Skip to navigation – Site map

HomeIssues135Acteurs de la production des vill...Le rôle des acteurs étrangers dan...

Acteurs de la production des villes capitales et enjeux politiques

Le rôle des acteurs étrangers dans la production et l’appropriation de l’espace dans les capitales : l’influence turque à Conakry

The role of foreign actors in the production and appropriation of space in capital cities: Turkish influence in Conakry
Cosimo Pica and Mohamed Saliou Camara

Abstracts

This article aims to contribute to the debate on the role of international relations in the production of urban space, particularly in capital cities. We look at how Turkey, through private entities linked to its government, has managed to enter Guinea. In particular, Ankara has developed its economic activities in the country, through projects involving fundamental infrastructures of territorial sovereignty such as the first national port. In this sense, we analyze Turkish influence in the production of space in Conakry, taking as a case study the Albayrak group's project for the port of Conakry in Kaloum. This municipality has an important symbolic value, linked to Conakry's status as a capital city. Through the analysis of this project, the aim is to understand how political and economic actors interact with and shape the physical environment, and how this influences the social and symbolic imaginary.

Top of page

Full text

Introduction

1Depuis 2003, l’engagement de la Turquie en Afrique est devenu de plus en plus important. Cet engagement se manifeste à la fois en termes d’investissements, de commerce, d’aide au développement par le biais de l’Agence de coopération TIKA, mais aussi militaires, avec l’ouverture d’une base en Somalie en 2017 (Akça 2019). Si la mobilisation idéologique du passé ottoman a impulsé des relations privilégiées avec certains pays, notamment la Somalie et la Libye, le rôle de différents acteurs politiques et économiques (Bacık et Afacan 2013) a permis à la Turquie d’étendre son engagement dans d’autres régions, notamment en Afrique de l’Ouest où il n’y a pas de passé historique ottoman. La Guinée est un pays où l’engagement turc est majeur.

2La présence turque en Guinée a pris une portée particulière sous la présidence d’Alpha Condé avec l’ouverture des représentations diplomatiques en 2013 et la première visite officielle de Recep Tayyip Erdoğan à Conakry en 2016. À partir de là, les relations politiques et économiques entre les deux pays ont pris une ampleur plus importante avec, entre autres, l’installation du bureau de coordination de Türk İşbirliği ve Koordinasyon Ajansı Başkanlığı (TIKA)1 à Conakry, engagé dans plusieurs projets de coopération et de développement sur le territoire guinéen (ministère turc des Affaires étrangères 2024). Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est passé de 30 millions de dollars en 2013 à plus de 190 millions en 2019 et plus de 500 millions en 2023 (Emergence Guinée 20242). Plusieurs autres actions marquent le raffermissement de ces relations : cinq écoles gérées par la fondation turque Maarif3 et la chaîne de restaurants Istanbul. Ce modèle de partenariat multi-niveaux a stimulé plusieurs investissements d’acteurs économiques turcs dans le pays.

3Dans cet article, notre propos est de montrer comment les relations politiques et économiques entre deux États, à travers la promotion d’initiatives portées par des acteurs économiques privés, peuvent influencer la production de l’espace urbain, et notamment celle des villes capitales. Ce choix de l’analyse des relations au niveau inter-États s’explique par le fait que les acteurs au niveau local (mairies, régions et collectivités) ont très peu d’influence sur l’aménagement du territoire en Guinée, car le gouvernement central joue un rôle essentiel dans la production et la régulation de l’espace. Ce dernier intervient dans l’aménagement du territoire, la planification urbaine, la gestion des ressources naturelles, et d’autres aspects liés à la configuration et à l’utilisation de l’espace géographique (ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire 2023).

4Nous analyserons précisément le cas du complexe portuaire géré par le groupe turc Albayrak, dans la commune de Kaloum à Conakry. Créé en 1952, le groupe Albayrak, initialement orienté vers la construction (logements, installations industrielles, ports, stades, etc.), compte aujourd’hui près de 80 entreprises, évoluant dans 20 domaines d’activité : logistique, transports publics, gestion des déchets, textile, agroalimentaire, fonderie, médias et édition, papeterie, etc. Il compte environ 10 000 employés en Turquie. Plusieurs éléments montrent les liens étroits entre Recep Tayyip Erdoğan et le groupe Albayrak. Par exemple, le journal pro-gouvernemental Yeni Şafak appartient au groupe et s’est vu attribuer sept milliards de livres turques dans le cadre d’appels d’offres publics en 11 ans4. Nuri Albayrak, un des cofondateurs du groupe Albayrak, est considéré comme un ami personnel et une personne de confiance du Président turc5. Investisseur à l’échelle mondiale, il se spécialise de plus en plus dans les domaines de la gestion portuaire, des transports publics, de la gestion des déchets et de l’immobilier dans divers pays d’Asie et d’Afrique. Il faut ainsi noter une présence importante en Guinée où il gère des lignes de bus, l’assainissement urbain, la rénovation de l’aéroport Ahmed Sékou Touré et le Port autonome de Conakry.

5Le cas du complexe portuaire est intéressant, car le développement du port et la construction d’une route de quatre kilomètres (nouvelle pénétrante) par le groupe Albayrak ont permis le développement d’une zone industrielle renforçant davantage le rôle central de Conakry dans l’armature territoriale, ainsi que l’économie de la Guinée. Il faut souligner que Conakry est une ville côtière, une presqu’île étroite qui pénètre dans l’océan Atlantique en direction des Îles de Loos, milieu de formes inter-pénétrantes de baies, d’estuaires et de bras de mer.

6Par ailleurs, selon Camara M. S. (2023), la ville a connu l’une des croissances les plus rapides d’Afrique, passant de 113 000 habitants en 1960 à plus de deux millions en 2021 (INS 2021). Sa superficie est passée de 70 km2 en 1985 (ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat 1992) à 450 km² en 2021. Avec le projet de région métropolitaine du Grand Conakry, la population projetée en 2040 atteint six millions d’habitants et une superficie d’environ 15 000 km² (ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire 2023). Cette dynamique d’urbanisation très rapide est due au fait que Conakry est la capitale d’un pays dont l’armature territoriale est très centralisée -elle constitue pratiquement l’unique pôle d’attraction économique.

Carte 1 : Conakry, division administrative de la ville en communes.

Carte 1 : Conakry, division administrative de la ville en communes.

Source : Auteurs à partir des données OSM, 2024.

7Le port suscite notre intérêt car c’est une infrastructure primordiale dans un pays qui doit aujourd’hui relever des défis logistiques déterminants pour sa souveraineté nationale, dans le cadre de relations internationales renouvelées (Livolsi 2022). Il joue un rôle crucial dans le renforcement de l’image de Conakry comme ville capitale, favorisant ainsi sa visibilité et sa reconnaissance à l’échelle locale, nationale et internationale. Dans cet ordre d’idée, et comme soutenu par Peter Hall (2006), il faut souligner le rôle et l’avenir des capitales, ainsi que leur place dans l’économie mondiale et les relations internationales. D’après cet auteur, l’avenir des capitales est déterminé par les tendances mondiales et les particularités régionales. Au sein d’une économie mondiale de plus en plus interconnectée, les capitales jouent un rôle essentiel en tant que pôles d’activité économique, de gouvernance et d’échange culturel. Quet (2022) a approfondi en évoquant le concept de « pensée logistique » afin de souligner que la logistique ne se restreint plus aux aspects matériels et visibles, mais inclut également des éléments immatériels tels que l’information, les émotions humaines, la monnaie et la sémiologie. Cette transformation a entraîné une logistique plus complexe et étendue, devenant un élément essentiel de l’organisation des sociétés modernes, impactant nos actions, nos pensées et nos valeurs morales. Cela se manifeste de manière concrète dans le cas du port de Conakry où des travaux d’extension et de modernisation ont été réalisés dans le but de contribuer à faire de la ville un pôle économique important. De ce point de vue, Elden (2007) met l’accent sur la dimension mondiale dans l’analyse de l’espace et de la société, affirmant que l’espace n’est pas seulement un cadre passif, mais qu’il est activement façonné par les relations sociales, la dynamique du pouvoir et les forces économiques. Nous nous appuyons sur cette approche qui vise à saisir les défis urbains en démontrant comment les dynamiques locales sont influencées par les relations internationales.

8Par quelles stratégies d’influence de la part de la Turquie, le groupe Albayrak est-il parvenu à obtenir des concessions aussi importantes dans la capitale de la Guinée ? Comment ce complexe industriel contribue-t-il à la restructuration des dynamiques urbaines dans la ville de Conakry ? Ce sont ces questions qui seront discutées dans cet article. Nous partons de l’hypothèse que l’environnement joue un rôle actif dans la construction du social et du symbolique, c’est-à-dire que les caractéristiques physiques, la configuration spatiale, et les significations attribuées à l’espace ont des répercussions sur les comportements, les relations sociales et les dynamiques du pouvoir politique. L’objectif est de comprendre les jeux d’acteurs politiques et économiques internationaux et les implications que cela peut avoir dans la production symbolique de l’espace urbain.

  • 6 Le chef de quartier est l’autorité politique et administrative responsable du plus petit niveau d’o (...)

9Pour y parvenir, nous avons élaboré une méthodologie qualitative bâtie sur des sources primaires et secondaires, telles que la presse locale et internationale, des entretiens semi-directifs complétés par des observations non participantes. Nous avons réalisé 16 entretiens entre octobre et novembre 2023 auprès du chef du quartier6 Coronthie (dans la commune de Kaloum), cinq travailleurs du groupe Albayrak et 10 habitants des quartiers voisins du port (les quartiers Coronthie et Tombo). Les résultats de ces entretiens, combinés à nos observations, nous ont permis de structurer l’article en trois parties : l’engagement de la Turquie en Guinée (i), l’importance symbolique de la commune de Kaloum dans l’affirmation de Conakry comme ville capitale (ii) et la production symbolique de l’espace induite par le projet géré par le groupe Albayrak (iii).

L’engagement de la Turquie en Guinée : la capitale Conakry, centre d’intérêt politique et économique majeur

  • 7 Cette politique s’articule autour de deux axes principaux : l’aide humanitaire avec des projets dév (...)
  • 8 La Turquie s’est forgée une image de puissance vertueuse, c’est-à-dire une puissance en laquelle le (...)

10La « politique étrangère humanitaire et entreprenante »7 (Akpınar 2021) de la Turquie, combinée à la relation privilégiée établie entre le Président Recep Tayyip Erdoğan et l’ancien Président guinéen Alpha Condé et à l’image de la Turquie -puissance vertueuse8 sur le continent africain-, se reflète dans les relations mutuelles des deux pays. Si des liens existaient déjà entre la Turquie et la Guinée, c’est sous la présidence Condé que la Turquie est progressivement devenue un acteur important. L’ouverture d’une ambassade à Conakry en 2013 est un premier pas concrétisant la présence turque dans la capitale. À partir de là, nous assistons à un crescendo de la coopération entre la Guinée et la Turquie dans les domaines humanitaire, culturel et économique, en particulier à Conakry.

11Donelli (2023), à partir de l’exemple somalien, a décrit quelques étapes types de la stratégie d’entrée et d’investissement de la Turquie dans les pays africains :

« 1) ouverture d’écoles par l’intermédiaire d’ONG et de fondations caritatives ; 2) visites diplomatiques accompagnées par des hommes d'affaires et d'autres représentants de la société civile ; 3) création d'un bureau de l'Agence turque de coopération et de coordination (TIKA) ; 4) lancement de vols réguliers par Turkish Airlines - appartenant en partie à l’État ; et 5) ouverture d'une ambassade et de consulats » (p8).

  • 9 Depuis l'arrivée au pouvoir de l’AKP, le mouvement Gülen a joué un rôle important dans l'affirmatio (...)

12Nous retrouvons ce schéma en Guinée, à travers des modes et des temporalités spécifiques. La première visite d’Erdoğan, accompagné d’une importante délégation d’hommes d’affaires turcs, a sanctionné l’ouverture du bureau de la TIKA à Conakry quelques mois plus tard, en juin 2016, ainsi que l’ouverture d’une ligne aérienne entre Istanbul et Conakry empruntée pour la première fois par Turkish Airlines en janvier 2017. L’année 2016, outre la première visite officielle, est un moment important : les relations entre les deux pays se sont renforcées après le coup d’État manqué du 15 juillet 2016. Pour confirmer sa fidélité à Recep Tayyip Erdoğan, Alpha Condé a été l’un des premiers chefs d’État à fermer, à la demande expresse du Président turc, les institutions éducatives liées au mouvement de Fetullah Gülen9 (l’organisateur supposé de la tentative de coup d’État) dans son propre pays, présent à Conakry depuis 2003 à travers le complexe scolaire dénommé « Citadelle » (Diallo 2016). 

13L’influence de la Turquie dans le pays n’a cessé de croître, en suivant une stratégie multidimensionnelle d’intervention dans le contexte africain, composée de la diplomatie personnelle d’Erdoğan, de l’aide humanitaire et du développement de partenariats commerciaux avec des entreprises turques. Un événement résume parfaitement ce tableau. Lors d’une visite dans le pays en janvier 2017, Erdoğan a été informé de l’anniversaire de Condé et a fait une promesse de don à Conakry de 50 bus qui appartenaient en réalité à la municipalité d’İstanbul. L’année suivante, les bus d’İstanbul ont été livrés par le TİKA et le groupe Albayrak a assuré leur exploitation10.

14La stratégie turque combine le rôle personnel d’Erdoğan, de l’agence TIKA et du groupe Albayrak. Les bus arborant le drapeau turc ont rejoint le réseau de transport public à Conakry, quelques jours avant la signature de la concession du Port autonome au groupe Albayrak. Cet événement, apparemment mineur, représente symboliquement l’entrée de la Turquie dans l’espace de la capitale guinéenne. Il prend une valeur significative quand on le rapporte à ce qui est désormais le projet turc le plus important de Guinée : l’agrandissement, la modernisation et la gestion du Port autonome de Conakry par le groupe Albayrak. La convention de concession de 25 ans entre le gouvernement guinéen et ce groupe, signée le 10 août 2018, est le point culminant des relations entre les deux pays.

15Le rôle croissant de la Turquie dans le pays a suscité débats et protestations, notamment à l’encontre de l’accord dont la signature a pu sembler illégitime. S’en est suivie une grève des travailleurs dénonçant la privatisation d’une infrastructure nationale importante, l’opacité des termes du contrat et le manque d’implication du parlement alors que ce dernier aurait dû être légalement saisi, ainsi que les représentants des travailleurs (Barry 2018). Malgré l’opposition des ouvriers du port, le projet s’est poursuivi nonobstant les changements politiques majeurs survenus dans le pays. En effet, si le renforcement de l’influence turque et du groupe Albayrak en Guinée était lié à la relation privilégiée avec Alpha Condé, sa destitution à la suite du coup d’État mené par le Colonel Mamadi Doumbouya en 2021, n'a pas mis en cause les intérêts turcs, malgré quelques « fibrillations » initiales du nouveau gouvernement de transition guinéenne liées à la présence de Condé en Turquie pour un traitement médical depuis 2022 (Jeune Afrique 2022). Au contraire, même dans les moments de tension qui ont suivi la demande de remise de Condé, le groupe Albayrak a joué un rôle important dans les négociations, à l’appel du gouvernement guinéen, confirmant son rôle stratégique au-delà des simples intérêts économiques.

16Comme l’a souligné Yunus Yılmaz, PDG du groupe Albayrak, dans son entretien du 23 octobre 2023 accordé à la journaliste de Jeune Afrique Joséphine Dedet11, le port de Conakry est devenu le plus performant d’Afrique de l’Ouest et les relations avec les autorités guinéennes restent idylliques, dans une perspective de partenariat « gagnant-gagnant qui bénéficie aux intérêts des deux parties » (Jeune Afrique 2023). La poursuite et le renforcement de la présence du groupe Albayrak et de la Turquie dans le pays ont été scellés par la visite officielle de Mamadi Doumbouya à la cérémonie d'investiture de Recep Tayyip Erdoğan à Ankara après sa victoire aux élections présidentielles du 28 mai 202312.

17L’agrandissement du port, carrefour stratégique pour le commerce, mais aussi lieu symbolique de la souveraineté nationale, a également eu un impact spatial important au sein d’une zone, la commune de Kaloum, qui présente des situations sensibles et une certaine fragilité, comme l’a démontré l’incendie du 18 décembre 2023 du plus grand dépôt de carburant du pays, situé à côté du Port autonome de Conakry. Cet incendie a fait 24 morts, 454 blessés, endommagé 800 bâtiments, touché 2 141 familles, pour un total de 11 000 personnes directement affectées13. L’épisode a également provoqué une grave crise énergétique, due à la pénurie d'essence, élément central du débat politique interne marqué par une course à la solidarité à la fois populaire et institutionnelle, qui confirme la centralité de la capitale Conakry et de la commune de Kaloum dans la dynamique politique et économique du pays.

18Les investissements dans le port de Conakry ne sont pas des opérations isolées. Il s’agit d’une stratégie globale multi-niveaux et multisectorielle. En effet, d’autres projets du groupe Albayrak sont en vue à Conakry, comme la création d’un port de pêche moderne, et d’autres qui dépassent la zone portuaire, comme la rénovation de l’aéroport Ahmed Sékou Touré et la construction d’un nouvel aéroport. Ces projets illustrent l’influence majeure exercée par le groupe Albayrak en tant qu’acteur économique et politique. Pour la Turquie, le groupe est un acteur du renforcement de sa présence en Guinée et dans la région ouest-africaine ; pour la Guinée, c’est un partenaire privilégié des autorités nationales en vue de la modernisation des infrastructures stratégiques.

Kaloum, presqu’île portuaire stratégique à Conakry et au-delà… pour la Guinée

19Depuis l’indépendance de la Guinée en 1958, le pays a eu deux grands systèmes de gouvernance urbaine. Le premier, de 1958 à 1984, est un système socialiste caractérisé par un État central garant de la gouvernance territoriale. Le second, depuis la fin des années 1980, est un système libéral, marqué par la réouverture du pays et une décentralisation incomplète. Le passage du système très centralisé de l’époque socialiste post-coloniale à un système décentralisé qui accorde davantage de pouvoir aux collectivités locales a été un processus long et complexe qui peine à se concrétiser. Ce processus a connu un moment important en 2006 avec l’adoption d’un Code des collectivités locales qui consacre le transfert d’un certain nombre de compétences aux acteurs locaux. Cependant, ces acteurs sont soumis à une autorité de tutelle qui est le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation. Cette mise sous tutelle des collectivités par l’État central et ses services déconcentrés empêche, dans la pratique, la libre administration de celles-ci, pourtant consacrée par la constitution. L’aménagement du territoire qui est l’une des compétences des collectivités territoriales, en particulier « la responsabilité propre d’établir ou de faire établir, conformément aux lois et règlements en vigueur, les documents et plans d’urbanisme et de zonage nécessaires au développement harmonieux et durable » (Code des collectivités locales 2017) du territoire, se trouve géré par le gouvernement national.

  • 14 Le Grand Conakry est un projet de Région métropolitaine d’une superficie d’environ 15 000 km² à met (...)

20À titre d’illustration, le schéma directeur d’urbanisation (SDU) du Grand Conakry14 a été réalisé par l’ONU Habitat sur financement de l’Union européenne en appui institutionnel au ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire (MVAT) (ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire, 2016). Les communes de Conakry n’ont joué aucun rôle majeur dans l’élaboration de ce document de planification urbaine. Tout s’est joué essentiellement entre le gouvernement (à travers le MVAT) et les partenaires techniques et financiers internationaux, à savoir l’ONU Habitat et l’Union européenne (voir la méthodologie du SDU publié par le MVAT, 2023). L’étude des acteurs au niveau du gouvernement national est ainsi plus pertinente que celle menée au niveau local. En effet, l’utilisation des monuments et autres espaces comme symboles de l’affirmation de la puissance du pouvoir (Vale 2008) ne se fait dans ce contexte que par le gouvernement national.

  • 15 C’est le code des collectivités locales de la Guinée qui a utilisé le terme de “zone spéciale”. C’e (...)

21Conakry occupe une position symbolique aux yeux du pouvoir central. C’est non seulement la plus importante ville de Guinée, mais aussi l’une des plus grandes métropoles d’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, avec un peu plus de deux millions d’habitants (INS 2021), elle concentre 17 % de la population de la Guinée et plus de 50 % de sa population urbaine (INS 2021). Le Code des collectivités locales que nous avons évoqué précédemment a classé Conakry comme « zone spéciale »15. Elle a été divisée en cinq communes (Kaloum, Dixinn, Matam, Ratoma et Matoto) pour former la région administrative de Conakry. La ville est, ainsi, dirigée par un Gouverneur qui est nommé par décret du Président de la République. Les cinq maires des communes sont élus. Depuis le 16 mars 2021, la 9e législature de la République de Guinée a érigé les îles de Loos en commune urbaine. La région de Conakry est constituée aujourd’hui de six communes (carte 1).

22Conakry est le centre administratif du pays et attire l’essentiel des activités économiques, les sièges de la plupart des grandes entreprises, tous les ministères, le plus grand port maritime, le seul aéroport international, etc. Cette position ultra centrale de Conakry dans l’armature territoriale est essentiellement liée à la commune de Kaloum. En effet, lors des observations et entretiens avec les habitants, la population locale a fréquemment exprimé que « Kaloum est la capitale de la Guinée ». Pour comprendre cette position dominante de Kaloum, il faut revisiter l’histoire de Conakry depuis son origine. En effet, M. S. Camara (2023) explique à partir de l’analyse des travaux de Gangneux-Kebe (2019) et de Goerg (2004) que Conakry a été planifiée et créée ex nihilo par l’administration coloniale française au 19e siècle en vue du développement des activités portuaires. Comme le montre la figure 2, la situation géographique de l’île de Tombo offre des atouts pour la réalisation d’un port en eau profonde. Le port réalisé par l’administration coloniale, Kaloum, devient une porte d’entrée en vue de l’exploitation de l’intérieur des terres à travers l’établissement d’une voie ferrée reliée au port.

  • 16 L’Île de Tombo n’existe plus. Elle a été reliée au reste de la ville par un remblai. L’actuelle com (...)

Carte 2 : Le plan colonial d’aménagement sur l’île de Tombo en 190016.

Carte 2 : Le plan colonial d’aménagement sur l’île de Tombo en 190016.

Source : Bah et al. 1999 cité par Gangneux-Kebe 2019.

23Le système rend possible l’exportation des ressources naturelles (bananes, ananas, produits miniers, etc.). De plus, la situation de Kaloum présentait des avantages certains pour défendre la position de la France face aux autres puissances coloniales concurrentes. L’administration coloniale française y installera sa capitale. En septembre 1958, le Général Charles de Gaulle propose une constitution. La Guinée a été le seul pays à voter « non » au référendum sur la Communauté française le 28 septembre 1958. Elle accède immédiatement à l’indépendance le 2 octobre 1958. La France, contrariée, décide de mettre fin brutalement et sans délai à ses contributions techniques et financières et tente d’isoler le pays sur la scène internationale. Dans ce contexte, le nouveau Président Ahmed Sékou Touré et son gouvernement ont décidé de garder la capitale à Kaloum. Contrairement aux autres villes du pays, Conakry -et en particulier Kaloum- possédait les infrastructures à même de recevoir les institutions de la nouvelle République. La position de Kaloum s’en trouve ainsi renforcée. La ville devient le symbole du pouvoir. Le Président y installe son palais (ancien bureau du gouverneur de l’administration coloniale). La commune de Kaloum est encore aujourd’hui le cœur du pouvoir politique en Guinée et sa charge symbolique reste importante à Conakry et, au-delà, pour toute la Guinée.

Photo 1 : Cathédrale Sainte-Marie de Conakry à Kaloum, construite en 1930.

Photo 1 : Cathédrale Sainte-Marie de Conakry à Kaloum, construite en 1930.

Source : Office National du Tourisme17.

24En tant qu’ancienne municipalité coloniale, Kaloum conserve des éléments architecturaux et urbanistiques hérités de l’époque française. Le centre administratif et économique de Conakry se trouve à Kaloum, où se concentrent les institutions gouvernementales, les entreprises et les commerces, symboles du pouvoir et manifestations de la vitalité économique. En ce sens, nous considérons Conakry, et en particulier Kaloum, comme des instruments de construction de la nation (Rossman 2017) guinéenne.

25Dans le contexte politique de l’accession à l’indépendance que nous venons d’évoquer et la réaction de la France, la jeune République de Guinée se retrouve dans une situation économique difficile. Le secteur minier devient central et le port joue un rôle de plus en plus crucial dans l’économie nationale. Ce rôle n’a cessé de se renforcer au fil des ans. En effet, la Guinée réalise 90 % de son commerce extérieur à travers ce port (ministère du Commerce 2021). La situation socio-économique qui fait suite à l’explosion d’un dépôt pétrolier le 17 décembre 2023 donne un aperçu de l’importance du port pour toute la Guinée. Le Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) explique dans la presse locale18 que cette explosion entraîne des répercussions économiques et sociales majeures19.

26La présence d’une puissance étrangère dans le port de Conakry est également essentielle en termes de production d’espace. En effet, au lendemain de l’indépendance, la Guinée était proche du bloc socialiste, ce qui a permis à l’entreprise soviétique Russal CBK d’obtenir une concession. En 2010, à son arrivée au pouvoir, le Président Alpha Condé était proche de la France. La société Bolloré a obtenu la concession du terminal à conteneurs du port de Conakry. À partir de 2013, le rapprochement avec la Turquie et Recep Tayyip Erdoğan a entraîné un nouveau transfert de concession vers le groupe Albayrak. Ainsi, le port de Conakry est à la fois un symbole historique, une infrastructure stratégique pour l’économie du pays, mais aussi un enjeu dans la compétition internationale.

Le port de Conakry, symbole de l’engagement de la Turquie et de l’ambition des autorités politiques guinéennes

27Contrairement à d’autres régions où la Turquie a employé la rhétorique néo-ottomane et l’islam politique pour gagner la confiance des pays hôtes, c’est principalement grâce aux investissements privés qu’elle s’est forgé une image de puissance vertueuse (Langan, 2017) en Guinée. Ces investissements ont été réalisés en particulier dans les infrastructures. En faisant le choix d’investir dans de tels lieux symboliques, Ankara développe sa crédibilité et sa force, se présentant comme un moteur de développement et de modernité. Pour illustration, après l’incendie que nous avons évoqué précédemment, une grave crise énergétique s’en est suivie. Le groupe Albayrak a été l’opérateur qui est venu au secours du gouvernement guinéen et de la population en construisant le dépôt d’hydrocarbures flottant dans le port de Conakry. Cette initiative a été présentée comme un véritable soutien apporté à la Guinée.

28Cette situation est la démonstration que la Turquie justifie ses interventions en raison de sa capacité à toucher certaines populations dans des pays « fragiles ». Grâce à sa flexibilité pragmatique, elle a rapidement établi un centre en Guinée en lui offrant une marge de manœuvre dans divers domaines. À travers cette approche, Ankara a pu continuer à défendre ses intérêts en Guinée en utilisant différentes méthodes, tels l’aide humanitaire, l’éducation et les investissements des acteurs privés proches du pouvoir. La Turquie a ainsi assis sa crédibilité à une époque où, dans la région ouest-africaine, les changements de régime politique menacent les intérêts économiques et financiers des puissances occidentales traditionnelles.

29Si, d’un côté, les investissements du groupe Albayrak à Conakry donnent une image de puissance bienveillante de la Turquie, de l’autre côté, ils manifestent l’ambition des autorités guinéennes en matière de développement. Les investissements portuaires ont permis au Président Alpha Condé de légitimer et consolider son pouvoir via des coopérations concrètes aux conséquences spatiales visibles. Les propos tenus lors de sa visite du 3 juillet 2019 au port de Conakry sont clairs :

« Nous félicitons la société Albayrak, parce qu’elle est allée au-delà de son engagement. Vous savez, Conakry est très encombrée, parce qu’il y a trop de camions. Mais avec la voie de contournement, aucun camion et aucune citerne ne pourra plus entrer en ville. Ils viendront à partir du pont du 8 novembre et prendront la contournante qui va être faite pour rentrer au Port. Qu’il s’agisse de camions-citernes ou de camions à conteneurs, aucun ne rentrera en ville. Ensuite, ils vont multiplier les quais pour qu’on en ait de nouveaux. Pour cela, il faut qu’on ait une grande capacité. En faisant plusieurs quais, cela permettra à plusieurs bateaux de venir en même temps. Comme maintenant, il y a les grues qui peuvent prendre jusqu’à 120 tonnes, cela va accélérer le travail. Comme on l’a dit, aucun travailleur ne sera licencié. Mais chacun va être spécialisé dans son travail. Les dockers vont jouer leur rôle de dockers 20 ».

30Si le Président Alpha Condé utilise le port pour démontrer à la population la capacité de son gouvernement à développer le pays, il l’utilise également comme symbole de la réussite de son mandat à l’intention de ses homologues Présidents à l’étranger. Entre 2016 et 2021, quatre Présidents ont été invités à visiter le port de Conakry.

Photo 2 : Visite du port par le Président de la République Démocratique du Congo sur invitation du Président Alpha Condé en 2019.

Photo 2 : Visite du port par le Président de la République Démocratique du Congo sur invitation du Président Alpha Condé en 2019.

Source : Convergence Guinée21.

  • 22 D’après les propos des auteurs du coup d’État rapportés par TV5 monde le 5 septembre 2021, les rais (...)

31En septembre 2021, le Président Alpha Condé et son gouvernement sont renversés par un coup d’État militaire opéré par le Colonel Mamadi Doumbouya22. Malgré ce changement politique majeur et le fait que les accords qui ont conduit aux investissements du groupe Albayrak aient été signés par le gouvernement précédent, le port de Conakry est resté un symbole d’une ambition de développement. À titre d’exemple, la route construite par le groupe Albayrak a été inaugurée par le Président de transition, le Colonel Mamadi Doumbouya et la cérémonie a mobilisé tous les membres du gouvernement.

32Les infrastructures ciblées sont porteuses d’une vision symbolique de l’espace rendue possible par une transformation physique (voir figure … ci-dessous). C’est l’une des raisons pour lesquelles le projet du groupe Albayrak dans la commune de Kaloum a deux composantes :

  • la concession portuaire ;

  • la voie routière pénétrante (4km de long et de 15m de large).

Carte 3 : Localisation des infrastructures composant le complexe portuaire du groupe Albayrak dans la commune de Kaloum.

Carte 3 : Localisation des infrastructures composant le complexe portuaire du groupe Albayrak dans la commune de Kaloum.

Source : auteurs, 2024.

33Le port est la composante la plus importante. Bâti sur une superficie de 90 hectares, il a une capacité de manutention de 10 millions de tonnes (Groupe Albayrak 2022). La convention établie entre le gouvernement guinéen et le groupe Albayrak prévoit un investissement de 500 millions de dollars en 25 ans pour « moderniser, gérer, exploiter et rendre le port plus compétitif à l’échelle internationale » (Groupe Albayrak 2022).

34Selon le groupe Albayrak (2022), depuis l’entrée en vigueur de la Convention, de nombreux travaux ont été réalisés pour faire face aux enjeux de compétitivité. Il s’agit de la réhabilitation et de l’entretien des infrastructures et équipements existants, de la modernisation du port avec l’achat de cinq grues de levage ultra-modernes allant de 80 à 140 tonnes, de la construction de trois nouveaux ponts-bascules, de la réalisation de réseaux d’égouts, de l’installation de systèmes d’automatisation, et de la modernisation de tout le système électrique. Grâce à ces améliorations, le Port de Conakry a réussi à atteindre une capacité annuelle de plus de 1 280 navires et environ 11 millions de tonnes de marchandises en 2019 (Groupe Albayrak 2022). D’après le bulletin du groupe, c’est une “véritable transformation” qu’a connu le port (ibid.). La seconde composante routière a permis non seulement de créer une voie adaptée aux gros porteurs routiers dans la commune de Kaloum, mais a aussi favorisé la création d’une zone industrielle de 55 hectares (10 % de la superficie de Kaloum).

35Le gouvernement guinéen a utilisé le projet portuaire du groupe Albayrak pour promouvoir l’image de Kaloum en tant que centre économique, administratif, moderne et « développé » de Conakry. Cependant, dans les interstices urbains, entre les palais administratifs et le port, se maintient une zone d’habitat informel populaire qui incarne l’"autre" visage du pays. L’impact du projet portuaire et de la nouvelle pénétrante dans la vie quotidienne des habitants a été discuté, voire contesté.

Une différence de perception de l’espace entre autorités politiques et habitants de Kaloum

36Cette contradiction soulève la question non résolue de savoir à qui appartient l’espace et quelle est la voix des personnes qui y vivent et/ou le parcourent. La question se pose également des dynamiques de pouvoir extrêmement complexes dans le contexte guinéen, marqué par le coup d’État du 5 septembre 2021. Tous ces éléments pointent vers le rôle politique de la capitale Conakry et l’influence des puissances étrangères comme facteurs clés de gouvernance. En ce sens, pour les habitants, la concession portuaire a été perçue comme une véritable appropriation de l’espace par le groupe Albayrak, qui a rendu inaccessible le complexe industriel et portuaire aux citoyens des quartiers de Coronthie et Tombo. Pourtant, les habitants y pratiquaient des activités telles que la pêche artisanale qui est l’une des plus importantes activités génératrices de revenus pour les ménages les plus défavorisés de Kaloum. Avant la convention du groupe Albayrak, le port était une zone de pêche privilégiée. Mais, depuis les travaux qui ont « transformé et modernisé » (Entretien de Yunus Yılmaz dans Jeune Afrique23) le port, les pêcheurs n’ont plus accès à la zone. Ils sont renvoyés vers les anciens ports artisanaux de Kaloum. Selon une étude réalisée par Camara M. et al. (2018), la proximité entre le port industriel et les anciens ports artisanaux et la concurrence entre la pêche industrielle et artisanale jouent en défaveur des pêcheurs. Ainsi, l’inaccessibilité du port est l’un des éléments qui impactent sérieusement la vie quotidienne des habitants issus des classes sociales modestes de Kaloum.

« Tous les jours, je me rendais au port pour pêcher quelques poissons que je vendais. Non seulement moi, mais de nombreux voisins venaient chaque jour pour effectuer diverses activités de commerce ambulant, par exemple. On y consacrait une grande partie de notre temps à discuter et à jouer ensemble. Nous avions l'impression que c'était un lieu qui nous appartenait. Désormais, cette zone est complètement fermée, inaccessible pour nous. Ils ont choisi la majorité des personnes extérieures à notre quartier pour y travailler. Ils ont pris des individus ayant fait des études ou qui avaient des liens avec la Turquie. Aujourd'hui, le port est devenu un territoire turc et nous ne constatons aucune amélioration ni avantages mentionnés par les autorités et les responsables du port turc dans notre vie quotidienne en tant qu’habitants de Kaloum » (Extrait de l’entretien avec un jeune du quartier Coronthie).

37Par ailleurs, la réalisation de la route par le groupe Albayrak a rendu inaccessible une partie de la commune où se déployait autrefois un lieu de sociabilité ouvert aux activités informelles génératrices de revenus. Il en résulte une nouvelle division socio-spatiale que le discours des habitants relaie. Les entretiens soulignent l’existence des « gens d’ici » pour désigner les habitants des zones populaires (Coronthie et Tombo) et des « gens de là-bas » pour désigner les travailleurs de la zone réservée au groupe Albayrak. Cet espace est perçu comme « turc » à Kaloum au point que les Guinéens qui y travaillent sont appelés par les Guinéens de la zone populaire « les Turcs ». Cela nous rappelle le propos d’Henri Lefebvre (2000 [1974]) qui montre comment les différentes dimensions de l’espace (perçu, conçu et vécu) peuvent entrer en conflit. Notamment entre l’espace conçu, rationalisé et parfois éloigné des réalités quotidiennes, et l’espace perçu, plus proche de l’expérience des usagers. En ce sens, l’opposition entre la représentation de l’espace et l’espace de représentation est manifeste. La première fait référence à la manière dont ceux qui détiennent le pouvoir (les planificateurs) conçoivent l’espace. La deuxième, c’est l’espace vécu par les habitants, l’espace subjectif, symbolique et affectif. Il est rempli de significations culturelles, de représentations et de pratiques sociales.

38Les habitants rencontrés dans les quartiers populaires n’ont pas manqué de mentionner la différence de salaires entre eux et les employés du groupe Albayrak. Les « Turcs » auraient des salaires plus élevés et des conditions de vie meilleures. Ce sentiment est renforcé par le fait que le groupe Albayrak a recruté, selon nos interlocuteurs, plusieurs centaines de Guinéens qui ont fait des études en Turquie, mais qui ne vivent pas dans la commune de Kaloum.

Photo 3 : Quelques habitants du quartier de Coronthie rencontrés lors des entretiens.

Photo 3 : Quelques habitants du quartier de Coronthie rencontrés lors des entretiens.

Source : Auteurs, 2023.

Photo 4 : Entrée par la pénétrante du port de Conakry, accès réglementé.

Photo 4 : Entrée par la pénétrante du port de Conakry, accès réglementé.

Source : auteurs, 2023.

39À l’inverse, les travailleurs qualifiés de « Turcs » se sentent pleinement Guinéens et considèrent la zone occupée par le groupe Albayrak comme partie intégrante du territoire guinéen et de la commune de Kaloum. Les positions sont ainsi très différenciées :

« Nous sommes extrêmement satisfaits de notre travail et nous exprimons chaque jour notre gratitude envers le groupe Albayrak pour cette opportunité. Nous remercions aussi le gouvernement turc à travers l’ambassade de la Turquie en Guinée qui nous a offert et qui offre encore des bourses aux Guinéens pour étudier en Turquie. C’est grâce à ces connaissances et compétences acquises que nous sommes ici aujourd’hui. Selon moi, ce sont ces projets d'infrastructure qui peuvent contribuer au développement de notre pays. Même si cela a suscité beaucoup de polémiques au départ, on parlait de la vente du port à la Turquie. Moi-même, j’étais opposé à l’époque, mais maintenant je comprends que ce n’était pas du tout une vente ni une privatisation par une société étrangère. Le port appartient à la Guinée, la pénétrante aussi. Nous qui travaillons ici sommes en grande majorité des Guinéens occupant des postes de responsabilité. » (Extrait de l’entretien avec un travailleur du groupe Albayrak, en décembre 2023 à Kaloum)

40Cette perception et le discours des habitants des quartiers populaires voisins du port sont à l’opposé de ceux des acteurs politiques. En effet, si le port et la pénétrante représentent pour les habitants des quartiers voisins une division de l’espace entraînant une fermeture d’accès, pour les acteurs politiques et les travailleurs du groupe Albayrak ils symbolisent la modernité et l’amélioration de l’attractivité commerciale de la Guinée. En témoignent ces propos de l’ancien Président de la République, Alpha Condé :

  • 24 https://www.guinee360.com/28/08/2018/port-de-conakry-alpha-conde-vante-le-contrat-Groupe-Albayrak-e (...)

« Ceux qui critiquent le contrat avec le groupe Albayrak sont des gens qui défendent leurs intérêts personnels. Beaucoup de gens ne veulent pas que la Guinée aille de l’avant. Ce qui les intéresse c’est de piller le pays à leur profit, ils s’en foutent de ce qui est du bien du pays. Mais ça, c’est fini, qu’ils le veuillent ou non, le pays va changer dans tous les domaines. (...) Le port de Conakry est en passe d’être moderne et compétitif. Alors, d’ici trois ans notre port n’aura rien à envier au port d’Abidjan ou de Dakar » (Guinée360, 2018)24.

41Ce discours converge avec celui du groupe Albayrak et renforce la rhétorique de la diplomatie turque qui met en avant l’aide au développement et le renforcement de l’attractivité commerciale de la Guinée.

« Le port de Conakry est la vitrine du succès du groupe Albayrak [...] Aujourd’hui, le peuple guinéen constate notre succès. À la signature du contrat, nous avons hérité de 380 employés de l’Autorité portuaire. On a prétendu qu’une fois installés nous les licencierions. Nous les avons rassurés et ils nous ont fait confiance. Aujourd’hui, ils sont plus de 1 600, car le volume de nos opérations portuaires a considérablement augmenté. Non seulement nous avons beaucoup embauché, mais nous avons nettement amélioré les salaires et les avantages sociaux de notre personnel. À l’heure actuelle, 97 % de notre personnel est guinéen. C’est un grand motif de fierté pour nous. Les compétences et qualifications de nos employés ne cessent d’évoluer grâce à nos programmes de formation, calibrés pour répondre à leurs besoins. Nous avons établi d’excellentes relations, à la fois professionnelles et humaines, avec le personnel local. [...] Au bout de quatre années de concession, nos investissements sont de 40 % supérieurs à ce qui était prévu à cette date. Malgré la pandémie de Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne, et leur impact non négligeable sur le commerce international, nous avons accéléré le rythme de nos investissements. C’est bien la preuve que nous avons toute confiance dans l’avenir et le potentiel de la Guinée et du port de Conakry » (Entretien de Yunus Yılmaz dans Jeune Afrique25).

42L’importance du projet au niveau des constructions de l’imaginaire symbolique se trouve dans la contradiction qu’il y a entre les dirigeants politiques (y compris les responsables du groupe Albayrak) et la population locale. Cette contradiction a suscité mécontentements et critiques. Les tensions portent sur la matérialité des transformations physiques de la zone, les conditions économiques et de vie, mais touchent également au domaine symbolique.

Conclusion

43Au début de cet article, notre objectif était d’analyser le rôle des relations internationales dans la production symbolique de l’espace dans une ville capitale. Nous avons abordé la question en nous appuyant sur le projet du groupe Albayrak dans le port de Conakry, une infrastructure stratégique pour le pays. Nous avons montré que l’influence de la Turquie a favorisé la signature d’un accord de concession portuaire avec la société Albayrak . Les infrastructures urbaines qui en découlent ont modifié le quotidien des habitants de la commune de Kaloum, cœur historique et administratif de Conakry. Une zone qui hébergeait des activités informelles génératrices de revenus et de sociabilité est devenue inaccessible.

44La perception des habitants d’un espace « turc » étranger à l’intérieur des limites territoriales de la capitale guinéenne contraste ainsi fortement avec la rhétorique des acteurs politiques guinéens et des opérateurs économiques turcs, à l’origine du projet. Ce phénomène fait écho aux propos de H. Lefebvre (2000 [1974]), qui souligne le décalage entre la représentation de l’espace chez les gouvernants et les pratiques spatiales vs. les représentations des habitants, dont les univers symboliques divergent. À l’opposé de la perception des habitants, les autorités politiques promeuvent le projet du groupe Albayrak à Conakry en tant que symbole de la modernisation et du renforcement de la compétitivité économique du pays.

45La production de l’espace à Conakry constitue un enjeu politique et symbolique majeur, particulièrement dans le contexte guinéen. En tant que cœur politique, économique et culturel du pays, la capitale constitue un espace stratégique. Le gouvernement la façonne non seulement comme lieu de gestion et de contrôle du pouvoir, mais aussi comme vitrine du développement national. L’attention accordée à Conakry s’inscrit dans une logique de légitimation des autorités politiques en place : une capitale modernisée, dynamique et économiquement prospère projette l’image d’un État en progrès, capable de répondre aux aspirations de la population et de s’inscrire dans une dynamique globale de développement.

Top of page

Bibliography

Akça, A. 2019. Neo-Ottomanism: Turkey’s Foreign Policy Approach to Africa. New Perspectives in Foreign Policy 17: 3–8.

Akpınar, P. 2021. Turkey’s ‘Novel’ Enterprising and Humanitarian Foreign Policy and Africa. In Routledge Handbook on Contemporary Turkey, 495–507. London: Routledge.

Bacık, G., and I. Afacan. 2013. Turkey Discovers Sub-Saharan Africa: The Critical Role of Agents in the Construction of Turkish Foreign-Policy Discourse. Turkish Studies 14 (3) : 483–502.

Barry, D. 2018. À Conakry, la concession portuaire accordée à une société turque crée la controverse. Jeune Afrique, 20 August. Available online at https://www.jeuneafrique.com/617477/economie-entreprises/a-conakry-la-concession-portuaire-accordee-a-une-societe-turque-cree-la-controverse/. Accessed on January 10, 2024.

Camara, M. S. 2023. La forme urbaine et la multifonctionnalité de l’agriculture périurbaine : cas de l’agglomération de Conakry. Thèse de doctorat. Université de Tours and Université Gamal Abdel Nasser de Conakry.

Camara, M., M. S. Camara, and A. Keita. 2018. Etude d’impact environnementale et sociale du projet de pipeline de la Société de Bauxite Dabola Tougué (SBDT). Conakry.

Dedet, J. 2023. Yunus Yılmaz : “Le port de Conakry est la vitrine du succès du groupe Albayrak”. Jeune Afrique, 23 October. Available online at https://www.jeuneafrique.com/1483732/economie-entreprises/yunus-yilmaz-le-port-de-conakry-est-la-vitrine-du-succes-du-groupe-albayrak/. Accessed on January 10, 2024.

Diallo, B. 2016. La Guinée victime du putsch en Turquie. BBC, 12 October. Available online at https://www.bbc.com/afrique/region-37629363. Accessed on January 10, 2024.

Donelli, F. 2023. From humanitarianism to drones: the pragmatic flexibility of Turkey's policy toward Sub-Saharan Africa. Poliarchie 6 (1): 4-21.

Elden, S. 2007. There Is a Politics of Space Because Space Is Political: Henri Lefebvre and the Production of Space. Radical Philosophy Review 10 (2) : 101–116.

Gangneux-Kebe, J. 2019. De la production paysagère à la formation des paysages vécus à Conakry (Guinée). Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et laménagement de lespace 21 : 1–25.

Groupe Albayrak. 2022. Port de Conakry. Retrieved from https://www.GroupeAlbayrak.com.tr/fr/secteurs/affaires-portuaires/port-dalport-de-mogadiscio. Accessed on January 10, 2024.

Guinée360. 2018. Port de Conakry : Alpha Condé vante le contrat Groupe Albayrak et raille les détracteurs. Guinée360, 28 August. Available online at https://www.guinee360.com/28/08/2018/port-de-conakry-alpha-conde-vante-le-contrat-Groupe-Albayrak-et-raille-les-detracteurs/. Accessed on January 10, 2024.

Hall, P. 2006. Seven Types of Capital City. In D. Gordon (ed.), Planning Twentieth Century Capital Cities, 1–21. London : Routledge.

Institut National de la Statistique. 2021. Annuaire statistique : Rapport 2020. Conakry : ministère du Plan et de la Coopération Internationale.

Jeune Afrique. 2022. Guinée : Mamadi Doumbouya exige le retour immédiat d’Alpha Condé. Jeune Afrique, 10 September. Available online at https://www.jeuneafrique.com/1376087/politique/guinee-mamadi-doumbouya-exige-le-retour-immediat-dalpha-conde/. Accessed on January 10, 2024.

Jeune Afrique. 2023. À l’investiture d’Erdogan, les aventures turques de Doumbouya. Jeune Afrique, 6 June. Available online at https://www.jeuneafrique.com/1451200/politique/a-linvestiture-derdogan-les-aventures-turques-de-doumbouya/. Accessed on January 10, 2024.

Langan, M. 2017. Virtuous Power Turkey in Sub-Saharan Africa: The ‘Neo-Ottoman’ Challenge to the European Union. Third World Quarterly 38 (6) : 1399–1414.

Lefebvre, H. 2000 [1974]. La Production de lespace. Paris : Anthropos.

Livolsi, L. 2022. Géopolitique et souveraineté au cœur des enjeux logistiques. Administration 275 : 45–47. https://doi-org.proxy.scd.univ-tours.fr/10.3917/admi.275.0045.

Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat. 1992. Plan de Développement Urbain de Conakry. Conakry : ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat.

Ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire (MVAT). 2023. Schéma Directeur d’Urbanisme (SDU) du Grand Conakry : Rapport final. Conakry : ONU-Habitat.

Ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire (MVAT). 2016. Grand Conakry-Vision 2040: Rapport final. Conakry : Délégation de l’Union européenne en République de Guinée.

Ministère du Commerce. 2021. Bilan des échanges commerciaux de la Guinée avec lextérieur et préparation dun document de politique et de stratégie nationale. Conakry : ministère du Commerce de la République de Guinée.

Rossman, V. 2017. Capital Cities: Varieties and Patterns of Development and Relocation. London: Routledge.

Vale, L. J. 2008. Architecture, Power, and National Identity. London: Routledge.

Quet M. 2022. Flux. Comment la pensée logistique gouverne le monde. Paris: La Découverte.

Top of page

Notes

1 TIKA est l’agence turque de coopération internationale et de coordination. Sa mission est de réaliser, « dans le cadre des activités de coopération internationale pour le développement de la Turquie, des projets et des activités durables qui soutiendront les processus de développement économique, social et humain des pays et porteront l’héritage historique et culturel commun dans le futur » (https://tika.gov.tr/kurumumuz/hakkimizda/)

2 https://emergencegn.net/la-turquie-voit-le-volume-de-ses-echanges-avec-la-guinee-passer-a-500-millions-usd-cette-annee/

3 La Fondation turque Maarif est une organisation à but non lucratif créée par la loi n° 6721 du 17 juin 2016 qui mène des activités éducatives à l'étranger au nom de la République de Turquie.

4 https://www.duvarenglish.com/erdogan-linked-albayrak-holding-company-granted-7-billion-in-turkish-public-tenders-in-11-years-news-58972

5 https://www.cumhuriyet.com.tr/turkiye/erdoganin-dostu-albayrak-ailesine-akpden-bir-ihale-daha-1894058

6 Le chef de quartier est l’autorité politique et administrative responsable du plus petit niveau d’organisation territoriale en Guinée. Bien que le code électoral prévoit leur élection, dans les faits, les chefs de quartiers sont nommés par le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation.

7 Cette politique s’articule autour de deux axes principaux : l’aide humanitaire avec des projets développés par l’agence de coopération turque TIKA et la promotion de l’initiative entrepreneuriale des acteurs privés turcs dans les pays concernés.

8 La Turquie s’est forgée une image de puissance vertueuse, c’est-à-dire une puissance en laquelle les Etats partenaires peuvent faire confiance à la différence des puissances occidentales ayant une image de prédatrices de ressources liée au passé colonial

9 Depuis l'arrivée au pouvoir de l’AKP, le mouvement Gülen a joué un rôle important dans l'affirmation du gouvernement, occupant avec plusieurs de ses hommes des postes de pouvoir significatifs. En mars 2013, le premier conseiller du ministère turc des Affaires étrangères en était arrivé à dire que les écoles gérées par ce mouvement représentaient l’un des principaux instruments de la politique étrangère turque dans le monde (Angey-Sentuc 2016). À la suite d’une affaire judiciaire à l’encontre de personnalités importantes liées à l’AKP pour corruption en décembre 2013, un conflit s’est ouvert (Angey-Sentuc 2016) pendant quelques jours. La tentative de coup d’État de 2016 a été le moment le plus critique.

10 https://www.guinee7.com/2017/08/19/transport-conakry-roule-dans-la-farine-par-istanbul/

11 https://www.jeuneafrique.com/1483732/economie-entreprises/yunus-yilmaz-le-port-de-conakry-est-la-vitrine-du-succes-du-groupe-albayrak/. Accessed on January 10, 2024.

12 Jeune Afrique, 2023

13 https://www.20minutes.fr/monde/4068292-20231227-guinee-incendie-depot-carburant-conakry-completement-eteint

14 Le Grand Conakry est un projet de Région métropolitaine d’une superficie d’environ 15 000 km² à mettre en œuvre pour l’horizon 2040.

15 C’est le code des collectivités locales de la Guinée qui a utilisé le terme de “zone spéciale”. C’est-à-dire que c’est la seule ville guinéenne portant statut de région administrative.

16 L’Île de Tombo n’existe plus. Elle a été reliée au reste de la ville par un remblai. L’actuelle commune de Kaloum englobe l’ancienne île de Tombo et la partie remblaiyée. Elle se différencie du quartier Tombo, un des quartiers de la commune de Kaloum qui a gardé ce nom.

17 https://tourisme.gov.gn/destinations/les-sites-historiques/

18 https://www.africaguinee.com/karamo-kaba-avertit-soyons-clairs-cet-incendie-aura-des-repercussions-economiques-et-sociales-importantes/

19 Il cite l’Institut National des Statistiques qui projette déjà « une baisse des importations de pétrole raffiné pour le reste de l’année 2023 de l’ordre de 4,2%, et un ralentissement des activités de transport d’environ deux points de pourcentage par rapport à une situation normale. Dans ce contexte, la croissance économique pourrait être amputée de 0,7 points. » (Ibid.).

20 https://lebanco.net/news/37915-le-pr233sident-alpha-cond233-au-port-autonome-de-conakry-senqu233rir-de-l233tat-davancement-des-travaux.html

21 https://convergencegn.com

22 D’après les propos des auteurs du coup d’État rapportés par TV5 monde le 5 septembre 2021, les raisons de leur action relèvent des nombreuses crises économiques et politiques, notamment du troisième mandat forcé du Président Alpha Condé (https://information.tv5monde.com/afrique/direct-guinee-apres-le-coup-detat-les-putschistes-annoncent-une-transition-35277).

23 https://www.jeuneafrique.com/1483732/economie-entreprises/yunus-yilmaz-le-port-de-conakry-est-la-vitrine-du-succes-du-groupe-albayrak/

24 https://www.guinee360.com/28/08/2018/port-de-conakry-alpha-conde-vante-le-contrat-Groupe-Albayrak-et-raille-les-detracteurs

25 https://www.jeuneafrique.com/1483732/economie-entreprises/yunus-yilmaz-le-port-de-conakry-est-la-vitrine-du-succes-du-groupe-albayrak/

Top of page

List of illustrations

Title Carte 1 : Conakry, division administrative de la ville en communes.
Credits Source : Auteurs à partir des données OSM, 2024.
URL http://journals.openedition.org/mediterranee/docannexe/image/16209/img-1.jpg
File image/jpeg, 128k
Title Carte 2 : Le plan colonial d’aménagement sur l’île de Tombo en 190016.
Credits Source : Bah et al. 1999 cité par Gangneux-Kebe 2019.
URL http://journals.openedition.org/mediterranee/docannexe/image/16209/img-2.jpg
File image/jpeg, 252k
Title Photo 1 : Cathédrale Sainte-Marie de Conakry à Kaloum, construite en 1930.
Credits Source : Office National du Tourisme17.
URL http://journals.openedition.org/mediterranee/docannexe/image/16209/img-3.jpg
File image/jpeg, 124k
Title Photo 2 : Visite du port par le Président de la République Démocratique du Congo sur invitation du Président Alpha Condé en 2019.
Credits Source : Convergence Guinée21.
URL http://journals.openedition.org/mediterranee/docannexe/image/16209/img-4.jpg
File image/jpeg, 256k
Title Carte 3 : Localisation des infrastructures composant le complexe portuaire du groupe Albayrak dans la commune de Kaloum.
Credits Source : auteurs, 2024.
URL http://journals.openedition.org/mediterranee/docannexe/image/16209/img-5.jpg
File image/jpeg, 288k
Title Photo 3 : Quelques habitants du quartier de Coronthie rencontrés lors des entretiens.
Credits Source : Auteurs, 2023.
URL http://journals.openedition.org/mediterranee/docannexe/image/16209/img-6.jpg
File image/jpeg, 108k
Title Photo 4 : Entrée par la pénétrante du port de Conakry, accès réglementé.
Credits Source : auteurs, 2023.
URL http://journals.openedition.org/mediterranee/docannexe/image/16209/img-7.jpg
File image/jpeg, 80k
Top of page

References

Electronic reference

Cosimo Pica and Mohamed Saliou Camara, “Le rôle des acteurs étrangers dans la production et l’appropriation de l’espace dans les capitales : l’influence turque à Conakry”Méditerranée [Online], 135 | 2025, Online since 01 June 2025, connection on 19 July 2025. URL: http://journals.openedition.org/mediterranee/16209; DOI: https://doi.org/10.4000/148hf

Top of page

Copyright

The text and other elements (illustrations, imported files) are “All rights reserved”, unless otherwise stated.

Top of page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search