1À partir de l’été 2015, la crise migratoire qu’a connue l’Europe, ou plutôt devrait-on parler d’une crise de l’asile1, a mis en évidence les difficultés des États membres de l’Union européenne à exercer leur fonction de pays d’accueil. Si l’opinion publique a pu, dans certains pays, tendre vers la fermeture des frontières aux demandeurs d’asile, cela ne saurait éclipser pour autant toute l’inventivité des bénévoles ou plus largement des citoyens européens favorables à l’accueil. Ceux-ci empruntent à un large répertoire d’actions visant à faciliter l’admission des migrants et demandeurs d’asile au sein des frontières de l’Union européenne, ou à simplifier leur vie quotidienne une fois qu’ils sont admis sur le sol européen. Outre le don en nature et en espèces, souvent centralisé par des associations et des organisations non gouvernementales, s’offre ainsi au bénévole la possibilité de répondre à des appels à la générosité relayés sur des sites Internet, où, après la lecture de courts textes appelant à la mobilisation, le donateur est invité à verser une somme d’argent à un collectif chargé ensuite de le redistribuer aux étrangers en question. Tandis que l’appel au don est largement accessible grâce aux ressources numériques, celles-ci permettent aussi de cartographier plus aisément les initiatives de solidarité envers ces étrangers, en identifiant les actions menées localement en leur faveur.
- 2 Sur la chronologie de ces migrations vers la France, voir Noiriel, 1998, et Diaz, 2014.
2Par comparaison, les modes de mobilisation en faveur des exilés étrangers établis dans la France du premier xixe siècle étaient certes plus complexes et moins immédiats, mais n’en étaient pas moins puissants. L’appel à la générosité des Français pour les exilés, qu’ils aient été ou non reconnus comme « étrangers réfugiés » par le ministère de l’Intérieur qui attribuait alors à ceux-ci des secours réguliers, pouvait adopter la forme de la « souscription ». C’est ce type de mobilisation en faveur des exilés politiques étrangers, qui constitue une modalité d’engagement parmi bien d’autres, que cet article se propose d’éclairer. Comment pouvait-on par l’écrit et par le don se mobiliser en faveur d’étrangers persécutés, jugés dignes de l’assistance de l’État et de l’aide de simples particuliers, à une époque où les exilés qui gagnaient le sol français étaient à la fois jugés nombreux, issus de courant politiques divers et parfois opposés entre eux, venus de tout le continent européen et même au-delà2 ?
3Éclairer la souscription comme mode de mobilisation et d’assistance au bénéfice d’étrangers nous amène à réinscrire cette pratique dans les plus vastes usages qui en étaient faits en France sous la Restauration et la monarchie de Juillet. Emmanuel Fureix rappelle ainsi combien celle-ci était alors largement et intensément utilisée :
- 3 Fureix, 2009, pp. 365-366.
[L]a souscription publique, soustraite à toute législation avant 1884, connaît l’un de ses moments les plus intenses sous les monarchies censitaires. Elle devient alors une pratique politique ordinaire, analogue à sa façon à la pétition, à la croisée de l’individu et du collectif, de l’informel et de l’organisé, du local et du national. Si elle est à l’origine encouragée par les pouvoirs, elle s’intègre au fil des années 1820 à une culture protestataire3.
4Véritable « catalyseur d’émotions4 », la souscription apparaît comme l’un de ces espaces alternatifs du politique que le présent dossier se propose ici d’explorer, dans lequel les donateurs, qui appartenaient ou non au cercle fermé des électeurs censitaires, se ménageaient des marges d’action qu’ils ne pouvaient avoir à travers la citoyenneté électorale.
- 5 Barau, 2009, p. 81.
- 6 Ibid., p. 82.
- 7 Ibid.
5Cette étude porte sur un type de souscriptions particulier, à savoir celles organisées sous la monarchie de Juillet au bénéfice d’exilés et de réfugiés politiques étrangers. Pour comprendre la vogue qu’ont connue ces souscriptions dans les années 1830 et 1840 en France, il faut néanmoins faire un détour par les années 1820, marquées par le succès qu’ont rencontré les comités philhellènes. De premières souscriptions pour les Grecs ont été lancées dès 1821, comme celle relayée à l’automne de cette année par Ambroise Firmin-Didot. Mais c’est le « comité de Paris », – comité philhellène fondé en 1825 dans la capitale et qui avait pour dénomination officielle le « Comité central de la Société philanthropique en faveur des Grecs », – qui a été à l’origine de la principale campagne nationale de souscription au profit des Grecs. Denys Barau a bien montré l’existence d’un « lien presque consubstantiel5 » entre la création des comités philhellènes et le recours à la souscription, « forme d’appel à la générosité publique6 » bien rodé, qui appartenait au « répertoire de l’action philanthropique depuis les années 17807 ». Les enquêtes menées sur les souscriptions organisées au profit des Grecs dans les années 1820 révèlent l’importance du phénomène ; leurs résultats peuvent offrir un utile point de comparaison pour l’étude des souscriptions organisées pour des exilés étrangers entre les années 1830 et 1840, parmi lesquelles les souscriptions polonaises ont nettement prédominé. Pourquoi certains Français décidaient-ils alors de s’engager pour la cause d’étrangers en exil, et quel sens ce geste pouvait-il avoir, entendu dans un cadre politique local, national, international ? Comment les donateurs français organisaient-ils matériellement leurs dons, et quel type de dépenses servaient-ils à financer ? On s’interrogera enfin sur les souscripteurs qui engageaient des fonds au profit du soutien aux réfugiés, en s’intéressant tout particulièrement à deux catégories d’individus alors écartés de l’exercice du droit de vote, les femmes et les membres des classes populaires.
- 8 Sur l’approche comparée et transnationale des révolutions et insurrections des années 1830, voir A (...)
- 9 Gisquet, Mémoires de M. Gisquet, t. 2, p. 464.
- 10 Procès-verbaux des séances, p. 21.
- 11 Le Constitutionnel, n° 79, 20 mars 1831, p. 3.
6Le « moment 1830 » a vu l’éclosion de révolutions et d’insurrections en Europe qui ont porté leurs fruits – révolution de Juillet à Paris, révolution au mois d’août à Bruxelles – ou qui, au contraire, ont été entravées par de puissants mouvements de répression comme l’insurrection de Varsovie8. La France de la monarchie de Juillet est alors devenue un lieu d’accueil pour les libéraux poursuivis pour des motifs politiques : Henri Gisquet, préfet de police de Paris en exercice entre octobre 1831 et septembre 1836, évoque dans ses Mémoires ces « six mille Polonais, quatre mille Allemands, Italiens, Espagnols, Portugais, échappés aux orages politiques et recueillis par la France9 ». En septembre 1831, les exilés libéraux espagnols ont ainsi formé plus de la moitié des étrangers secourus pour des motifs politiques par le ministère de l’Intérieur français (avec 2 867 personnes), venant avant les exilés italiens (1 524 individus) et les Portugais (962 réfugiés). L’équilibre entre ces groupes a néanmoins été profondément modifié avec l’arrivée de la « Grande Émigration » polonaise, à partir de l’automne 1831 et surtout de l’hiver 1831-1832. Dès l’année 183210, les Polonais ont occupé la première place parmi les réfugiés secourus par le ministère de l’Intérieur, représentant plus de la moitié de ceux-ci avec un effectif de 4 290 personnes officiellement comptabilisées. Les réfugiés secourus ont alors été dirigés vers des dépôts, civils ou militaires, selon leur statut et leur nationalité : dépôt de Mâcon pour les réfugiés italiens, dépôt de Langres pour les Allemands, dépôts de Bourges et de Périgueux pour les Espagnols au début de l’année 183111, en attendant l’ouverture de ceux d’Avignon et de Besançon destinés aux Polonais en 1832.
7Dans ces circonstances, alors que la France de Louis-Philippe avait dans un premier temps affirmé son hospitalité à l’égard de ces groupes ayant en partage une même culture politique libérale, la société civile elle-même s’est mobilisée pour organiser des souscriptions au profit de ces étrangers. En août 1830, s’est formé un « comité espagnol », auquel ont adhéré d’importantes personnalités de la gauche française12. Ce comité, en lien avec la société « Aide-toi, le ciel t’aidera », qui était née sous la Restauration pour contrôler le processus électoral, a lancé une « souscription espagnole » ; elle aurait rassemblé 600 000 francs au total, si l’on en croit le témoignage laissé par Louis Blanc dans son Histoire de dix ans, 1830-1840 :
- 13 Blanc, 1844, t. 1, p. 191.
[…] les patriotes français […] formèrent une […] [réunion] sous le nom de comité espagnol. Ce comité, qui se composait de MM. Dupont, Viardot, Marchais, Schœlcher, Chevallon, Étienne Arago, Gauja, Loëve-Weimar, Garnier-Pagès, se mit à l’œuvre avec beaucoup d’ardeur. Une souscription fut ouverte, et on recueillit des sommes considérables13.
- 14 Aide-toi, le ciel t’aidera.
8De même, une brochure de la société « Aide-toi le ciel t’aidera » confirme le recueil d’une telle somme : « la liberté française crédita par nos mains la liberté espagnole de plus de six cent mille francs14 ». C’est d’ailleurs cette société qui s’est chargée d’organiser une seconde souscription nationale au profit d’autres exilés politiques, à savoir les libéraux qui avaient quitté l’Italie centrale et sont arrivés en masse en France au cours de l’année 1831. C’est en ces termes qu’elle a justifié son nouvel appel à la mobilisation :
L’heure de la liberté a sonné pour l’Italie ; les réfugiés italiens veulent voler au secours de leurs frères ; ils nous ont demandé notre appui ; nous croirions trahir la France si nous n’aidions pas la liberté italienne. Nous faisons un appel à la générosité de nos concitoyens ; et notre appel sera entendu15.
- 16 L’Ami de la religion (1831), t. 77, p. 203 : « La société “Aide-toi le ciel t’aidera” vient d’ouvr (...)
- 17 Le Constitutionnel, n° 92, 2 avril 1831, p. 3.
9Malgré l’optimisme de la brochure, la « souscription italienne » lancée par la société électorale « Aide-toi le ciel t’aidera » n’a cependant laissé que peu de traces. Le journal catholique L’Ami de la religion signalait l’existence de cette « souscription patriotique en faveur de nos frères les Italiens16 », mais aucune information précise sur les sommes engrangées ne peut être dégagée. En avril 1831, Le Constitutionnel évoquait quant à lui les difficultés du « comité italien », au sein duquel les organisateurs de la souscription se trouvaient accablés de multiples demandes de secours par les réfugiés italiens : « Le comité n’étant point en position d’[…]apprécier le mérite [des réfugiés], croit devoir annoncer qu’il ne peut consacrer les fonds qui lui sont remis, à des secours individuels17 ».
- 18 Brown, 1978, p. 783 : « […] the most significant model for the new committee was the old Greek com (...)
10Parmi les exilés qui avaient trouvé asile dans la France du début des années 1830, les Polonais sont sans conteste les étrangers qui se sont le plus concilié tout à la fois l’aide du gouvernement, le soutien de l’opinion publique et les dons sollicités par souscription auprès de particuliers. Avant même le début de la « Grande Émigration » polonaise à l’automne 1831, des souscriptions pour Varsovie, entrée en révolution le 29 novembre 1830, avaient été organisées pour apporter de l’aide aux insurgés polonais. En janvier 1831, le général de Lafayette prenait la tête d’un « Comité central en faveur des Polonais », qui s’inspirait des comités grecs des années 1820 du point de vue de sa composition, de son fonctionnement et de son organisation. Le Comité s’installait symboliquement au 12, rue Taranne à Paris, qui était déjà le quartier général du dernier comité grec fondé en France sous la Restauration, la « Société hellénique ». Le jour même de sa création, le 28 janvier 1831, le Comité central en faveur des Polonais ouvrait une souscription nationale pour la Pologne en révolution18.
- 19 Léonard Chodźko, arrivé en France en 1826, était un homme de lettres proche de la rédaction de la (...)
11Parmi la liste des membres fondateurs et premiers souscripteurs du Comité central en faveur des Polonais, au nombre de 38, se distinguait un seul patronyme d’origine polonaise, celui de Léonard Chodźko, établi à Paris dès 182619 et ne faisant donc pas partie au sens propre de la « Grande Émigration ». Les premiers souscripteurs français étaient marqués par une grande hétérogénéité, à la fois d’ordre générationnel et idéologique : anciens officiers de la Grande Armée qui avaient servi en Pologne comme le général Fabvier, ou encore jeunes républicains radicaux nés avec le siècle, tels Armand Carrel et Armand Marrast. Quant à l’objectif initial que s’assignait le Comité central en faveur des Polonais, celui-ci ne prêtait pas à confusion : il s’agissait de soutenir la révolution patriotique de Varsovie.
- 20 Tabaki-Iona, 2002, p. 51.
- 21 Brown, 1978, p. 783.
- 22 Bouchet, 2000, p. 51.
- 23 Kramer, 1996, p. 262.
- 24 Voir diverses lettres rassemblées sous forme de microfilms aux Archives nationales de France, Arch (...)
- 25 Brown, 1978, p. 784.
12Dès ses premiers manifestes, le Comité central en faveur des Polonais avait établi un « parallélisme […] entre le sort de la Grèce et celui de la Pologne20 ». Les apprentissages issus des souscriptions organisées au cours de la décennie précédente pour les Grecs ont également été tirés avec profit. De la fin janvier jusqu’en septembre 183121, le Comité central s’est chargé de recueillir auprès du public français des fonds qui ont avoisiné un total de 420 000 francs. Cette somme doit être rapportée et comparée aux autres montants alors rassemblés dans le cadre de souscriptions nationales. Après les journées des 5 et 6 juin 1832, par exemple, des souscriptions ont été organisées au profit des gardes nationaux de Paris et de sa banlieue blessés pendant les combats insurrectionnels. Selon Thomas Bouchet, la somme engrangée en quelques semaines a approché les 300 000 francs22, ce qui permet de relativiser l’importance de la collecte réunie au profit de la Pologne. Les fruits de la souscription polonaise – plus de 400 000 francs – ont quant à eux été utilisés pour acheter et livrer des armes aux insurgés, mais aussi pour envoyer des volontaires et des docteurs en Pologne23. Cette somme a pu être atteinte grâce à l’action de la nébuleuse que formaient les comités locaux pour la Pologne, nés dans le sillage du Comité central en faveur des Polonais, qui en ont relayé dans les départements l’action et le message24. Parmi ces comités locaux, certains se détachaient, comme celui de Metz, ville où les montants recueillis ont atteint 20 000 francs et ont été envoyés en Pologne par le biais d’un intermédiaire. À Lyon, le comité local, appelé le « Bazar lyonnais », est lui aussi parvenu à adresser 17 500 francs aux insurgés de Varsovie25.
- 26 Le journal avait publié sa première livraison le 23 avril 1831 et continua de paraître jusqu’en 18 (...)
13Après l’échec de l’insurrection en septembre 1831, a commencé un vaste mouvement migratoire qui a conduit des exilés polonais à rejoindre plusieurs pays de l’ouest de l’Europe, la France au premier chef. Les comités qui s’étaient constitués pour soutenir Varsovie se sont alors mis à s’interroger sur l’aide matérielle et symbolique qu’ils étaient susceptibles d’apporter aux réfugiés sans ressources. En 1832, l’ensemble des comités polonais créés à travers la France ont, à l’image du Comité central de Lafayette, décidé de rediriger les actions et les fonds initialement pensés pour l’insurrection polonaise au profit des réfugiés qui avaient rejoint le pays. L’exemple du comité polonais de Chalon-sur-Saône, sur lequel il existe un témoignage publié en 1846, est révélateur. À Chalon, le comité local est fondé le 17 septembre 1831 ; son premier acte consiste en un manifeste paru dans le journal libéral né cette même année, Le Patriote de Saône-et-Loire26. L’appel à la solidarité envers les insurgés polonais ainsi publié annonçait également l’organisation d’une souscription, prévoyant des dons en argent et en nature qui pouvaient être déposés chez trois notaires, eux-mêmes membres fondateurs du comité. Trois mois plus tard, alors que le comité de Chalon avait recueilli les premiers dons, ses membres annonçaient le changement d’objectif de la souscription, après la répression définitive de l’insurrection de Varsovie. Le 21 décembre 1831, Le Patriote de Saône-et-Loire publiait un second manifeste du comité polonais de Chalon, par lequel celui-ci présentait ses nouveaux objectifs dans l’organisation de souscriptions :
- 27 Anonyme, Souscription polonaise, p. 37.
On ne doit point s’étonner si le Comité polonais de cette ville n’a point encore rendu le compte promis de l’emploi des sommes recueillies par les souscriptions ; on sait que malheureusement ces sommes n’ayant pu avoir leur destination primitive, le vœu des souscripteurs est qu’elles servent à secourir les héros polonais qui s’empressent de gagner la France et que nos populations accueillent comme des frères martyrs de la liberté27.
14Mais le comité polonais de Chalon-sur-Saône n’était pas le seul à devoir justifier la décision d’employer les sommes collectées au profit des réfugiés polonais et à adopter une rhétorique qui fait des anciens insurgés, défaits et exilés, des héros et des frères. À plusieurs centaines de kilomètres au sud de la ville, à Avignon, un autre comité local polonais était contraint de modifier l’objectif de sa souscription initialement destinée aux insurgés polonais. En définitive, les sommes d’argent ont été affectées au « soulagement » des réfugiés présents sur le sol français. Si l’on en juge par les dépenses qu’il a effectuées au cours de ses quatre premiers mois d’existence entre février et mai 1832, le comité d’Avignon a utilisé les sommes recueillies pour cinq postes de dépenses : frais d’habillement des réfugiés (31,3 % des dépenses), qui viennent quasi à égalité avec les vivres attribués aux sous-officiers et aux soldats (30,8 %), soins donnés aux malades (10,9 %), aide matérielle apportée aux femmes et aux enfants (9,5 %), enfin, avances faites aux officiers polonais sur les secours reçus du gouvernement (6,3 %). Le comité d’Avignon a cherché à atténuer les difficultés concrètes des réfugiés polonais arrivés en France, en s’efforçant d’aider les plus vulnérables d’entre eux, à savoir les malades, les femmes et les enfants. Soulignons néanmoins que ces trois dernières catégories s’avéraient alors minoritaires parmi les personnes accueillies dans le dépôt de réfugiés d’Avignon, qui étaient au nombre d’environ 1 200 personnes en mars 1832, au moment où le dépôt comptait le plus de réfugiés.
- 28 Fureix, 2002b, p. 276.
- 29 Fureix, 2009, p. 367.
15Les souscriptions polonaises, particulièrement nombreuses sur tout le territoire français en 1831-1832, avaient ainsi pour but initial de soutenir une insurrection en cours, mais elles se sont redirigées vers l’aide aux réfugiés. L’objectif des souscriptions n’était donc pas intangible et pouvait se modifier au gré des circonstances, même si le but final restait le même, soutenir une insurrection sœur de la révolution de Juillet. L’organisation matérielle de ces souscriptions mérite également d’être étudiée. Pour faire connaître leur appel à la solidarité, les organisateurs devaient commencer par publier un texte qui présentait les objectifs de leur quête : soit à travers une brochure, soit dans les colonnes d’un journal, ou encore sous la forme de feuilles volantes diffusées parmi la foule, comme ce fut le cas lors de l’enterrement du général Foy28. Ces diverses modalités de publication pouvaient être simultanément employées pour retenir davantage l’intérêt du public. En 1825, le grand appel à la générosité pour les Grecs relayé par le comité philhellène de Paris avait été publié dans les colonnes du Journal des Débats (6 avril) et du Constitutionnel (18 avril), deux quotidiens particulièrement lus qui assurèrent une large publicité à l’appel. Au fur et à mesure de la collecte de fonds, les organisateurs pouvaient par la suite publier dans ces mêmes journaux les listes de souscripteurs : « le don par souscription […] [était] un geste qui s’affich[ait] publiquement29 ».
- 30 Le Constitutionnel, n° 39, 8 février 1831, p. 3.
- 31 Le Figaro, n° 40, 9 février 1831, p.4, et Le Figaro, n° 44, 13 février 1831, p. 4.
- 32 Le Globe, année n° 7, n° 35, 4 février 1831, p. 4.
16Néanmoins, la simple publication d’un appel ne s’avérait pas toujours suffisante pour recueillir des fonds conséquents, en particulier lorsqu’il fallait mobiliser le public au profit de causes étrangères. Des quêtes et des actions de bienfaisance étaient organisées en marge des publications d’appels pour donner plus de chair à ceux-ci ; des loteries, des bals, des représentations théâtrales pouvaient être organisés pour les diffuser. En février 1831, les premières souscriptions polonaises se sont accompagnées de pièces données à Paris en faveur des insurgés ; les bénéfices étaient ensuite reversés au Comité central en faveur des Polonais. Le 8 février, une « représentation extraordinaire » était donnée au Théâtre du Gymnase-Dramatique en faveur des Polonais30, suivie, le 9, d’une soirée au Théâtre de la Porte Saint-Martin au bénéfice de la souscription polonaise, mais aussi d’une représentation extraordinaire au Théâtre des Nouveautés le 1331. Outre les représentations théâtrales, les concerts constituaient un autre moyen d’appeler à la générosité. Le Globe évoque le 4 février 1831 l’action du Comité central en faveur des Polonais, qui n’a « point promis un bal aux fidèles qu’il appelait à l’offrande, mais un concert, et par conséquent toilettes brillantes, équipages élégants, aimables causeries, tout ce qui peut enfin déterminer un homme de bonne compagnie à soulager des malheureux opprimés, tout ce qui peut engager une âme sensible à empêcher l’égorgement d’un peuple32 ». De même, les loteries initiées en janvier 1832 par le Comité central en faveur des Polonais ont été rapidement relayées dans les départements, comme en témoigne cet article du Journal des débats :
- 33 Journal des débats politiques et littéraires, 16 janvier 1832, p. 3.
Le comité, en organisant une loterie qu’un grand nombre de dames et d’artistes ont bien voulu seconder de leurs généreux efforts, avait engagé les départements à suivre l’exemple de Paris et à former, dans leur sein, des loteries semblables, là où se trouveraient les éléments suffisants pour l’organisation d’un pareil moyen de secours, et, pour les localités les moins aisées et les moins populeuses, à prendre un certain nombre des billets de la loterie parisienne, ou enfin à faire, en faveur d’une nation proscrite, tel autre sacrifice en harmonie avec leurs ressources33.
17S’ajoutaient à ces loteries les tournées de quêteurs et de quêteuses qui collectaient de l’argent dans les salons de la capitale, ou qui faisaient du porte-à-porte en province, permettant de réunir des fonds non négligeables. La récolte de sommes d’argent devait ainsi compter sur des hommes, des femmes ou des institutions capables de recueillir et de compter les sommes ainsi obtenues, mais aussi d’inspirer de la confiance aux donateurs. Les grandes souscriptions nationales au profit de réfugiés n’ont pas fait exception à la règle. En 1831, le Comité central en faveur de la Pologne fondé par Lafayette s’était proposé de centraliser les fonds en faveur des Polonais ; puis, en 1846, lorsqu’une autre grande souscription avait été organisée en France après l’insurrection de Cracovie, c’est la rédaction du journal La Réforme qui s’était chargée de centraliser les dons.
- 34 Archives départementales de Saône-et-Loire, 1 M 1778, n° 8.
- 35 Archives nationales de France, BB18 1220, dossier A7 10 003, lettre du substitut du procureur au p (...)
18Soulignons que le fait de recueillir des sommes d’argent aussi importantes était loin d’être une entreprise évidente : le risque de malversations était toujours proche, ce qui explique les efforts faits par les auteurs de souscription pour comptabiliser les montants exacts reçus et justifier avec soin l’emploi des fonds auprès des souscripteurs. À Mâcon, ville choisie pour établir un grand dépôt de réfugiés italiens en 1831, un certain Rolland, se faisant appeler Monnier, qui se présentait comme un avocat romain en exil, a été accusé de s’être approprié les dons faits par les libéraux de Villefranche-sur-Saône et de Bourg-en-Bresse en faveur des réfugiés. Le préfet de Saône-et-Loire en a averti son collègue de l’Isère pour éviter que les fruits de la souscription de ce département ne pussent disparaître de la même façon, preuve de la méfiance engendrée par ces détournements de fonds34. Les autorités administratives et politiques veillaient ainsi au bon déroulement des souscriptions, comme en témoigne cette dernière intervention. De plus, nombre de préfets et de maires se sont impliqués directement dans leur organisation, en devenant simples donateurs ou en étant même à l’initiative de celles-ci, comme ce fut le cas à Argentan, dans l’Orne, où le sous-préfet de département en personne présidait le comité polonais de la ville en 183335.
19La vigilance des autorités quant à la bonne affectation des sommes recueillies était donc de mise. Mais même une grande souscription, comme celle organisée par la rédaction du journal La Réforme en 1846, a pu faire l’objet de soupçons sur l’emploi des fonds obtenus. Dans son Histoire des sociétés secrètes et du parti républicain, l’ancien espion Lucien de La Hodde rapporte que La Réforme aurait recueilli à cette occasion environ 15 000 francs. Cette somme, très inférieure à celle réunie par le Comité central en faveur des Polonais en 1831, devait être envoyée aux insurgés de Cracovie, mais après la rapide répression de l’insurrection, elle est devenue un trésor de guerre convoité :
- 36 La Hodde, Histoire des sociétés secrètes, p. 311.
Toucher à cet argent était chose furieusement épineuse ; mais, comme l’insurrection était déjà réprimée, et que l’emploi des fonds restait indécis, on pouvait peut-être bien, pour un grand besoin patriotique, les écorner un peu, sauf, bien entendu à les réintégrer aussitôt36.
20Et de La Hodde d’évoquer non sans ironie les saignées faites à « l’argent des Polonais », que les membres de la rédaction du journal républicain La Réforme ont finalement été contraints de compenser du fait du contrôle exercé par la rédaction du National sur les fruits de la souscription, et face à la menace d’une dénonciation publique…
21En éclairant le fonctionnement – et les dysfonctionnements – des souscriptions lancées au profit de réfugiés sous les monarchies censitaires, on peut s’interroger non plus seulement sur les conditions dans lesquelles ces appels à la générosité publique étaient lancés auprès du public, mais aussi sur leur réception par les Français et les Françaises. À une époque où le nombre de citoyens exerçant le droit de vote était minoritaire, les souscriptions pour les étrangers fonctionnaient comme un espace alternatif du politique, ainsi que le montrent plusieurs souscriptions locales organisées au profit des Polonais sous la monarchie de Juillet : d’abord celles ouvertes à Chalon-sur-Saône en 1832, puis la souscription lyonnaise publiée en 1846, que l’on veut étudier en détail.
22Parmi les nombreuses souscriptions polonaises de Chalon, on peut retenir celles qui ont été diffusées entre la mi-février et le 22 août 1832, date de la publication d’une dernière liste dans le journal local Le Patriote de Saône-et-Loire. Pourquoi commencer à la mi-février 1832 ? Car une colonne de 300 Polonais a alors traversé la ville de Chalon-sur-Saône, peuplée d’un peu plus de 12 000 habitants, entre les 10 et 14 février 1832. C’est à partir du 18 qu’a été organisée la première souscription visant explicitement à secourir ces réfugiés que les habitants de la ville ont croisés, ou du moins dont ils ont entendu parler plus ou moins directement. Dans les listes de souscripteurs publiées par Le Patriote de Saône-et-Loire, on peut comptabiliser 558 dons différents, ce qui ne signifie pas qu’il y ait eu 558 donateurs puisque certains d’entre eux ont pu effectuer plusieurs dons successifs. La part des dons individuels s’avère écrasante dans ce total, avec 97 % des 558 dons examinés. Les noms des donateurs individuels étaient presque systématiquement précisés par le journal libéral local : seuls 5 % (28 sur 553) des souscripteurs ont choisi de rester anonymes, ce qui atteste que la publication de ces listes fonctionnait bel et bien comme un contre-don.
- 37 Barau, 2009, p. 86.
- 38 Fureix, 2009, p. 367.
- 39 Ibid.
23Parmi les donateurs de Chalon-sur-Saône, une part importante d’entre eux est en réalité constituée de donatrices. Il faut rappeler à cet égard que sous la Restauration, les femmes avaient d’ores et déjà joué un rôle décisif dans la mobilisation au profit des exilés grecs, en relayant la souscription du comité de Paris à la fin de l’année 1825 et au début de l’année 1826. La duchesse de Broglie avait pris la tête d’un groupe de 71 femmes qui étaient allées quêter pour les Grecs en mars 1826, et l’idée même de cette « quête des femmes » avait pris corps dans les salons parisiens37. Lors de la souscription pour le monument au général Foy, également, des femmes avaient pu s’impliquer dans la quête, atteignant 9 % du total des souscripteurs38. Une telle mobilisation n’avait pas manqué de susciter l’opposition de L’Ami de la Religion : le journal avait vivement critiqué ces dames et demoiselles qui n’hésitaient pas à décliner publiquement leurs noms, qualités et adresses respectives39.
- 40 Voir Comité polonais de Metz, Bibliothèque municipale de Lyon, s. d., p. 2 et Harsany, 1957-1959, (...)
- 41 Barau, 2009, p. 177.
24Aussi l’implication des femmes dans les souscriptions polonaises des années 1831-1832 ne doit-elle pas surprendre. À Metz, des « dames de la ville » ont directement organisé le comité spécial d’accueil des Polonais entrés dans la Ville à la fin du mois de janvier 1832 : elles ont initié une première souscription en leur faveur, puis leur ont distribué « argent et linge de corps40». À Chalon-sur-Saône, point de souscription féminine, mais une contribution importante de la part des femmes : 64 femmes ont signé leur don parmi les 524 souscripteurs individuels dont on connaît le sexe, soit un ratio de 12,2 % de femmes, proche de la proportion de 15 % à laquelle Denys Barau aboutit dans son analyse de la souscription nationale pour la cause des Grecs entre 1825 et 182941. Parmi les 64 donatrices qui ont revendiqué leur contribution à la souscription polonaise à Chalon-sur-Saône et aux alentours de la ville, la très grande majorité d’entre elles (60 sur 64) ont donné de l’argent lors de la quête organisée par deux femmes, Mesdemoiselles Junier et Douhere. En quelques jours de porte-à-porte, celles-ci sont parvenues à réunir une somme de plus de 1 000 francs, immédiatement adressée au Comité polonais d’Avignon pour subvenir aux besoins des Polonais regroupés dans ce dépôt. Le montant moyen des dons effectués par des femmes s’élevait à 3,25 francs, légèrement au-dessus du montant moyen de ceux faits par les hommes – 3,23 francs –, ce qui représente le salaire journalier que pouvait gagner un ouvrier moyennement qualifié à l’époque.
- 42 Le Constitutionnel, 15 mars 1826.
- 43 Bouyssy 1997, p. 303.
- 44 Ibid., p. 305.
- 45 Cité par Bouyssy, ibid., p. 308.
- 46 Fureix, 2002b, p. 284.
- 47 Anonyme, Souscription polonaise, p. 60.
25En s’inspirant de la « quête des femmes » parisiennes organisée au profit des Grecs – en réalité des dames de la haute société –, les bourgeoises chalonnaises ont ainsi réactivé et popularisé une pratique héritée de la Restauration. Maïté Bouyssy avait souligné que les souscriptions au profit de la liberté des Grecs avait mobilisé en 1826 « les dames les plus distinguées de la capitale42 », pour reprendre un article du Constitutionnel. Mais elles avaient aussi largement impliqué des « maîtresses de maison » provinciales43 : à Dijon, deux dames avaient improvisé de collecter de l’argent « dans des bonnets grecs » à la fin d’un concert de bienfaisance44, tandis qu’à Chalon-sur-Saône, déjà, des femmes avaient « parcouru la ville entière pendant plusieurs jours […] se dérob[ant] aux soins de leur ménage et aux caresses de leurs jeunes enfants dans le but honorable de concourir aussi à sauver des mères, à secourir des chrétiens45 ». L’organisation matérielle de la souscription polonaise de Chalon-sur-Saône en 1832 atteste que les femmes ne se sont encore une fois nullement cantonnées à un « rôle convenu et traditionnel de donateurs anonymes46 ». D’ailleurs, la mémoire de cette intervention féminine dans la charité pratiquée à l’égard des réfugiés a laissé un souvenir vivace dans la ville. En 1846, un opuscule anonyme sur les souscriptions polonaises de Chalon affirmait qu’en organisant une telle quête, Mesdemoiselles Junier et Douheret, « ces deux nobles et saintes filles de notre ville » avaient été « mues par un sublime élan de patriotisme, trop rare, hélas ! parmi les femmes, dont l’âme est généralement étouffée de bonne heure sous le poids d’une éducation étroite et méticuleuse47 ». L’auteur de l’opuscule se réjouissait ainsi de l’engagement de ces femmes dans la vie publique par le biais d’une telle quête, un sentiment qui était pourtant loin d’être unanimement partagé.
26Si les souscriptions pour les réfugiés et les quêtes organisées en marge de celles-ci ont donné aux femmes un rôle qu’elles ne pouvaient guère avoir dans la vie politique légale, ces appels à la générosité mobilisaient et sollicitaient des donateurs issus de toutes les couches sociales, y compris des classes populaires. C’était déjà le cas des souscriptions pour les Grecs, puisque se côtoyaient dans les listes de souscription du comité de Paris en 1825 « des limonadiers, des tanneurs, des tailleurs, des ouvriers typographes, comme de riches bourgeois, banquiers ou négociants, ou encore de grands propriétaires, rivalisant entre eux de générosité48 ». De même, dans les listes de donateurs pour la cause des réfugiés étrangers sous la monarchie de Juillet, le spectre social et politique est étonnamment large. Au fil des listes de souscripteurs du comité polonais de Chalon-sur-Saône de 1832, ceux-ci ne sont jamais présentés dans un ordre hiérarchique, mais toujours dans l’ordre chronologique de la réalisation des dons. Les donateurs sont marqués par une forte diversité d’origine sociale et d’activités professionnelles. Elle se lit à travers leurs qualités, parfois mentionnées en regard des noms, mais aussi à travers les montants des dons, qui vont des 10 centimes aux 100 francs donnés par « un propriétaire » ... 127 professions différentes apparaissent ainsi dans l’une des listes de souscripteurs, allant du coiffeur au sous-préfet. Parmi ces professions, se dégagent deux grands blocs : 27 % des donateurs exercent des professions juridiques ; 14 % des professions militaires. Aucun des souscripteurs qui signe son don ne se présente en revanche comme ouvrier.
27Il en va autrement dans les souscriptions polonaises organisées à la fin de la monarchie de Juillet, et plus précisément au début de l’année 1846, au moment de la mobilisation qui fait suite à l’insurrection manquée de Cracovie en février. On peut prendre l’exemple de la souscription organisée à Lyon en avril 1846, qui se veut explicitement une souscription à la fois polonaise et ouvrière :
La classe ouvrière, dont les sentiments sont si nobles et si généreux, dont le patriotisme est si ardent, ne pouvait rester étrangère au mouvement national qui a électrisé la France à la nouvelle de l’insurrection polonaise. Elle a voulu qu’une manifestation éclatante vînt témoigner de ses sympathies, et que les travailleurs des campagnes, laissés jusqu’à ce jour trop en dehors du mouvement social, concourussent à cette manifestation. Il appartenait peut-être à Lyon, ville manufacturière, grand centre de population et seconde capitale de la France, de donner l’exemple. […] Simples prolétaires, pauvres travailleurs, si nous ne pouvons offrir en ce moment nos bras, apportons au moins notre obole.
28À travers la solidarité exprimée à l’égard des démocrates polonais insurgés à Cracovie, souvent d’anciens réfugiés qui avaient connu un séjour d’exil dans la France de Louis-Philippe, il s’agissait ainsi de donner aux ouvriers de Lyon une capacité d’action, une agency à la portée non pas seulement locale, mais aussi nationale et transnationale.
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29La souscription pour les étrangers en exil dans la France des monarchies censitaires fonctionnait donc comme un espace alternatif du politique, à travers lequel les Français se passionnaient pour des causes étrangères. Plus concrètement, au début des années 1830, il s’agissait aussi de venir en aide à des groupes d’exilés et de réfugiés jugés dépendants de l’aide de la société civile, même si ceux-ci pouvaient par ailleurs bénéficier de subsides du gouvernement. Si la souscription avait un but « humanitaire », pour employer un vocabulaire anachronique, elle revêtait aussi une dimension politique dans certains cas : lorsqu’il s’agissait de mettre en évidence les défaillances du ministère de l’Intérieur face à l’accueil des réfugiés, ou encore lorsqu’il était question de remettre en cause la politique étrangère de Louis-Philippe, rétive à soutenir des insurrections étrangères pourtant inspirées, de près ou de loin, par la révolution de Juillet ou par l’expérience décisive de l’exil en France. Cette dimension politique se retrouvait également à travers la participation aux souscriptions d’individus qui étaient sous les monarchies censitaires privées du droit de vote et de toute représentation. Lorsqu’ils contribuaient aux souscriptions au profit des insurgés ou des réfugiés étrangers, les femmes et les ouvriers acquéraient une visibilité nouvelle. Ils investissaient l’espace public en prenant part aux loteries, aux quêtes, aux visites de porte-à-porte. Par l’écriture de manifestes, de brochures et de périodiques, ils se faisaient l’écho d’une lutte menée en faveur d’autres exclus de la citoyenneté.