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Actualité de la recherche
Comptes rendus

Thomas F. Reese, Las Nuevas Poblaciones de Sierra Morena y Andalucía. Reforma agraria, repoblación y urbanismo en la España rural del siglo xviii

Philippe Castejon
Referencia(s):

Thomas F. Reese, Las Nuevas Poblaciones de Sierra Morena y Andalucía. Reforma agraria, repoblación y urbanismo en la España rural del siglo xviii, Iberoamericana-Vervuert, Madrid, 2022, 1018 p.

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1Thomas F. Reese est un historien de l’art (Tulane University) spécialiste du monde hispanique. Ses recherches l’ont conduit à explorer différents champs : l’œuvre de l’architecte espagnol Ventura Rodríguez, différents travaux sur les mondes américains, mais également des thèmes qui relèvent de l’histoire sociale et politique tels que la colonisation de la Sierra Morena. Le livre Las Nuevas Poblaciones de la Sierra Morena y Andalucía. Reforma agraria, repoblación y urbanismo en la España rural del siglo xviii, traduit de l’anglais par Jaume Muñoz et publié en 2022 aux éditions Iberoamericana-Vervuert, se présente comme une somme de 1018 pages, fruit de près de trente ans de recherches.

2Dans cet ouvrage composé de 17 chapitres, T. F. Reese se livre à une analyse historique de l’entreprise de colonisation des terres agricoles de la Sierra Morena et de l’Andalousie initiée à l’époque de Charles III, sous l’égide de grandes figures de la mouvance réformatrice espagnole comme le comte d’Aranda, Campomanes ou Floridablanca. Le thème n’est pas nouveau, car depuis les années 1930, de nombreux historiens espagnols ou français (Jean Sarrailh en 1954 ou encore Marcelin Defourneaux en 1959) s’y sont attelés, mais l’ouvrage de T. F. Reese se présente comme une synthèse qui intègre les apports de la recherche, un travail de terrain ainsi qu’une méticuleuse recherche en archives dont témoignent les abondantes transcriptions de documents issus de l’Archivo Histórico Nacional ou de l’Archivo General de Simancas.

3Le livre, qui s’articule en deux grandes parties, analyse les continuités et les évolutions dans le processus de colonisation sur une période de plus de deux siècles (1767 à nos jours). L’étude diachronique de la Sierra Morena (neuf premiers chapitres) fait place à une approche spatiale qui propose un panorama des différentes microrégions qui constituent ce front de colonisation (sept chapitres). Un dernier chapitre consacré à l’habitat, malheureusement trop bref, complète l’ensemble. La lecture de l’ouvrage est agrémentée par un riche appareil photographique, cartographique et statistique ; ce sont près de 1000 documents qui ne figurent malheureusement dans aucune table des illustrations.

4T. F. Reese montre les multiples facettes de la colonisation des terres non exploitées de la Sierra Morena ; le projet a une dimension sociale, économique, mais également politique puisqu’il implique presque tous les acteurs du gouvernement de Charles III (Conseil de Castille, Secrétariat et Conseil des Finances, Premier secrétaire d’État, intendant Pablo de Olavide…). La colonisation de la Sierra Morena articule également différentes échelles, allant du local à l’international. Les étrangers sont nombreux ; les 6000 premiers colons venaient de Suisse, d’Alsace, de Bavière, des Flandres ou de Savoie. Parmi les maîtres d’œuvre, à côté de l’ancien magistrat de l’Audiencia de Lima, Pablo de Olavide figuraient l’ingénieur Simon Desnaux ou encore le constructeur italien Juan Bautista Tami.

5Dans les quatre premiers chapitres, T. F. Reese suit les actions de certains acteurs comme Pablo de Olavide, Simon Desnaux ou le comte de Campomanes, les transformations du projet initial, ainsi que les difficultés rencontrées ; le recrutement de colons internationaux ne va pas sans poser problème et l’installation des colons en 1769 se déroule dans des conditions très difficiles. Ces chapitres consacrés à la première décennie d’existence des colonies pointent également des changements, comme la progressive transformation de la composition de la population, qui devint majoritairement espagnole entre 1771 et 1775, ou encore les oppositions venues de la Mesta, des grands propriétaires, ou encore de l’Église. La tension culmina en 1778 avec l’arrestation par le Tribunal de l’Inquisition du principal responsable de la colonisation Pablo de Olavide. Mais le projet de colonisation divisa également le camp réformateur comme le montrent les divergences entre Pablo de Olavide, Pedro Pérez Valiente et le marquis de la Corona, procureur du Conseil des Finances (chap 3).

6Le titre de l’ouvrage est quelque peu trompeur, car le récit sur les Nuevas Poblaciones ne se limite pas au seul xviiie siècle, mais trouve des prolongements jusqu’à la fin du xxe siècle. L’auteur livre une synthèse riche sur les poblaciones aux xixe et xxe siècles (chapitres 5 à 9) ainsi que leurs spécificités. On y découvre qu’entre 1790 et 1830 la population des poblaciones a quasiment doublé, présentant un profil démographique très différent du reste de l’Andalousie. L’espace agricole se transforme sur la période (chap. 6) et la céréaliculture qui s’y développe procure aux colons une certaine aisance (chapitre 7). Pour les nuevas poblaciones une nouvelle histoire commence dans les années 1830, lorsqu’elles deviennent des entités autonomes qui ne reçoivent plus de subsides royaux. La révocation du for en 1835 ne marqua pas un coup d’arrêt au développement des colonies, mais celles-ci connurent, au contraire, un essor tout au long du xixe siècle, puis au xxe siècle, qu’attestent les croissances des productions, de la population, mais également du bâti (chapitre 9).

7T. F. Reese fournit sur la colonisation de la Sierra Morena un récit exhaustif, mais il n’en produit pas moins un discours qui émane presque uniquement d’agents de la Couronne, sans aucun contrepoids ou sources appartenant à la sphère privée qui pourraient apporter un autre éclairage.

8La seconde partie de l’ouvrage (chapitre 10 à 19) se présente comme une étude de microrégions (les différentes zones de la Sierra Morena, les autres poblaciones andalouses ou encore les colonies le long de la route menant à Valence). Après un premier chapitre sur les apports du cartographe José Ampudia y Valdés (chapitre 10) à la connaissance des poblaciones, l’étude des microrégions débute en s’appuyant sur une riche documentation photographique, statistique et cartographique. L’auteur analyse des colonies connues comme celle de La Carlota ou celle de La Luisiana (chapitre 13), mais également des espaces de colonisation plus modestes comme Carboneros qui ne comportait en 1777 que quelques maisons (chapitre 11). Pour chacune des études de cas, le canevas est le même, il fait la part belle aux photos aériennes, aux photos anciennes, aux photos récentes, aux cartes anciennes et aux graphiques.

9Le livre s’achève par un appendice comprenant le récit des voyageurs dans les nouvelles colonies, la transcription de la cédule du 5 juillet 1767 et une série de plans des colonies du xixe siècle.

10L’ouvrage de T. F. Reese est une synthèse importante pour saisir le processus de colonisation de la Sierra Morena dans la durée. Le récit est construit au plus près des sources, mais l’enquête est minutieuse et bien documentée. La transcription de nombreux témoignages, la reproduction des cartes et croquis ainsi que de centaines de photographies ajoutent de la chair à une entreprise de colonisation qui sans cela pourrait demeurer désincarnée.

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Referencia electrónica

Philippe Castejon, «Thomas F. Reese, Las Nuevas Poblaciones de Sierra Morena y Andalucía. Reforma agraria, repoblación y urbanismo en la España rural del siglo xviii»Mélanges de la Casa de Velázquez [En línea], 53-1 | 2023, Publicado el 02 mayo 2023, consultado el 16 abril 2024. URL: http://journals.openedition.org/mcv/18501; DOI: https://doi.org/10.4000/mcv.18501

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Autor

Philippe Castejon

EHEHI Casa de Velázquez / Université de Lille. CECILLE

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