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Études

L’Agence des travaux de l’Opéra de Charles Garnier

The “Agence des Travaux” at Charles Garnier’s Opéra
Die "Agence des travaux" der Oper von Charles Garnier
Anne Richard-Bazire

Résumés

Le terme d’Agence des travaux de l’Opéra Garnier recouvre deux entités. Le bâtiment en lui-même, sorte de baraquement, maison de bois et de plâtre à un étage, construit à l’arrière du futur Opéra de Paris, le long de la rue Neuve-des-Mathurins, et l’équipe d’architectes, inspecteurs, sous-inspecteurs, dessinateurs qui formaient cette « pléiade d’artistes » comme aimait à les appeler Charles Garnier, et à qui l’on doit l’édification de l’Opéra. On a pu dire aussi que cette agence fonctionnait comme un atelier de l’École des beaux-arts, certains élèves y travaillant alors qu’ils préparaient le grand prix, bénéficiant ainsi des conseils avisés de Charles Garnier pour leur propre travail, mais aussi parce que de réels liens d’affection unissaient le « grand chef » à tous ses collaborateurs.

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Texte intégral

  • 1 À la suite de l’assassinat du duc de Berry par Louis Pierre Louvel, à la sortie de la salle Montans (...)
  • 2 Charles Nuitter, Le Nouvel Opéra Garnier, 1875, Paris, Claude Tchou, 1999, 256 p., p. 18.
  • 3 Les projets devaient être remis le 31 janvier 1861.
  • 4 Ce furent les projets de Léon Ginain, Julien Botrel et Alphonse Crépinet, Antoine-Marie Garnaud, Lo (...)
  • 5 Henri-Paul Nénot, L’Architecture, vol. XXXIX, no 1, 1926, p. 8.
  • 6 Jean-Michel Leniaud, Charles Garnier, op. cit., p. 50.
  • 7 Charles Nuitter, Le Nouvel Opéra Garnier, 1875, op. cit., p. 21.
  • 8 Jean-Louis Pascal, « Charles Garnier, architecte de l’Opéra de Paris », L’Architecture, 1899, 12e a (...)

L’attentat perpétré par Felice Orsini, le 14 janvier 1858, contre l’empereur Napoléon III, alors qu’il se rendait à l’Opéra de la rue Le Peletier1, décida ce dernier à faire construire un nouvel Opéra avec les dégagements nécessaires à sa sécurité. Le décret du 29 septembre 1860 déclara d’utilité publique la construction d’une nouvelle salle d’Opéra sur un emplacement sis entre le boulevard des Capucines, la rue de la Chaussée-d’Antin, la rue Neuve-des-Mathurins et le passage Sandrié2. Un concours fut ouvert, qui ne laissait qu’un mois aux concurrents pour remettre leurs projets3. Cent soixante et onze projets furent exposés à Paris, au Palais de l’Industrie. Le jury en retint d’abord cinq4, auxquels furent attribuées des primes, dont faisait partie le projet d’un jeune architecte de trente-six ans, Charles Garnier (1825-1898), peu connu jusqu’alors. Sur les cinq concurrents choisis, trois architectes seulement prirent part au second concours mis en place pour les départager : Léon Ginain, Antoine Garnaud et Charles Garnier5. Un programme d’une cinquantaine de pages, rédigé par Alphonse Royer, directeur de l’Opéra, fut remis aux concurrents le 18 avril 1861. Le 29 mai 1861, Charles Garnier était désigné à l’unanimité par le jury qui distingua son projet pour sa disposition très ingénieuse des plans, ses communications larges et faciles et une ordonnance générale susceptible de donner des façades monumentales sur tous les côtés de l’Opéra6. Au mois de juillet, les géomètres de la ville procédèrent au tracé des rues et déterminèrent le périmètre de l’édifice. En août on commença les fouilles7. En même temps on avait construit à la hâte un petit bâtiment élevé d’un seul étage, « maison de bois et de plâtre dont le balcon desservant les pièces au midi permettait, jusqu’à ce que le monument sortît de terre, de surveiller l’ensemble des fouilles, les parties basses des fondations, le grand tracé du gigantesque édifice8. » C’était l’Agence des travaux (Ill. 1).

Ill. 1 : Hyacinthe-César Delmaet, construction du nouvel Opéra

Ill. 1 : Hyacinthe-César Delmaet, construction du nouvel Opéra

Épreuve sur papier albuminé. 21,8 × 27,8 cm. Paris, E.N.S.B.A. n° inv. : Ph 7452.

Cliché E.N.S.B.A.

« Une famille plus qu’une agence9 »

  • 9 C’est ainsi que Jean Jourdain, inspecteur de Charles Garnier à l’Opéra, intitule le paragraphe d’un (...)
  • 10 Lorsque Charles Garnier offre à Louvet son recueil À travers les arts, il le dédicace ainsi : « Le (...)
  • 11 En fait trois ans et neuf mois. Louis Victor Louvet est né le 1er février 1822 et Charles Garnier l (...)
  • 12 Henri-Paul Nénot, L’Architecture, vol. XXXIX, no 1, 1926, p. 4.

1L’agence de l’Opéra (Ill. 2) comprenait tout d’abord Louis Victor Louvet (1822-1898), l’inspecteur principal de Charles Garnier pendant neuf ans à partir de 1861, qui, après avoir quitté l’agence, continua à y venir chaque jour10. Charles Garnier et Victor Louvet (Ill. 3) avaient été élèves en même temps dans les ateliers Léveil et Lebas : « M. Lebas s’occupait des anciens et laissait à ceux-ci le soin de diriger les nouveaux, et Garnier déclarait lui-même à l’atelier que son vrai maître avait été Louvet, de six ans11 plus âgé que lui12. » Grands prix de Rome, l’un en 1848, l’autre en 1850, ils s’étaient retrouvés à la Villa Médicis et avaient tissé des liens d’affection :

  • 13 Charles Garnier, Le Nouvel Opéra, op. cit., p. 425.

« En nous retrouvant dans cette aimable agence de l’Opéra, nous n’avons fait que continuer nos bonnes et affectueuses relations. Louvet a été pour moi un aide dévoué et puissant. Son habileté d’étude des plans m’a été d’un précieux secours, comme son bon sens et sa sincère amitié pour moi m’ont bien souvent soutenu dans les moments difficiles. Je ne sais vraiment si j’aurais pu trouver ailleurs un collaborateur ayant sa position à l’agence, son titre de prix de Rome et son talent éprouvé, qui eût, avec autant de tact, de délicatesse, de bonne humeur et d’abnégation, pu remplir cette tâche si malaisée, d’être à la fois mon conseiller journalier par ma confiance en lui, et mon subordonné par le titre. Aussi pendant les neuf ans que nous avons passés ensemble, il n’y a jamais eu entre nous le moindre nuage ni la moindre discussion, sauf naturellement celles qui se rapportaient aux questions artistiques qu’il était de notre devoir de soulever à chaque instant13. »

Ill. 2 : Hyacinthe-César Delmaet, construction du nouvel Opéra de Paris, photographie de groupe

Ill. 2 : Hyacinthe-César Delmaet, construction du nouvel Opéra de Paris, photographie de groupe

Épreuve sur papier albuminé. 25 × 30,7 cm. Paris, E.N.S.B.A. n° inv. : Ph 126. 1866-1869.

Cliché E.N.S.B.A.

Ill. 3 : Hyacinthe-César Delmaet, construction du nouvel Opéra de Paris, agence de Charles Garnier

Ill. 3 : Hyacinthe-César Delmaet, construction du nouvel Opéra de Paris, agence de Charles Garnier

Épreuve sur papier albuminé. 21 × 27,8 cm. Paris, E.N.S.B.A. n° inv. : Ph 131.1866-1869.

Cliché E.N.S.B.A.

  • 14 Jean Jourdain, élève de Callet et de Lebas, inspecteur des bâtiments civils et palais nationaux, a (...)
  • 15 Charles Garnier, Le Nouvel Opéra, , p.  424-425.
  • 16 Ibid., p.  424.
  • 17 Jean-Louis Pascal entretient une abondante correspondance avec Charles et Louise Garnier. B.E.B.A., (...)
  • 18 « Les Maîtres de l’Architecture Française. Académie des beaux-arts. M. Jean-Louis Pascal », La Cons (...)

2Puis venait Jean Jourdain14 (1820-1899), premier inspecteur de 1861 à 1874, date à laquelle il reçut le titre d’inspecteur principal ; il est resté avec Charles Garnier jusqu’à la fin des travaux : «  C’était un ancien camarade d’atelier, devenu tout à fait mon ami pendant cette longue cohabitation journalière ; caractère un peu triste et mélancolique, mais plein d’ardeur pour remplir son devoir »15. Edmond Le Deschault (1831-1921), « si précieux par sa loyauté en toutes choses, son goût délicat, son talent distingué et son dévouement à toute épreuve »16 (Ill. 4), était deuxième inspecteur de 1861 à 1874, puis premier inspecteur de 1874 à 1878. Il est toujours resté attaché à l’agence et a travaillé avec Charles Garnier pendant dix-sept ans. Jacques Achille Noël était le conducteur en chef du chantier de 1861 à 1875 ; il est mort peu de temps après l’inauguration de l’Opéra. Jean-Louis Pascal (1837-1920), dessinateur puis inspecteur entre 1861 et 1866, était un intime de la famille Garnier17 ; il devait à Charles Garnier une partie de sa carrière : « Après M. Questel, M. Garnier m’a fait ce que je suis » avait-il coutume de dire18. Garnier lui-même témoigne de ces liens quasi-filiaux avec lui :

  • 19 Charles Auguste Questel fut le 2e maître de Pascal après Jacques Émile Gilbert.
  • 20 B.n.F., dp. Mss, N.a.fr. 25093, p. 199-202, « Jubilé de M. Pascal », samedi 6 novembre 1897, compte (...)

« Ah, certes, je ne voudrais pas prendre la place d’un autre, et avoir l’air de substituer mes idées à l’enseignement de l’atelier Questel19 […] mais, malgré moi, que voulez-vous ? Je m’imagine que, pendant les cinq ans que mon cher Pascal a passés à l’Opéra, les causeries, et peut-être les conseils de son “grand chef”, ne lui ont pas été absolument inutiles. Je m’imagine, tout au moins, qu’il a compris avec moi combien l’art vous entraîne et vous captive, combien la conscience artistique vous guide sur le bon chemin ; de sorte que je suis arrivé à me considérer un peu, un tout petit peu, comme lui ayant servi à quelque chose, et que je veux, puisqu’il l’a dit lui-même, profiter de cela pour me dire son maître et son “papa” dans les choses de l’art »20.

  • 21 Voir Marie-Laure Crosnier Leconte et Mercedes Volait (dir.), L’Égypte d’un architecte. Ambroise Bau (...)
  • 22 Profonde révolte contre la tentative de prise de pouvoir par Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc et les (...)
  • 23 « Un jour de correction à l’atelier, Pascal me dit : “Garnier m’a demandé un dessinateur, je lui ai (...)
  • 24 Ibid. Il faut lire cet article pour se rendre compte de l’extraordinaire générosité que Garnier dép (...)
  • 25 Ibid. p. 2.
  • 26 Ibid.
  • 27 Né à Paris, élève de l’École des beaux-arts (promotion 1865) et de Charles Garnier, il construisit (...)
  • 28 L’Agence se composait également de François Victor Sabathier (1823-1891), inspecteur de 1872 à 1875 (...)
  • 29 Le nombre des personnes travaillant à l’agence est fluctuant au gré de la carrière de chacun. Julie (...)

3Ambroise Baudry21 (1838-1906), sous-inspecteur à partir de 1861, puis inspecteur en 1867 (Ill. 4) était rentré à l’agence grâce à son frère et était très proche de Jean-Louis Pascal ; c’est avec lui notamment, ainsi qu’avec Julien Guadet, qu’il organisera la grande révolte de 1863 à l’École des beaux-arts22. Julien Guadet (1834-1908) fut inspecteur à l’agence de l’Opéra jusqu’à l’obtention de son grand prix, de 1861 à 1864 ; il se retrouvera à la Villa Médicis avec Pascal (grand prix en 1866) après avoir travaillé quatre ans à l’agence avec lui. Paul Henri Nénot (1853-1934), dessinateur, élève de l’École des beaux-arts conseillé à Garnier par Jean-Louis Pascal23 était un admirateur éperdu du « grand chef » : « J’étais bien ému en me présentant au grand architecte, à celui qui avait créé ce monument prodigieux, fantastique, qui faisait rêver nos jeunes imaginations et pour lequel nous avions une admiration débordante24. » Nénot atteste des liens très forts avec le reste de l’agence : » J’étais très fier d’appartenir à cette agence de l’Opéra dont avaient fait partie des maîtres comme Pascal, Guadet, Scellier de Gisors »25. Ami de Joseph-Marie Cassien-Bernard (1848-1926) dessinateur de 1871 à 1878, puis sous-inspecteur et inspecteur à l’agence, il raconte : « Je me souviendrai toujours des belles balades sur les immenses toits de l’Opéra avec mon ami et collègue de l’agence, Cassien-Bernard, le plus admirable des dessinateurs26. » L’équipe comprenait également Jules Louis Batigny (1838-1909) (Ill. 4), inspecteur et Henri Jean Émile Bénard (1844-1929), dessinateur avant 1867 et sous-inspecteur de 1872 à 1875 (Ill. 4). Jean Girette27 (1845-1930), inspecteur, était le fils d’amis de la famille Bary, la belle-famille de Charles Garnier. Cette cohorte d’inspecteurs, sous-inspecteurs et dessinateurs28, plus ou moins temporaires29, formait cette « phalange artistique » comme aimait à le dire Charles Garnier.

Ill. 4 : Hyacinthe-César Delmaet, agence Garnier, portrait de groupe

Épreuve sur papier albuminé. 12,4 × 19 cm. E.N.S.B.A., n° inv. : Ph 123. 1866-1869.

De gauche à droite : 1er rang : Ambroise Baudry et Boudoy ; 2e rang : Rebout, Guimbard, Stettler, Bénard, Paumier, Batigny, Le Deschault, Gustave Garnier (frère de Charles).

Cliché E.N.S.B.A.

L’Agence de l’Opéra, un atelier de l’École des beaux-arts ?

  • 30 Batigny, Scellier et Cassien-Bernard ont remporté chacun le second grand prix de Rome. Guadet, Pasc (...)
  • 31 Charles Garnier, Le Nouvel Opéra, op. cit., p. 427-428.

« Il me semble que mon agence n’était pas trop mal constituée [écrit Garnier] et que j’ai eu la main heureuse en choisissant mes inspecteurs. Si je ne craignais de montrer une pointe de vanité, je dirais que les études faites à l’Opéra ont peut-être été pour quelque chose dans ces grands succès30. Je ne demanderais pas mieux que de le croire et j’aimerais à me persuader que ces victoires successives, que remportaient mes jeunes collaborateurs, n’auraient pas été si fréquentes sans l’influence de l’espèce d’école que j’avais formée31. »

  • 32 En effet, quinze des jeunes assistants de Garnier avaient été en même temps étudiants à l’École des (...)

4Formidable école, puisqu’en quinze ans, Garnier forma dans cette agence huit prix de Rome dont cinq premiers grand prix. L’agence de l’Opéra fonctionnait donc comme un atelier de l’École des beaux-arts32, dont le maître, appelé » grand chef » par ses assistants, était, selon Julien Guadet :

  • 33 Julien Guadet, « Charles Garnier », Société des Architectes Diplômés par le Gouvernement ; Bulletin (...)

« Le meilleur, le plus chaud et au besoin le plus indulgent des maîtres ; [c’était] une agence où le seul ressort était l’amitié et le dévouement […] Non seulement nous ne nous cachions pas de travailler pour nous – tout en travaillant pour lui ; mais il nous encourageait lui-même, s’interrompait de ses travaux pour voir nos études et nous conseiller33. »

5La largeur d’esprit de Charles Garnier et sa façon de concevoir l’enseignement ont certainement façonné durablement ses « élèves » :

  • 34 Charles Garnier, L’Architecture, 1889, p. 433.

« On n’apprend pas aux élèves à devenir architecte en les confirmant dans un style quelconque, pas plus le romain que le gothique ; ce qu’il faut leur apprendre, c’est la disposition, la composition, le raisonnement, l’harmonie des formes, les rapports d’opposition ; ce sont les éléments primordiaux de l’art, l’alphabet de cette grande langue, puis le métier, puis la science, puis encore ce qu’il faut apprendre, c’est le travail »34.

6Pascal louait cette ouverture d’esprit chez son maître ; à propos d’articles écrits par ce dernier dans Le Moniteur, il lui écrit :

  • 35 B.E.B.A., Ms 744, Lettres de l’architecte Jean-Louis Pascal à Charles Garnier, op. cit., lettre n°  (...)

« J’ai été enchanté de l’esprit général qui y présidait, d’autant plus enchanté qu’au premier article j’avais craint que vos amitiés et vos souvenirs ne vous portassent à un peu de partialité pour tout ce qui ne sortait pas de notre vieille Académie, et que l’autorité même de votre nom ne vînt à justifier un peu ceux qui crient si volontiers à la coterie. À mesure que votre pensée s’étendait, que vos appréciations se succédaient, l’esprit d’impartialité sans indifférence que je vous connaissais, s’exprimait plus nettement »35.

7Charles Garnier pensait que ce n’est pas tant le moyen d’apprendre qui est important, mais le savoir seul qui est indispensable et que le but pouvait être atteint de bien des manières, pourvu que la foi, le travail, l’émulation et le respect des traditions ne fassent pas défaut.

  • 36 Normalien, membre de l’École d’Athènes en 1851, il avait fait le voyage en Grèce avec Charles Garni (...)
  • 37 Edmont About, Salon de 1866, Paris, Hachette, 1867, 330 p. Il dédicace à Garnier son Salon de 1866 (...)

8Le critique Edmond About36 (1828-1885), ami intime de Garnier, rendant compte des expositions au Salon de 1866, et parlant du projet de Palais législatif pour La Haye, exposé par Jean-Louis Pascal, dira : « on sent que l’artiste a tout le talent qu’il faut pour parfaire ce beau travail. M. Louis Pascal appartient, comme M. Ambroise Baudry, à ce chantier du nouvel Opéra, qui tend à devenir une école37. »

9Comment Charles Garnier avait-il choisi ses collaborateurs ? Dans un rapport, il l’explique au ministre de la maison de l’Empereur et des beaux-arts :

  • 38 BMO, Fonds Garnier, pièce 126, rapport à Son Excellence M. le maréchal de France, ministre de la ma (...)

« Votre excellence pourra juger que tous les noms ont été pris sans distinction d’école, et que le talent seul des artistes m’a guidé dans mes propositions. […] Cette liste, une fois composée, j’ai demandé au plus grand nombre de ceux qui en faisait partie, quel serait le travail qui leur agréerait : presque tous ont choisi spontanément les travaux que je leur avais destinés de mon côté et m’ont confirmé ainsi dans l’opinion que j’avais que les œuvres qui leur seraient confiées, seraient exécutées au grand profit du monument et de l’art lui-même, puisqu’elles réuniraient les conditions nécessaires à une réussite complète, c’est-à-dire d’être faites avec plaisir par les artistes et d’avoir le caractère qui convenait au talent de leur auteur38. »

  • 39 A. Dupuis, « L’inauguration du monument de Charles Garnier. Samedi 20 juin 1903 », L’Architecture, (...)

10Charles Garnier était « un meneur d’hommes, doux, généreux, séduisant, souple et fort »39. La grande amitié qui se noue entre Charles Garnier et Paul Baudry à la Villa Médicis est-elle à l’origine de la rencontre entre Garnier et Jean-Louis Pascal, puisque l’on sait que ce dernier se lie d’amitié avec Ambroise, le jeune frère de Paul, à l’École des beaux-arts ? Charles Garnier, prix de Rome d’architecture pour son projet de Conservatoire des arts et métiers séjourne à la Villa depuis janvier 1849 et sympathise rapidement avec Paul Baudry (Ill. 5) lorsque celui-ci y arrive en 1850.

  • 40 Jean-François Pinchon, « L’exemple de Baudry et Garnier », Monuments Historiques, no 123, octobre-n (...)

« Le profil des deux hommes est assez semblable. Tous deux sont issus de milieux modestes et ont une culture d’autodidacte. D’autres traits de caractère identique tels que la sociabilité transforment cette sympathie en amitié, au fil des visites de musées, de monuments et de voyages, notamment durant celui qu’ils effectuent dans le golfe de Naples, en mai 1853 »40.

Ill. 5 : Charles Garnier, deux portraits-charge de Paul Baudry à Rome, caricature

Ill. 5 : Charles Garnier, deux portraits-charge de Paul Baudry à Rome, caricature

Mine de plomb sur papier calque. 15,6 × 40,2 cm. Paris, E.N.S.B.A. n° inv. : PC 41829-032. Annotation à droite : « Ils disent que je perds tout / Paul Baudry à Rome ».

Cliché E.N.S.B.A.

  • 41 Charles Garnier, Le Nouvel Opéra, op. cit., p. 201. Lorsque Garnier offrit à Paul Baudry son ouvrag (...)
  • 42 Charles Ephrussi, Paul Baudry, sa vie et son œuvre, Paris, 1887, éd. Ludovic Baschet, 328 p., p. 25 (...)
  • 43 Ibid.

11Charles Garnier choisit Paul Baudry pour décorer le foyer du nouvel Opéra : » J’avais affaire à un véritable artiste qui avait, il est vrai, le tort d’être mon meilleur ami »41. Paul Baudry était un familier de Louise et Charles Garnier, un des membres assidus du cercle d’initiés qui se réunissait le vendredi soir dans l’appartement du 90 boulevard Saint Germain (Ill. 6). C’est lui qui lui avait indiqué son frère Ambroise, son protégé, et suggéré de le prendre dans son agence : « Il [Paul Baudry] songe surtout à son filleul, Ambroise, de dix ans plus jeune que lui, dont il est le second père. Pour ce frère favori, sa tendresse est sans bornes : il s’occupe de ses études, de son avenir, de ses jeux même »42. Sentiments partagés par Ambroise qui le décrit ainsi : » Cette âme si spéciale et si belle, que j’aimerais d’élection si je ne l’adorais d’instinct et de naissance »43. Les deux frères seront d’ailleurs immortalisés au plafond du grand foyer de l’Opéra en compagnie de Charles Garnier dans Le Parnasse.

  • 44 Ibid. Paul Baudry prépare et exécute de 1864 à 1874 la décoration du grand foyer de l’Opéra de Pari (...)
  • 45 Lettre de P. Baudry à C. Garnier, Rome, 31 mai 1864, cité dans Charles Ephrussi, Paul Baudry, sa vi (...)

12La décoration du foyer de l’Opéra était une œuvre immense, « telle que, depuis la Renaissance, on en avait point vu de pareille »44. Il s’agissait de couvrir une superficie de près de cinq cents mètres carrés, comprenant trois plafonds, douze voussures, dix dessus de portes et huit panneaux intermédiaires. Pour s’y préparer, Baudry partit à Rome, au mois de mai 1864. Le sachant voyageur très distrait, Garnier lui avait tracé un itinéraire que Baudry suivit religieusement : » Ton itinéraire était tracé de main de maître ; je le déployais vingt fois par heure avec la grâce d’Oronte lisant son sonnet, et c’était la loi et les prophètes pour moi »45. Paul Baudry resta un an (mai 1864-avril 1865) à Rome pour chercher, à la source du grand art décoratif, l’inspiration nécessaire : 

  • 46 Ibid., p. 199.

« Les journées se passaient toutes entières dans la chapelle Sixtine : établi sur un échafaudage élevé, armé de fortes lorgnettes, il étudiait les fresques du maître comme on observe le ciel, il en analysait les beautés comme on analyse la lumière des astres »46.

13On se vantait selon l’expression d’Edmond About d’avoir été de l’agence de l’Opéra comme un vieux grognard d’avoir assisté à Austerlitz.

  • 47 Charles Nuitter, Le Nouvel Opéra Garnier, 1875, op. cit., p. 21-23.

« Bicoque provisoire dont quelques coups de pioche devaient disperser les débris, c’était comme l’œuf d’où allait sortir, pour se développer et dominer Paris, l’immense ensemble des constructions du nouvel édifice. De là chaque jour, pendant des années, on vit partir d’un pas alerte un homme vêtu du costume le plus modeste, coiffé d’un feutre, tenant à la main une canne – presqu’un bâton – qui servait à sonder un joint ou à tracer un croquis sur le sol. C’était l’architecte, suivi de ses inspecteurs, allant faire la tournée du chantier, en examinant minutieusement les travaux, puis rentrant à l’agence pour reprendre le crayon, donner ses ordres, trancher toutes les questions, prendre parti et le prendre vite. Dans ce travail ardent, incessant, Charles Garnier était aidé par des collaborateurs dévoués […] Tous se sont incorporés dans la pensée initiale de l’architecte, du “grand chef”, comme on l’appelait amicalement, et ont constitué sous sa direction à la fois affectueuse et énergique une école artistique très marquée, et dont le nouvel Opéra est le point de départ »47.

Ill. 6 : Jean-Louis Pascal, dessin à charge : La tasse de café

Ill. 6 : Jean-Louis Pascal, dessin à charge : La tasse de café

Plume encre brune et mine graphite sur papier vergé. 23,4 × 18,2 cm. Avant le 9 juillet 1871. Paris, E.N.S.B.A. n° inv. : PC 41289-099.

Cliché E.N.S.B.A.

Y sont représentés : Charles Garnier (de moitié) et Le Deschault (de profil) au 1er plan ; entre eux deux une femme en chignon, le visage tourné, et tenant un éventail à bout de bras : Louise Garnier ; à l’arrière, quatre personnages : Barrias, Barry, Jourdain et « Bichouneau » (sans doute Christian Garnier dit Nino). Le personnage dont la tête apparaît dans un hublot dans le haut de l’image, renversant une tasse de café sur Louise Garnier, est Jean-Louis Pascal.

Un travail titanesque

  • 48 Ibid.

14C’est dans cette agence des travaux que furent conçus et exécutés les innombrables dessins, plans, coupes, élévations, détails et croquis de toutes sortes qui retraçaient au centième, au dixième, puis à grandeur d’exécution toutes les parties du bâtiment, toutes les sculptures, tous les ornements, tous les profils. Dès 1866, on avait atteint le chiffre prodigieux de trente mille dessins grand aigle48. Garnier fait ainsi état au début de l’année 1867 de :

  • 49 BMO, Fonds Garnier, pièce 135 bis, p. 44.

« Douze mille deux cent cinquante-sept dessins, en ajoutant à ce nombre ceux nécessités par les calepins d’appareils et les épures grandeur d’exécution, qui s’élèvent à au moins douze mille dessins, puis en mettant enfin les croquis et esquisses […] les carnets de relevé, on arriverait, en réduisant ces derniers pour leur faire remplir des feuilles grand-aigle, au chiffre prodigieux d’environ trente mille dessins grand aigle »49.

  • 50 BMO, Fonds Garnier, L.A.S. Garnier, pièce 302. Lettre de Garnier à Louvet, Paris, le 30/07/1861.
  • 51 Jean-Louis Pascal, « Charles Garnier, architecte de l’Opéra de Paris », L’Architecture, 8 juillet 1 (...)

15Julien Guadet avait travaillé sur la descente à couvert du pavillon de l’Empereur50 ainsi que sur le grand escalier et Jean-Louis Pascal et Ambroise Baudry sur le foyer, les moulurations qui surmontaient dans la voussure, les doubles entrecolonnements51. Études non encore finies au début de l’année 1865, puisque Garnier écrit à cette date : 

  • 52 BMO, Fonds Garnier, pièce 129, rapport à Son Excellence M. le maréchal de France, ministre de la ma (...)

« Les études faites aux échelles de quatre et de dix centimètres par mètre sont presque terminées, sauf celles qui se rapportent à la voûte du foyer, au fumoir, au café, au salon impérial et aux parties supérieures de la scène et de la salle. Ces études seront achevées dans six ou huit mois au plus tard. Il restera alors à faire toutes celles qui comprendront les détails grandeur d’exécution, ou qui se rapporteront à la menuiserie, à l’ameublement, à l’éclairage et à la peinture décorative52. »

16À la fin de l’année 1865, toutes les grosses constructions, sauf celles de la partie supérieure de la scène, devaient être terminées et l’ensemble des bâtiments couverts, exceptée la partie de l’escalier, de la salle et de la scène. Au début de l’année 1866, Garnier écrit : 

  • 53 BMO, Fonds Garnier, pièce 131 : Nouvel Opéra. Rapport à Son Excellence M. le maréchal de France, mi (...)

« Enfin les trente-neuf grandes fermes ou pannes à croisillons, qui doivent couvrir la scène, sont presque toutes terminées. […] Ces énormes fermes de 1, 50 m. de haut sur 27 m. de long doivent non seulement soutenir la couverture de la scène mais encore les trois grands grils qui sont suspendus à elle53. »

  • 54 BMO, Fonds Garnier, pièce 129, rapport à Son Excellence M. le maréchal de France, ministre de la ma (...)
  • 55 BMO, Fonds Garnier, pièce 131 : Nouvel Opéra. Rapport à Son Excellence M. le maréchal de France, mi (...)

17La pose des combles et de la couverture devait être achevée en 1866, les ravalements extérieurs pour le début de l’année 1867, et tous les ravalements et décorations intérieurs terminés en 1867 et 186854. L’architecte espérait ainsi que l’extérieur du monument, y compris les grilles et les fermetures, serait terminé pour l’ouverture de l’exposition universelle de 1867, puis enfin, vers la fin de l’année 1869, que la salle serait achevée et livrée au public55. La façade sera dévoilée au public le 15 août 1867, mais sans les groupes sculptés de la façade. L’agence d’architecture de l’Opéra de Charles Garnier qui avait débuté ses travaux en 1861, les achèvent après la parenthèse de la guerre franco-prussienne durant laquelle l’Opéra est transformé en dépôt de l’intendance militaire, pour l’inauguration de l’Opéra le 5 janvier 1875.

  • 56 Il avait remporté le 1er grand prix de Rome d’architecture en 1866 et se trouvait à la Villa Médici (...)
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18Jean-Louis Pascal, de sa retraite italienne56, suivait la construction de l’Opéra ; lorsqu’à la demande de Napoléon III les crédits sont volontairement ralentis pour activer la construction de l’Hôtel-Dieu57, il écrit à Garnier :

  • 58 Arthur Stanislas Diet (1825-1890), architecte de l’Hôtel-Dieu avec son beau-père Jacques-Émile Gilb (...)
  • 59 B.E.B.A., Ms 744, Lettres de l’architecte Jean-Louis Pascal à Charles et Louise Garnier, lettre no  (...)

« On m’a dit de toutes parts que les travaux s’interrompaient à l’Opéra ; j’ai la confirmation de cette nouvelle fâcheuse par Le Deschault […] œuvre si bien et si rapidement menée jusqu’ici […] Diet58 m’a écrit dernièrement qu’il ne pouvait suffire à dépenser ce qu’on voulait qu’il dépensât ; il doit être un peu la cause involontaire des économies qu’on fait chez vous59. »

  • 60 Ibid., lettre n° 11, Milan, 9 septembre 1868.

19Puis, en séjour à Milan, il indique à Louise Garnier qu’on parle là-bas de l’Opéra : » Veuillez ajouter pour M. Garnier qu’un journal illustré de la localité a publié récemment une perspective de l’Opéra, suffisamment faite, avec un texte des plus élogieux60. »

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Notes

1 À la suite de l’assassinat du duc de Berry par Louis Pierre Louvel, à la sortie de la salle Montansier, le 13 février 1820, Louis XVIII ordonne la démolition de cette salle ou Théâtre National, qui abritait l’Opéra depuis 1794. Elle était située dans l’actuel square Louvois, en face de la Bibliothèque de la rue de Richelieu. En un an (1820-1821) l’architecte François Debret (1777-1850) construisit un nouvel Opéra rue Le Peletier. Son incendie en 1873 accélèrera l’achèvement de l’Opéra de Charles Garnier, dont la construction, débutée en 1861, avait été ralentie par la guerre de 1870.

2 Charles Nuitter, Le Nouvel Opéra Garnier, 1875, Paris, Claude Tchou, 1999, 256 p., p. 18.

Les autres principales sources au sujet de l’Opéra Garnier : Christopher Curtic Mead, Charles Garnier’s Paris Opéra : architectural empathy and the renaissance of French classicism, Cambridge, Massachusetts, Londres, M.I.T. Press, 1991, 343 p. ; Charles Garnier, Le Nouvel Opéra, Paris, éd. du Linteau, 2001, 447 p. ; Jean-Michel Leniaud, Charles Garnier, Paris, éd. du patrimoine, 2003, 175 p. ; Bruno Girveau (dir.), Charles Garnier. Un architecte pour un empire, Paris, éd. Beaux-arts de Paris, 2010, 351 p., et au sein de cet ouvrage : Marie-Laure Crosnier Leconte, « L’Agence de Charles Garnier à l’Opéra », p. 132-140.

À la Bibliothèque de l’Opéra (BMO), voir le Fonds Garnier et spécialement les lettres entre les deux inspecteurs principaux de Garnier, Jean Jourdain et Louis Louvet, et Charles Garnier (BMO, Fonds Garnier, LAS Louvet/Jourdain, de 1 à 105, pièces 302 à 309) malheureusement difficiles à déchiffrer. Voir aussi BMO, Fonds Garnier, Rapports de Garnier sur la construction de l’Opéra (1863-1867), pièces 126 à 135 bis.

La Médiathèque de l'architecture et du patrimoine possède surtout des documents iconographiques pour la période concernée ; je remercie infiniment Camille Duclert, conservateur du patrimoine, directrice adjointe de la Médiathèque, pour avoir mis à ma disposition les inventaires concernant l’Agence des travaux de l’Opéra de 1861 à nos jours. Plusieurs fonds en lien avec l'agence d'architecture de l’Opéra : le fonds de l'agence, 2006/022 (à compléter par le 2006/023 pour les plans), le fonds 2010/013, travaux à l'Opéra (et son pendant pour les plans 2010/015) et le fonds 2010/039 qui regroupe des objets conservés sur le site de Saint-Cyr. En ce qui concerne les archives non iconographiques (2006-022 et 2010-013), les dates ne remontent pas avant le XXe et le XXIe siècle.

Les Archives nationales et spécialement AJ/13/531, Construction du Nouvel Opéra, qui donne les rapports annuels sur l’avancement des travaux par Charles Garnier (1863-1870).

3 Les projets devaient être remis le 31 janvier 1861.

4 Ce furent les projets de Léon Ginain, Julien Botrel et Alphonse Crépinet, Antoine-Marie Garnaud, Louis Duc, et Charles Garnier.

5 Henri-Paul Nénot, L’Architecture, vol. XXXIX, no 1, 1926, p. 8.

6 Jean-Michel Leniaud, Charles Garnier, op. cit., p. 50.

7 Charles Nuitter, Le Nouvel Opéra Garnier, 1875, op. cit., p. 21.

8 Jean-Louis Pascal, « Charles Garnier, architecte de l’Opéra de Paris », L’Architecture, 1899, 12e année, no 28, samedi 15 juillet 1899, p. 257.

9 C’est ainsi que Jean Jourdain, inspecteur de Charles Garnier à l’Opéra, intitule le paragraphe d’une de ses lettres à Garnier absent de Paris, ajoutant : « Nous t’écrirons chaque jour [avec Louvet (autre inspecteur)] mais de notre côté nous sommes aussi impatients d’avoir de vos nouvelles [avec Louise] », BMO, Fonds Garnier, L.A.S. Louvet/Jourdain, pièce 304, n22, lettre de Jourdain à Garnier, 21 août 1865. Louvet appelle Garnier « mon cher Carlo » et ils s’échangent les lettres des collaborateurs : Louvet écrit à Garnier « Je t’envoie la lettre écrite par Ambroise [Baudry] à Pascal […] Je t’envoie aussi une lettre de Guadet à Pascal », BMO, Fonds Garnier, L.A.S. Louvet/Jourdain, pièce 304, no 24, lettre de Louvet à Garnier, 24 août 1865.

10 Lorsque Charles Garnier offre à Louvet son recueil À travers les arts, il le dédicace ainsi : « Le volume que je t'offre aujourd'hui peut être rangé dans la catégorie des petits cadeaux qui disent ou entretiennent l'amitié, mais il y a autre chose qui non seulement entretient l'affection mais encore l'augmente, c'est le dévouement, et tu peux te vanter que le tien a fait son effet. » BMO, Fonds Garnier, pièce 122, liste des amis de Garnier annotée, 6 p. Ms., numérotées de 1 à 19.

11 En fait trois ans et neuf mois. Louis Victor Louvet est né le 1er février 1822 et Charles Garnier le 6 novembre 1825.

12 Henri-Paul Nénot, L’Architecture, vol. XXXIX, no 1, 1926, p. 4.

13 Charles Garnier, Le Nouvel Opéra, op. cit., p. 425.

14 Jean Jourdain, élève de Callet et de Lebas, inspecteur des bâtiments civils et palais nationaux, a construit quelques immeubles autour de la place de Clichy et de celle du Trocadéro dans les années 1880-1890.

15 Charles Garnier, Le Nouvel Opéra, , p.  424-425.

16 Ibid., p.  424.

17 Jean-Louis Pascal entretient une abondante correspondance avec Charles et Louise Garnier. B.E.B.A., Ms 744 : Lettres de l’architecte Jean-Louis Pascal à Charles Garnier et Louise Garnier, 1865-1900, 271 pièces et Ms 745 : Lettres de l’architecte Jean-Louis Pascal à Louise Garnier, 1901-1919, 83 pièces.

18 « Les Maîtres de l’Architecture Française. Académie des beaux-arts. M. Jean-Louis Pascal », La Construction moderne, no 10, 1894-1895, 21 septembre 1895, p.  601‑604.

19 Charles Auguste Questel fut le 2e maître de Pascal après Jacques Émile Gilbert.

20 B.n.F., dp. Mss, N.a.fr. 25093, p. 199-202, « Jubilé de M. Pascal », samedi 6 novembre 1897, compte-rendu de M. Paul Wallon, extrait du journal d’architecture, titre : « Banquet offert à M. Pascal », p. 3. Il s’agit du discours de Garnier à l’occasion de la nomination de Pascal au grade d’officier de la Légion d’Honneur le 7 janvier 1889.

21 Voir Marie-Laure Crosnier Leconte et Mercedes Volait (dir.), L’Égypte d’un architecte. Ambroise Baudry (1838-1906), Paris, Somogy Éditions d’Art, 1998, 168 p.

22 Profonde révolte contre la tentative de prise de pouvoir par Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc et les tenants du Moyen Âge sur la direction des études à l’École.

23 « Un jour de correction à l’atelier, Pascal me dit : “Garnier m’a demandé un dessinateur, je lui ai donné votre nom, allez le voir demain à dix heures, à l’agence de l’Opéra.” » Henri-Paul Nénot, L’Architecture, vol. XXXIX, no 1, 1926, p. 2.

24 Ibid. Il faut lire cet article pour se rendre compte de l’extraordinaire générosité que Garnier déployait à l’encontre des membres de son agence et amis. Prêts récurrents d’argent, invitations dans sa villa de Bordighera (et même prêt de celle-ci à Nénot pour sa lune de miel !), et surtout soutiens constants pour les diverses nominations, à l’Institut, au Conseil général des Bâtiments civils… « Sa bonté était sans égale et le nombre de ses obligés doit être inouï. » écrit Paul Nénot. Ibid., p. 11.

25 Ibid. p. 2.

26 Ibid.

27 Né à Paris, élève de l’École des beaux-arts (promotion 1865) et de Charles Garnier, il construisit à Vienne entre 1872 et 1876, pour le baron Nathaniel de Rothschild (1836-1905), un palais néo-baroque détruit en 1944 par les bombardements alliés. Il était le parrain de Christian Garnier, l’exécuteur testamentaire de Louise Garnier et l’héritier en 1919 de la villa Amica à Bordighera. Marie-Laure Crosnier Leconte, Dictionnaire des élèves architectes de l’E.B.A. de Paris (1800-1968), Base Agorha de l’INHA.

28 L’Agence se composait également de François Victor Sabathier (1823-1891), inspecteur de 1872 à 1875, Louis Henri Georges Scellier de Gisors (1844-1905), inspecteur, Albert Charles Tissandier (1839-1906), inspecteur des travaux de la ville de Paris attaché à l’Opéra à partir de 1865, Pauneau, Nicolas Édouard Larche (1855-1939), François Joseph Nachon (?-1909), Naturel, Charles Reynaud, Bertone et Charles Guimbard (1846-1932) (Voir Ill. 4) qui était une simple « petite main » employée à l’agence pour tirer des autographies et qu’Ambroise Baudry emmènera avec lui en Égypte (Marie-Laure Crosnier Leconte, Mercedes Volait (dir.), L’Égypte d’un architecte. Ambroise Baudry (1838-1906), op. cit., n. 20 p. 33). Gustave Laurent Raulin (1837-1910), André Jean Boudoy (1841- après 1882), architecte de la ville d’Avignon qui construisit en 1877 pour la Condition des Soies d’Avignon un grand bâtiment orné de deux belles façades donnant l’une sur la rue de la Croix, l’autre sur la cour du Mont de Piété, rue Saluces, transformé en musée du Mont de Piété et de la Condition des Soies (Voir Ill. 4), Auguste Jean Mercier-Rebout (1846- ?) (Voir Ill. 4), Louis Noguet (1835-1883), Robert, le suisse Charles Louis Eugène Stettler (1840-1913), dessinateur à l’Agence de 1863 à 1866, né à Berne dont il sera ensuite architecte de la ville (Voir Ill. 4), et Charles Yriarte (1832-1898), furent tous employés à l’Agence comme dessinateurs. Cette liste a été formée à partir de Christopher Curtic Mead, Charles Garnier’s Paris Opéra : architectural empathy and the renaissance of French classicism, op. cit., p. 137-139 et note 5 p. 298-299 ; Charles Garnier, Le nouvel Opéra, op. cit., p. 426 ; A. Dupuis, « L’inauguration du monument de Charles Garnier. Samedi 20 juin 1903 », L’Architecture, op. cit, p. 255. Il faut y ajouter Rapin et Taxil, vérificateurs entre 1861 et 1867, auxquels succèdent Darloc et Desgouges, Lejart comme contrôleur à partir de 1862. Un inspecteur principal était payé 5 000 francs, un premier inspecteur : 4 800 francs, un deuxième inspecteur : 3 000 francs.

29 Le nombre des personnes travaillant à l’agence est fluctuant au gré de la carrière de chacun. Julien Guadet part à Rome en 1864, et Jean-Louis Pascal en 1866, car ils ont obtenu le grand prix de Rome d’architecture. Ambroise Baudry, qui a participé au siège de Paris pendant le conflit franco-prussien, et a perdu tout traitement du fait de la suspension du chantier de l’Opéra, s’installe en Égypte de 1871 à 1886 et y réalise l’essentiel de son œuvre. Marie-Laure Crosnier Leconte, Mercedes Volait (dir.), L’Égypte d’un architecte. Ambroise Baudry (1838-1906), op. cit., p. 56.

30 Batigny, Scellier et Cassien-Bernard ont remporté chacun le second grand prix de Rome. Guadet, Pascal, Noguet, Nénot et Bénard ont obtenu le premier grand prix.

31 Charles Garnier, Le Nouvel Opéra, op. cit., p. 427-428.

32 En effet, quinze des jeunes assistants de Garnier avaient été en même temps étudiants à l’École des beaux-arts : Jules Louis Batigny, Ambroise Baudry, Émile Bénard, Joseph-Marie Cassien-Bernard, Jean Girette, Julien Guadet, Jean Mercier-Rebout, Paul Henri Nénot, Louis Noguet, Jean-Louis Pascal, Gustave Laurent Raulin, François Victor Sabathier, Louis Henri George Scellier de Gisors, Charles Louis Eugène Stettler et Albert Charles Tissandier.

33 Julien Guadet, « Charles Garnier », Société des Architectes Diplômés par le Gouvernement ; Bulletin Mensuel, 2e série, 1899, p. 63, cité dans Christopher Curtic Mead, Charles Garnier’s Paris Opéra : architectural empathy and the renaissance of French classicism, op. cit., p. 139.

34 Charles Garnier, L’Architecture, 1889, p. 433.

35 B.E.B.A., Ms 744, Lettres de l’architecte Jean-Louis Pascal à Charles Garnier, op. cit., lettre n° 5, Naples, 20 juin 1867.

36 Normalien, membre de l’École d’Athènes en 1851, il avait fait le voyage en Grèce avec Charles Garnier, pensionnaire de la Villa Médicis à partir de janvier 1849. Edmond About était aussi le camarade d’Arthur Bary, beau-frère de Charles Garnier, au Lycée Charlemagne à Paris et à l’École normale supérieure.

37 Edmont About, Salon de 1866, Paris, Hachette, 1867, 330 p. Il dédicace à Garnier son Salon de 1866 qui commence ainsi : « Cher ami, il y aura tout à l’heure quinze ans que nous avons fait notre premier voyage ensemble. »

38 BMO, Fonds Garnier, pièce 126, rapport à Son Excellence M. le maréchal de France, ministre de la maison de l’Empereur et des beaux-arts, 5 décembre 1863, p. 6.

39 A. Dupuis, « L’inauguration du monument de Charles Garnier. Samedi 20 juin 1903 », L’Architecture, op. cit., p. 256.

40 Jean-François Pinchon, « L’exemple de Baudry et Garnier », Monuments Historiques, no 123, octobre-novembre 1982, p. 67-71.

41 Charles Garnier, Le Nouvel Opéra, op. cit., p. 201. Lorsque Garnier offrit à Paul Baudry son ouvrage À travers les arts, il lui écrivit cette dédicace : « Vois-tu petit Paul, ils disent que tu perds tout, va, tu ne perdras jamais mon amitié. » BMO, Fonds Garnier, pièce 122, op. cit. et Ill. 5.

42 Charles Ephrussi, Paul Baudry, sa vie et son œuvre, Paris, 1887, éd. Ludovic Baschet, 328 p., p. 25-26.

43 Ibid.

44 Ibid. Paul Baudry prépare et exécute de 1864 à 1874 la décoration du grand foyer de l’Opéra de Paris, sorte de galerie à la française de 54 m. sur 13 m. pour lequel il compose un vaste décor allégorique.

45 Lettre de P. Baudry à C. Garnier, Rome, 31 mai 1864, cité dans Charles Ephrussi, Paul Baudry, sa vie et son œuvre, op. cit., p. 193.

46 Ibid., p. 199.

47 Charles Nuitter, Le Nouvel Opéra Garnier, 1875, op. cit., p. 21-23.

48 Ibid.

49 BMO, Fonds Garnier, pièce 135 bis, p. 44.

50 BMO, Fonds Garnier, L.A.S. Garnier, pièce 302. Lettre de Garnier à Louvet, Paris, le 30/07/1861.

51 Jean-Louis Pascal, « Charles Garnier, architecte de l’Opéra de Paris », L’Architecture, 8 juillet 1899, p. 247.

52 BMO, Fonds Garnier, pièce 129, rapport à Son Excellence M. le maréchal de France, ministre de la maison de l’Empereur et des beaux-arts, rapport annuel sur les travaux, Paris, le 12 janvier 1865, p. 20.

53 BMO, Fonds Garnier, pièce 131 : Nouvel Opéra. Rapport à Son Excellence M. le maréchal de France, ministre de la maison de l’Empereur et des beaux-arts. Travaux exécutés pendant l’année 1865. Paris, le 19 janvier 1866, p. 18.

54 BMO, Fonds Garnier, pièce 129, rapport à Son Excellence M. le maréchal de France, ministre de la maison de l’Empereur et des beaux-arts, rapport annuel sur les travaux, Paris, le 12 janvier 1865, p. 26-27.

55 BMO, Fonds Garnier, pièce 131 : Nouvel Opéra. Rapport à Son Excellence M. le maréchal de France, ministre de la maison de l’Empereur et des beaux-arts. Travaux exécutés pendant l’année 1865. Paris, le 19 janvier 1866, p. 48.

56 Il avait remporté le 1er grand prix de Rome d’architecture en 1866 et se trouvait à la Villa Médicis.

57 À partir de 1866, Napoléon III demande que soit ralentie la construction de l’Opéra ; il avait écrit à son ministre (rapporté par le Moniteur universel, 2 août 1864) : « Il faut éviter le reproche d’avoir employé des millions pour un théâtre, quand la première pierre de l’hôpital le plus populaire de Paris n’a pas encore été posée. Engagez donc le préfet de la Seine à faire commencer bientôt les travaux de l’Hôtel-Dieu et veuillez faire diriger ceux de l’Opéra de manière à ne les terminer qu’en même temps. »

58 Arthur Stanislas Diet (1825-1890), architecte de l’Hôtel-Dieu avec son beau-père Jacques-Émile Gilbert (1793-1874).

59 B.E.B.A., Ms 744, Lettres de l’architecte Jean-Louis Pascal à Charles et Louise Garnier, lettre no 10, Florence, 10 juillet 1868.

60 Ibid., lettre n° 11, Milan, 9 septembre 1868.

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Table des illustrations

Titre Ill. 1 : Hyacinthe-César Delmaet, construction du nouvel Opéra
Légende Épreuve sur papier albuminé. 21,8 × 27,8 cm. Paris, E.N.S.B.A. n° inv. : Ph 7452.
Crédits Cliché E.N.S.B.A.
URL http://journals.openedition.org/lha/docannexe/image/3380/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 157k
Titre Ill. 2 : Hyacinthe-César Delmaet, construction du nouvel Opéra de Paris, photographie de groupe
Légende Épreuve sur papier albuminé. 25 × 30,7 cm. Paris, E.N.S.B.A. n° inv. : Ph 126. 1866-1869.
Crédits Cliché E.N.S.B.A.
URL http://journals.openedition.org/lha/docannexe/image/3380/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 102k
Titre Ill. 3 : Hyacinthe-César Delmaet, construction du nouvel Opéra de Paris, agence de Charles Garnier
Légende Épreuve sur papier albuminé. 21 × 27,8 cm. Paris, E.N.S.B.A. n° inv. : Ph 131.1866-1869.
Crédits Cliché E.N.S.B.A.
URL http://journals.openedition.org/lha/docannexe/image/3380/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 57k
Légende De gauche à droite : 1er rang : Ambroise Baudry et Boudoy ; 2e rang : Rebout, Guimbard, Stettler, Bénard, Paumier, Batigny, Le Deschault, Gustave Garnier (frère de Charles).
Crédits Cliché E.N.S.B.A.
URL http://journals.openedition.org/lha/docannexe/image/3380/img-4.jpg
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Titre Ill. 5 : Charles Garnier, deux portraits-charge de Paul Baudry à Rome, caricature
Légende Mine de plomb sur papier calque. 15,6 × 40,2 cm. Paris, E.N.S.B.A. n° inv. : PC 41829-032. Annotation à droite : « Ils disent que je perds tout / Paul Baudry à Rome ».
Crédits Cliché E.N.S.B.A.
URL http://journals.openedition.org/lha/docannexe/image/3380/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 38k
Titre Ill. 6 : Jean-Louis Pascal, dessin à charge : La tasse de café
Légende Plume encre brune et mine graphite sur papier vergé. 23,4 × 18,2 cm. Avant le 9 juillet 1871. Paris, E.N.S.B.A. n° inv. : PC 41289-099.
Crédits Cliché E.N.S.B.A.
URL http://journals.openedition.org/lha/docannexe/image/3380/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 94k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne Richard-Bazire, « L’Agence des travaux de l’Opéra de Charles Garnier »Livraisons de l'histoire de l'architecture [En ligne], 41 | 2021, mis en ligne le 15 juin 2021, consulté le 19 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/lha/3380 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lha.3380

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Auteur

Anne Richard-Bazire

Anne Richard-Bazire est docteur de l’EPHE, diplômée en histoire de l'art contemporain et en archéologie égyptienne. Elle a été chargée du cours de synthèse de l'Histoire de l'architecture occidentale, XIXe-XXe siècles, à l'École du Louvre entre 2009 et 2016. Elle a rédigé différents articles : « Un concours national pour l’église de tous les français » et « Au cœur de la basilique », in La Basilique de Montmartre au cœur du sacré, L’Homme nouveau, Paris, hors-série no 42-43, avril 2021, p. 65-68 et 75-80 ; « Jean-Louis Pascal et Alfred Recoura, un duo de grands constructeurs », Richelieu. Quatre siècles d’histoire architecturale au cœur de Paris, Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin (†) et Christine Mengin (dir.), Paris, BnF/INHA, 2017, p. 126-149, 293 p. ; elle a réalisé les nos 28 et 36 de Livraisons d’histoire de l’architecture : Jean-Louis Pascal, Paris, Chirat, 2014, 226 p. et 2018, 212 p. Elle a dirigé avec Martin Drouin : La Sélection patrimoniale, Québec, Éditions MultiMondes, coll. Cahiers de l'Institut du patrimoine de l'UQAM, no 13, 2011, 388 p. Elle a donné à la mairie du IXe arrondissement, le 23 novembre 2017, pour Drouot Formation, une conférence sur le thème : « L’Architecture religieuse parisienne du XIXe siècle et l’exemple de la Trinité ». Adresse électronique : annerichardbazire@hotmail.com

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