Grand et longiligne, Francesco ne fait ni ses cinquante-huit ans ni ses nombreuses années travaillées dans les carrières de marbre. Quand le temps change, il se plaint de douleurs au bras, mais, à le voir, on ne peut pas deviner qu’il souffre au quotidien, tant il se tient droit et se montre toujours actif. Il ne parle guère volontiers, d’ailleurs, de l’accident qui l’a obligé à abandonner son métier de cavatore (« carrier ») avant l’heure. Il me raconte que, ce jour-là, encore allongé par terre dans l’attente des secours, il aurait allumé une cigarette et ordonné à ses hommes de déplacer ceci ou cela, anticipant déjà les contrôles de sécurité qui ne manquent pas d’arriver après un accident du travail. Lorsqu’il évoque ce drame qui a failli lui coûter la vie, Francesco souligne que sa première pensée en tant que capocava (« chef de carrière ») a été pour son équipe et, plus largement, pour la carrière où il avait repris la place de son père. Après l’accident, cette place avait été r...
« Manger le marbre » : prédation extractive et reproduction sociale à Carrare (Alpes apuanes, Italie centrale)
Résumés
À partir d’une recherche ethnographique en cours, réalisée avec un réseau de travailleurs, d’anciens travailleurs et des habitants du bassin marbrier de Carrare (Italie centrale), cet article explore les formes de solidarité et de dépendance qui se nouent à travers et autour de l’extraction de la pierre. Un retour sur l’histoire de l’activité marbrière introduira tout d’abord les spécificités du contexte contemporain, caractérisé par une augmentation de l’extraction et un déclin de l’emploi. Une analyse des différentes interprétations locales sur ces processus permettra de mettre en lumière une dimension prédatrice commune. Le constat d’un échange inégal entre l’extraction et ses bénéfices est toutefois nuancé par l’existence de liens pérennes entre l’activité marbrière et la reproduction sociale à l’échelle locale, observables dans les modalités de transmission intergénérationnelle des carrières, des entreprises et du travail. Une attention plus soutenue à ces transmissions montrera la corrélation entre l’activité marbrière et le statut masculin. Enfin, je reviendrai sur le corporatisme marbrier comme manifestation du rapport paradoxal entre prédation extractive et reproduction sociale sur le territoire.
Entrées d’index
Haut de pageDédicace
Je dédie ces lignes à la mémoire de Christiane Klapisch-Zuber qui, la première, s’est intéressée aux “maîtres du marbre”. Son travail et ses valeurs ont accompagné et continuent d’inspirer plusieurs générations de jeunes chercheurs et chercheuses.
Extrait du texte

Texte intégral disponible via abonnement/accès payant sur le portail Cairn. Le texte intégral en libre accès sera disponible à cette adresse en janvier 2028.
Consulter cet article
Plan
Aperçu du texte
Pour citer ce document
Référence papier
Kyra Grieco, « « Manger le marbre » : prédation extractive et reproduction sociale à Carrare (Alpes apuanes, Italie centrale) », L’Homme, 251-252 | 2024, 63-94.
Référence électronique
Kyra Grieco, « « Manger le marbre » : prédation extractive et reproduction sociale à Carrare (Alpes apuanes, Italie centrale) », L’Homme [En ligne], 251-252 | 2024, mis en ligne le 01 janvier 2028, consulté le 22 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/lhomme/50448 ; DOI : https://doi.org/10.4000/134bz
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page