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Bulletin bibliographique

Boris Hamzeian, 1968-1971. Live Centre of Information. De Pompidou à Beaubourg, New York, Barcelone et Paris, Actar publishers et Éditions du Centre Pompidou, 2022, 336 p.

Christian Hottin

Texte intégral

1L’anecdote est connue, elle est du reste rappelée dans l’ouvrage : le projet lauréat du concours Beaubourg en 1971 a bien failli ne jamais parvenir au jury. Posté à la date limite, il fut d’abord refusé au bureau de poste de Trafalgar square en raison des dimensions du carton fourni par les architectes et dût être rogné sur place afin de s’insérer dans le tube fourni par la poste britannique… avant d’être retourné quelques jours plus tard aux expéditeurs pour cause d’affranchissement insuffisant. Tout s’arrangea pour le mieux, l’histoire suivit son cours, et nous pouvons, cinquante-trois ans plus tard, rendre compte de l’ouvrage de Boris Hamzeian qui détaille les premières années de ce grand projet présidentiel.

  • 1 Ainsi que le souligne Simon Texier dans sa recension de l’ouvrage, on peut dire que celui-ci s’insc (...)
  • 2 Boris Hamzeian, « La conception du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou. De l’espace vid (...)

2Publié en 2022, ce livre découle d’une thèse de doctorat soutenue en 2021 à l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Il constitue la première étape d’un projet éditorial plus vaste, qui doit à terme embrasser toute la décennie de création du Centre Pompidou. À ce titre, il a bénéficié du soutien actif de l’institution (une préface de l’actuel président du Centre, Laurent Le Bon, figure en ouverture) et prend place dans la réflexion globale initiée par le Centre au moment où s’annoncent d’importants travaux1. La période couverte ici (1968-1971) va des premières réflexions politiques sur l’aménagement du centre de Paris au rendu par le jury de sa décision définitive. La suite de l’histoire fera l’objet d’une autre publication. L’article de Boris Hamzeian dans les présentes Livraisons d’histoire de l’architecture2, centré sur la conception du Musée national d’art moderne, constitue une sorte de « pont » entre les publications de l’auteur. Boris Hamzeian nous livre ici un travail particulièrement bien rythmé, d’une grande efficacité didactique, d’une grande élégance formelle, et sans aucun formalisme rhétorique. Six parties, divisées en autant de chapitres qu’il est nécessaire, des textes brefs (cinq ou six pages au maximum), des notes en quantité raisonnable (renvoyées en fin de partie), une iconographie abondante mais jamais bavarde, essentiellement fondée sur des documents d’archives, et qui se laisse apprécier, chapitre après chapitre, une fois assimilé le contenu du texte.

3Pour rendre compte du succès des « garnements » (ainsi que Renzo Piano se qualifie, avec ses partenaires, dans l’entretien qui complète le livre), deux fils chronologiques viennent se rejoindre. Le premier, largement déroulé dans la première partie, traite de la genèse du projet pompidolien : la question de l’aménagement du centre de Paris, les centres d’intérêt artistiques du nouveau président, la jonction entre recherche d’un musée pour l’art moderne et désir d’une bibliothèque d’un genre inédit, la mise en place des outils administratifs, pour finir par la constitution du jury. Le second, de la deuxième à la cinquième partie, retrace le cheminement intellectuel, artistique et technique qui conduit le bureau d’études Ove Arup and Partners et Piano+Rogers Architects à s’associer et à présenter une réponse au concours lancé en 1971. Les étapes d’élaboration de leur projet sont restituées avec une minutieuse précision, dans une chronologie serrée et avec un souci d’explicitation des choix opérés qui radiographie jusque dans ses détails les plus matériels le « projet » finalement posté le 15 juin 1971.

4Ces deux fils se rejoignent pour n’en faire qu’un dans la dernière partie, captivante reconstitution de la présentation des projets et des débats au sein du jury. Le détail des échanges, l’évolution des positions des différents membres, les retournements et les entêtements… alors même que l’issue de la compétition est bien connue de nous et matériellement inscrite dans notre paysage parisien, la lecture de cette ultime partie parvient à nous faire éprouver une curieuse sensation de suspens, en même temps que nous découvrons une sélection de ces 682 projets qui auraient pu, eux aussi, devenir Beaubourg, s’ils avaient été choisis. Le principal rebondissement est bien entendu la décision de jury de se lancer dans une « deuxième sélection », alors qu’une première série de discussions avait abouti à retenir trois projets, dont celui présenté par Piano+Rogers Architects. Au cours de cette « seconde dernière phase », dix projets sont choisis, dont une fois encore celui de Piano et Rogers, qui finit par l’emporter largement lors du vote final.

  • 3 Georges Pompidou, lettre à Edmond Michelet, ministre d’État, chargé des Affaires culturelles, 28 no (...)

5Le projet de Piano+Rogers Architects se veut une rencontre entre un musée traditionnel et une institution démocratique, une synthèse entre Times square et le British Museum, ou encore une traduction efficace des exigences du concours, tout à la fois « émetteur d’information » et « contenant pour l’art ». Il séduit par sa connotation technique et constructive affirmée, son caractère souple et flexible, la qualité de son insertion urbaine (grâce à l’idée de la grande « piazza » inclinée). Il est bien à cet égard « la transposition de l’atmosphère de [cette] époque », pour reprendre les propos de Piano. Enfin, la « simplicité architecturale » (Boris Hamzeian) du monument projeté ne trahit l’idéal de grandeur nationale qui figurait en préambule de l’intention présidentielle, dans sa formulation séminale : « Si les Français d’aujourd’hui peuvent, à tant d’égards, se comparer à leurs aînés, il n’ont cependant, il faut en convenir, depuis le début du siècle, donné que trop peu d’éclat à la création architecturale (…) Je souhaite donc que soit conçu le projet de construire en ce lieu un bâtiment prestigieux dont la destination, culturelle, reste à préciser, mais dont on peut souhaiter qu’il soit ouvert sur le présent et sur l’avenir et consacré particulièrement à l’art et à la pensée contemporains »3.

6À suivre…

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Notes

1 Ainsi que le souligne Simon Texier dans sa recension de l’ouvrage, on peut dire que celui-ci s’inscrit dans un « très utile projet d’ego-histoire ». Simon Texier, « Patrimoine. Le Centre Pompidou, monument historique ? », Archistorm, n° 120, mai-juin 2023, [en ligne], https://www.archistorm.com/patrimoine-le-centre-pompidou-monument-historique/ [lien valide en janvier 2025].

2 Boris Hamzeian, « La conception du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou. De l’espace vide au village vernaculaire pour l’art (1971-1977) », Livraisons d’histoire de l’architecture, n° 47, 2024, [en ligne], http://journals.openedition.org/lha/14267 [lien valide en janvier 2025].

3 Georges Pompidou, lettre à Edmond Michelet, ministre d’État, chargé des Affaires culturelles, 28 novembre 1969, Archives nationales, fonds Henri Domerg, 674 AP 10. Cité dans Boris Hamzeian, 1968-1971. Live Centre of Information. De Pompidou à Beaubourg, New York, Barcelone et Paris, Actar publishers et Éditions du Centre Pompidou, 2022, p. 319.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christian Hottin, « Boris Hamzeian, 1968-1971. Live Centre of Information. De Pompidou à Beaubourg, New York, Barcelone et Paris, Actar publishers et Éditions du Centre Pompidou, 2022, 336 p. »Livraisons de l'histoire de l'architecture [En ligne], 47 | 2024, mis en ligne le 28 février 2025, consulté le 17 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/lha/14511 ; DOI : https://doi.org/10.4000/141sc

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Auteur

Christian Hottin

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