Andreu Navarra, La revolución imposible. Vida y muerte de Andreu Nin
Pelai Pagès, La Historia truncada del Partido Comunista en España desde su fundación hasta la consolidación del Estalinismo
Francisco Erice dir., Un siglo de communismo en España I. Historia de una lucha
Francisco Erice dir., Un siglo de communismo en España II, Presencia social y experiencias militantes
Andreu Navarra, La revolución imposible. Vida y muerte de Andreu Nin, Barcelone, Tusquets Editores, 2021, 365 p.
Pelai Pagès, La Historia truncada del Partido Comunista en España desde su fundación hasta la consolidación del Estalinismo, avec une introduction de Juan Andrade Rodríguez, Madrid, Libros Corrientes, 2021, 212 p.
Francisco Erice dir., Un siglo de communismo en España I. Historia de una lucha, Madrid, Akal, 2021, 501 p.
Francisco Erice dir., Un siglo de communismo en España II, Presencia social y experiencias militantes, Madrid, Akal, 2021, 1430 p.
Texte intégral
1Notes de lecture sur le mouvement communiste en Espagne jusqu’à la fin des années 1930. On pourrait à première vue penser qu’il serait inutile de parler de l’ouvrage dont le titre de «la révolution impossible» est déjà révélateur du contenu (Andreu Navarra, La revolución imposible. Vida y muerte de Andreu Nin, Barcelone, Tusquets Editores, 2021, 365 p.). Après les biographies consacrées par Francesc Bonamusa (Andreu Nin y el movimiento comunista en España, 1930-1937, Barcelone, 1977), et Pelai Pagès (Andreu Nin. Una vida al servicio de la clase obrera, Barcelone, 2011), au militant communiste catalan hétérodoxe, kidnappé, torturé et assassiné par les agents de Staline au plus fort de la guerre civile espagnole, on pourrait se demander s’il valait la peine d’ajouter un nouvel ouvrage sur la vie de l’homme transformé en icône de certains révolutionnaires. À la lecture de l’ouvrage, il s’avère qu’il répond à un but bien défini, consistant à approfondir, si besoin en était, le fossé qui s’était creusé entre le héros idéaliste et son ancien guide, « le méchant Léon Trotsky ». Le « trotskisme », ou prétendu tel, aurait-il encore besoin d’être combattu dans l’Espagne et la Catalogne actuelles ?
- 1 . L’auteur situe en 1941 l’exécution de Gerö, sans donner de référence, et en faisa (...)
- 2 . Peter Huber, « Gerö Ernö [Singer Ernö, dit]. Pseudonymes: Edgar (1932), Pedro (19 (...)
2Malheureusement pour l’auteur, cette opération politique est gâchée par une organisation incohérente, qui fait se mélanger les positions soutenues par Nin en 1921, 1931 et 1936, et par des bévues dont l’une, la plus évidente sans doute, est celle de faire disparaître Ernö Gerö, dit Pedro, l’un des agents staliniens en Espagne, qui comptait au nombre des organisateurs de l’opération contre Nin, après son retour en URSS1, quand on sait bien que l’individu a poursuivi sa brillante carrière contre-révolutionnaire dans la Hongrie du glacis soviétique après 1945, culminant, semble-t-il, dans l’ordre donné comme premier secrétaire du PC hongrois, du tir sur les manifestants le 23 octobre 1956, et la demande de la première intervention soviétique2.
- 3 . L’auteur cite à ce propos les souvenirs de Juan Andrade, également mentionnés par P. Pagès, Una v (...)
- 4 . L. Trotsky, Histoire de la révolution russe, Paris, Seuil, 1962, p. 529. P. Broué(...)
- 5 . Le 5 juillet 1917, Lénine pose la question à Trotsky : « Ne vont-ils pas nous fus (...)
- 6 . Le cas de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, assassinés en janvier 1919 à Berlin, (...)
- 7 . A. Nin, La Revolución española (1930-1937), Pelai Pagès éd., Barcelone, El Viejo Topo, 2008, p. 2 (...)
- 8 . Hommage à la Catalogne, dans Oeuvres, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléi (...)
3Dans les dernières pages, combien émouvantes, consacrée à la fin tragique de Nin, on relèvera cependant un élément politique et historique important. Nin, pourtant averti des menaces qui pesaient sur lui de la part des agents soviétiques et de leurs affidés espagnols3, s’est refusé à se cacher après les journées de mai 1937 à Barcelone, durant lesquels les anarchistes de la CNT et les militants du POUM (le Parti ouvrier d’unification marxiste, dont Nin était le secrétaire politique), en réponse à une provocation du PSUC (Parti socialiste unifié de Catalogne, la branche catalane du PCE, Parti communiste espagnol) et de la Generalitat (le gouvernement régional catalan), avaient combattu plusieurs jours sur les barricades dans les rues de Barcelone. Comment ne pas faire la comparaison, que n’établit pourtant pas l’auteur, avec Lénine, accusé lui aussi de trahison, et se cachant, jusqu’en Finlande, après les journées de juillet 1917 à Petrograd4 ? Selon A. Navarra, Nin pensait qu’il serait jugé par les tribunaux de la république qu’il avait contribué à créer, comme ministre (conseller) de la justice du gouvernement régional catalan, avant son éviction de celui-ci sous la pression des staliniens, et qu’il pourrait se justifier devant ces institutions. Lénine savait bien, quant à lui, que, s’il était pris, il serait sommairement exécuté et non pas jugé5, comme le furent, en janvier 1919, à Berlin, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht6. Nin n’était pas Lénine, ni Rosa Luxemburg, et ne pouvait pas imaginer, encore en juin 1937, même après les premiers procès de Moscou d’août 1936 et janvier 1937, jusqu’où pouvait aller la perversité du stalinisme. La fiabilité de l’information fournie par A. Navarro est doublement attestée. En premier lieu, par les propres paroles de Nin, réclamant, le 10 janvier 1937, contre les accusations diffamatoires portées contre lui, d’être traduit devant les tribunaux populaires qu’il avait créés7, et ensuite par le témoignage de George Orwell, selon qui le POUM, au jour de la répression, était dépourvu de tout appareil clandestin8 .
4D’une toute autre qualité est le petit livre de Pelai Pagès sur « l’histoire tronquée du Parti communiste en Espagne », ainsi qu’il l’intitule (La Historia truncada del Partido Comunista en España desde su fundación hasta la consolidación del Estalinismo, avec une introduction de Juan Andrade Rodríguez, Madrid, Libros Corrientes, 2021, 212 p. petit-format). Il s’agit en réalité d’une nouvelle édition mise à jour d’une partie de la thèse de l’historien, depuis longtemps épuisée et introuvable dans les bibliothèques, au moins en France (Historia del Partido Comunista de España. Desde su fundación en abril de 1920 hasta el final de la dictatura de Primo de Rivera, enero de 1930, introduction de Juan Andrade, Barcelone, 1978, 154 p.). On peut seulement regretter qu’il arrête son histoire en 1931, date évidemment cruciale en Espagne avec la chute de la monarchie et la proclamation de la République, alors que c’est 1934-35 qui marque le tournant décisif dans l’histoire du PCE, avec le passage de l’ultra-gauchisme aventuriste dit de la « Troisième Période » de l’Internationale communiste, à la politique du Front Populaire.
5D’autres ouvrages récents sont consacrés, au moins en partie, aux débuts du parti communiste dans l’État espagnol, et à la dixaine d’années qui ont suivi sa proclamation. Deux volumes sont dédiés au siècle écoulé du communisme en Espagne (Francisco Erice dir., Un siglo de communismo en España I. Historia de una lucha, Madrid, Akal, 2021, 501 p., et II, Presencia social y experiencias militantes, Madrid, Akal, 2021, 1430 p.). Les contributions y sont de valeur inégale et concernent majoritairement les périodes postérieures à 1936, notamment celles de la dictature franquiste (1939-1975), et les époques dites de la Transition et de la post-Transition (après 1975 et jusqu’à 2021). Pour notre propos on relèvera dans le premier volume, l’article de José Luis Martín Ramos (« El PCE, desde su origen hasta la Guerra Civil, 1920-1936 », pp. 11-77), et dans le second volume, ceux d’Ignasi Bea (« El Partit Comunista Català, 1926-1931 », une dissidence nationaliste qui convergera dans le POUM), et de Manel López Esteve (« Comunistas lejos de Moscú. El BOC, la ICE y el POUM, 1931-1930 »), ces derniers faisant ainsi une place aux courants hétérodoxes du communisme, durement persécutés par Moscou et les staliniens durant la guerre civile.
6Le même J. L. Martín Ramos déjà cité a consacré un volume entier à l’histoire du PCE (Historia del PCE, Madrid, Libros de la Catarata, 2021, 254 p.), où la première décennie de l’organisation n’occupe qu’une place réduite.
Notes
1 . L’auteur situe en 1941 l’exécution de Gerö, sans donner de référence, et en faisant seulement de lui un « assesseur » du PSUC (p. 41).
2 . Peter Huber, « Gerö Ernö [Singer Ernö, dit]. Pseudonymes: Edgar (1932), Pedro (1936-1937)», dans Le Maitron. François Fejtö, «…la responsabilité de Gerö reste entière, en appelant les Soviétiques… » (1956, Budapest, l’insurrecrion, Bruxelles, Ed. Complexes, 2006, p. 43) ; P. Broué ne mentionne que le discours provocateur de Gerö le 23 octobre 1956 (La Révolution hongroise des conseils ouvriers, Documents de l’OCI, 1957).
3 . L’auteur cite à ce propos les souvenirs de Juan Andrade, également mentionnés par P. Pagès, Una vida al servicio de la clase obrera, p. 375.
4 . L. Trotsky, Histoire de la révolution russe, Paris, Seuil, 1962, p. 529. P. Broué, Le parti bolchevique, Paris, Ed. de Minuit, 1963, p. 90.
5 . Le 5 juillet 1917, Lénine pose la question à Trotsky : « Ne vont-ils pas nous fusiller tous ? » (Trotsky, Histoire de la révolution russe, p. 527).
6 . Le cas de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, assassinés en janvier 1919 à Berlin, est différent : ces deux révolutionnaires ayant accepté finalement de se cacher après un soulèvement dont ils n’étaient pas partisans, au moins pour Rosa, mais ayant refusé de quitter Berlin tandis que la répression frappait les ouvriers (P. Broué, Révolution en Allemagne, 1917-1923, Paris, Éditions de Minuit, 1971, p. 254).
7 . A. Nin, La Revolución española (1930-1937), Pelai Pagès éd., Barcelone, El Viejo Topo, 2008, p. 282. P. Pagès, Andreu Nin, Una vida al servicio de la clase obrera, p. 337.
8 . Hommage à la Catalogne, dans Oeuvres, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2020, p. 805. Pour Broué, il est seulement clair que le POUM ne sut pas protéger ses principaux dirigeants (dans Léon Trotsky. La Révolution espagnole, 1930-1940, textes recueillis er présentés par Pierre Broué, Paris, Éditions de Minuit, 1975, p. 330).
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Référence électronique
Jean-Pierre Molénat, « Andreu Navarra, La revolución imposible. Vida y muerte de Andreu Nin
Pelai Pagès, La Historia truncada del Partido Comunista en España desde su fundación hasta la consolidación del Estalinismo
Francisco Erice dir., Un siglo de communismo en España I. Historia de una lucha
Francisco Erice dir., Un siglo de communismo en España II, Presencia social y experiencias militantes », Mélanges de la Casa de Velázquez [En ligne], 53-1 | 2023, mis en ligne le 14 avril 2023, consulté le 06 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/mcv/18404 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mcv.18404
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