linguiste Pascal Marchetti, ne porte-t-il pas tout du long la trace des analyses lafontiennes ? Le Parti corse pour le progrès, fondé en 1970 par le dissident du FRC Dominique Alfonsi et l’Unione di a Patria, fondée en 1973 par Gisèle Poli, également ancienne du FRC et l’une des premières femmes nationalistes corses, complètent le tableau de ce soutien corse à Lafont. Terra Corsa, le périodique édité par Gisèle Poli, dénoncera ainsi l’invalidation de la candidature29.

  • 30 « Présidentielles de l’État français : explication de notre position », Euskaldunak, n° 2, mai 1974 (...)

17Au Pays basque, Euskaldunak, la toute nouvelle revue de la gauche abertzale, signale que « dès le lendemain de la mort de Georges Pompidou, H.A.S. s’est mis en rapport avec quelques organisations de l’Hexagone et a suggéré la présentation d’un candidat socialiste des minorités nationales pour les présidentielles », indice de l’élan décisif qu’ont bel et bien donné, aux côtés des Corses, les Basques à une candidature occitane des « minorités nationales »30. L’organisation semble toutefois s’être rapidement tournée vers un soutien à François Mitterrand dès le premier tour. Les Catalans apportent enfin leur pierre à l’édifice en fournissant six signatures. L’impulsion provient de l’Esquerra catalana dels treballadors, un mouvement politique catalaniste apparu à l’automne 1972 sur des positions peu ou prou identiques à Lutte occitane. Le périodique du mouvement, La Falç, ne fait toutefois pas mention de la candidature. C’est donc une implication à géométrie variable qui caractérise les efforts des « minorités nationales » en dehors des régions occitanes : cela a d’ailleurs pu être jugé décevant par certains militants occitanistes.

  • 31 Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1 (...)

18Le Conseil constitutionnel, en tout état de cause, reçoit 114 parrainages provenant de 23 départements différents31. Nombre d’entre eux arrivent de la zone entre Béziers, Nîmes et Millau ; toutes villes qui délimitent l’épicentre de la revendication occitane dans ces années. La plaine languedocienne et les contreforts méridionaux du Massif central sont particulièrement bien représentés. Sur le plan des départements les plus actifs, on trouve d’abord le Gard, avec 16 signatures puis l’Hérault, avec 14 parrainages et enfin l’Aveyron et la Corse, avec 11 présentations chacun. Les parrains sont quasiment exclusivement des maires ruraux, la plus grande commune engagée en faveur de Lafont étant Uzès (Gard), qui compte alors environ 7 000 habitants. On repère parmi les signataires Pierre Pessemesse, maire occitaniste de Buoux (Vaucluse) ainsi que Paul Ricard, vétéran de l’occitanisme de l’entre-deux-guerres reconverti dans le commerce d’apéritifs anisés et maire de Signes (Var). On note aussi Robert Omnès, maire de Plomelin (Finistère), linguiste et militant du mouvement culturel breton ainsi que Prosper Alfonsi, alors maire d’Albertacce (aujourd’hui en Haute-Corse) et futur premier président (radical-socialiste) de l’Assemblée de Corse en 1982. Bien que souvent rédigées sur papier libre (il n’y pas encore de formulaire ad hoc), les présentations apparaissent tout à fait neutres. Une seule exception : le maire de Rebourguil (Aveyron), qui annonce présenter Lafont « pour la défense de la langue occitane et des langues locales ».

Figure 1. Répartition géographique des présentations en faveur de Robert Lafont à l'élection présidentielle de 1974. Élaboration personnelle avec le logiciel Magrit d'après Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/129 : Élection présidentielle de 1974. Présentations des candidats [classement par candidat]. Guy Héraud, Christian Fouchet, André Roustan, Valéry Giscard d'Estaing, Robert Lafont, Émile Muller.

  • 32 Wittmann, Bernard, Une histoire de l’Alsace, autrement, Morsbronn-les-Bains, Rhyn un Mosel, 1999, p (...)
  • 33 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentati (...)

19La démarche de Lafont ne reflète pas pour autant tout le paysage du régionalisme politique du moment, tant s’en faut : certains segments du nationalisme basque soutiennent Guy Héraud, SAV et l’Union démocratique bretonne (UDB), les deux principaux partis de la revendication bretonne, se rallient à François Mitterrand dès le premier tour tandis que l’étoile montante du nationalisme corse, l’Azzione pè a rinascita di a Corsica (ARC) des frères Simeoni, davantage centriste, privilégie l’abstention ou le vote blanc aux deux tours. Aucun parrainage n’est relevé dans les Flandres : la revendication régionale, moins ardente, tient la distance avec le champ politique. En Alsace, c’est vers Guy Héraud – qui a enseigné 17 ans à l’université de Strasbourg – que se tournent les regards, signe d’un régionalisme davantage conservateur, marqué par la doctrine chrétienne32. Ni Uss’m Follik ni Klapperstei 68, les deux revues de la gauche du mouvement alsacien, qui font paraître à cette date une livraison commune sur la question des « minorités nationales », n'évoquent la candidature éphémère de Lafont. Seul appui tangible, une fois la candidature écartée : une lettre amicale d’une association apolitique bien implantée et qui œuvre au bilinguisme, le cercle René Schickelé33.

  • 34 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Fausta Garavini : GARf B.1. Chronologie Robert (...)
  • 35  Nicolas, Michel, 1982, op. cit., p. 313-314.

20Dans le Midi même, l’investissement de Lutte occitane demeure irrégulier, même si l’organisation parvient à recueillir 80 signatures. La formation est jugée « insuffisante et molle » par la compagne de Lafont et témoin de premier plan, Fausta Garavini34. Les hésitations continues, le manque de ressources financières, la faible implantation militante, les difficultés de coordination sur l’ensemble de l’espace occitan ainsi que le calendrier extrêmement étroit constituent autant d’obstacles majeurs. Mais il est un autre facteur crucial : l’amateurisme politique d’un mouvement très jeune, qui n’a jamais véritablement participé à la moindre élection et qui repose sur une architecture organisationnelle assez relâchée. Les structures partisanes régionalistes les plus professionnalisées (toutes proportions gardées) – SAV et UDB en Bretagne, ARC en Corse, qui présentent régulièrement des candidats aux élections locales (cantonales, municipales) comme nationales (législatives) – ne figurent ainsi pas parmi les soutiens directs à la candidature de Lafont, y compris lorsque l’affinité idéologique est maximale, comme dans le cas de l’UDB. Dans ce dernier exemple, la volonté de s’arrimer aux partis nationaux de gauche, une position tactique précocement adoptée dans l’itinéraire de l’organisation et réaffirmée lors du congrès de Loctudy (Finistère) les 20 et 21 avril, surdétermine aussi le soutien à François Mitterrand dès le premier tour35.

  • 36 « Robert Lafont candidat des minorités nationales : Homme d’oc, d’Alsace, de Bretagne, tu as la par (...)
  • 37 « M. Lafont inscrit son action dans la lutte pour le socialisme », Le Monde, 19 avril 1974.
  • 38 Lafont, Robert, « Un combat anti-colonialiste de l’intérieur », Le Quotidien de Paris, 19 avril 197 (...)

21La presse, en tout état de cause, se fait rapidement l’écho du candidat des « minorités nationales ». Le 18 avril, Libération annonce la candidature de Robert Lafont à la présidence de la République française en ces termes : « Homme d’Oc, de Bretagne, d’Alsace… tu as la parole, parles [sic] ! », un article qui indique dans son titre même la bienveillance du jeune journal à l’égard des thèmes régionalistes36. Le papier fournit un compte-rendu détaillé de la conférence de presse qui s’est tenue la veille, le journaliste jugeant l’aventure comme une « épine au pied des partis officiels » et comme « une voix qui n’est pas prête à s’éteindre ». Le Monde du 19 avril, qui rend également compte de l’annonce « officielle » de la candidature, indique que « M. Lafont inscrit son action dans la lutte pour le socialisme »37. Le même jour, Le Quotidien de Paris imprime une tribune du candidat intitulée « Un combat anti-colonialiste de l’intérieur », le journaliste considérant dans un encart que l’initiative, alors inédite, « se situe sans doute à mi-chemin du folklore et de la révolution »38.

Un échec politique aux multiples conséquences

  • 39 Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1 (...)
  • 40 Deligny, Henri, « Vos gueules les sous-France », Le Canard enchaîné, 24 avril 1974.

22Rien ne se passe cependant comme prévu. Le 18 avril, le juge constitutionnel arrête la liste des candidats à l’élection – douze sont admis à concourir, cinq de plus qu’en 1969 – et déclare la candidature de Robert Lafont irrecevable : 18 des 114 présentations sont invalidées car elles émanent d’élus ayant signé pour au moins deux candidats, une raison qui n’est communiquée ni à l’intéressé ni à l’opinion39. Ce silence laisse donc la porte ouverte à toute une gamme de fantasmes. Nombre de groupes régionalistes dénoncent une décision politique visant à bâillonner les « minorités nationales » ; Lafont lui-même ayant longtemps laissé planer le doute. Le Canard enchaîné du 24 avril, dans un article au titre acéré signé par Henri Deligny, un journaliste favorable aux revendications régionalistes et soutien du mouvement du Larzac, laisse entendre que la candidature a été évincée pour des raisons politiques : Lafont porterait atteinte à l’intégrité du territoire national40.

  • 41 Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1 (...)
  • 42 Nizery, Marc, « Le Conseil constitutionnel a pris une décision contestable », Le Quotidien de Paris(...)
  • 43 Lévy, Bernard-Henri, « Pourquoi Robert Lafont fait-il si peur ? », Le Quotidien de Paris, 20 avril (...)
  • 44 P. P., « Non au gauchisme occitan », Aspects de la France, 25 avril 1974.
  • 45 Le Monde, art. cité, 22 avril 1974.
  • 46 Décision n° 74-27 PDR du 21 avril 1974 (Décision du 21 avril 1974 portant sur une réclamation prése (...)

23La présidence de la République reçoit immédiatement une quarantaine de télégrammes protestataires, transmis en second lieu au Conseil constitutionnel41. La presse fait état de l’échec de la candidature : ici un article dans Le Monde, là dans Le Quotidien de Paris42. Un certain Bernard-Henri Lévy s’interroge : « Pourquoi Robert Lafont fait-il si peur ? »43 L’organe de presse de l’Action française, Aspects de la France, décrit en ces termes les revers de fortune du candidat : « Non au gauchisme occitan », invitant alors à ne « pas confondre la revendication légitime d’une décentralisation avec les entreprises de démembrement de la France »44. Les militants occitans sollicitent une audience auprès d’Alain Poher et tentent de mobiliser les candidats de la gauche45. Un recours est déposé le lendemain par le candidat malheureux, puis les Sages, dans une décision rendue le 21 avril, justifient l’éviction : parmi les 114 parrainages recueillis, 17 proviennent d’élus ayant signé pour deux candidats et 1 émane d’une commune non identifiée46. Le juge constitutionnel infléchit au passage légèrement la jurisprudence, en considérant désormais la totalité des présentations qui proviennent d’un même élu comme nulles, alors qu’en 1969, la première signature réceptionnée était le cas échéant retenue.

  • 47 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentati (...)

24Quelque temps plus tard, les militants envoient des courriers aux maires ayant parrainé le candidat malheureux aux fins d’obtenir des éclaircissements. Quelques-uns répondent, qui attestant sur l’honneur n’avoir donné aucune autre signature, qui avertissant qu’ils ont aussi signé pour un autre candidat. Certains témoignent même de leur proximité avec le projet culturel et politique défendu par Lafont : ainsi du maire d’Argelouse (Landes), qui assume un « geste officiel qui va dans le sens de la reconnaissance de notre personnalité occitane dont [Lafont] est le plus actif et le meilleur défenseur », du maire de Lecques (Gard), qui regrette l’invalidation de la candidature car il y avait « beaucoup de choses à dire pour la défense de nos régions » ou bien encore du maire de Gravières (Ardèche), qui a parrainé Lafont « dans le seul but d’attirer l’attention sur une souhaitable renaissance de la langue d’oc »47.

25En parallèle, la plupart des militants régionalistes – occitans en tête – expriment un rejet quasiment absolu de la candidature fédéraliste de Guy Héraud, catégorisée comme foncièrement réactionnaire ; l’autre candidat fédéraliste, le jeune avocat aixois Jean-Claude Sebag, ne semblant pas convaincre davantage malgré une exposition médiatique légèrement supérieure au fil de la campagne. L’un et l’autre obtiennent à l’issue du premier tour des résultats faméliques : 0,08 % des suffrages exprimés pour Guy Héraud et 0,16 % pour Jean-Claude Sebag.

  • 48 « Campagne électorale officielle : élection présidentielle 1er tour. Guy Héraud », Document audiovi (...)
  • 49 Dard, Olivier, art. cité, 2021, p. 32.

26Ce n’étaient pourtant pas les appels du pied qui manquaient : lors de l’émission électorale télévisée du 22 avril, Guy Héraud « exprime le regret solennel que le professeur Robert Lafont, porte-parole attitré de l’Occitanie, ait vu sa candidature écartée », ajoutant que « tout le pays d’oc éprouvera ce refus comme une cuisante mortification » et appelant les dirigeants des grands partis à prendre conscience du « colonialisme interne français » ; le samedi 27 avril, il présente son programme orienté vers les régions en insistant longuement sur le Midi de la France48. Las : dans une lettre en date du 14 mai à la figure de proue de la Nouvelle Droite, l’intellectuel d’extrême droite Alain de Benoist, Guy Héraud souligne « l’hostilité sectaire (de la majorité des Occitans) »49.

  • 50 Sur les NMS, voir Chabanet, Didier, « Nouveaux mouvements sociaux », dans Fillieule, Olivier (éd.), (...)

27Alors que l’effervescence retombe rapidement, c’est en réalité avec les équipes de campagne de François Mitterrand et de René Dumont que les contacts s’intensifient, signe s’il en est de l’influence certaine de ces « nouveaux mouvements sociaux » (NMS) dans la France des années 1968 ainsi que des formes d’alliance qui peuvent se tisser entre eux50. L’échec de la candidature conduit aussi une partie des occitanistes à faire le procès de l’immaturité politique du mouvement occitan et de son absence de stratégie lisible. L’épisode va donc provoquer des changements assez importants dans le parcours politique de la revendication occitane, en ponctuant d’une étape décisive le cycle de politisation ouvert au début des années 1960.

  • 51 Lafont, Robert, « Un vote pour sauver un pays », Midi libre, 14 mai 1974 et Lafont, Robert, « La ca (...)
  • 52 Rouquette, Yves, art. cité, juin 1974.

28Dans un premier temps, Lafont se rapproche à nouveau des socialistes puis appelle dans l’entre-deux-tours à voter pour Mitterrand aux fins de battre Giscard. Il publie deux tribunes en ce sens : l’une le 14 mai dans le Midi libre et intitulée « Un vote pour sauver un pays », l’autre parue dans le Monde du 15 mai et baptisée « La candidature de l’espoir régional »51. Lafont y indique d’abord que Mitterrand s’est prononcé contre la centralisation capitaliste et pour la démocratie culturelle. Il en conclut que l’adhésion au candidat socialiste représente la « porte par où il faut passer » afin de « ménager [un] avenir » aux mouvements nationalitaires. C’est un choix qui prend racine dans les convictions personnelles de Lafont mais qui reflète aussi, on l’a vu, la position de la plupart des partis et mouvements régionalistes de l’Hexagone. Dans les rangs occitanistes, la décision est avalisée par une réunion des comités de soutien le 27 avril à Montpellier52.

  • 53 Voir notamment les comptes rendus rédigés par Lutte occitane et le Parti du peuple corse : « Las na (...)
  • 54 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentati (...)
  • 55 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentati (...)
  • 56 On consultera à ce propos, dans ce dossier, les articles de Catherine Gossez : « Du manifeste Mon p (...)

29Il faut dire que Mitterrand a donné des gages aux mouvements régionaux dès la campagne du premier tour. Un certain nombre de délégués des partis et mouvements qui ont soutenu la candidature de Lafont (ainsi que de l’UDB) rencontrent le 24 avril à la tour Montparnasse, quartier général de la campagne de Mitterrand, certains responsables du Parti socialiste en charge des questions régionales53. La rencontre rassemble notamment un député du Finistère et futur ministre de la Mer, Louis Le Pensec ainsi que Dominique Taddéi, secrétaire national à l’action culturelle du parti ; deux personnalités socialistes en lien avec « leurs » mouvements régionalistes respectifs, breton et corse. On y débat des mesures à engager afin de satisfaire les revendications des « minorités nationales », un dialogue programmatique qui continuera jusqu’au milieu des années 1980. Les militants des mouvements régionaux livrent un document intitulé « Pour une politique socialiste des nationalités », dans lequel ils formulent des propositions en matière institutionnelle, culturelle et économique ainsi que des demandes d’amnistie. Le 26 avril, Mitterrand tenant meeting à Ajaccio inaugure une formule qui va faire florès pendant une petite dizaine d’années dans les rangs socialistes : le « droit à la différence »54. Deux jours plus tard, le 28 avril, il débute un discours politique à Brest en déplorant l’invalidation de la candidature de Robert Lafont55. Par ailleurs, sur le terrain des luttes sociales, agricoles et ouvrières, qui traversent le Languedoc de la fin des Trente Glorieuses, Lafont et une partie des occitanistes vont s’allier quelque temps avec les communistes56.

  • 57 J.-L. S., « À la Mutualité : écologie, régionalisme et immigration », Le Monde, 27 avril 1974.
  • 58 « René Dumont au Larzac », Libération, 29 avril 1974.
  • 59 On trouvera un bref compte rendu dans « Volèm viure al país », Vida Nò͘stra, n° 19, juin-juillet 19 (...)

30En deuxième lieu, les militants régionalistes et les équipes de campagne de René Dumont vont renforcer pendant quelques semaines leurs rapports. Le 25 avril, les « comités Larzac » réunissent à la tribune de la Mutualité René Dumont, Robert Lafont et Djellali Kamal, jeune ouvrier tunisien lui aussi un temps candidat, symbolique, des « travailleurs immigrés » à la présidence de la République, autre indice des interactions fréquentes entre ces « nouveaux mouvements sociaux » – régionalisme, écologie politique, antiracisme, féminisme, mouvement homosexuel… – qui agitent la France (et le monde occidental) des années 196857. Sur le terrain, Guy Caro et les CAB accueillent Dumont en Bretagne au début du mois de mai. Dans le Midi, le candidat écologiste se trouve sur le Larzac le 28 avril, un lieu qui intervient depuis 1971 comme un carrefour des minorités58. Caro et Dumont sont également présents aux côtés de Lafont lors d’un rassemblement occitaniste contre le nucléaire qui se tient à La Palme (Aude) le 11 mai et qui rallie plusieurs centaines de personnes, dont le chanteur folk Graeme Allwright59.

31En troisième étape, alors que Valéry Giscard d’Estaing est élu d’une courte tête le 19 mai avec 50,81 % des voix, les comités de soutien à la candidature de Lafont se transforment assez rapidement en un nouveau mouvement politique autonomiste et socialiste, Volèm viure al païs (VVAP)60. La formation va structurer l’occitanisme politique dans la deuxième moitié des années 1970 et le début des années 1980, Lutte occitane entrant en déclin avant de disparaître. En germe dès la fin du mois d’avril, l’organisation se lance d’abord le 11 mai dans les Corbières en organisant un événement contre le nucléaire, on l’a vu, puis lors d’un rassemblement occitaniste qui a lieu les 22 et 23 juin à Féniers (Creuse). VVAP reprend à ce stade l’essentiel du programme de Lafont à l’élection présidentielle. Ce nouveau mouvement va toutefois se construire autour du leadership d’Yves Rouquette, qui exprime depuis la fin des années 1960 avec son frère Joan Larzac des divergences de vues avec Robert Lafont, en récusant notamment l’intellectualisme, l’action révolutionnaire et surtout ce qui est perçu comme une subordination de la revendication occitane à la fois aux partis de la gauche établie et à l’idéologie nationale française61.

  • 62 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). O3 : Lutte occitane – Bulletin intérieur. N° 13 du 25 (...)
  • 63 Voir Cazauvielh, Simon, « R. Lafont, Mitterrand et la République française, une et… régionaliste », (...)

32Les orientations politiques de VVAP vont donc peu à peu garder la marque de ces désaccords, creusant davantage les fractures au sein de l’occitanisme politique. À l’automne 1974, les dirigeants de Lutte occitane ont déjà donné leur verdict : « VVAP n’est qu’une nouvelle mouture du vieux projet PNO [Parti nationaliste occitan, fondé en 1959 par François Fontan] d’union nationale, basé sur la collaboration de classes », ajoutant que « Lutte occitane n’y participe ni de près ni de loin, ni directement ni par militants interposés » et que « l’appartenance à Lutte occitane est incompatible avec l’appartenance à VVAP »62. Bien que la candidature à la présidence de la République ait donné l'illusion d'une unité momentanée dans le mouvement occitan, Yves Rouquette jouant un rôle actif dans la courte campagne, c'est en réalité la division qui prédomine à présent. Les critiques incisives s’accumulent : c’est vrai dans les rangs de VVAP mais aussi dans ceux de la Fédération anarchiste-communiste d’Occitanie63.

Un événement riche de sens

  • 64 Belle Grenier, Clémentine, « De la recommandation à l’imposition normative : Le rôle du Conseil con (...)
  • 65 Il s’agit de la loi n° 76-528 du 18 juin 1976, modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relat (...)
  • 66 C’est en ces termes que le rapporteur Pierre-Charles Krieg exprime la position de la commission des (...)

33La fugace candidature de Robert Lafont à l’élection présidentielle de 1974 au nom des « minorités nationales » apparaît au total riche d’enseignements. On peut donc concentrer le sens de l’événement en trois axes. Sur un plan biographique, l’épisode situe d’abord le rôle central qu’a joué Lafont dans l’expansion du régionalisme politique dans la France des années 1968, en tant qu’intellectuel engagé, interlocuteur des partis de la gauche établie ainsi que mentor d’une série de mouvements politiques régionalistes et de leurs militants. L’événement apporte ensuite un éclairage sur les dynamiques contrariées de l’occitanisme durant ces années, en montrant un mouvement politisé et en essor, mais tiraillé entre autonomie de l’action et volonté de se lier aux partis de la gauche traditionnelle, sans oublier les difficultés à allier revendication culturelle et action politique. Sur un dernier plan, l’épisode laisse enfin voir les mécanismes institutionnels qui tamisent une entreprise de mobilisation électorale localisée aux marges de la vie politique, système partisan inclus64. La procédure de parrainage va d’ailleurs être durcie par une loi du 18 juin 1976, qui relève le seuil nécessaire pour se présenter à la présidence de la République à 500 présentations (au lieu de 100) provenant d’au moins 30 départements ou territoires d’outre-mer différents (au lieu de 10), sans que plus d’un dixième d’entre elles ne puisse être issu du même département ou territoire d’outre-mer65. Les travaux préparatoires, sans citer Lafont et sans se limiter à un seul argument, il s’en faut, font notamment mention des « candidatures de caractère régionaliste, qui, pour des raisons aisées à comprendre, n’ont guère leur place dans une élection présidentielle »66. Ce sont ces nouveaux verrous qui vont, en toute hypothèse, contribuer à entraver les volontés présidentielles du militant occitan Gustave Alirol en 1981 et du régionaliste breton Christian Troadec en 2017, en passant par le nationaliste corse Max Simeoni en 1995 ; tous épigones en infortune animés par l’espoir déçu, comme Robert Lafont en 1974, de dégager temporairement de la relégation provinciale les voix subalternes des « minorités nationales ».

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Bibliographie

Sources primaires

Archives publiques

Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/118 : Élection présidentielle de 1974. Dossier du Secrétaire général. Dossiers des séances et décisions du Conseil constitutionnel (i). Décision arrêtant la liste des candidats. Séances du 16 et 17 avril 1974.

Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/119 : Élection présidentielle de 1974. Dossiers des séances et décisions du Conseil constitutionnel (ii). Déclarations finales. Examen des réclamations contre la liste des candidats. Décision du 21 avril 1974 : décisions Lafont.

Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/120 : Élection présidentielle de 1974. Correspondance. Correspondance particuliers – Lafont : lettres et télégrammes de protestation.

Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/129 : Élection présidentielle de 1974. Présentations des candidats [classement par candidat]. Guy Héraud, Christian Fouchet, André Roustan, Valéry Giscard d'Estaing, Robert Lafont, Émile Muller.

Archives du Sénat (Paris). Proposition de loi organique du 21 novembre 1972 tendant à modifier la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, n° 72 (1972-1973).

Archives de l’Assemblée nationale (Paris). Rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration générale de la République sur la proposition de loi organique (n° 875) adoptée par le Sénat tendant à modifier la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, sur la proposition de loi organique (n° 7) de M. Pierre Bas tendant à modifier l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel et sur la proposition de loi organique (n° 926) de M. Pierre Bas portant modification de l’article 3, paragraphe 1, de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, par M. Krieg, député, annexe au procès-verbal de la séance du 24 juillet 1974, n° 1164 (1973-1974).

CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentation dans le domaine politique et occitaniste, LAF.G.003 Présidentielle 1974.

CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentation dans le domaine politique et occitaniste, LAF.G.004 VVAP.

CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Fausta Garavini : GARf B.1. Chronologie Robert Lafont – Fausta Garavini : Vies parallèles.

CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). O3 : Lutte occitane – Bulletin intérieur.

Documents audiovisuels

« Campagne électorale officielle : élection présidentielle 1er tour. Guy Héraud », Document audiovisuel, ORTF, 22 avril 1974 et 27 avril 1974.

Articles de presse, articles de revue, chapitres d’ouvrage ou ouvrages

« Les minorités nationales et les élections présidentielles : les autonomistes corses pris de court », Libération, 12 avril 1974.

« Une candidature pour donner la parole aux gens qui luttent : le mouvement occitan et les élections présidentielles françaises », Libération, 15 avril 1974.

« Robert Lafont candidat des minorités nationales : Homme d’oc, d’Alsace, de Bretagne, tu as la parole, parles [sic] ! », Libération, 18 avril 1974.

« M. Lafont inscrit son action dans la lutte pour le socialisme », Le Monde, 19 avril 1974.

« Au lendemain du refus de la candidature Lafont, les autonomistes chez Mitterrand », Libération, 25 avril 1974.

« René Dumont au Larzac », Libération, 29 avril 1974.

« Présidentielles de l’État français : explication de notre position », Euskaldunak, n° 2, mai 1974, p. 2.

« Présidentielles : pas de candidats des luttes ! Pourquoi ? », Bretagne révolutionnaire, n° 23, mai 1974.

« Élections », Terra Corsa, n° 23, mai-juin 1974, p. 1.

« Éditorial : la liberté d’exister », Populu Corsu, n° 44, mai 1974, p. 1.

« Pourquoi Lafont ? », Populu Corsu, n° 45 spécial, mai 1974, p. 3.

« Volèm viure al país », Vida Nò͘stra, n° 19, juin-juillet 1974, p. 4.

« Las nacionalitats en cò de Mitterrand » [Les nationalités chez Mitterrand], Lutte occitane, n° 15, mai-juin 1974, p. 7.

C. Y., « Après l’invalidation de la candidature de M. Lafont, les « minorités nationales » tentent de mobiliser la gauche », Le Monde, 22 avril 1974.

Cazauvielh, Simon, « R. Lafont, Mitterrand et la République française, une et… régionaliste », Occitania libertaria, n° 6, octobre-novembre 1974, p. 272-274.

Deligny, Henri, « Vos gueules les sous-France », Le Canard enchaîné, 24 avril 1974.

Fouéré, Yann, « Il n’y aura pas de changement si l’on ne change pas l’État », L’Avenir de la Bretagne, n° 218, juin 1974, p. 15.

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Notes

1 On consultera Gardy, Philippe, L’arbre et la spirale. Robert Lafont polygraphe, Valence-d’Albigeois, Vent Terral, 2017 ainsi que Torreilles, Claire (éd.), Robert Lafont, la haute conscience d'une histoire : actes du colloque de Nîmes, 26-27 septembre 2009 / organisé par Gardarem la Tèrra, Canet, Trabucaire, 2013. Sur les dimensions spécifiquement politiques de l’engagement de Robert Lafont, on consultera : Alirol, Gustave, Tautil, Gérard (éds.), Chemins d'Occitanie : espace, territoires, identité, démocratie : politique occitane, 1974-2000, Paris, L’Harmattan, 1997 ainsi que Tautil, Gérard, Robert Lafont et l'occitanisme politique : petite contribution à une pensée moderne, Gardonne, Fédérop, 2011.

2 Rouquette, Yves, « Per parar a tota recuperacion: la practica occitanista », Occitània Nòva, n° 12, été 1973, p. 9.

3 Lafont, Robert, « De deputats occitans : per que far ? », Occitània Nòva, n° 12, été 1973, p. 20-21.

4 Kernalegenn, Tudi, Belliveau, Joel et Roy, Jean-Olivier (dir.), La vague nationale des années 1968. Une comparaison internationale, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2020. En ce qui concerne le cas occitan, on lira dans ce même ouvrage le chapitre suivant : Lespoux, Yan, Martel, Philippe, « Des années 1960 aux années 1980 : l’occitanisme en proie à la politique », op. cit., 2020, p. 57-75.

5 Cavaillé, Jean-Pierre, « La question nationale chez Robert Lafont, Yves Rouquette et Joan Larzac (1967-1969) », Revue des langues romanes, Tome CXXI, n° 2, 2017, p. 375-406. En ligne à l’adresse https://journals.openedition.org/rlr/452

6 C’est ce que décrit Yves Rouquette dans Occitània Nòva à l’occasion d’un compte-rendu de la préparation et de l’échec de la candidature. Voir Rouquette, Yves, « Eleccions. E puèi ? » [Élections. Et après ?], Occitània Nòva, supplément au n° 15, juin 1974, s. p. Par ailleurs, un leader militant de Lutte occitane déclare avoir personnellement sollicité Lafont pour une candidature, la réponse positive de l’intéressé ayant été discutée par un comité de coordination de Lutte occitane le 24 février 1974 (CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). O3 : Lutte occitane – Bulletin intérieur. Automne 1974).

7 Sur l’histoire de l’élection présidentielle de 1974, on se reportera aux ouvrages suivants : Duhamel, Olivier, Histoire des présidentielles, Paris, Seuil, 2008 et Winock, Michel, L’Élection présidentielle en France, 1958-2007, Paris, Perrin, 2008.

8 Dans Pecics de mièg-sègle (1999), Lafont précise ainsi que l’idée « veniá pas deis occitanistas, mas dei Bascs e dei Còrs. Un d’Euzkadi desrevelhèt au mitan de la nuech mon omonim professor de medecina a Montpelhier » [ne venait pas des occitanistes, mais des Basques et des Corses. Quelqu’un du Pays basque réveilla au milieu de la nuit mon homonyme professeur de médecine à Montpellier] (p. 61). Dans Vingt lettres sur l’histoire (2005), il indique que « la place était libre pour des candidatures nouvelles et surprenantes à sa succession. Les Basques et les Corses y pensèrent et me sollicitèrent » (p. 93).

9 Rouquette, Yves, art. cité, juin 1974. Sur la candidature de Guy Héraud, voir Dard, Olivier, « Guy Héraud et « l’Europe des ethnies » », Histoire, économie & société, vol. 40, n° 3, 2021, p. 23-36.

10 Rouquette, Yves, art. cité, juin 1974.

11 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentation dans le domaine politique et occitaniste, LAF.G.003 Présidentielle 1974. Pour Lutte occitane, Nîmes le 8 avril 1974.

12 Roumier, Théo, « Leçons d’un candidat des luttes. Enquête sur l’éphémère candidature de Charles Piaget à la présidentielle de 1974 », Revue du Crieur, n° 20, 2022, p. 112-129.

13 Cité dans Ruquet, Michel, « René Nelli, un humaniste à la croisée de la gauche et de l’occitanisme », dans Balent, André, Vassakos, Richard (dir.), Réinventer la gauche en Languedoc-Roussillon, 1945-1968. Guerre froide, anticolonialisme, occitanisme et genèse de la Nouvelle gauche, Perpignan, Publications de l’Olivier, 2022, p. 101-164, p. 143-144.

14 Lafont, Robert, « Après le rejet de sa candidature, Robert Lafont fait le point », Vida Nò͘stra, n° 18, mai-juin 1974, p. 4-5.

15 Lafont, Robert, Le Coq et l’Oc, Arles, Actes Sud, 1997, p. 211.

16 « Une candidature pour donner la parole aux gens qui luttent : le mouvement occitan et les élections présidentielles françaises », Libération, 15 avril 1974.

17 Lafont, Robert, art. cité, mai-juin 1974.

18 Lafont, Robert, art. cité, mai 1974. Lafont les a croisés en 1964 lors de la création de la CIR, en sa qualité de secrétaire général du Comité occitan d’études et d’action (COEA), qui fait partie des « clubs » fondateurs. Sur les liens entre le COEA et la CIR, voir Martel, Philippe, « Un rendez-vous furtif : occitanisme et Nouvelle gauche dans les années 1960 » dans Balent, André, Vassakos, Richard (dir.), op. cit., 2022, p. 77-100.

19 Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/118 : Élection présidentielle de 1974. Dossier du Secrétaire général. Dossiers des séances et décisions du Conseil constitutionnel (i). Robert Lafont : acte de candidature et cautionnement. Sur la candidature de René Dumont, voir Vadrot, Claude-Marie, « Histoire de la campagne », dans La campagne de René Dumont et du mouvement écologique, naissance de l'écologie politique : déclarations, interviews, tracts, manifestes, articles, rapports, sondages, récits..., Paris, J.-J. Pauvert, 1974, p. 11-21, p. 15 ainsi que Ollitrault, Sylvie, « L’invention de l’écologie politique : la candidature de René Dumont », dans Richard, Gilles, Sainclivier, Jacqueline (éds.), Les partis à l’épreuve de 68 : L’émergence de nouveaux clivages, 1971-1974, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 249-259.

20 Voir Lespoux, Yan, « Conférence de presse de Robert Lafont, candidat à l'élection présidentielle », notice de la fresque numérique « 50 ans de borbolh occitan », INA/CIRDOC, 2019, https://fresques.ina.fr/borbolh-occitan-fr/fiche-media/Occita00050/conference-de-presse-de-robert-lafont-candidat-a-l-election-presidentielle.html consulté le 5 mai 2023.

21 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentation dans le domaine politique et occitaniste, LAF.G.004 VVAP. Propositions pour une campagne d’explications sur une candidature, Nîmes le 12 avril 1974. Sur le concept de « colonialisme intérieur », voir Lagarde, Christian, « Le ‘colonialisme intérieur’ : d’une manière de dire la domination à l’émergence d’une ‘sociolinguistique périphérique’ occitane », Glottopol, n° 20, p. 38-54.

22 Leerssen, Joep, National Thought in Europe. A Cultural History, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2018.

23 Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/129 : Élection présidentielle de 1974. Présentations des candidats [classement par candidat]. Guy Héraud, Christian Fouchet, André Roustan, Valéry Giscard d'Estaing, Robert Lafont, Émile Muller.

24 Nicolas, Michel, Histoire du mouvement breton, Paris, Syros, 1982, p. 271.

25 Voir « Présidentielles : pas de candidats des luttes ! Pourquoi ? », Bretagne révolutionnaire, n° 23, mai 1974 ainsi que Fouéré, Yann, « Il n’y aura pas de changement si l’on ne change pas l’État », L’Avenir de la Bretagne, n° 218, juin 1974, p. 15.

26 « Éditorial : la liberté d’exister », Populu Corsu, n° 44, mai 1974, p. 1 ainsi que « Pourquoi Lafont ? », Populu Corsu, n° 45 spécial, mai 1974, p. 3.

27 « Les minorités nationales et les élections présidentielles : les autonomistes corses pris de court », Libération, 12 avril 1974.

28 « Pourquoi Lafont ? », art. cité, mai 1974.

29 « Élections », Terra Corsa, n° 23, mai-juin 1974, p. 1.

30 « Présidentielles de l’État français : explication de notre position », Euskaldunak, n° 2, mai 1974, p. 2.

31 Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/129 : Élection présidentielle de 1974. Présentations des candidats [classement par candidat]. Guy Héraud, Christian Fouchet, André Roustan, Valéry Giscard d'Estaing, Robert Lafont, Émile Muller.

32 Wittmann, Bernard, Une histoire de l’Alsace, autrement, Morsbronn-les-Bains, Rhyn un Mosel, 1999, p. 199-200.

33 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentation dans le domaine politique et occitaniste, LAF.G.004 VVAP. Lettre du cercle René Schickelé du 26 avril 1974. Le Parti fédéraliste européen d’Alsace-Lorraine, qui a promu la candidature de Guy Héraud, écrit également une lettre à Robert Lafont le 25 avril, mais sans évoquer la candidature (lettre du Parti fédéraliste européen d’Alsace-Lorraine du 25 avril 1974).

34 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Fausta Garavini : GARf B.1. Chronologie Robert Lafont – Fausta Garavini : Vies parallèles, p. 18.

35  Nicolas, Michel, 1982, op. cit., p. 313-314.

36 « Robert Lafont candidat des minorités nationales : Homme d’oc, d’Alsace, de Bretagne, tu as la parole, parles [sic] ! », Libération, 18 avril 1974.

37 « M. Lafont inscrit son action dans la lutte pour le socialisme », Le Monde, 19 avril 1974.

38 Lafont, Robert, « Un combat anti-colonialiste de l’intérieur », Le Quotidien de Paris, 19 avril 1974.

39 Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/118 : Élection présidentielle de 1974. Dossier du Secrétaire général. Dossiers des séances et décisions du Conseil constitutionnel (i). Décision arrêtant la liste des candidats. Séances du 16 et 17 avril 1974. Cinq présentations sont communes avec François Mitterrand, quatre avec Jean-Claude Sebag, trois avec Alain Krivine, deux avec Bertrand Renouvin, une avec Guy Héraud, une avec Jean-Marie Le Pen et une avec André Roustan, un candidat marxiste-léniniste déclaré inéligible. Une présentation provient d’une commune non identifiée.

40 Deligny, Henri, « Vos gueules les sous-France », Le Canard enchaîné, 24 avril 1974.

41 Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/120 : Élection présidentielle de 1974. Correspondance. Correspondance particuliers – Lafont : lettres et télégrammes de protestation.

42 Nizery, Marc, « Le Conseil constitutionnel a pris une décision contestable », Le Quotidien de Paris, 20 avril 1974 et C. Y., « Après l’invalidation de la candidature de M. Lafont, les « minorités nationales » tentent de mobiliser la gauche », Le Monde, 22 avril 1974.

43 Lévy, Bernard-Henri, « Pourquoi Robert Lafont fait-il si peur ? », Le Quotidien de Paris, 20 avril 1974.

44 P. P., « Non au gauchisme occitan », Aspects de la France, 25 avril 1974.

45 Le Monde, art. cité, 22 avril 1974.

46 Décision n° 74-27 PDR du 21 avril 1974 (Décision du 21 avril 1974 portant sur une réclamation présentée par M. LAFONT contre l'établissement de la liste des candidats à la Présidence de la République). Voir également Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/119 : Élection présidentielle de 1974. Dossiers des séances et décisions du Conseil constitutionnel (ii). Déclarations finales. Examen des réclamations contre la liste des candidats. Décision du 21 avril 1974 : décisions Lafont.

47 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentation dans le domaine politique et occitaniste, LAF.G.003 Présidentielle 1974. Lettre aux maires et réponses.

48 « Campagne électorale officielle : élection présidentielle 1er tour. Guy Héraud », Document audiovisuel, ORTF, 22 avril 1974 et 27 avril 1974.

49 Dard, Olivier, art. cité, 2021, p. 32.

50 Sur les NMS, voir Chabanet, Didier, « Nouveaux mouvements sociaux », dans Fillieule, Olivier (éd.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris, Presses de Sciences Po, 2020, p. 403-410. Sur la façon dont le courant d’analyse français des NMS, l’école tourainienne, a appréhendé le mouvement occitan des années 1968, voir Dubet, François, « Sur l’analyse sociologique du mouvement occitan », Sociologie du travail, vol. 18, n° 3, 1976, p. 302-321 ainsi que Touraine, Alain et al., Le pays contre l’État. Luttes occitanes, Paris, Seuil, 1981.

51 Lafont, Robert, « Un vote pour sauver un pays », Midi libre, 14 mai 1974 et Lafont, Robert, « La candidature de l’espoir régional », Le Monde, 15 mai 1974.

52 Rouquette, Yves, art. cité, juin 1974.

53 Voir notamment les comptes rendus rédigés par Lutte occitane et le Parti du peuple corse : « Las nacionalitats en cò de Mitterrand » [Les nationalités chez Mitterrand], Lutte occitane, n° 15, mai-juin 1974, p. 7 et Santoni, Charles, « Pourparlers à la tour Montparnasse à Paris sur la question des nationalités les 23 et 24 avril 1974 », Populu corsu, n° 45 spécial, mai 1974, p. 2-3. Libération rapporte aussi la rencontre : « Au lendemain du refus de la candidature Lafont, les autonomistes chez Mitterrand », Libération, 25 avril 1974.

54 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentation dans le domaine politique et occitaniste, LAF.G.004 VVAP. François Mitterrand, le pouvoir régional et les minorités, p. 3.

55 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). Fonds Robert Lafont : LAF.G. Activités et documentation dans le domaine politique et occitaniste, LAF.G.004 VVAP. François Mitterrand, le pouvoir régional et les minorités, p. 5.

56 On consultera à ce propos, dans ce dossier, les articles de Catherine Gossez : « Du manifeste Mon país escorjat, fin 1978, à la grève pour « Ladrecht », de mai 1980 à juin 1981 : un moment de rapprochement entre PCF et occitanistes » et de Marie-Jeanne Verny : « Companhs de camins. Robert Lafont et le PCF ».

57 J.-L. S., « À la Mutualité : écologie, régionalisme et immigration », Le Monde, 27 avril 1974.

58 « René Dumont au Larzac », Libération, 29 avril 1974.

59 On trouvera un bref compte rendu dans « Volèm viure al país », Vida Nò͘stra, n° 19, juin-juillet 1974, p. 4.

60 On consultera, dans ce dossier, l’article de Yan Lespoux : « De Lutte occitane à Volèm Viure Al Païs : vers un (in)certain nationalisme ».

61 Cavaillé, Jean-Pierre, art. cité, 2017.

62 CIRDOC-Institut occitan de cultura (Béziers). O3 : Lutte occitane – Bulletin intérieur. N° 13 du 25 octobre 1974, p. 6.

63 Voir Cazauvielh, Simon, « R. Lafont, Mitterrand et la République française, une et… régionaliste », Occitania libertaria, n° 6, octobre-novembre 1974, p. 272-274.

64 Belle Grenier, Clémentine, « De la recommandation à l’imposition normative : Le rôle du Conseil constitutionnel dans la construction du candidat idéal à l’élection présidentielle (1958-2017) », Cahiers Jean Moulin [En ligne], n° 6, 2020, mis en ligne le 13 novembre 2020, consulté le 28 avril 2023.

65 Il s’agit de la loi n° 76-528 du 18 juin 1976, modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

66 C’est en ces termes que le rapporteur Pierre-Charles Krieg exprime la position de la commission des Lois à l’Assemblée nationale (rapport de M. Krieg au nom de la commission des Lois, annexe au procès-verbal de la séance du 24 juillet 1974, n° 1164, p. 10). La révision s’inscrit tout d’abord dans un contexte d’augmentation continue des candidatures, qui passent de six en 1965 à sept en 1969 puis 12 en 1974 (dont neuf obtenant moins de 5 % des suffrages) ; l’élection de 1974 connaissant par ailleurs 58 pré-candidats. De nombreuses propositions de loi envisagent, dès 1965, de réformer la procédure de parrainage. La loi du 18 juin 1976 tire son origine d’une proposition de loi présentée le 21 novembre 1972 par trois sénateurs centristes, René Jager, Louis Jung et Francis Palmero, qui revendiquent déjà entre autres dans l’exposé des motifs « le souci d'éviter à l'avenir des candidatures de caractère « régionaliste » de nature à nuire à l'unité de la Nation ». L’argument est repris par le rapporteur de la commission des Lois à l’Assemblée nationale, Pierre-Charles Krieg ; celui du Sénat, Pierre Marcilhacy, lui-même « petit candidat » à l’élection présidentielle de 1965, se montrant davantage libéral. On retrouve aussi cet argument dans les débats en séance : le 19 décembre 1973 au Sénat, le 20 avril 1976 à l’Assemblée nationale, le 6 mai 1976 au Sénat. Une recommandation du Conseil constitutionnel à l’occasion de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle le 24 mai 1974 (Décision n° 74-33 PDR du 24 mai 1974), qui préconise notamment de durcir la procédure de parrainage, vient renforcer l’initiative du législateur engagée en 1972. Voir Belle Grenier, Clémentine, art. cité, 2020.

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Légende Figure 1. Répartition géographique des présentations en faveur de Robert Lafont à l'élection présidentielle de 1974. Élaboration personnelle avec le logiciel Magrit d'après Archives nationales (Pierrefitte-sur-Seine). Conseil constitutionnel (1958-1974) : Référendums de 1961 à 1972 et élections présidentielles de 1958 à 1974. AN19910411/129 : Élection présidentielle de 1974. Présentations des candidats [classement par candidat]. Guy Héraud, Christian Fouchet, André Roustan, Valéry Giscard d'Estaing, Robert Lafont, Émile Muller.
URL http://journals.openedition.org/lengas/docannexe/image/8290/img-1.png
Fichier image/png, 125k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Damien Canavate, « Robert Lafont, candidat des « minorités nationales » à l’élection présidentielle de 1974 »Lengas [En ligne], 95 | 2024, mis en ligne le 24 juin 2024, consulté le 08 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/lengas/8290 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11yl2

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Auteur

Damien Canavate

UMR 5112 CEPEL, CNRS - Université de Montpellier

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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