Je tiens à exprimer ma sincère et profonde gratitude à mon encadreur de thèse, le professeur Ameur Oueslati (Université de Tunis). J’adresse mes sincères remerciements à Christophe Morhange, professeur à l’Université Aix-Marseille, qui a suivi mes travaux avec beaucoup de patience, de pédagogie, de gentillesse et de sympathie. Je les remercie également de m’avoir donné l’opportunité d’améliorer mes connaissances par la participation au Programme ERASMUS-MIC-AMU 2018-2021, qui a financé mon stage effectué au CEREGE (Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement) à Aix-en-Provence (juin-septembre 2019). Mes remerciements vont également à toute l’équipe de CEREGE et plus particulièrement à madame Doriane Delanghe et Jules Fleury. Mes remerciements vont aussi à Hédi Ben Ouezdou, professeur à l’Université de Tunis et responsable du laboratoire CGMED (Cartographie géomorphologique des milieux, des environnements et des dynamiques).
1La vulnérabilité des côtes basses à une variation positive du niveau marin, dans le contexte du réchauffement climatique en cours, est une question d’actualité et au cœur de la problématique du développement des territoires. L’île de Jerba est particulièrement concernée. La plus grande partie de ses rivages montre différentes formes de fragilité, sous la menace de différents risques qu’une élévation marine pourrait accentuer rapidement. Les faiblesses sont d’abord, principalement d’ordre topographique et géologique et sont accentuées par des facteurs climatiques et hydrologiques. Les principaux risques se manifestent par le recul des rivages, la submersion marine et la salinisation des terres. L’homme s’est souvent ajouté, à travers différentes formes inappropriées ou imprévoyantes d’occupation du territoire, comme un facteur amplificateur.
2Après un rappel du cadre physique général, en insistant sur les facteurs de faiblesse qui lui sont associés, nous tenterons de cartographier les différents risques menaçant l’île.
Fig. 1 : Carte de localisation de l’île de Jerba et des principaux lieux cités dans le texte
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3Le long des côtes basses, le danger ne vient pas seulement de la mer ou du ciel mais aussi des caractéristiques topographiques (Lorion et Villeneuve, 2007). La faible altitude constitue un facteur déterminant dans la fragilité des côtes aux risques littoraux. Les rivages les plus bas sont de plus en plus affectés par les fortes marées, les tempêtes et l’envahissement par les eaux pluviales. Ils sont les plus exposés aux phénomènes de submersion et d’érosion marine (Wackermann, 2005). Ce sombre tableau s’applique à une grande partie des côtes de Jerba où la topographie se caractérise par sa monotonie et sa faiblesse (fig. 2). L’altitude moyenne est de 20 m et le point culminant n’est que de 53 m. Mais au voisinage de la mer, elle est très souvent inférieure à 5 m dans une bande large de 800 m à 5 km et s’étendant sur une superficie de l’ordre de 147 km², soit 27 % de la superficie de l’île. Le modèle numérique du terrain montre que 69% de la superficie de cette bande ont une altitude inférieure à 2 m (Akacha, 2021) ; ce qui ne peut que défavoriser l’île dans un contexte d’élévation du niveau marin.
Fig. 2 : Modèle numérique de terrain
Source : image landsat 7, 2016 ; réalisation : Z. Akacha
4Une partie indéniable des rivages de Jerba (25 %) est rocheuse. Mais il s’agit de rivages bas à très bas qui, s’ils montrent parfois une certaine résistance à l’érosion, ne peuvent pas échapper à des risques de submersion en cas d’une élévation marine. Le paysage est souvent celui d’un platier rocheux holocène (Morhange et Pirazzoli, 2005) dominant le niveau marin actuel de quelques décimètres, mais qui est déjà fréquemment envahi par les eaux marines lors des tempêtes (fig. 3). Une autre partie beaucoup moins importante (1%) correspond à des falaises. En fait, ce sont toujours des falaises basses dont le commandement est dans la majorité des cas inférieur à 3 m. Elles sont taillées dans des matériaux peu résistants et d’inégale résistance, favorisant une érosion différentielle efficace, tels les argiles mio-pliocènes et les alluvions quaternaires ou certains faciès gréseux friables des formations Rejiche, Tlett et Sidi Salem (Paskoff et Sanlaville, 1983) (fig. 4). Le reste des rivages (74 %) correspond à des plages, des marais maritimes ou à un contact entre la mer et des terrains salés du type sebkha et chott. Ce sont les rivages les plus vulnérables ; nous les décrirons dans les paragraphes suivants (fig. 5).
Fig. 3 : Exemple de côtes rocheuses basses sur la façade ouest de l’île (Cheikh Yahia)
Platier façonné aux dépens des grès de la formation Sidi Salem. Les blocs dispersés sur l’estran témoignent du travail de démantèlement du rivage par les vagues. Emergé en temps normal, même par marée haute, la surface (couleur sombre) de ce platier est envahi à l’occasion des tempêtes.
Source : l’auteur
Fig. 4 : Falaise taillée dans des matériaux quaternaires hétérogènes
Prépondérance des faciès peu résistants à Guellala
Source : l’auteur
Fig. 5 : Principaux types de rivages et topographie
a : côtes sableuses ; b : côtes rocheuses ; c : côtes à marais maritimes ; d : côtes à falaises ; e : côtes basses tendres autres que plage
Crédit : l’auteur
5Malgré l’importance de leur attractivité touristique, les plages sableuses de Jerba sont en fait souvent peu étendues et discontinues. On les trouve dans les petites criques qui accidentent la façade occidentale de l’île mais c’est sur la façade orientale et nord-orientale de l’île qu’elles montrent leur extension maximale. Leur largeur varie le plus souvent entre 5 m et 30 m et ne devient vraiment importante que dans trois segments côtiers principaux. Il s’agit de la flèche de Rass Errmal, de la flèche de Lella Hadhria et de la partie méridionale de la presqu’île d’El Gastil. Les plages de la partie comprise entre Rass Rougga et Aghir sont les plus étroites et avaient, avant les travaux récents de protection et de rechargement, localement disparu. D’un autre côté, la dune bordière est peu développée et ne prend une certaine importance qu’à Rass Errmal et localement dans le secteur compris entre cette flèche et Rass Torbkhana.
6Intéressant un linéaire côtier long de quelques 25 km, les marais maritimes montrent une extension maximale dans les positions d’abri. Leur genèse est, en plus de la marée, favorisée par la faiblesse topographique et l’extension des hauts fonds qui freinent l’action des vagues. Aussi, se localisent-ils surtout dans le fond des criques abritées par des flèches littorales ou sur des côtes à faible énergie. Leur superficie totale est de l’ordre de 17,4 ha, soit 0,03% de la superficie totale de l’île.
7Il s’agit de rivages où l’interface terre-mer se fait de façon progressive ou par une microfalaise vive taillée dans des matériaux tendres. Ces rivages intéressent un linéaire côtier d’environ 32 km, représentant 14 % des côtes de l’île (Akacha, 2021). On les rencontre surtout sur les secteurs côtiers de Guellala, d’Ajim, de Houmt Souk et d’El Gantra.
8Les rivages de l’île de Jerba appartiennent à un environnement naturel qui ne favorise pas toujours leur résistance à l’action des eaux marines. Les principaux facteurs de faiblesse en termes de vulnérabilité dans une conjoncture d’élévation du niveau marin sont à mettre en rapport avec le cadre climatique et l’hydrologie continentale et marine.
9Le climat sub-aride ne favorise pas d’écoulements importants susceptibles de fournir les rivages et les estrans en matériaux terrigènes en quantités importantes. Les apports pluviométriques totaux sont de l’ordre de 224 mm/an et sont enregistrés au cours d’une partie courte de l’année (fig. 6).
Fig. 6 : Pluviométrie mensuelle moyenne durant la période 1950‑1995
Source : INM, 1996
10Ce constat est accentué par la faiblesse du réseau hydrographique due à la fois à la faible superficie de l’île et à sa topographie. Les seuls écoulements capables de faire parvenir de temps en temps des sédiments à la mer se font dans des ravins qui prennent leurs sources sur les versants qui dominent la ville de Guellala au Sud de l’île. Ces ravins sont aujourd’hui colonisés par des vergers et largement barrés par des tabias qui freinent l’écoulement et retiennent une grande partie des sédiments qui, à l’état naturel, parvenaient jusqu’au niveau de base (fig. 7 et fig. 8).
Fig. 7 : Aménagement agricole et implantations de tabias
Les tabias (indiquées par des flèches) se trouvant dans les ravins qui découpent l’escarpement de Guellala, le principal accident topographique de l’île et empêchent les rares apports terrigènes d’arriver jusqu’au rivage.
Crédit : l’auteur
Fig. 8 : La situation au bord de la mer dans les environs de Guellala
Situation au droit des ravins barrés par les tabias de la figure 7. Une fragilité de la côte accentuée par la réduction de son alimentation sédimentaire ; une microfalaise vive et à recul rapide comme le suggère l’état de la végétation.
Crédit : l’auteur
11Le climat de l’île se caractérise aussi par l’importance des vents. D’après les statistiques de l’Office National de la Météorologie, les situations de calme ne représentant en moyenne que 3,5 % (fig. 9). Il s’agit de vents souvent forts et qui soufflent surtout des secteurs Nord-Ouest à Nord-Est et exposent les rivages sableux à une déflation. Ceci est accentué par le fait que les matériaux de surface sont souvent sec du fait de la longueur des saisons sèches et de l‘importance des températures dont la moyenne annuelle est de 19,8 °C (INM, 1996). La température maximale moyenne du mois d’août, le plus chaud, est de l’ordre de 32,5 °C et la température minimale moyenne du mois de janvier, le plus froid, est de 8,8 °C (INM, 1996 ; fig. 10).
Fig. 9 : La fréquence du vent selon la vitesse
Crédit : INM, 1996
Fig. 10 : Les températures moyenne, maximale et minimale mensuelles de la station de Jerba Houmt Souk de 1950 à 1995
Crédit : INM, 1996
12L’hydrologie marine ne paraît pas constituer un facteur de faiblesse lorsqu’on se limite aux caractéristiques des vagues. Les choses changent lorsqu’on considère les courants côtiers. D’après la rose des houles donnée par le site « The Climate Data Factory » et obtenue pour une période de 45 ans, de 1958 à 2003, le littoral de Jerba est affecté par des houles pluridirectionnelles. Les houles les plus importantes sont celles des secteurs N/NO et E/SE avec une fréquence de 15 % en moyenne. Elles se caractérisent par une hauteur moyenne au large de 1,2 m et pouvant dépasser 3 m à l’approche du rivage. Les autres houles ont une amplitude qui ne dépasse généralement pas 1 m avec une fréquence moyenne de 9 %. Les matériaux érodés sont repris par des courants côtiers agissant dans une même direction sur des segments côtiers longs. Les secteurs de départ sédimentaire sont naturellement les plus fragiles et connaissent déjà une érosion importante. Le long de la façade orientale de l’île, la plus exposée à l’action des houles les plus fortes, nous distinguons trois principaux secteurs. Le premier s’étend depuis Rass Torbkhana jusqu’à la pointe de la flèche de Rass Errmal. Le courant côtier dominant y est dirigé vers le Nord-Ouest. Le second se situe entre Rass Torbkhana et Rass Rouga et est intéressé par un courant qui court du Nord vers le Sud. Enfin, le troisième secteur est compris entre Rass Rouga et la pointe de la presqu’île d’El Gastil avec un courant dominant dirigé vers le Sud‑Ouest (fig. 11).
Fig. 11 : Les différentes cellules sédimentaires de la côte orientale de Jerba
Réalisation : Z. Akacha
13L’érosion marine résulte de la combinaison des facteurs à la fois naturel et d’origine anthropique. L’approche que nous avons suivie est basée sur la méthode multicritères. En effet, la réalisation de la carte de la vulnérabilité des côtes au risque de l’érosion marine passe par quatre étapes principales. La première consiste à identifier les éléments qui agissent sur l’ampleur du risque. La deuxième étape correspond au codage permettant de standardiser le risque selon son intensité. Ensuite, la troisième étape est consacrée à la pondération des critères en se basant sur une bonne connaissance des facteurs qui entrent en jeu. Enfin, la quatrième étape, permet une combinaison des cartes pour obtenir l’indice de risque multicritère (Robin, 2002).
14Pour Jerba, nos observations de terrain ainsi que l’exploitation des données bibliographiques nous ont permis de retenir six variables comme étant les plus déterminants au niveau du risque de l’érosion marine. Il s’agit de la géomorphologie des rivages, la topographie, la vitesse de la mobilité du trait de côte, l’occupation du sol, l’exposition des enjeux socio-économiques, la biodiversité et l’exposition du patrimoine archéologique.
15Le codage du risque s’est fait selon le tableau suivant :
Tableau I : Grille de vulnérabilité en fonction de l’intensité du risque et prédisposition à un aléa
Intensité du risque
|
À l’abri du risque de
l’érosion marine
|
Risque
d’érosion faible
|
Risque
d’érosion moyen
|
Risque d’érosion élevé
|
Risque
d’érosion très élevé
|
Code utilisé
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0
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1
|
2
|
3
|
4
|
16Après une présentation des résultats obtenus pour chaque variable, nous avons essayé de dresser une carte synthétique. Celle-ci est obtenue par la superposition des différentes cartes informatives.
17En s’appuyant sur les différentes cartes informatives (figs 12 à 16), on constate que les différents indices utilisés interviennent de façons variables dans la vulnérabilité des côtes de l’île. En effet, la faiblesse topographique accentue la fragilité de la côte sur plus de 75 % du linéaire côtier. Les côtes occidentales sont les moins concernées par cette variable (fig. 12). La variable géomorphologie est également très influente (fig. 13). Plus de 80 % des côtes sont des côtes basses à plages, marais maritimes et des terres humides taillées par des microfalaises. Quant à la variable évolution de la position du rivage, son importance apparaît surtout dans les côtes tendres ou meubles, principalement sableuses (fig. 14). Les variables occupation du sol et enjeux socio-économiques (fig. 15) révèlent une vulnérabilité forte mais avec une opposition entre deux zones ; la façade orientale de l’île d’une part et la façade occidentale d’autre part. pour la première, le tourisme constitue le principal secteur d’activité. Par contre, la côte occidentale se caractérise par des terres agricoles ou en friche. La richesse biologique liée à l’extension des terres humides, souvent à grand intérêt de biodiversité, constitue un autre facteur de sensibilité (fig. 16). Les deux façades ont toutefois en commun le fait de contenir un patrimoine archéologique dont l’état a été considéré dans l’appréciation de la vulnérabilité.
Fig. 12 : Vulnérabilité de Jerba au risque de l’érosion marine selon la topographie des côtes
Crédit : l’auteur
Fig. 13 : Vulnérabilité de Jerba au risque de l’érosion marine selon la géomorphologie du rivage
Crédit : l’auteur
Fig. 14 : Vulnérabilité de Jerba au risque de l’érosion marine selon l’évolution de la position du rivage
Crédit : l’auteur
Fig. 15 - Vulnérabilité de Jerba au risque de l’érosion marine selon l’occupation du sol et les enjeux socio-économiques
Crédit : l’auteur
Fig. 16 - Vulnérabilité de Jerba au risque de l’érosion marine selon le critère biodiversité
Crédit : l’auteur
18La carte de synthèse, obtenue après superposition des différentes cartes, révèle une forte vulnérabilité de l’île (fig. 17). Plus de 55 % du linéaire côtier montrent une vulnérabilité élevée à très élevée. Les côtes moyennement vulnérables viennent en deuxième position avec un taux de 23 %, alors que les côtes faiblement menacées ne dépassent pas 20 %. Les variables les plus influents sont la topographie et la géomorphologie.
Fig. 17 : Carte synthétique de la vulnérabilité de Jerba au risque de l’érosion marine
Crédit : l’auteur
19Les terres cartographiées comme potentiellement submersibles sont celles situées à une altitude inférieure à 1 m, la valeur de 1 m étant celle considérée la plus vraisemblable pour l’élévation du niveau marin annoncée pour la fin de ce siècle (IPCC, 2021). La délimitation s’est faite sur la base d’un modèle numérique du terrain rectifié par des observations (fig. 2). En l’absence d’un nivellement topographique précis et adapté au sujet, le résultat reste d’imprécis. Il nous parait néanmoins non dénué de signification. L’espace à risque qui apparaît sur la carte obtenue (fig. 18) comprend des surfaces situées à une altitude inférieure à 1 m. Mais il nous paraît davantage convenir à une carte des terres inférieures à 2 m. Nous avons essayé d’effectuer des délimitations en considérant les rares points cotés que donnent les cartes topographiques ainsi que certaines données du terrain comme l’existence des terres humides et la végétation en les comparant avec les endroits pour lesquels nous avons des valeurs d’altitude sur les cartes topographiques. Ces résultats pourraient être précisés le jour où des relevés topographiques adaptés seront disponibles. En attendant, et se basant sur le modèle numérique de terrain précité et les cartes topographiques, 69 % des terres de la frange littorale se trouvent à une altitude inférieure à 2 m. Les surfaces pouvant être envahies par la mer actuel peuvent être estimées à 21 %.
Fig. 18 : Les terres à risque de submersion avec une élévation marine de 1 m
Crédit : l’auteur
20Dans un contexte d’élévation du niveau marin, l’intrusion des eaux marines dans la nappe phréatique peut constituer le moteur principal de la salinisation des terres. Une pente topographique faible accentue le processus (Paskoff, 1994). Une partie indéniable des terres basses du littoral de Jerba doit donc être classée à risque de salinisation d’autant plus que les formations géologiques dominantes sont tendres et perméables. Ces terres bordent directement la mer ou se trouvent souvent au contact des sebkhas. Elles sont aujourd’hui cultivées ou portent une végétation non halophile. Leur salinisation les rendra, en affectant les propriétés physiques et chimiques du sol, de moins en moins utilisables pour l’agriculture (fig. 19).
Fig. 19 : Les terres côtières déjà caractérisées par un sol salé (sebkhas, marais et chotts)
Ces terres occupent des superficies importantes ; une élévation du niveau marin entraînera leur extension, leurs marges internes ayant le plus souvent des altitudes très basses
Crédit : l’auteur
En fait, le processus de salinisation est déjà entamé si l’on considère l’état des vestiges de constructions antiques ou plus récents et des palmiers qui constituent l’un des éléments floristiques les plus importants de l’île. Une partie importante des structures de la cité antique de Meninx se trouve sous un sol salé du type sebkha ou chott, comme on peut le voir en différents points des terres basses situées en arrière de la partie fouillée du site au bord des routes vers Guellala, Sedouikech et Aghir. Au niveau de la pointe de la presqu’île de Terbella, des vestiges archéologiques modernes ont été décrits au milieu d’un schorre caractéristique (Oueslati, 2016). D’autre part, de nombreux palmiers sont déjà au milieu de sebkhas et parfois engagés dans des marais maritimes. Dans de telles situations, ils sont toujours en mauvais état ou réduits à des troncs morts et témoignent du caractère très récent de la salinisation. Les illustrations sont nombreuses dans différents secteurs, notamment au Sud et à l’Ouest de l’île (fig. 20).
Fig. 20 : L’état des palmiers dans les terrains bas qui bordent la mer
En haut, sur la côte ouest de l’île, un palmier mort et abattu au milieu d’un schorre ; en bas, sur la côte sud de l’île (entre Guellala et Ajim), des palmiers montrant différents niveaux de dégradation au milieu d’un chott
Crédit : l’auteur
21La cartographie des risques littoraux qui menacent Jerba a permis de faire un bilan préliminaire sur le degré de la fragilité des côtes. La carte de la figure 21 tente d’en donner la synthèse obtenue grâce à la superposition des différentes cartes élaborées. Une telle fragilité est, d’un point de vue naturel, en bonne partie, due à la faiblesse topographique qui accentue les effets d’une élévation du niveau marin. Mais la vulnérabilité diffère sensiblement d d’un secteur à l’autre et ce, en fonction des caractéristiques géomorphologiques et floristiques ainsi qu’en fonction du niveau d’exposition des aménagements littoraux et des sites archéologiques à la dynamique marine. En effet, les marais maritimes, les terres humides et les plages dont la flèche de Rass Errmal sont les éléments du paysage les plus menacés. Sur le plan économique, les secteurs les plus menacés sont le tourisme sur la côte orientale et l’agriculture particulièrement dans la moitié occidentale de Jerba.
22L’érosion marine et les phénomènes de submersion et de salinisation des terres constituent les principales menaces qui touchent la frange littorale. La carte de synthèse permet d’affirmer que tous les secteurs sont touchés par au moins deux types de risques et que la plus grande partie du rivage est très vulnérable à l’avancée de la mer que doit occasionner une variation positive du niveau de la mer. Mais, dans l’ensemble, les côtes qui paraissent devoir subir les effets les plus importants sont : la flèche de Rass Errmal, le secteur de Sidi Salem, la pointe de la presqu’île de Terbella, la pointe de la presqu’île d’Ajim, la façade interne de la presqu’île d’El Gastil, les environs du site de Meninx et la côte de Guellala. Les côtes à marais maritimes sont les plus vulnérables, au risque de la submersion. Les côtes occidentales, en partie rocheuse, peuvent être concernées par le risque de submersion et de salinisation des terres les plus déprimées. Par contre, les côtes sableuses du secteur touristique seront de plus en plus fortement touchées par le phénomène d’érosion auquel s’ajouteront des phénomènes de submersion marine. Les conséquences et les dégâts seront, pour les différents secteurs, d’autant plus importants que la côte est aménagée et à valeur patrimoniale et biologique.
Fig. 21 : Carte des risques et de la dynamique des paysages dans la frange littorale de l’île de Jerba dans la perspective d’une élévation marine
Crédit : l’auteur