Les représentants de couleur de Saint-Domingue dans les assemblées de la Première République
Résumés
Ce texte évoque les députés « de couleur » de Saint-Domingue dans les assemblées représentatives de la Première république. Il s’agit de faire un portrait de groupe et d’interroger la symbolique politique et juridique de ce groupe, ses cohérences et ses lignes de fracture ainsi que son insertion dans les dynamiques révolutionnaires et républicaines. Ces hommes ont connu une incontestable ascension sociale pour arriver à un poste comme celui de représentant du peuple. De même, ils vont subir un brutal déclassement, mais la chute n’était nullement inscrite dans la promotion, l’une et l’autre affaire de contexte.
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- 1 Simon Camboulas, conventionnel de l’Aveyron, est le neveu de l’abbé Raynal. Il est par ailleurs de (...)
1Un article du journal Le Monde du 23 février 2012, signé par Gérard Noiriel, était intitulé : « L’humiliant apprentissage du premier député ‘nègre’, Hégesippe Légitimus ». La période considérée était celle de la fin du xixe siècle, ignorant, de façon délibérée ou non, les assemblées de la Première République (Convention, Corps législatif du Directoire). Or, ces dernières eurent un certain nombre de députés « nègres », pour reprendre la terminologie d’époque, mais également plusieurs députés métissés, l’ensemble (avec les députés d’origine européenne) formant la représentation politique tricolore de Saint-Domingue. Comme le signalait le député Camboulas1 dans la séance de la Convention du 15 pluviôse an II [3 février 1794] pour accueillir les trois premiers membres de cette représentation : « la liberté triomphe, l’égalité est consacrée : un noir, un jaune – c’est la nouvelle qualification des métissés –, et un blanc, vont siéger parmi vous, au nom des citoyens libres de Saint-Domingue ».
- 2 Abel Alexis Louis, Janvier Littée. Martiniquais premier député de couleur membre d’une assemblée pa (...)
2J’ai choisi de retenir ici les seuls députés « de couleur », c’est-à-dire les Noirs et Métissés, parce qu’ils sont porteurs d’une symbolique particulière. Ce ne sont pas les « premiers » députés de couleur, puisque siégeait à la Convention depuis 1793 Janvier Littée, un métissé qui représentait la Martinique2, mais que les conditions de son élection, ainsi que ses prises de position résolument pro-esclavagistes, éloignent beaucoup trop des problématiques que je souhaite présenter ici par rapport à la députation de Saint-Domingue.
- 3 Jean Saintoyant, « La représentation coloniale pendant la Révolution », Revue de l’histoire des col (...)
- 4 Auguste Alfred Nemours, Les premiers citoyens et les premiers députés noirs et de couleur, la loi d (...)
- 5 Jacques Binoche, « Les députés d’outre-mer pendant la Révolution française (1789-1799) », Annales h (...)
- 6 Mathieu Carlot a rédigé les notices des conventionnels de couleur Belley, Mills, Garnot et Boisson (...)
- 7 Bernard Gainot, « Les réseaux du conventionnel noir Joseph Boisson, d’après ses papiers (1793-1800) (...)
- 8 On peut trouver des oppositions binaires pour d’autres champs d’étude de la même période ; par exem (...)
- 9 Carlo Ginzburg, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle, Paris, Flammarion, 2 (...)
- 10 Réseaux que je me suis efforcé de synthétiser pour les abolitionnistes de la seconde Société des am (...)
- 11 Charlotte De Castelnau-L’Estoile, Pascoa et ses deux maris. Une esclave entre Angola, Brésil, et Po (...)
3Il existe déjà des études sur cette députation : Jean Saintoyant3, le général Nemours4, Jacques Binoche5, Mathieu Carlot6. J’ai également consacré plusieurs articles à quelques-uns des membres de cette députation7. Je me propose de présenter ici un portrait de groupe et non une juxtaposition de biographies individuelles, ou le simple reflet d’une histoire qui se jouerait ailleurs, hors de l’enceinte législative, ou bien hors du milieu au sein duquel évoluent ces représentants. Il faut interroger la symbolique politique et juridique de ce groupe, ses cohérences et ses lignes de fracture, son insertion dans les dynamiques révolutionnaires et républicaines. Mettre délibérément l’accent sur ce groupe, c’est aussi une question de méthodologie. Je mets à distance les grilles interprétatives de la sociologie coloniale, les analyses par grandes masses, pour privilégier une approche individuelle. Ces hommes ont connu une incontestable ascension sociale pour arriver à un poste comme celui de représentant du peuple. De même, ils vont subir un brutal déclassement, mais la chute n’était nullement inscrite dans la promotion, l’une et l’autre affaire de contexte. Où situer de telles trajectoires dans des analyses trop souvent binaires, où s’épanouit le déterminisme identitaire : du type dominants/dominés, peuple/élites8. Quelle est la part de l’entre-deux, la manière dont les individus saisissent les opportunités ? C’est essentiellement une question de mobilités sociales, de trajectoires sinueuses où l’individu ne se fait pas seulement le porte-parole circonstanciel d’une position de groupe, ou encore un transfuge des statuts et des fonctions que permet l’époque. Pour cela, j’emprunte autant à la microstoria, en insistant tout particulièrement sur la problématique de l’univers mental9, qu’à l’analyse de réseaux10. Ces jeux d’échelles se retrouvent notamment dans le dernier livre de Charlotte de Castelnau-L’Estoile, qui étudie les déplacements intercontinentaux et les stratégies matrimoniales d’une esclave entre Brésil et Angola11 à la fin du xviie siècle.
La députation de Saint-Domingue est pleinement insérée dans le système représentatif
- 12 Yves Bénot, « Comment la Convention a-t-elle voté l’abolition de l’esclavage en l’an II ? », Annale (...)
- 13 Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en révolution, 1789-1795-1802, Paris, PUF, 199 (...)
4Les conditions dans lesquelles les représentants de Saint-Domingue ont été élus furent étudiées, notamment dans les articles préalablement citées, tout particulièrement ceux qui s’intéressent à la validation des élections 12. La détention par les représentants de ces procès-verbaux ainsi que leur examen par leurs pairs sont la source de leur légitimité. Ni en 1793 pour la Convention, ni à l’époque du Directoire, il n’a été question d’un quelconque mandat fédératif, d’un « contrat d’association ». Il n’y a pas de pacte proposé entre un « peuple de Saint-Domingue13 » et un « peuple français », c’est un contresens.
- 14 Pour une explication de ce terme (la même –iso – loi – nomos – pour tous) je renvoie à Bernard Gain (...)
5Une fois l’élection validée, ils deviennent pleinement des représentants de la Nation – entendue comme un seul peuple, de la métropole aux territoires ultra-marins, ce que va illustrer leur activité législative – et non de simples mandataires des assemblées coloniales, comme avaient pu l’être les premiers représentants blancs de Saint-Domingue au début de la Révolution. Les seules instances légitimantes sont les assemblées primaires, il n’y a plus trace de ces assemblées coloniales, accusées d’usurper le souverain. D’ailleurs, et là encore en conformité avec le système représentatif, ils ne sont pas spécialisés dans les questions coloniales, ils interviennent dans plusieurs commissions où ils font des rapports sur des questions diverses qui intéressent l’ensemble de la République. À titre d’exemples, Boisrond s’occupe de la gestion des hospices civils, Sonthonax de l’enseignement primaire, Laveaux de la réforme de la Maison nationale des Invalides. Tous concourent ainsi à la détermination de la loi commune, c’est l’isonomie républicaine14. On peut à ce propos rappeler la phrase de Césaire dans les débats sur la législation de 1946, qui va donner naissance aux actuels départements d’outre-mer :
- 15 Aimé Césaire, Assemblée nationale constituante, annexe au procès-verbal de la séance du 21 février (...)
Une politique républicaine constante a été de considérer les Antilles comme une parcelle de la France et, comme telles, relevant des mêmes lois et des mêmes règlements que la métropole. La Constitution du 5 fructidor an III [3 septembre 1795] stipule que « les colonies seront soumises à la même loi constitutionnelle que le territoire de la métropole »15.
Une ascension sociale préalable
- 16 Anne Pérotin-Dumon, La ville aux îles, la ville dans l’île. Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadelou (...)
- 17 C’est vrai également pour les brigades de gendarmerie, où il n’était pas rare de voir des « archers (...)
6C’est par la carrière militaire que se fait l’essentiel de la mobilité ascendante. Anne Perotin-Dumon parlait de la « voie masculine de l’affranchissement16 ». Sur le territoire colonial, les hommes libres de couleur avaient leurs propres compagnies de milice. Mais les postes de commandement y étaient réservés aux Blancs, même lorsque les miliciens de couleur étaient de riches et influents propriétaires, comme cela se rencontrait dans la partie sud de la colonie (Bainet, Aquin, les Cayes) ou dans la partie centrale (plaine du Cul-de-sac, les Verrettes, le Mirebalais). On pouvait même trouver des compagnies d’esclaves, mais leur formation était généralement conjoncturelle et les Noirs ne pouvaient pas davantage y occuper des postes d’officiers. Ces compagnies étaient levées pour faire la chasse aux esclaves marrons, une tâche centrale de l’ordre public colonial17.
7La guerre d’Amérique va bousculer ces hiérarchies, au grand dam des colons blancs. L’amiral Charles d’Estaing embarque 545 » chasseurs volontaires de Saint-Domingue » vers la ville de Savannah, en 1779. Peu importe que, militairement, cette expédition se solde en fin de compte par une retraite. C’est sur le plan symbolique que sa portée va s’apparenter à une déflagration. Depuis Ducasse et l’expédition sur Carthagène des Indes en 1697, mais dans un tout autre contexte social et politique, le pouvoir colonial n’avait jamais voulu avoir recours sur le plan offensif à des troupes noires. Certes, sur le plan défensif, on pouvait armer quelques compagnies d’hommes de couleur, voire d’esclaves, sur un point menacé par l’ennemi. Mais extraire de leur milieu des centaines de soldats de couleur pour, finalement, leur conférer un statut militaire, voilà qui est vraiment inédit pour l’époque. Deux données majeures renforcent de surcroît cette symbolique : l’intervention en territoire étranger confère au corps expéditionnaire une valeur très forte de représentation, valeur encore accentuée par le contexte particulier de la guerre d’Amérique. Le corps expéditionnaire français intervient pour soutenir des colonies qui souhaitent se libérer de leur métropole, qui plus est en territoire sudiste à dominante esclavagiste.
- 18 Dominique rogers, « De l’origine du préjugé de couleur en Haïti », Outre-Mers. Revue d’histoire, no(...)
- 19 CARAN C527.
8Parmi les embarqués, on en retrouve beaucoup dans le cours de la révolution de Saint-Domingue et non à des rangs subalternes : les frères Rigaud, les frères Ogé, Jean-Baptiste Belley, Pierre Antoine. Ce dernier est un noir libre du Cap, qui possède des esclaves. Il en emmène un avec lui, du nom de Jean-Louis, né approximativement vers 1758, pour servir comme domestique et comme aide de camp. Dominique Rogers signale un noir libre du nom de Pierre Antoine, maçon au Cap-Français ayant une position sociale bien établie, puisqu’il intervient, au vu des actes notariés, dans des opérations commerciales pour près de 100 000 livres coloniales18. Quelques années après, Pierre Antoine affranchit Jean-Louis : son acte d’affranchissement est daté du 3 mai 1783, établi par son supérieur hiérarchique (Pierre Antoine), pour récompenser ses « bons services », à hauteur de 300 livres. Il s’engage alors dans la « compagnie des nègres libres du Cap19 » et prend le nom de Jean-Louis Annecy. Nous le retrouverons.
- 20 La contradiction étant entre une forte valeur symbolique du fait de l’engagement à l’étranger et la (...)
- 21 Jean-Louis Donnadieu ; « Derrière le portrait, l’homme : Jean-Baptiste Belley, dit ‘Timbaze’, dit ‘ (...)
- 22 Jeremy D. Popkin, You Are All Free! The Haitian Revolution and the Abolition of Slavery, Cambridge, (...)
9Cette expérience militaire inaugurale est diversement réinvestie par ses participants dans les institutions coloniales préexistantes au retour de l’expédition20. Toutefois, la Révolution va consolider la présence de ces « officiers subalternes » au départ, qui vont exercer un commandement effectif par la suite. Jean-Baptiste Belley est à la tête d’une des compagnies de Noirs libres du Cap, poste qu’il exerce parallèlement à sa profession de perruquier21. Il est le coordonnateur de ces compagnies qui jouent un rôle capital aux côtés des dragons du général Laveaux, pour la victoire des commissaires civils lors de la journée du 20 juin 1793, au cours de laquelle le gouverneur Galbaud avait tenté de restaurer le pouvoir colonial22. Joseph Boisson, substitut de Belley à la Convention, était capitaine de l’une de ces compagnies.
- 23 Service historique de la Défense, Vincennes, dossier « Étienne-Victor Mentor », GR2 Ye 2824.
10Étienne-Victor Mentor était trop jeune pour avoir participé à l’expédition de Savannah (il serait né en 1771). D’origine martiniquaise, c’est un Noir libre de Saint-Pierre. Son père, Joseph Mentor, y est maréchal-ferrant et dispose apparemment d’une solide assiette sociale, qui permet à Étienne de se revendiquer « Étienne Mentor fils ». Il participe activement à la Révolution, sergent dans la garde nationale, est mêlé aux affrontements qui marquent les premières années de la décennie révolutionnaire aux Petites-Antilles, ce qui le contraint à quitter la Martinique. On le retrouve membre du Comité de discipline militaire de Pointe-à-Pitre, depuis février 1793 jusqu’au 23 février 1794, date à laquelle il est breveté capitaine au bataillon soldé des chasseurs de Guadeloupe. Il est fait prisonnier par les Britanniques, puis il est placé à la suite du 3e bataillon des volontaires du département du Pas-de-Calais (ce qui veut dire qu’il est régulièrement intégré dans les cadres de l’armée), jusqu’au 20 vendémiaire an III [11 octobre 1795]. C’est alors que commence son destin domingois, puisqu’il fait partie de la petite force armée qui accompagne la troisième commission civile où figurent, entre autres, Sonthonax et Julien Raimond, en mars 1796, avec le grade d’adjudant-général23.
- 24 Mathieu Carlot, entrée « Jean-Baptiste Mills, 1749-1806 », dans Dictionnaire des conventionnels, op (...)
- 25 Archives nationales, C513, procès-verbal de l’assemblée électorale du nord de Saint-Domingue tenue (...)
11Avoir un poste dans la fonction publique est une autre voie d’ascension sociale. Ce sont des opportunités plus clairement ouvertes dans les années révolutionnaires, sous la pression tout à la fois politique (égalité des couleurs) et des nécessités (remplacer un personnel émigré). Ainsi, Jean-Baptiste Mills, conventionnel métissé, est huissier audiencier à l’amirauté du Cap24. Pour la période directoriale, lorsqu’ils furent élus à l’un ou à l’autre des Conseils du Corps législatif, Tonnelier était receveur des droits aux Gonaïves, et Pierre-Antoine fils commissaire ordonnateur de la Marine. Mais les postes électifs peuvent également être compris dans la fonction publique : Thomany est membre de l’administration municipale du Cap, Vergniaud est commissaire du Pouvoir exécutif auprès du tribunal civil du Cap, Louis-François Boisrond est président de l’administration municipale de Saint-Louis, etc.25. Avec ces trois exemples, nous avons toujours une représentation tricolore : le noir Thomany, le blanc Vergniaud et le métissé Boisrond. Toutefois, la carrière des armes reste plus particulièrement la voie privilégiée d’ascension sociale pour les Noirs. Plus largement, ce sont les fonctions régaliennes qui sont majoritairement investies par les libres de couleur après la révolution de 1792-1793.
12Ce qui ne veut pas dire pour autant que tous soient placés sur un pied d’égalité, ni que leur caractère d’« hommes nouveaux » placés au centre de la République impériale les ait radicalement éloignés de leur milieu d’origine. Bien au contraire, les réseaux hiérarchisent. Prenons à titre d’exemple Jean-Baptiste Belley, qui est en quelque sorte la figure la plus emblématique de la députation. C’est par son âge – il est né en 1746 ou 1747, il a donc la cinquantaine lorsqu’il est représentant –, mais aussi par la densité sociale du tissu relationnel élaboré bien avant la Révolution, au Cap Français, que Belley a pu devenir ce personnage emblématique.
- 26 Les « mina » sont un peuple installé au sud de l’actuel Togo, qui tirent vraisemblablement leu nom (...)
- 27 ANOM 7 DPPC 6321. Notariat Doré, acte du 30 juin 1777.
13Les minutes notariales, tout comme les registres paroissiaux, en portent le témoignage. Prenons l’acte notarié du 30 juin 1777 (Belley a donc la trentaine) qui enregistre le mariage de Joseph Médor, « nègre libre affranchi par maître Doré, notaire du roi en cette ville, de nation mina26, domicilié en cette paroisse ; avec Françoise, négresse son esclave, de nation sénégalaise ». Les témoins sont Pierre Antoine et Pierre Delon, maçons ; Jean-Baptiste Deville et Jean-Baptiste Belley27. Cet acte témoigne tout d’abord de la complexité des rapports sociaux dans cette communauté urbaine de Noirs libres : les deux époux sont d’ascendance africaine, mais la fiancée est l’esclave de son futur mari. Les « nations africaines » d’origine des époux sont très éloignées l’une de l’autre, ce qui illustre un processus de « créolisation » en cours. Notons encore l’importance de ce Pierre Antoine, entrepreneur en maçonnerie, qui a également fait la campagne de Savannah, avec Jean-Louis Annecy, qui était son esclave. Par ailleurs, Pierre Antoine fils, comme Jean-Baptiste Deville, seront élus au Corps législatif, mais n’ont jamais siégé. Pierre Antoine apparaît également dans la correspondance de Boisson ; lorsque ce dernier envisage un retour au Cap, à la fin de son mandat électif, il sollicite sa sœur Marguerite pour aller voir la citoyenne Geneviève-Pierre Antoine (donc la fille de) « qui un jour fera peut-être mon bonheur ».
14Prenons un deuxième acte notarié de la même époque (24 juillet 1777), qui enregistre le mariage de Louis :
nègre créole, maçon esclave de Françoise Alexis, négresse libre ; avec la dite Françoise Alexis, négresse libre, créole de la paroisse, fille mineure et légitime de feu Alexis Bramyray, nègre libre, et feue Marie-Anne, négresse libre ; en présence de Pierre Amoux, nègre libre, marchand gressier, son curateur qui a donné son consentement ; Pierre Antoine, maçon ; Jean-Baptiste Deville, perruquier ; Jean-Baptiste Latortue, tailleur ; Jean-Baptiste Belé, perruquier, tous nègres libres résidant au Cap.
- 28 ANOM 7 DPPC 6321. Notariat Doré, acte du 24 juillet 1777.
15Cette fois, c’est la future épouse qui convole avec son esclave ; avec un niveau de complexité supplémentaire puisque ladite fiancée est elle-même dans un lien de dépendance (du fait de son âge ?) avec une autre notabilité du milieu des Noirs libres, mais c’est le même milieu que dans le cas précédent, à la différence près que nous avons ici uniquement des créoles ; ce sont les mêmes qui témoignent ; Pierre Antoine, Jean-Baptiste Deville et Jean-Baptiste « Belé », qui n’est autre que Belley. Ce dernier fait profession, comme Deville, de « perruquier28 ».
16Un dernier acte, parmi la cinquantaine où Belley est mentionné, est enregistré une dizaine d’années plus tard, le 23 janvier 1788. C’est l’acte de mariage du
- 29 ANOM 7 DPPC. Acte du 23 janvier 1788.
nommé Bertrand dit Lemoine, nègre libre domicilié en cette ville, natif du Quartier Morin, fils majeur et naturel de la nommée Petit Marie ; avec la nommée Elizabeth, négresse affranchie par Mr Morau ci-devant avocat et à présent conseiller au Conseil Supérieur de Saint-Domingue ; légitiment deux filles de 12 et 10 ans, et deux fils de 6 et 3 ans, et une fille d’un an. Témoins, Jean, dit Salomon ; Pierre dit Thomany ; Jean Mercure ; Jean-Baptiste dit Belley, tous nègres libres demeurant en cette ville29.
- 30 Marcel Dorigny & Bernard Gainot, La Société des Amis des Noirs, 1788-1799. Contribution à l’histoir (...)
17Il s’agit d’une « régularisation » de situation de deux noirs affranchis créoles. Belley est toujours bien présent, en compagnie de Pierre Thomany cette fois, qui est élu représentant au Conseil des Cinq-Cents en 1796, puis qui préside un temps les séances de la Société des Amis des Noirs et des colonies30.
Des lignes de fracture
- 31 Bernard gainot, « Les réseaux du conventionnel noir Joseph Boisson », art. cité.
18Belley continue d’exercer ce « patronage » sur la représentation de couleur de Saint-Domingue à Paris : une influence qui se mesure très bien dans la correspondance de Joseph Boisson31. Cette correspondance permet encore de retracer les réseaux familiaux et sociaux que le conventionnel entretient avec la ville du Cap. Mais elle croise aussi le parcours de certains de ses collègues à Paris. Jean-Louis Annecy et sa compagne, Justine, sont des intimes du couple Boisson et sa compagne, Rosalie Bousignac, dite « Rose ». En vendémiaire an IX [23 septembre-22 octobre 1800], lorsque cette dernière est emprisonnée aux Magdelonettes, c’est Justine qui fait office d’intermédiaire pour obtenir vivres et vêtements de Boisson. Relevons aussi dans cette correspondance la forte figure de Marguerite Mentor, la sœur d’Étienne Mentor, qui demande en décembre 1797 à Boisson de recommander son fils pour être placé à l’Institut national des colonies, mais aussi de piloter son frère qui vient d’être élu au Corps législatif. Elle termine sa lettre en lui demandant de faire parvenir « bien des compliments à notre ami Mars Belley ».
- 32 On les trouve notamment impliqués dans une rixe au jardin des Tuileries, le 6 messidor an VII [24 j (...)
19La localisation des divers domiciles Parisiens est une autre façon de mesurer l’assise sociale et les relations de ces représentants. La plupart des domiciles (des locations, pas des propriétés) se trouvent sur la rive droite, entre les 2e et 4e arrondissements de l’ouest parisien. Ce sont des quartiers « neufs », mais ce ne sont pas des quartiers populaires. Fait notable, on retrouve la localisation des « gens de couleur » à Paris. Mais n’en tirons pas de conclusions trop hâtives : les relations parisiennes des représentants débordent largement la communauté des gens de couleur ; Boisson ou Thomany tissent des liens étroits avec Laveaux ou Garnot, qui sont des représentants Blancs de Saint-Domingue. Belley reste constamment proche de ses collègues Mills et Boisson. Ainsi, en 1795, Belley, Boisson et Mills logent dans un hôtel de la rue de Chartres, au faubourg Saint-Denis ; un peu plus tard, on trouve Garnot et Boisson installés dans la maison du Haga, rue neuve des Mathurins, dans le même secteur. Au cours de l’année 1799, Mentor forme avec Leborgne la garde rapprochée de Sonthonax32.
20L’hostilité au régime de Toussaint-Louverture s’affirme de plus en plus nettement, au fur et à mesure de la consolidation du pouvoir du gouverneur. Au nom de la fidélité à la République, les figures les plus marquantes de la représentation critiquent le régime néocolonial que veut mettre en place Toussaint-Louverture à Saint-Domingue. À commencer par Belley ; en 1798, il fait partie de l’expédition du général Hédouville, envoyée par le Directoire pour mesurer l’état de la colonie et pour faire appliquer la loi de départementalisation du 1er janvier 1798. Il occupe un poste extrêmement important et stratégique, puisqu’il a été nommé commandant de la gendarmerie réorganisée pour toute l’île. Cette force est centrale pour le retour à l’ordre public au sortir des années de guerre civile et étrangère. Il s’agit notamment de combattre le vagabondage et de ramener de force les anciens esclaves au travail sur leurs anciennes plantations, dont la relance est devenue prioritaire. C’est le « caporalisme agraire ». Ce que souhaite Toussaint-Louverture, c’est que cette mission d’ordre public reste du domaine de l’armée, sur laquelle il a la main. Il redoute par-dessus tout que l’exercice d’un commandement aussi important soit assuré par une personne qui ne serait pas entièrement dépendante de lui. La désillusion, sur place, est donc totale pour Belley, confiné dans la ville du Cap, placé dans une situation très précaire, assisté par les personnes qui font partie de son réseau familial et amical, qui est aussi celui de Boisson. Ce dernier était d’ailleurs programmé pour faire partie de l’expédition Hédouville, comme capitaine de gendarmerie.
21Dans sa correspondance avec Boisson, Belley évoque la perte de ses illusions : il a appris « à distinguer les amis de la tranquillité d’avec les intrigants et les ambitieux ». Ces derniers sont Toussaint Louverture et ses partisans. La mission de Hédouville est de ramener la colonie sous le régime constitutionnel, mais « il agit de façon prudente et sage, car il y aurait une secousse violente s’il voulait substituer d’un seul coup le pouvoir civil au pouvoir militaire ». Saint-Domingue est livrée à une sorte d’anarchie militaire : « Tout le monde se croit maître ici ; il n’y a pas un commandant de quatre ajoupas [rassemblement de petites cabanes en bois couvertes de feuilles de bananiers] qui ne se croit un souverain ». Depuis son arrivée au Cap, « on a fait ce qu’on a pu pour persuader au peuple que j’étais son ennemi ». Belley est convaincu qu’il arrivera, avec quelques chefs bien intentionnés à « déjouer les projets liberticides de quelques ambitieux et des partisans du 30 ventôse, qui ne cessent de se remuer en tous sens ». Si le terme « ambitieux » vise les partisans du gouverneur noir, les « partisans du 30 ventôse » désignent plutôt les généraux métissés qui ont tenté un coup d’État contre le général Laveaux le 30 ventôse an IV [20 mars 1796]. Ces périphrases renvoient donc au rapprochement de Toussaint Louverture et des généraux métissés, dont Rigaud est le chef de file, pour mieux isoler l’agent du Directoire Hédouville.
22Pour Belley, le régime de Toussaint est un projet contre-révolutionnaire de restauration de l’économie de plantation gérée par les planteurs blancs et les officiers noirs du proche entourage du gouverneur. Ce dernier souhaite en outre rétablir un ordre moral qui redonnerait toute sa place à l’Église catholique comme religion d’État ; Toussaint est en effet entouré de prêtres réfractaires. Toussaint marche vers l’indépendance, comme le prouvent les avantages commerciaux consentis aux Anglais et surtout aux négociants états-uniens. Ces accords ont été conclus de sa pleine autorité, sans en référer au gouvernement français, comme le voudrait la Constitution. C’est pour avoir dénoncé cette politique que le général Hédouville a été contraint, sous la menace des armes, de se rembarquer.
23Belley est ainsi de retour en métropole. Ses positions convergent désormais avec un autre groupe de pression qui mène également l’assaut contre le gouvernement de Saint-Domingue, à partir d’un contexte différent, mais arrivant à des conclusions identiques, à savoir : Toussaint et son entourage trahissent la République.
- 33 Le personnage mériterait une étude plus approfondie. Il est évoqué par Jacques de Cauna, L’Eldorado (...)
- 34 AN, C 527 : lettre de Pierre Pinchinat au Directoire, 16 ventôse an VI [6 mars 1798], jointe au pro (...)
24Boisrond et Petiniaud sont des propriétaires métissés sudistes. Parmi les élus non validés figure Pierre Pinchinat, considéré comme le cerveau du groupe des libres de couleur, instigateur de la tentative de coup d’État contre le gouverneur Laveaux en mars 179633. Depuis cette date, il est l’adversaire résolu de Toussaint Louverture et de Sonthonax. Mais il faut, selon moi, émettre des réserves sur le fait qu’il exprimerait les revendications des libres de couleur d’avant le décret d’abolition (métissés contre Noirs). Les pétitions qu’il fait parvenir au Directoire expriment plutôt des positions « sudistes » ; il proteste contre la sur-représentation du département du Nord, contre le fait que ce département monopolise la totalité de la députation de Saint-Domingue, qui ne cesse de déverser des calomnies sur les « braves citoyens » du département du Sud. Les assemblées électorales de l’Ouest et du Sud sont conformes aux dispositions de la Constitution de l’an III, les représentants Pinchinat et Rey-Delmas y ont été élus avant l’arrivée de la troisième Commission civile, « dans un temps où la plus grande union régnait parmi les citoyens34 ».
25Troisième groupe d’opinion, et non des moindres, celui de Sonthonax, Mentor et Leborgne. Depuis la quasi-expulsion de Saint-Domingue par Toussaint, ils sont des critiques virulents du gouvernement de ce dernier.
26En 1799, il y a donc convergence des groupes d’opinion et d’intérêt au sein de la représentation de Saint-Domingue dans la dénonciation du régime de Toussaint Louverture, qui n’est pas digne de la confiance de la République. Un représentant qui s’impose davantage par son autorité que par sa parole, Pierre Thomany, vise également les dirigeants de Saint-Domingue lorsqu’il prononce, en tant que président de la Société des Amis des Noirs et des colonies, le discours commémoratif du décret d’abolition de l’esclavage :
- 35 AN, ADVIII a (65) dossier « Pierre Thomany », Conseil des Cinq Cents, pluviôse an VII [20 janvier-1 (...)
Je l’avouerai avec douleur, il existe des hommes dans la caste affranchie, qui se sont montrés peu dignes de leur nouvel état ; il en est qui, revêtus du commandement, ont méconnu l’autorité nationale, qui l’ont outragée sans ménagement35.
27Ceux qui persistent à prendre la défense du gouverneur au sein de cette députation, comme Laveaux ou Vergniaud, sont désormais minoritaires. C’est la raison pour laquelle Toussaint Louverture va chercher à faire élire des personnes susceptibles d’être ses porte-parole, comme Rallier, représentant du département d’Ille-et-Vilaine et ancien ingénieur civil à Port-au-Prince ; ou encore Julien Raimond, l’ancien porte-parole des libres de couleur et ancien membre de la troisième Commission civile. Mais leurs pouvoirs ne seront jamais validés.
Face à un double désaveu, des destins broyés
- 36 Bernard Gainot, « La loi du 30 floréal an X [20 mai 1802] », dans Suzanne Dracius (dir.), La faute (...)
28La représentation coloniale n’a plus de raison d’être, dès lors que les territoires ultra-marins sont rejetés aux marges de la République, selon la nouvelle Constitution consulaire. Ses divisions ont contribué à l’affaiblissement de la députation, tiraillée entre la politique coloniale égalitaire et assimilationniste du Directoire et l’orientation résolument autoritaire et personnelle du gouvernement autonomiste de Saint-Domingue. Dès lors, l’offensive du lobby des colons rallié à Brumaire peut se donner libre cours36.
- 37 SHD, dossier « Boisson, Joseph, George, capitaine », 2 Ye 412.
- 38 Il prend ce surnom de Boisrond-Tonnerre, du nom de la ville bourguignonne où il séjourna en 1791, a (...)
29Le destin fragile des représentants de couleur s’achève bien souvent dans les conditions d’une double déchéance, physique et sociale. Belley est mort à l’hôpital militaire de Belle-Île-en-Mer en 1806. L’année suivante, Annecy est mort en résidence surveillée à l’île d’Elbe, de même que Mills, avec qui il a partagé la déportation. Boisson est mort en Italie, à l’hôpital militaire d’Acqui, le 2 juillet 181237. Louis-François Boisrond, le représentant, est l’oncle et le parrain de Louis-Félix Boisrond, dit Boisrond-Tonnerre, qui a rédigé la déclaration d’indépendance de Haïti38. Il est mort à Paris en 1800, tandis que son filleul, retourné à Saint-Domingue avec Julien Raimond, est devenu un proche conseiller de Dessalines, avec Étienne Mentor. Boisrond-Tonnerre et Étienne Mentor sont tous deux « baïonnettés » après l’embuscade du Pont-Rouge, qui coûta la vie à Dessalines. Quant à Pierre Pinchinat, il mourut également à Paris, dans l’indigence, en 1800.
- 39 Notons cependant qu’il y a également de grands propriétaires métis dans le Nord. Ainsi Étienne Lafo (...)
30L’expérience métropolitaine de ce groupe des représentants de couleur de Saint-Domingue est celle d’un entre-deux ; médiateurs culturels et politiques de la communauté des Noirs libres du Cap, pour la majeure partie, et propriétaires métissés du Sud39 pour l’autre partie. Ils représentent bien les acteurs de l’ombre de la « révolution des couleurs » à Saint-Domingue. Mais le sort des représentants Blancs fut à peine moins tragique ; Laveaux expulsé de la Guadeloupe et prisonnier des Britanniques ; Dufay « baïonneté » au Cap sur ordre de Dessalines en 1804, Sonthonax sombrant dans la disgrâce et l’indigence… La stratégie d’intégration que portait, malgré ses divisions, cette députation a été broyée par la violence de la réaction coloniale.
Annexe
Récapitulatif : La députation de couleur ayant siégé dans les assemblées de la Première République
Six Noirs :
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Jean-Baptiste Belley, conventionnel élu en septembre 1793, passé au Conseil des Cinq-Cents
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Joseph Boisson, conventionnel élu en septembre 1793, passé au Conseil des Cinq-Cents
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Pierre Thomany, élu en septembre 1796, validé au Conseil des Cinq-Cents
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Étienne Mentor, élu en avril 1797, validé au Conseil des Anciens, puis passé au Conseil des Cinq-cents en raison de son âge
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Jean-Louis Annecy, élu en avril 1797, validé au Conseil des Cinq-Cents
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Jacques Tonnelier, élu en avril 1797, validé au Conseil des Anciens
Quatre métissés :
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Jean-Baptiste Mills, conventionnel élu en septembre 1793, passé au Conseil des Anciens
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Étienne-Bussière Laforest, conventionnel élu en septembre 1793, passé au Conseil des Cinq-Cents
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Louis-François Petigniaud (Petiniaud), élu en septembre 1796, validé au Conseil des Cinq-cents
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Louis-François Boisrond « jeune », élu en septembre 1796, validé au Conseil des Cinq-cents
Pour mémoire : sept Blancs : Louis-Pierre Dufay et Pierre-Nicolas Garnot, conventionnels, Léger-Félicité Sonthonax, Etienne Laveaux, Martin-Noël Brothier (ou Brottier), élus en septembre 1796, Pierre-Joseph Leborgne, Guillaume-Henri Vergniaud, élus en avril 1797.
Les élections qui n’ont pas été validées :
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Élections de l’an IV pour le Sud de Saint-Domingue aux Cayes : 6 députés élus, dont Pierre Pinchinat et Julien Raimond (métissé).
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D’autres élections eurent lieu le 26 fructidor an IV, aux Cayes-de-Fond, en application de la loi du 22 août 1792 (25 électeurs). Sont élus quatre colons blancs, dont Brulley, Thomas Millet, Yon Pauliau.
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Et une assemblée pour l’Ouest, à Leogane (107 électeurs) ; quatre élus, dont Jean Rey-Delmas, métissé.
Les personnalités élues, qui n’ont jamais siégé :
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En septembre 1796, élus par l’Assemblée du Nord : Pierre-Antoine fils, noir, et Antoine Chanlatte jeune, un général métissé.
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En l’an VI [avril 1798], est élu par l’Assemblée du Nord Jean-Baptiste Deville, noir. Son élection n’est validée que le 29 vendémiaire an VIII [18 octobre 1799]. Le coup d’État de brumaire survient trois semaines plus tard.
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Le 20 germinal an VII [9 avril 1799] l’assemblée électorale du Sud se tient dans la ville des Cayes (de 43 à 47 présents). Elle élit Pierre-Nicolas Garnot, ex-conventionnel blanc, au Conseil des Anciens, et Pierre Pinchinat, métissé, au Conseil des Cinq-cents. L’élection n’a jamais été validée.
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L’assemblée électorale du Nord, à la même date, se tient chapelle de la Providence, au Cap. Sont élus Rallier (48 présents) et Paschal, le gendre de Julien Raymond (59 présents).
Notes
1 Simon Camboulas, conventionnel de l’Aveyron, est le neveu de l’abbé Raynal. Il est par ailleurs de sensibilité girondine.
2 Abel Alexis Louis, Janvier Littée. Martiniquais premier député de couleur membre d’une assemblée parlementaire française, Paris, L’Harmattan, 2013.
3 Jean Saintoyant, « La représentation coloniale pendant la Révolution », Revue de l’histoire des colonies françaises, no 22, 1929, p. 353-380.
4 Auguste Alfred Nemours, Les premiers citoyens et les premiers députés noirs et de couleur, la loi du 4 avril 1792, ses précédents, sa première application à Saint-Domingue, d’après des documents inédits de l’époque, Port-au-Prince, Imprimerie de l’État, 1941.
5 Jacques Binoche, « Les députés d’outre-mer pendant la Révolution française (1789-1799) », Annales historiques de la Révolution française, no 1, 1978, p. 45-80.
6 Mathieu Carlot a rédigé les notices des conventionnels de couleur Belley, Mills, Garnot et Boisson dans le Dictionnaire des conventionnels, 1792-1795, sous la dir. de Michel Biard, Philippe Bourdin et Hervé Leuwers, Ferney-Voltaire, Publication du centre international d’étude du xviiie siècle, 2022.
7 Bernard Gainot, « Les réseaux du conventionnel noir Joseph Boisson, d’après ses papiers (1793-1800) », Annales historiques de la Révolution française, no 388, 2017, p. 29-51 ; id., « Jean-Louis Annecy (vers 1758-vers 1807) : du Cap-Français aux Tuileries, des Tuileries au bagne, un parcours emblématique », dans Éric Saunier (dir.), Figures d’esclaves, présences, paroles représentations, Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2012, p. 71-85.
8 On peut trouver des oppositions binaires pour d’autres champs d’étude de la même période ; par exemple occupants/occupés.
9 Carlo Ginzburg, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle, Paris, Flammarion, 2021. Et surtout Giovanni Levi, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviie siècle, Paris, Gallimard, 1989.
10 Réseaux que je me suis efforcé de synthétiser pour les abolitionnistes de la seconde Société des amis des Noirs : La Société des Amis des Noirs, 1789-1799, avec Marcel Dorigny, Paris, Unesco, 1998, ou pour l’étude du conventionnel Joseph Boisson ; Bernard Gainot : « Les réseaux du conventionnel noir Joseph Boisson… », art. cité. L’action individuelle, dans la littérature anglo-saxonne se mesure à l’aune de l’agentivity. J’emploie pour ma part l’expression de stratégies personnelles, beaucoup plus compréhensible.
11 Charlotte De Castelnau-L’Estoile, Pascoa et ses deux maris. Une esclave entre Angola, Brésil, et Portugal au xviie siècle, Paris, Flammarion, 2023.
12 Yves Bénot, « Comment la Convention a-t-elle voté l’abolition de l’esclavage en l’an II ? », Annales historiques de la Révolution française, no 3-4, 1993, numéro spécial « Révolution aux colonies ». Les procès-verbaux pour les élections à la Convention se trouvent dans les Archives parlementaires en annexe de la séance du 16 pluviôse an II [4 février 1794]. Pour les députations de l’an IV et de l’an V [1796-1797] qui fournirent le prétexte à un débat capital, qui trouva sa conclusion après le coup de force républicain du 18 fructidor an V [4 février 1797], je renvoie à ma contribution Bernard Gainot, « La députation de Saint-Domingue aux assemblées du Directoire », Revue française d’histoire d’outre-mer, no 316, 1997, numéro spécial « Léger-Félicité Sonthonax, la première abolition de l’esclavage : la Révolution française et la Révolution de Saint-Domingue ».
13 Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en révolution, 1789-1795-1802, Paris, PUF, 1992, p. 80 : on parle notamment du « peuple nouveau des Noirs libres », mais c’est totalement occulter le fait que les députés représentent l’ensemble de la population de Saint-Domingue (Blancs et métis compris, union exprimée justement par la députation tricolore).
14 Pour une explication de ce terme (la même –iso – loi – nomos – pour tous) je renvoie à Bernard Gainot, La révolution des esclaves. Haïti 1763-1803, Paris, Vendémiaire, 2017.
15 Aimé Césaire, Assemblée nationale constituante, annexe au procès-verbal de la séance du 21 février 1946.
16 Anne Pérotin-Dumon, La ville aux îles, la ville dans l’île. Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe 1650-1820, Paris, Karthala, 2000.
17 C’est vrai également pour les brigades de gendarmerie, où il n’était pas rare de voir des « archers » de couleur. Lorsqu’il s’agit d’esclaves, c’était un statut bien particulier, celui d’« esclaves du roi ». Le gouverneur achetait, ou réservait à l’arrivée du navire négrier, un lot d’esclaves « du domaine public », pourrait-on dire, puisqu’ils sont employés à la construction des routes, aux travaux de fortification et au maintien de l’ordre public. Bernard Gainot « Considérations sur la police aux colonies », dans Gaël Rideau et Pierre Serna (dir.), Ordonner et partager la ville, xviie-xixe siècles, Rennes, PUR, 2011, p. 195-210.
18 Dominique rogers, « De l’origine du préjugé de couleur en Haïti », Outre-Mers. Revue d’histoire, no 340-341, 2003, p. 83-101. Selon l’auteur, le seuil d’aisance est atteint lorsque le client du notaire parvient à débourser une somme supérieure à 10 000 livres coloniales.
19 CARAN C527.
20 La contradiction étant entre une forte valeur symbolique du fait de l’engagement à l’étranger et la position subalterne dans laquelle les colons Blancs souhaitent voir ramenés ces militaires de couleur, qui n’obtiennent pas de reconnaissance des autorités militaires : voir John Garrigus, « Catalyst or catastrophe? Saint Domingue’s free men of color and the Savannah Expedition 1779-1782 », Revista interamericana, no 22, 1992, p. 109-125.
21 Jean-Louis Donnadieu ; « Derrière le portrait, l’homme : Jean-Baptiste Belley, dit ‘Timbaze’, dit ‘Mars’, 1746 ?-1805 », Bulletin de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, no 170, 2015, p. 29-54.
22 Jeremy D. Popkin, You Are All Free! The Haitian Revolution and the Abolition of Slavery, Cambridge, Cambridge University Press, 2010.
23 Service historique de la Défense, Vincennes, dossier « Étienne-Victor Mentor », GR2 Ye 2824.
24 Mathieu Carlot, entrée « Jean-Baptiste Mills, 1749-1806 », dans Dictionnaire des conventionnels, op. cit., tome 2, p. 849-850.
25 Archives nationales, C513, procès-verbal de l’assemblée électorale du nord de Saint-Domingue tenue au Cap républicain le 20 germinal an V [9 avril 1797].
26 Les « mina » sont un peuple installé au sud de l’actuel Togo, qui tirent vraisemblablement leu nom du fort d’El Minah au Ghana actuel.
27 ANOM 7 DPPC 6321. Notariat Doré, acte du 30 juin 1777.
28 ANOM 7 DPPC 6321. Notariat Doré, acte du 24 juillet 1777.
29 ANOM 7 DPPC. Acte du 23 janvier 1788.
30 Marcel Dorigny & Bernard Gainot, La Société des Amis des Noirs, 1788-1799. Contribution à l’histoire de l’abolition de l’esclavage, Paris, Unesco, 1998, p. 336-337.
31 Bernard gainot, « Les réseaux du conventionnel noir Joseph Boisson », art. cité.
32 On les trouve notamment impliqués dans une rixe au jardin des Tuileries, le 6 messidor an VII [24 juin 1799] qui les oppose à un employé du ministère de la Marine leur ayant reproché de vouloir rétablir « le Comité des salut public et le régime de 93 », voir Bernard gainot, 1799, un nouveau jacobinisme ? La démocratie représentative, une alternative à brumaire ?, Paris, Éditions du CTHS, 2001, p. 190.
33 Le personnage mériterait une étude plus approfondie. Il est évoqué par Jacques de Cauna, L’Eldorado des aquitains. Gascons, basques et béarnais aux Iles d’Amérique (xviie-xviiie siècles), Biarritz, Atlantica, 1998.
34 AN, C 527 : lettre de Pierre Pinchinat au Directoire, 16 ventôse an VI [6 mars 1798], jointe au procès-verbal de l’assemblée électorale du département du sud de Saint-Domingue, tenue le 20 germinal an IV [9 avril 1796] aux Cayes.
35 AN, ADVIII a (65) dossier « Pierre Thomany », Conseil des Cinq Cents, pluviôse an VII [20 janvier-18 février 1799].
36 Bernard Gainot, « La loi du 30 floréal an X [20 mai 1802] », dans Suzanne Dracius (dir.), La faute à Bonaparte ?, Paris, Idem éditions, 2021, p. 119-145.
37 SHD, dossier « Boisson, Joseph, George, capitaine », 2 Ye 412.
38 Il prend ce surnom de Boisrond-Tonnerre, du nom de la ville bourguignonne où il séjourna en 1791, avec le neveu de Julien Raymond. Cf. John Garrigus, « Victims of our own credulity and indulgence. The life of Louis-Félix Boisrond-Tonnerre (1776-1806) », dans Julia Gaffield (ed.), The Haïtian Declaration of Independence. Creation, Context, and Legacy, Charlottesville, University of Virginia Press, 2016, p. 42-56.
39 Notons cependant qu’il y a également de grands propriétaires métis dans le Nord. Ainsi Étienne Laforest, propriétaire caféier au quartier du Limbé et à Plaisance : voir Mathieu Carlot, entrée « Étienne-Bussière Laforest » dans le Dictionnaire des conventionnels, op. cit., p. 672-674.
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Référence électronique
Bernard Gainot, « Les représentants de couleur de Saint-Domingue dans les assemblées de la Première République », La Révolution française [En ligne], 27 | 2025, mis en ligne le 20 janvier 2025, consulté le 08 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/lrf/8892 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13467
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