L’Atlas interactif de l’ONG Urgence Eau à Bouaké (Côte d’Ivoire)
Plan
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URL de l’application : https://thomacarto.github.io/atlasUECI/ ou http://urgenceeau.com
1L’Atlas interactif Eau potable et Assainissement dans la région de Bouaké en Côte d’Ivoire est un portail de géovisualisation au service de la population et des acteurs locaux. Il donne accès aux données recueillies en 2018-2019 par l’équipe d’Urgence Eau Côte d’Ivoire lors d’une vaste enquête portant sur l’accès à l’eau potable et à l’assainissement dans la région de Bouaké. Cet atlas a été réalisé par l’ONG Urgence Eau avec le soutien de la Région Normandie à travers l’initiative Normandie pour la Paix. L’enquête visait à caractériser l’accès à l’eau potable et aux équipements d’assainissement des habitants en milieu rural et urbain après une grave crise en 2018. En effet, au plus fort de la saison sèche, le réseau de distribution de l’eau potable a été coupé pendant plus de 4 mois. Cette crise constitue l’apogée d’une dégradation des équipements consécutive à 10 années de crises militaro-politiques qui ont retardé l’extension et l’entretien du réseau existant. Face aux nombreuses défaillances du réseau public, les habitants de la région se sont, de longue date, équipés de points d’eau alternatifs : puits, forages et étendues d’eau libre. Facteur de résilience majeur, ces points d’eau sont pourtant méconnus et leur qualité ne fait l’objet d’aucun contrôle. C’est pour combler ce manque que cette enquête et l’atlas interactif ont été mis en œuvre.
2L’objectif principal de cette application est de constituer une interface permettant à un public de connaisseurs (agent de l’État et des collectivités, acteurs privés de l’eau, ONG ou entreprise) de s’approprier les données recueillies pour planifier des interventions de rénovation des équipements alternatifs afin d’améliorer la résilience de la région en cas de coupure du réseau. Dans un second temps, l’ambition de cet outil de diffusion d’information est de s’adresser à un public plus large, moins expert, celui des habitants et des représentants communautaires (notables, responsables associatifs, représentants religieux) afin de les impliquer dans les processus de décision concernant la réhabilitation ou la création de points d’eau, puisque ce sont eux les utilisateurs et gestionnaires finaux. Ces objectifs nécessitent d’assurer une médiation auprès de ces différents publics des savoirs experts et de l’expertise des habitants que nous avons collectés. Cet atlas interactif sert ainsi de support pour des ateliers de concertation multi-acteurs visant à élaborer conjointement avec les habitants et les acteurs de l’eau des programmes de sensibilisation, de réhabilitation et de création d’équipements.
Constitution de la base de données
3En l’absence de données sur ces points d’eau alternatifs au réseau public, l’étude préalable de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement a été menée dans 62 localités : 8 quartiers de Bouaké et 54 villages aux alentours. L’enquête comprend deux volets :
-
un volet technique : l’analyse de l’état des points d’eau et de la qualité de l’eau ;
-
un volet socio-anthropologique : le recueil des avis, desiderata et l’analyse des rapports à l’eau et des modes de gestion des points d’eau.
Milieu |
Localités |
Volet technique |
Volet socio-anthropologique |
Urbain |
8 quartiers |
177 points d’eau |
450 entretiens |
Rural |
54 villages |
94 points d’eau |
216 entretiens |
4Cette enquête aboutit à une base de données géolocalisées apportant des informations sur l’accès à l’eau potable et à l’assainissement dans le voisinage de Bouaké.
Interface de l’Atlas interactif
5L’Atlas interactif présente les informations sous la forme de cartes interactives et de fiches de synthèse par localité. Les informations sont accessibles via deux pages Web différentes :
Page Diagnostic Localités
6Elle permet d’accéder aux données recueillies à l’échelon des localités. On y trouve des informations mobilisables pour planifier des interventions concrètes : niveau d’équipement de la localité, type de voie d’accès au point d’eau (route carrossable ou piste impraticable pour un camion), mode de gestion locale des points d’eau, problèmes de gestion ou conflits d’usage potentiels.
7Chaque localité fait aussi l’objet d’une fiche type présentant de manière synthétique un diagnostic des équipements d’accès à l’eau potable et d’assainissement, leur mode de gestion et les problèmes de gestion et conflits d’usage potentiels.
Page Diagnostic Points d’eau
- 1 Les modes d’exhaure regroupent l’ensemble des outils et technique utilisé pour extraire l’eau d’une (...)
8La seconde page présente les résultats des diagnostics de chaque point d’eau. Les points d’eau affichés sur la carte peuvent être filtrés en fonction de leur type : forage, puits ou eau libre et du mode d’exhaure1. Les résultats des analyses physico-chimiques et biologiques sont représentés avec un figuré simple (vert = conforme aux normes de l’Organisation mondiale de la Santé, rouge = non conforme). Enfin, en sélectionnant un point d’eau, on affiche l’ensemble des éléments mesurés et observés lors du diagnostic sous la forme d’un extrait de la table attributaire.
9Le site Internet permet, en outre, de télécharger l’ensemble des données et des rapports thématiques de synthèse pour les décideurs rédigés par l’équipe d’Urgence Eau via l’onglet Informations.
Caractéristiques techniques
10Le contexte du projet imposait un certain nombre d’exigences et de contraintes. D’une part, le site devait être léger, car la connexion dans la région de Bouaké n’est pas très performante. D’autre part, les données devaient être compréhensibles pour le grand public. Enfin, le financement de cette enquête était ponctuel, il n’était pas prévu de créer un observatoire mettant à jour régulièrement les observations recueillies, aussi, il n’y avait pas la nécessité d’anticiper la mise à jour des données.
11Par conséquent, c’est un site statique de conception très simple, puisqu’il est écrit en HTML/CSS et chargé par le biais du générateur de site statique Pelican2 basé sur des scripts Python et hébergé sur Github. L’ensemble du site pèse seulement 400 Mo, principalement du fait des photographies réalisées lors des diagnostics techniques. L’affichage des cartes interactives utilise la bibliothèque JavaScript Leaflet3. La base de données d’origine a été convertie en fichiers GeoJSON.
12Cette dimension statique du site, si elle facilite l’usage de l’atlas lors des ateliers de concertation et sa consultation sur un simple smartphone par les habitants, est aussi l’un de ses défauts. Pour mettre à jour les données, il faut modifier le fichier GeoJSON via un logiciel SIG de bureau comme QGIS ou via l’application geojson.io4 avant de régénérer l’ensemble du site.
13L’ensemble des données sont cartographiées sur un fond de carte formé de tuiles OpenStreetMap. Les enquêtes de terrains furent ainsi l’occasion de compléter et de corriger certains éléments sur OSM, notamment en milieu rural.
14Synthèse des caractéristiques techniques :
Caractéristique du site Internet |
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Type de site Internet |
Site statique |
Générateur de site statique |
Pelican static site generator |
Hébergement |
GitHub |
Publication |
GitHub page |
Cartographie |
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Cartographie interactive |
Bibliothèque JavaScript Leaflet |
Fonds de carte |
Tuiles OpenStreetMap |
Format de base de données |
GeoJson |
Les applications concrètes et perspectives
15À l’heure actuelle, Urgence Eau Côte d’Ivoire a mené une dizaine d’ateliers de concertation, elle a réhabilité et construit cinq points d’eau. Parmi les résultats, l’atlas a permis une appropriation des projets par des collectifs en marge des arènes de décisions habituelles (associations des femmes), et le ministère de l’hydraulique envisage de mandater l’ONG pour d’autres diagnostics. Il démontre que les données géographiques sont un puissant moteur de connaissance d’un territoire et d’engagement des citoyens lorsqu’il y a une interface qui permet d’en faire la médiation. Mais un atlas interactif est surtout un puissant support d’intelligence collective lorsqu’il est mobilisé en situation avec les personnes concernées. Le rôle de médiateur du cartographe/géomaticien est donc ici fondamental.
16À ce titre, nous avons pu observer lors des ateliers de concertation une rapide appropriation de cet outil par les associations de femmes. Celles-ci se sont connectées à l’atlas grâce à leurs téléphones portables et se sont rapidement familiarisées avec la navigation sur les cartes. Le fond de carte d’OSM semble faire figurer des points de repère pertinents (nom de rue, localisation des édifices religieux et des services publics…). Les femmes sont les principales personnes concernées par la recherche de l’eau potable, c’est elles qui vont chercher l’eau pour le foyer le matin et elles font la queue, parfois, plusieurs heures. Or, elles sont rarement présentes dans les instances de décisions. Dans le quartier de Tolakouadiokro, en particulier, les représentantes des associations de femmes ont participé activement à l’atelier que nous avions organisé. En s’appuyant sur l’atlas, elles ont proposé de rénover les deux points d’eau les plus fréquentés par les femmes du quartier. Il y a eu un débat avec les autres représentants sur l’un des points d’eau retenus. Elles ont finalement obtenu gain de cause.
17Toutefois, l’atlas est perfectible, il mériterait en particulier d’avoir une conception plus adaptative — responsive design — qui rende confortable la consultation sur tout type de dispositif, notamment sur smartphone. Cet atlas s’inscrit dans un projet plus large de création d’un système de gestion de contenu orienté vers la création plus intuitive d’atlas interactif. Internet nous a offert des supports d’échange et de diffusion d’information totalement inédits : encyclopédie participative, cartes topographiques open source, médias sociaux, blogs. Il serait intéressant de développer un outil simple d’utilisation pour des novices permettant de mettre en valeur les nombreuses bases de données géographiques produites par des ONG sous la forme d’atlas interactif. C’est dans cette optique que le code source de ce travail a été mis à disposition de tous sur GitHub.
Notes
1 Les modes d’exhaure regroupent l’ensemble des outils et technique utilisé pour extraire l’eau d’une nappe souterraine soit par le biais d’un puits ou d’un forage : puisette au bout d’une corde fixée ou non à une poulie, pompe à main ou à pied ou pompe motorisée. Le mode d’exhaure à un impact significatif sur la qualité de l’eau puisqu’il peut favoriser la contamination de la nappe lorsque la puisette est souillée ou lorsque le point d’eau est ouvert.
2 https://docs.getpelican.com/en/latest/
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | Figure 1. La page d’accueil de l’atlas interactif |
URL | http://journals.openedition.org/mappemonde/docannexe/image/6268/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 275k |
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Titre | Figure 2. La page de diagnostic par localités |
URL | http://journals.openedition.org/mappemonde/docannexe/image/6268/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 269k |
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Titre | Figure 3. Fiche descriptive du village d’Assengou Kan |
URL | http://journals.openedition.org/mappemonde/docannexe/image/6268/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 232k |
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Titre | Figure 4. La page de diagnostic par points d’eau |
URL | http://journals.openedition.org/mappemonde/docannexe/image/6268/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 343k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Thomas Maillard, Oscar Brou et Doba Soro, « L’Atlas interactif de l’ONG Urgence Eau à Bouaké (Côte d’Ivoire) », Mappemonde [En ligne], 131 | 2021, mis en ligne le 08 juillet 2021, consulté le 18 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/mappemonde/6268 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mappemonde.6268
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