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Dossier d'articles

Vivre la Révolution de Saint-Domingue, 1789-1804 : introduction

Frédéric Régent

Texte intégral

1En 1789, les possessions du royaume de France s’étendent au-delà des mers, aux Antilles (partie ouest de Saint-Domingue, Guadeloupe, Martinique, Sainte-Lucie, Tobago), en Guyane, aux Mascareignes (Île de France [Île Maurice] et Île Bourbon [La Réunion]). Les révolutions qui secouent les rivages de l’océan Atlantique y exercent un impact considérable, aboutissant à l’abolition de l’esclavage le 4 février 1794, sous la Première République française et, enfin, en 1804, à la fondation de Haïti, premier État fondé par d’anciens esclaves et libres de couleur.

2Société coloniale, Saint-Domingue rassemble des blancs ou réputés tels, des libres de couleur et des esclaves. Ces personnes peuvent être des métropolitains ou des créoles, des métissés ou des noirs, des femmes et des hommes en confrontation, en relation ou en complicité. Saint-Domingue présente cependant plusieurs singularités. C’est la colonie européenne qui exporte le plus de sucre, café, indigo dans le monde. La production de ces denrées s’appuie sur le recours exclusif au travail forcé d’esclaves originaires de l’Afrique subsaharienne, soit qu’ils y soient nés, soit que leur ascendance y soit née.

  • 1 David Geggus, « Sugar and coffee cultivation in Saint-Domingue and the shaping of the slave labor f (...)
  • 2 Frédéric Régent, Esclavage, métissage, liberté. La Révolution française en Guadeloupe (1789-1802), (...)
  • 3 Proportion élaborée à partir des chiffres donnés par Jacques Houdaille dans « Les esclaves dans la (...)

3Surtout, Saint-Domingue présente vraisemblablement la plus forte proportion d’esclaves jamais atteinte. Environ 90 % de la population a le statut d’esclave en 1789. Les 10 % restants se partagent équitablement entre des blancs (27 717 selon le recensement de 1788, mais en réalité beaucoup plus puisque les militaires et de nombreux petits blancs ne sont pas comptés) et des gens de couleur libres (21 808 dans le même recensement, un minimum), pour reprendre les catégories officielles de l’époque. Les esclaves nés en Afrique sont appelés « nègres de Guinée », ceux nés dans les îles « nègres créoles » ou en fonction de leur type de métissage (« mulâtre », « quarteron », « métis »). La proportion d’esclaves nés en Afrique est très forte, entre 40 et 44 % entre 1757 et 1797. Sur l’ensemble des années 1766-1792, selon une estimation, les « nègres de Guinée » représenteraient 44 % des esclaves sur les sucreries et surtout 64 % sur les caféières1. En Guadeloupe, la proportion d’esclaves nés en Afrique est moindre et se situe à 26 % de 1789 à 17942. À Saint-Domingue, seulement 2 % des esclaves sont métissés (« mulâtres », « quarterons », « métis »)3, mais la majorité des libres de couleur sont d’ascendance mixte et souvent désignés par le vocable générique « mulâtres », bien qu’il y ait un nombre significatif de « nègres libres », à l’instar de Toussaint Louverture ou de Jean-Baptiste Belley. Les blancs nés dans les îles sont appelés blancs créoles, mais de nombreux Européens s’installent ou sont de passage à Saint-Domingue à la fin du xviiie siècle. Certains individus recensés comme blancs ont une ascendance noire, mais le temps, la fortune, parfois un procès, leur donnent une réputation leur permettant d’être comptés parmi les blancs.

  • 4 Frédéric Régent, « Du préjugé de couleur au préjugé de race, le cas des Antilles françaises », Revu (...)

4J’ai proposé la notion de couleur-statut pour désigner les trois catégories juridiques des recensements (blancs, gens de couleur libres, esclaves), souvent évoquées dans les sources par les termes génériques de « blancs » (personnes d’ascendance européenne, mais aussi métis réputés blancs), « mulâtres » (les libres de couleur, bien qu’il y ait des noirs libres et des blancs mésalliés recensés avec eux) et « nègres » (pour les esclaves, bien qu’il y ait des métissés parmi eux)4.

  • 5 Christian Schnakenbourg, L’économie de plantation aux Antilles françaises, Paris, L’Harmattan, 2021 (...)

5Les blancs forment un groupe juridique socialement très hétérogène. Tous les degrés de richesse existent, des grands blancs, propriétaires de manufacture à sucre valant plusieurs centaines de milliers de livres tournois, aux petits blancs, sous-prolétariat de l’économie de plantation, souvent célibataires et ne possédant que la force de leurs bras. C’est d’ailleurs pendant la période révolutionnaire qu’apparaît l’expression. Une autre particularité de la partie française de Saint-Domingue tient à ce qu’environ 30 % des grands blancs propriétaires d’une manufacture à sucre sont absentéistes5. Ce sont eux qui s’organiseront au sein du club Massiac. Certains blancs vivent dans les villes coloniales, depuis les opulents négociants jusqu’aux déclassés, pauvres voire délinquants. En outre, Saint-Domingue dispose d’une catégorie de libres de couleur économiquement puissante, qui, bien que soumise à la législation ségrégative du préjugé de couleur, possède entre un tiers et un quart des esclaves et des plantations, surtout celles produisant des denrées d’exportation secondaire (café, indigo, coton) ou des vivres. Les esclaves sont soumis à une législation sévère placée sous le contrôle de la monarchie depuis l’édit de mars 1685, rebaptisée Code noir par un éditeur parisien en 1718. Les règlements locaux, particulièrement nombreux, ont été compilés par Moreau de Saint-Méry (1750-1819), un juriste blanc créole, dans un ouvrage en six volumes intitulé Loix et constitutions des colonies françoises de l’Amérique sous le vent, paru de 1784 à 1790.

  • 6 Claude B. & Marcel B. Auguste, Ouragan sur la Caraïbe, Québec, Éditions du Cdhica, 2007, p. 39.

6Cette société complexe est balayée par le tourbillon des révolutions américaine et française, ce dont il n’est pas simple de rendre raison. Selon les historiens haïtiens Claude et Marcel Auguste, « l’histoire d’Haïti constitue un domaine explosif, un terrain miné où les passions ne se sont jamais apaisées et demeurent aussi vivaces qu’il y a deux cents ans6 ».

  • 7 Philippe Albert de Lattre, Campagnes des Français à Saint-Domingue et réfutation des reproches fait (...)
  • 8 Pompée-Valentin de Vastey, Essai sur les causes de la révolution et des guerres civiles d’Hayti, fa (...)
  • 9 Pamphile de Lacroix, Mémoires pour servir à l’histoire de la révolution de Saint-Domingue, 2 vol, P (...)
  • 10 Antoine Métral, Histoire de l’expédition des Français à Saint-Domingue sous le consulat de Napoléon (...)

7La révolution à Saint-Domingue fascine de nombreux écrivains dès le début du xixe siècle. En effet, l’indépendance de cette colonie peuplée d’une écrasante majorité de noirs, anciens esclaves, et d’une minorité de métissés, majoritairement libres avant le décret d’abolition, apparaît comme un événement extraordinaire. Je distingue trois traditions historiographiques – française, haïtienne et anglo-saxonne – s’influençant réciproquement. Les ouvrages s’intéressant à la révolution haïtienne ont d’abord pour objectif de déterminer les causes de la révolution de Saint-Domingue et de l’indépendance, mais aussi de proposer des projets de reconquête7. Les premiers ouvrages à caractère historique sont écrits par des Français, anciens propriétaires à Saint-Domingue ou militaires. En 1819, l’ouvrage du baron de Vastey, un dignitaire politique haïtien (chancelier du roi et membre du conseil privé), répond à cette littérature en produisant un des premiers résumés historiques effectué par un Haïtien8. La même année, le général Pamphile de Lacroix, qui a participé à l’expédition Leclerc chargée d’établir l’ordre du régime consulaire de Bonaparte, se démarque des récits prônant la reconquête en se prononçant contre le projet d’une nouvelle expédition et en suggérant que la république haïtienne pourrait verser une faible indemnité en dédommagement de la ruine des plantations et en reconnaissance de son indépendance9. C’est le choix de Charles X dans son ordonnance du 17 avril 1825. Cette reconnaissance de l’indépendance suscite une littérature s’appuyant sur l’exemple haïtien pour demander (Antoine Métral) ou célébrer l’abolition de l’esclavage (Victor Schoelcher)10.

  • 11 Thomas Madiou, Histoire d’Haïti, 5 vol. , Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 1989 [1847-1848 (...)

8Parallèlement se développe une historiographie proprement haïtienne. Au milieu du xixe siècle, Thomas Madiou (1814-1884), Beaubrun Ardouin et Joseph Saint-Rémy des Cayes11 apportent des compléments précieux, car issus de témoignages oraux qu’ils ont recueillis et de sources écrites aujourd’hui en partie perdues. Toutefois, il convient de rester prudent car cette historiographie tend à souligner les fautes des dirigeants noirs du Nord (notamment Toussaint Louverture) et, inversement, a fait preuve d’une grande mansuétude pour les hommes de couleur de l’Ouest et du Sud (André Rigaud et Alexandre Pétion).

  • 12 Henry de Poyen-Bellisle, Histoire militaire de la Révolution de Saint-Domingue, Paris ; Nancy, Berg (...)

9Dans la première moitié du xxe siècle, à l’apogée du colonialisme, ce sont surtout des récits militaires qui dominent. Alors que partout dans le monde extra-européen, la France a triomphé et s’est taillé un empire colonial considérable, cette exceptionnelle défaite de la colonisation que représente l’histoire d’Haïti nécessite d’être expliquée12.

  • 13 Cyril Lionel Robert James, Les Jacobins noirs. Toussaint Louverture et la Révolution de Saint-Domin (...)

10Tandis que l’apologétique coloniale domine du côté européen de l’Atlantique, du côté antillais, Cyril Lionel Robert James, un Trinidadien, écrit en 1938, les Jacobins noirs, un jalon majeur de l’historiographie. Soulignant brillamment l’importance de l’événement, le livre est écrit par un intellectuel impliqué dans le panafricanisme et le début des mouvements nationalistes anticoloniaux, mais aussi marqué par la pensée marxiste. Son interprétation insiste sur le renversement des perspectives classiques en montrant que la Caraïbe produit, d’une manière irréversible, un changement dans l’histoire du monde durant cette période. L’ouvrage de James a gagné, et garde aujourd’hui encore, une place importante non seulement pour sa représentation de la révolution haïtienne, mais aussi comme fondement d’une approche « atlantique » désormais bien établie, selon laquelle il convient de se concentrer sur la circulation des idées et des personnes entre les zones américaine, africaine et européenne, et sur les ramifications compliquées qui lient l’histoire de ces continents. Même si d’importants éléments de l’œuvre de James – notamment sa présentation des gens de couleur libres de Saint-Domingue ou de Victor Hugues comme un mulâtre – paraissent maintenant dépassés, le texte est toujours beaucoup lu et discuté13.

  • 14 Jean Price Mars, « Puissance de la foi religieuse chez les nègres de Saint-Domingue dans l’insurrec (...)

11Après la Seconde Guerre mondiale, les préoccupations de la période antérieure demeurent dans la production historique, mais une connotation sociale nettement plus forte qu’auparavant apparaît. Cela s’explique d’abord par le poids spécifique des revendications sociales dans le cadre des conflits politiques de l’époque. Au même moment, le renouvellement des sciences historiques en France avec l’École des Annales et l’influence du marxisme contribuent à renforcer cette sensibilité. À cela s’ajoute l’apport d’autres sciences sociales, en particulier de l’école ethnologique dont Jean Price Mars (1876-1968) est l’un des fondateurs. Jean Fouchard (1912-1990) et Gérard Laurent participent de leur côté à l’apparition d’une histoire sociale et culturelle haïtienne14.

12En 1961, Aimé Césaire prend le contre-pied de l’histoire coloniale française traditionnelle et poursuit dans la voie initiée par le Trinidadien Cyril James.

  • 15 Aimé Césaire, Toussaint-Louverture : la Révolution et le problème colonial, Paris, Présence africai (...)

Il faut bien que l’on comprenne : il n’y a pas de Révolution française dans les colonies françaises. Il y a dans chaque colonie française une révolution spécifique, née à l’occasion de la Révolution française, branchée sur elle, mais se déroulant selon ses propres lois et avec ses objectifs particuliers. Toutefois, un point commun, le rythme15.

  • 16 Gabriel Debien, « Les travaux d’histoire sur Saint-Domingue, chronique bibliographique », Revue fra (...)

13Cette affirmation est évidemment discutable. À propos de cet ouvrage, Gabriel Debien écrit « des vues pénétrantes, quelques heureuses formules sur le développement de la révolution coloniale […], bref une grande dissertation. Toussaint Louverture a toujours le malheur de rester un sujet à éloquence de couleur historique ; il n’est pas encore un sujet d’histoire »16. Césaire disait pourtant que c’était l’œuvre dont il était le plus fier. De fait, par sa qualité littéraire et les nouvelles problématiques qu’il aborde, cet ouvrage constitue un repère historiographique capital et le point de départ de nouvelles recherches aux Antilles.

  • 17 Jean Fouchard, Les Marrons de la liberté, Paris, Éditions de L’École, 1972 ; Eugène Genovese, From (...)
  • 18 Gabriel Debien, Les colons de Saint-Domingue et la Révolution. Essai sur le club Massiac (août 1789 (...)
  • 19 Gabriel Debien, Jean Fouchard & Marie-Antoinette Menier, « Toussaint Louverture avant 1789. Légende (...)
  • 20 Pour avoir une idée de la controverse, on consultera le compte-rendu de Florence Gauthier, dans Rév (...)
  • 21 Pierre Pluchon, Toussaint-Louverture, de l’esclavage au pouvoir, Paris, Éditions de L’École ; Port- (...)
  • 22 Sudhir Hazareesingh, Toussaint Louverture, Paris, Flammarion, 2020. Voir notre recension de l’ouvra (...)
  • 23 Jacques de Cauna (dir.), Toussaint Louverture et l’indépendance d’Haïti. Témoignages pour un bicent (...)
  • 24 Jean-Louis Donnadieu, Toussaint Louverture, le Napoléon noir, Paris, Belin, 2014 ; Philippe Girard, (...)

14À la suite du père de la négritude, des historiens comme l’Haïtien Jean Fouchard ou l’Américain Eugène Genovese ont estimé que les troubles révolutionnaires n’étaient qu’un épisode inscrit dans le mouvement séculaire de résistance des esclaves au système colonial17. Cette tendance eut pour effet de déconnecter l’histoire des colonies pendant la Révolution de l’histoire générale de la Révolution française. Il faut d’ailleurs noter que pendant de longues années, l’histoire de la colonisation et celle de la Révolution française ont été étanches l’une à l’autre. Dans les années 1960 et 1970, les sources et les thématiques utilisées se diversifient cependant. Les apports de l’École des Annales sont réinvestis dans l’histoire coloniale. Gabriel Debien et Charles Frostin18 se concentrent sur Saint-Domingue pendant la Révolution en s’intéressant aux acteurs blancs ou réputés tels dans les processus révolutionnaires. Debien se révèle le meilleur représentant de l’historiographie française d’alors. Avec Jean Fouchard, issu de la tradition historiographique haïtienne, et l’archiviste Marie-Antoinette Menier, il cosigne un article décisif qui démontre que Toussaint Louverture était libre avant la Révolution19. Dans les années 1980 paraissent les ouvrages très controversés20 de Pierre Pluchon, qui avait collaboré avec Gabriel Debien21. Pluchon y peint le portrait de Toussaint Louverture en homme d’Ancien Régime, politiquement habile et idéologiquement souple. Sudhir Hazareesingh, dans une récente hagiographie de Toussaint Louverture, relègue sans appel Pluchon dans la catégorie de l’historiographie « néo-impériale »22. Malgré la critique, la consultation des ouvrages de Pluchon reste utile en raison de l’abondance de sa documentation et de la nouveauté de ses perspectives. Elles ont du reste été approfondies par Jacques de Cauna23 dans les années 2000. Ce dernier, d’abord spécialiste des colons, s’est intéressé au personnage de Toussaint Louverture en apportant des éléments biographiques nouveaux, à l’instar de Jean-Louis Donnadieu ou de Philippe Girard24.

  • 25 Michel Hector (dir.), La Révolution française et Haïti… op. cit.
  • 26 Laënec Hurbon (dir.), L’insurrection des esclaves de Saint-Domingue (22-23 août 1791), Paris, Karth (...)

15Le manque de moyens alloués à la recherche historique par la crise dramatique que subit Haïti explique certainement le faible nombre des historiens haïtiens écrivant actuellement sur la révolution de Saint-Domingue. Déjà, lors du bicentenaire de 1789, sur les 49 intervenants du colloque organisé à Haïti, on ne comptait que six historiens haïtiens (Michel Hector, Sabine Manigat, Dennery Ménélas, Michel-Rolph Trouillot, Claude et Marcel Auguste25). Une table ronde internationale réunie à Port-au-Prince (8-10 décembre 1997) conduisait au même constat : quatre historiens haïtiens (Claude Moïse, Vertus Saint-Louis, Lahénec Hurbon et Michel Hector) sur 22 participants. Pourtant, l’historiographie de la révolution de Saint-Domingue s’y est profondément renouvelée. Les travaux de la « nouvelle histoire haïtienne » tendent à se débarrasser des scories de l’héroïsation des marrons et à remettre en cause les pères et les mythes fondateurs de la nation haïtienne26.

  • 27 Yves Benot, La Révolution et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1988.
  • 28 Marcel Dorigny (dir.), Léger-Félicité Sonthonax, la première abolition de l’esclavage, la Révolutio (...)

16À la veille du bicentenaire de la Révolution française, Yves Bénot, prenant le contrepied de Césaire, démontra que la question coloniale n’était pas une question distincte, mais au contraire une question étroitement imbriquée au processus révolutionnaire général27. Avec Marcel Dorigny et Bernard Gainot, il crée alors un groupe de recherche consacré aux colonies au sein de l’Institut de la Révolution française, qui deviendra l’APECE (Association pour l’étude de la colonisation européenne, 1750-1850) en 1993. Cette voie historiographique se poursuit et s’amplifie aujourd’hui28.

  • 29 Frédéric Régent, « From individual to Collective Emancipation. War and the Republic in the Caribbea (...)
  • 30 Robin Blackburn, The Overthrow of Colonial Slavery, 1776-1848, New York, Verso, 1988; Julius Scott, (...)
  • 31 Robert Palmer, The Age of Democratic Revolution. A Political History of Europe and America, 1760-18 (...)
  • 32 David Geggus, « The Caribbean in the Age of Revolution », dans David Armitage & Sanjay Subrahmanyam (...)
  • 33 David Geggus, Slavery, War and Revolution. The British Occupation of Saint-Domingue, 1793-1798, Oxf (...)
  • 34 Carolyn Fick, The Making of Haiti. The Saint Domingue Revolution from Below, Knoxville, University (...)
  • 35 Jeremy D. Popkin, You Are All Free! The Haitian Revolution and the Abolition of Slavery, Cambridge (...)
  • 36 John Garrigus, Before Haiti. Race and Citizenship in French Saint-Domingue, Basingstoke, Palgrave M (...)

17Il faut cependant noter une divergence entre la tendance plus hagiographique d’Yves Bénot et Marcel Dorigny envers Toussaint Louverture et l’indépendance haïtienne, et celle plus critique de Bernard Gainot et de l’auteur de ces lignes29. Bénot et Doriginy se sont inscrits dans une perspective30 qui estime que la révolution de Saint-Domingue est partie intégrante des révolutions atlantiques (américaine et française) et dont les représentants anglophones sont les historiens Robin Blackburn, Julius Scott ou Laurent Dubois. Avec eux, ils reprennent l’idée de Robert Palmer et de Jacques Godechot selon laquelle la révolution est un don de l’Atlantique nord aux autres peuples du monde, selon un modèle diffusionniste31 qu’ils appliquent aux Antilles (négligées par Palmer et Godechot). Cette thèse diffusionniste correspond à une réalité : la révolution américaine constitue bien un modèle permettant le développement des idées autonomistes chez les colons et une expérience militaire chez les gens de couleur libres qui participent à la guerre d’Indépendance32. Les esclaves marins ou dockers entrent en contact avec les marins européens ou américains qui véhiculent les idées de liberté. Toutefois, cette vision diffusionniste est contestée par David Geggus avec des arguments forts. Dans son ouvrage publié en 1982, Slavery, War and Revolution, il analyse l’occupation britannique à Saint-Domingue et parvient à ce prisme à présenter une interprétation de la révolution dans sa globalité en exploitant les sources britanniques, d’une importance majeure, mais aussi espagnoles. Depuis cette publication, il a écrit de nombreux articles, dont les plus importants sont réunis dans Haitian Revolutionary Studies. Selon Geggus, l’abolition de l’esclavage, fait essentiel de la révolution de Saint-Domingue, a trois causes majeures : l’insurrection invaincue des esclaves, le déclenchement de la guerre et la présence fortuite d’un abolitionniste radical à la tête de la colonie33. De son côté, Carolyn Fick a aussi contribué au renouvellement de l’historiographie anglophone. Son ouvrage, fondé sur une analyse rigoureuse de sources peu explorées – notamment la série D XXV du Comité des colonies des Archives nationales de France à Paris –, se concentre sur l’histoire mal connue du sud. Fick explore la transition de l’esclavage à la liberté, dans toutes ses contradictions. Son ouvrage constitue un plaidoyer pour l’importance de l’étude des « masses » pendant la révolution34. Plus récemment, Jeremy Popkin a analysé les journées des 20-21 juin 1793, les plus sanglantes de la Révolution française, et l’abolition de l’esclavage à Saint-Domingue. Il éclaire comment des décisions ont été prises à l’improviste, sans que les acteurs aient auparavant déterminé des stratégies cohérentes et délibérées, mais dans la suite de positions initiales décantées en quelque sorte par les conflits et les recompositions politiques. En s’intéressant aux contradictions des acteurs, il propose une histoire qui renonce à chercher systématiquement un sens aux événements35. Une autre référence est désormais incontournable : il s’agit du travail considérable de John Garrigus sur les libres de couleur et leurs trajectoires. Il a montré que ces derniers, métissés, créoles et véritablement américains, à la différence des noirs dont les racines africaines sont toujours très présentes, ont joué un rôle considérable dans la révolution de Saint-Domingue en luttant contre le préjugé de couleur, pour la République et contre le corps expéditionnaire de Leclerc après en avoir fait partie36.

18Aujourd’hui, la tendance historiographique est d’englober, sous le vocable « révolution haïtienne » l’ensemble du processus qui va de 1789 jusqu’à l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804, voire à sa reconnaissance par la France en 1825. Même si la révolution haïtienne reste le plus souvent présentée comme un bloc menant de la révolte des esclaves de 1791 à la déclaration d’indépendance de 1804, l’insurrection servile n’est qu’une cause parmi d’autres de l’indépendance. Cette approche entraîne toutefois le risque, téléologique, de penser que l’indépendance haïtienne est déjà inscrite dans la révolte des esclaves de 1791, en oubliant au passage celle des libres de couleur qui se produit en même temps et le rôle joué par les blancs, qu’ils soient à Saint-Domingue, en métropole et même à l’étranger. Il conviendrait en fait de distinguer la révolution de Saint-Domingue de celle de Haïti. La première est le processus qui se déroule de 1789 à l’arrivée de l’expédition du général Leclerc, en 1802. La seconde est le prolongement de la première qui va de la lutte contre le corps expéditionnaire à la formation de la nation haïtienne.

19Le présent dossier traite de la révolution de Saint-Domingue sous un angle particulier : il s’attache à des individus considérés dans leur intégrité propre ou au sein de leur groupe d’appartenance, revendiqué ou assigné, et suivis, au sein d’une société violente porteuse d’aspirations politiques nouvelles, au fil d’une période faite de bouleversements majeurs qui transforment leurs vies. Ce sont donc les notions de destins historiques, de parcours individuels ou de groupes, de trajectoires personnelles ou collectives, dans ce monde largement métissé, que l’on a souhaité interroger pour rendre toute son importance et sa complexité au vécu historique, irréductible aux oppositions binaires.

  • 37 Je tiens à remercier Alain Chevalier et Hélène Puig pour leur merveilleux accueil au domaine de Viz (...)

20L’histoire des espaces coloniaux et de leur intégration à la dynamique révolutionnaire, notamment à Haïti et à Saint-Domingue, a donc reçu une attention soutenue et diversifiée ces dernières décennies. Dans la continuité des recherches récentes qui s’intéressent aux personnes, les contributeurs à ce dossier, fondé sur des communications présentées lors du colloque « Croisements, métissages, trajectoires. Vivre la Révolution des colonies (1774-1804) » qui s’est au domaine de Vizille du 27 au 29 septembre 202337, proposent des portraits d’individus ou de groupes. Comment ont-ils vécu cette période à nulle autre pareille de 1789 à 1804, quand un vent de la liberté bouleverse leur monde ? Qu’en est-il de chacun et de chacune en particulier ? Comment ces destins se sont-ils croisés ? Est-ce une ambition démesurée que d’essayer de retrouver ces vies pour en raconter les transformations ? N’est-il pas temps, au contraire, d’aborder ces existences pour elles-mêmes et de les appréhender dans leur force, leur fragilité, leur humanité pleine et intègre ?

21Certains de ces individus sont des esclaves, d’autres des libres de couleur. Certains passent du statut d’esclave à celui de libre et même de citoyen. Certains sont des grands blancs, d’autres des petits blancs. Ils sont planteurs, diplomates, journalistes, artisans, marchands, cultivateurs, militaires ou civils. Certains sont pour l’esclavage et le préjugé de couleur et d’autres pour leurs abolitions. Tous agissent au gré des circonstances, se renient ou s’allient. Un même but à atteindre entraîne parfois des choix tactiques divergents. Il s’agit à la fois de tenter de comprendre les choix individuels dans le cadre des dynamiques de groupes et aussi comment une décision d’un individu peut modifier le comportement d’un groupe.

22Les colonies posent dès 1789 une question éminemment politique : s’agit-il de territoires spécifiques ou bien de parties intégrantes du territoire national ? L’enjeu est pensé au prisme des conséquences sur l’ordre social que pourraient avoir, dans les colonies, l’application des mêmes principes qu’en France. Constituée le jour du vote de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui affirme l’égalité et la liberté entre les hommes à la naissance, le club Massiac repousse, dès ses premières séances, tout rapprochement avec les propriétaires libres de couleur. Aux côtés des places de commerce des villes portuaires, il prend part à un système de surveillance et de contrôle dirigé contre les gens de couleur qui s’organisèrent politiquement pour obtenir l’égalité de tous les libres. Sonia Taleb montre dans sa contribution que loin de déclencher un réflexe de cohésion entre les planteurs absentéistes face à la perspective de bouleversements, ceux-ci se divisent sur la stratégie à employer entre ceux qui sont députés à l’assemblée constituante et ceux qui sont opposés à toute représentation des planteurs et favorables à la mise en place d’assemblées coloniales autonomes, plaçant ainsi les colonies en dehors du champ d’application de la Constitution de 1791. Le club Massiac, radicalement opposé aux libres de couleur, est considéré comme défenseur des planteurs aristocrates et du « despotisme ministériel » et provoque une scission entre les blancs, ce qui est un facteur d’aggravation des tensions à Saint-Domingue entre administration coloniale et colons autonomistes, entre aristocrates et patriotes blancs. Ces derniers, comme le montre la contribution de Rémi Cattarin et d’Antonin Quazzo dit Watts, sont bientôt identifiés à la « couleur-classe » des « petits blancs », expression qui apparaît pendant la révolution de Saint-Domingue. À Saint-Domingue, les petits blancs qui s’opposent aux aristocrates, vouent au gré des événements et selon les lieux une haine grandissante à l’égard des libres de couleur, souvent leurs concurrents économiques en ville.

23Le développement de l’insurrection des esclaves commencée dans la province du nord de Saint-Domingue et de celle des libres de couleur dans les provinces du sud et de l’ouest, toutes deux commencées en août 1791, reconfigurent les alliances, mais selon une chronologie et une spatialisation différenciées. Des rapprochements entre libres de couleur et blancs s’opèrent dans certains lieux, dans d’autres les tensions s’exacerbent. Preuve que les choix personnels, les circonstances et les lieux jouent un rôle dans les choix politiques, libres de couleur et petits blancs s’allient en Guadeloupe pour mettre en place la République, alors qu’à Saint-Domingue ce sont les aristocrates qui s’accordent aux gens de couleur libres. La contribution de Pierre-Emmanuel Faux, en étudiant la trajectoire personnelle de Pierre Dumontellier, un planteur blanc de condition intermédiaire, qui choisit la cause des petits blancs, illustre la complexité des choix personnels. Il montre les divisions politiques entre blancs. Dumontellier appartient au camp patriote opposé aux droits politiques pour les libres de couleur. Pour autant, sa correspondance soutient implicitement l’égalité politique entre tous les libres. Les circonstances l’amènent à lutter contre les libres de couleur et l’entraînent à participer au mouvement contre-révolutionnaire du 20 juin 1793 du Cap-Français.

24Cette journée révolutionnaire est complexe à analyser. La contribution d’Andy Cabot montre comment le ministre plénipotentiaire de la France aux États-Unis, Edmond-Charles Genet, perçoit l’événement. Il prend fait et cause pour les commissaires civils Sonthonax et Polverel qui ont décidé de donner la liberté à tous les esclaves qui combattent pour la République. Le journaliste Claude Milscent, blanc créole de Saint-Domingue, marié à une femme de couleur libre, présenté dans la contribution de Jeremy Popkin, comprend difficilement l’événement, qu’il nie dans un premier temps. Les commissaires civils de Saint-Domingue qui abolissent l’esclavage en août 1793 sont accusés d’être des proches de Brissot, tandis que des esclavagistes comme Page et Brulley sont influents chez les Montagnards. Milscent se félicite et commente l’abolition de l’esclavage par la Convention du 4 février 1794, mais victime de la lutte des factions, finit par être guillotiné le 26 mai 1794. La lecture de ce qui se passe dans les colonies se fait au prisme des affrontements politiques qui ont lieu à Paris. Un autre journaliste et écrivain, métis originaire de l’océan Indien, Pierre-François Barbault‑Royer, étudié dans la contribution de Huguette Krief, participe à la journée du 20 juin 1793 en tant que secrétaire du général François-Thomas Galbaud, gouverneur de Saint-Domingue. Ce dernier se présente comme un farouche jacobin tout en étant un riche planteur créole et se retrouve à la tête d’une insurrection de petits blancs contre les libres de couleur et les représentants officiels de la République. Barbault-Royer se dissocie de Galbaud et reste fidèle aux principes républicains en faveur de l’égalité et de la liberté de tous les hommes de couleur. Il revient à Saint-Domingue et constate qu’une fois l’abolition de l’esclavage appliquée, une division s’est effectuée entre les « mulâtres » (anciens libres de couleur métissés) et les noirs (souvent d’anciens esclaves et quelquefois des noirs libres, à l’instar de Toussaint Louverture). Barbault-Royer défend le parti des « mulâtres » contre le général noir Toussaint Louverture, ancien chef de l’insurrection des esclaves, passé du service du roi d’Espagne à celui de la République en mai 1794. Il ne faut pas résumer ces désunions entre couleurs à un affrontements entre « mulâtres » et « noirs » qui sont certes les couleurs des chefs, mais pas forcément celles de tous les états-majors et de toutes les troupes. La contribution de Bernard Gainot montre que les députés de Saint-Domingue à la Convention, aux Conseil des Cinq-Cents et au Conseil des Anciens qui sont blancs, métissés ou noirs font des choix politiques indépendants de leur couleur. Certains sont d’anciens esclaves affranchis, d’autres des libres de naissance, certains d’anciens propriétaires d’esclaves et d’autres des abolitionnistes. Ces députés se déchirent entre partisans et opposants à Toussaint Louverture. Le général Laveaux soutient celui-ci alors que Sonthonax, les députés noirs Belley, Mentor et les autres députés métissés considèrent la pratique du pouvoir de Toussaint Louverture comme trahissant la République.

25Les choix individuels ne dépendent donc pas de la couleur-statut antérieure à la liberté générale. La contribution de Vincent Cousseau montre la place qu’occupe les blancs dans le contexte de domination de la partie nord de Saint-Domingue par le général noir Toussaint Louverture à partir de 1798 et du sud par le général mulâtre André Rigaud, ancien chef des libres de couleur. Après la victoire de Toussaint Louverture, les blancs se croient protégés par ce dernier. Pourtant, lorsque l’expédition du général Leclerc chargé par Napoléon Bonaparte de mettre fin au pouvoir de Toussaint Louverture arrive à Saint-Domingue en février 1802, le général noir ordonne le massacre ou la prise en otage des blancs. Les « mulâtres » ou hommes de couleur du sud accompagnent Leclerc et permettent sa victoire. En mai 1802, Toussaint Louverture, abandonné par ses seconds doit se soumettre et est déporté en métropole pour être emprisonné dans le fort de Joux dans le Doubs. La révolution de Saint-Domingue semble alors finie. Mais un nouveau retournement d’alliance se fait en octobre 1802 : les « hommes de couleur » se retournent contre le corps expéditionnaire et la révolution haïtienne finit par aboutir à l’indépendance de la partie française de Saint-Domingue qui prend le nom d’Haïti le 1er janvier 1804. La vie de ces personnes réelles a inspiré les littératures française et haïtienne du xixe siècle, donnant naissance à des personnages de fiction analysés par la contribution de Silvia Boraso. L’enjeu reste d’écrire l’histoire de la révolution de Saint-Domingue à travers le jeu des acteurs, qu’ils agissent individuellement ou en groupe.

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Notes

1 David Geggus, « Sugar and coffee cultivation in Saint-Domingue and the shaping of the slave labor force », dans Ira Berlin & Philip D. Morgan, Cultivation and Culture. Labor and the Shaping of Slave Life in Americas, Charlotteville, University of Virginia Press, 1993, p. 73-98.

2 Frédéric Régent, Esclavage, métissage, liberté. La Révolution française en Guadeloupe (1789-1802), Paris, Grasset, 2004, p. 25.

3 Proportion élaborée à partir des chiffres donnés par Jacques Houdaille dans « Les esclaves dans la zone d’occupation anglaise de Saint-Domingue », Population, no 1, 1971, p. 153.

4 Frédéric Régent, « Du préjugé de couleur au préjugé de race, le cas des Antilles françaises », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 68, no 3, 2021, p. 64-90.

5 Christian Schnakenbourg, L’économie de plantation aux Antilles françaises, Paris, L’Harmattan, 2021, p. 224.

6 Claude B. & Marcel B. Auguste, Ouragan sur la Caraïbe, Québec, Éditions du Cdhica, 2007, p. 39.

7 Philippe Albert de Lattre, Campagnes des Français à Saint-Domingue et réfutation des reproches faits au capitaine-général Rochambeau, Paris, Locard, an XIII [1805] ; Alexandre de Laujon, Précis historique de la dernière expédition de Saint-Domingue, depuis le départ de l’armée des côtes de France jusqu’à l’évacuation de la colonie. Suivi des moyens de rétablissement de cette colonie, Paris, Chez Delafolie, an XIII [1805] ; F. Mazières (secrétaire de l’amiral Bruix), De l’utilité des colonies, des causes intérieures de la perte de Saint-Domingue et des moyens d’en recouvrer la possession, Paris, Renard, 1814.

8 Pompée-Valentin de Vastey, Essai sur les causes de la révolution et des guerres civiles d’Hayti, faisant suite aux Réflexions politiques sur quelques ouvrages et journaux français concernant Hayti, À Sans-Souci (Port-au-Prince), de l’Impr. royale, 1819, an 16e de l’Indépendance.

9 Pamphile de Lacroix, Mémoires pour servir à l’histoire de la révolution de Saint-Domingue, 2 vol, Paris, Pillet aîné, 1819.

10 Antoine Métral, Histoire de l’expédition des Français à Saint-Domingue sous le consulat de Napoléon Bonaparte, suivis des mémoires et notes d’Isaac Louverture, sur la même expédition et sur la vie de son père, Paris, Fanjat aîné, 1825 ; Victor Schoelcher, Vie de Toussaint Louverture, Paris, Paul Ollendorft, 1889.

11 Thomas Madiou, Histoire d’Haïti, 5 vol. , Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 1989 [1847-1848] ; Beaubrun Ardouin, Études sur l’histoire d’Haïti, 11 vol. , Port-au-Prince, Dalencour, 1958 [1853-1865] ; Joseph Saint-Rémy, Mémoires du général Toussaint L’Ouverture, écrits par lui-même, pouvant servir à l’histoire de sa vie, précédés d’une étude historique et critique, suivis de notes et renseignements, avec un appendice contenant les opinions de l’Empereur Napoléon Ier sur les événements de Saint-Domingue, Paris, Pagnerre, 1853.

12 Henry de Poyen-Bellisle, Histoire militaire de la Révolution de Saint-Domingue, Paris ; Nancy, Berger-Levrault, 1899.

13 Cyril Lionel Robert James, Les Jacobins noirs. Toussaint Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, Paris, Gallimard, 1949 [1938].

14 Jean Price Mars, « Puissance de la foi religieuse chez les nègres de Saint-Domingue dans l’insurrection générale des esclaves de 1791 à 1803 », Revue d’histoire des colonies françaises, no 41, 1954, p. 5-13 ; Gérard Laurent, Coup d’œil sur la politique de Toussaint Louverture, Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 1949 ; Jean Fouchard, Les Marrons du syllabaire. Quelques aspects du problème de l’instruction et de l’éducation des esclaves et affranchis de Saint-Domingue, Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 1953.

15 Aimé Césaire, Toussaint-Louverture : la Révolution et le problème colonial, Paris, Présence africaine, 1961, p. 24.

16 Gabriel Debien, « Les travaux d’histoire sur Saint-Domingue, chronique bibliographique », Revue française d’Histoire d’Outre-Mer, no 171, 1961, p. 266-305.

17 Jean Fouchard, Les Marrons de la liberté, Paris, Éditions de L’École, 1972 ; Eugène Genovese, From Rebellion to Revolution. Afro-American Slave Revolts in the Making of Modern World, Bâton-Rouge, Louisiana State University Press, 1979.

18 Gabriel Debien, Les colons de Saint-Domingue et la Révolution. Essai sur le club Massiac (août 1789-août 1792), Paris, 1953 ; Charles Frostin, Les révoltes blanches à Saint-Domingue aux xviie et xviiie siècles, Paris, Éditions de L’École, 1975.

19 Gabriel Debien, Jean Fouchard & Marie-Antoinette Menier, « Toussaint Louverture avant 1789. Légendes et réalités », Conjonction, no 134, 1977, p. 65-80.

20 Pour avoir une idée de la controverse, on consultera le compte-rendu de Florence Gauthier, dans Révolutions aux colonies, Paris, Publication des Annales historiques de la Révolution française, 1993, p. 220-222 et Lucien René Abenon, « Toussaint Louverture vu par l’historien Pierre Pluchon », dans Michel Hector (dir.), La Révolution française et Haïti, filiations, ruptures, nouvelles dimensions, 2 vol. , Port-au-Prince, Société haïtienne d’Histoire et de Géographie ; Éditions Henri Deschamps, 1995, p. 279-288.

21 Pierre Pluchon, Toussaint-Louverture, de l’esclavage au pouvoir, Paris, Éditions de L’École ; Port-au-Prince, Éditions Caraïbes, 1979 ; Id., Toussaint Louverture, un révolutionnaire noir d’Ancien Régime, Paris, Fayard, 1989.

22 Sudhir Hazareesingh, Toussaint Louverture, Paris, Flammarion, 2020. Voir notre recension de l’ouvrage dans les Annales historiques de la Révolution française, vol. 408, no 2, 2022, p. 209-212.

23 Jacques de Cauna (dir.), Toussaint Louverture et l’indépendance d’Haïti. Témoignages pour un bicentenaire, Paris, Éd. Karthala & SFHOM, 2004 ; Id., Toussaint Louverture. Le grand précurseur, Bordeaux, Éditions Sud-Ouest, 2012.

24 Jean-Louis Donnadieu, Toussaint Louverture, le Napoléon noir, Paris, Belin, 2014 ; Philippe Girard, Ces esclaves qui ont vaincu Napoléon. Toussaint Louverture et la guerre d’indépendance haïtienne, Rennes, Les Perséides, 2012.

25 Michel Hector (dir.), La Révolution française et Haïti… op. cit.

26 Laënec Hurbon (dir.), L’insurrection des esclaves de Saint-Domingue (22-23 août 1791), Paris, Karthala, 2000 ; Leslie Manigat, Éventail d’histoire vivante d’Haïti, des préludes à la révolution de Saint-Domingue jusqu’à nos jours (1789-1999). Une contribution à « la nouvelle histoire » haïtienne, Port-au-Prince, Chudac, 2001 ; Claude Moïse (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution haïtienne, 1789-1804, Montréal, Cidhica, 2003 ; Vertus Saint-Louis, Mer et liberté, Haïti (1492-1794), Port-au-Prince, Fokal, 2009.

27 Yves Benot, La Révolution et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1988.

28 Marcel Dorigny (dir.), Léger-Félicité Sonthonax, la première abolition de l’esclavage, la Révolution française et la révolution de Saint-Domingue, Paris, SFHOM, 1997 ; Id. (dir.), Les abolitions de l’esclavage, de L. F. Sonthonax à V. Schoelcher, Vincennes, Presses universitaires de Vincennes, 1998 ; Yves Bénot et Marcel Dorigny (dir.), Rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises. Ruptures et continuités de la politique coloniale française (1800-1830). Aux origines de Haïti, Paris, Maisonneuve & Larose, 2003 ; Frédéric Régent, « Pourquoi faire l’histoire de la Révolution par les colonies ? », dans Jean-Luc Chappey et al., Pourquoi faire la Révolution ?, Marseille, Agone, 2012, p. 51-81.

29 Frédéric Régent, « From individual to Collective Emancipation. War and the Republic in the Caribbean during the French Revolution », dans Pierre Serna, Antonino de Francesco & Judith Miller (ed.), Republics at War (1776-1840), Basingstoke, Palgrave MacMillan, 2013, p. 165-186 ; Frédéric Régent, Jean-François Niort, Pierre Serna (dir.), Les colonies, la Révolution française, la Loi, Rennes, PUR, 2014 ; Bernard Gainot, La révolution des esclaves. Haïti, 1763-1803, Paris, Vendémiaire, 2017.

30 Robin Blackburn, The Overthrow of Colonial Slavery, 1776-1848, New York, Verso, 1988; Julius Scott, « The Common Wind. Currents of Afro Americans Communication in the Era of Haitian Revolution », PhD, Duke University, 1986 ; Laurent Dubois, Avengers of the New World. The Story of the Haitian Revolution, Cambridge, HUP, 2004 (traduit en français sous le titre Les vengeurs du Nouveau Monde. Histoire de la révolution haïtienne, Rennes, Les Perséides, 2006).

31 Robert Palmer, The Age of Democratic Revolution. A Political History of Europe and America, 1760-1800, 2 vol. , Princeton, PUP, 1959 & 1964.

32 David Geggus, « The Caribbean in the Age of Revolution », dans David Armitage & Sanjay Subrahmanyam (dir.), The Age of Revolutions in Global Context, c. 1760-1840, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2009, p. 95 ; Olivier Pétré-Grenouilleau fait le point sur les débats historiographiques dans « Révoltes et révolutions (1773-1802) : le prisme de l’esclavage colonial », dans Jean-Pierre Poussou (dir.), Le bouleversement de l’ordre du monde, Paris, SEDES, 2004, p. 253-294.

33 David Geggus, Slavery, War and Revolution. The British Occupation of Saint-Domingue, 1793-1798, Oxford, Clarendon Press, 1982 ; Id., Haitian Revolutionary Studies, Bloomington, Indiana University Press, 2002.

34 Carolyn Fick, The Making of Haiti. The Saint Domingue Revolution from Below, Knoxville, University of Tennessee Press, 1990 (traduit en français sous le titre Haïti, naissance d’une nation. La révolution de Saint-Domingue vue d’en bas, Rennes, Les Perséides, 2013).

35 Jeremy D. Popkin, You Are All Free! The Haitian Revolution and the Abolition of Slavery, Cambridge (Mass.), CUP, 2010.

36 John Garrigus, Before Haiti. Race and Citizenship in French Saint-Domingue, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2006.

37 Je tiens à remercier Alain Chevalier et Hélène Puig pour leur merveilleux accueil au domaine de Vizille-Musée de la Révolution française. Je tiens en outre à remercier Pierre Serna avec qui j’ai organisé ce colloque. Nous l’avions dédié à la mémoire de l’historien Jean-Pierre Sainton, disparu en août 2023. Qu’il en soit de même pour ce dossier.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Frédéric Régent, « Vivre la Révolution de Saint-Domingue, 1789-1804 : introduction »La Révolution française [En ligne], 27 | 2025, mis en ligne le 20 janvier 2025, consulté le 18 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/lrf/9092 ; DOI : https://doi.org/10.4000/1346a

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Auteur

Frédéric Régent

IHMC
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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