• 1 https://www.efrome.it/villaeadri. Il se prolonge dans le cadre du programme quinquennal 2022-2026 (...)

1Les articles réunis au sein de ce dossier sont issus du colloque international qui s’est tenu à l’École française de Rome les 25 et 26 novembre 2019 et intitulé « Dalmatia and the Ancient Mediterranean: 50 years after John J. Wilkes’ Dalmatia ». Celui-ci s’inscrivait dans un double contexte. D’abord celui du programme de recherches « Les villae de l’Adriatique orientale : formes et chronologie de l’exploitation du littoral et des îles à l’époque antique » qui s’est développé entre 2017 et 20211 et dont l’un des deux axes principaux se concentrait sur l’analyse de la conquête et des modes d’exploitation économique des territoires en Dalmatie. Ensuite, l’année 2019 marquait, comme le souligne le titre de ce dossier, le cinquantenaire de la publication de la monographie Dalmatia dans la collection History of the Provinces of the Roman Empire (Harvard University Press). L’occasion fut donc saisie de réunir à Rome, autour de John J. Wilkes qui nous fit l’honneur de sa présence, des chercheurs anglais, croates, français, italiens et slovènes, avec la double ambition de comprendre la place de cet ouvrage dans le paysage scientifique des études sur la Dalmatie depuis un demi-siècle et d’en faire un bilan prospectif. Le dialogue scientifique espéré dans la rencontre d’historiens et d’archéologues venus d’horizons académiques variés visait plus largement à replacer l’Adriatique et la Dalmatie au cœur des dynamiques historiques de la Méditerranée antique.

• 2 D. Davison, V. Gaffney, E. Marin (dir.), Dalmatia. Research in the Roman Province 1970-2001. Paper (...)

2Ce dossier ne peut s’ouvrir que sur un constat : l’ouvrage de John J. Wilkes Dalmatia est aujourd’hui encore une référence scientifique incontournable qui n’a pas d’équivalent pour les régions concernées. À cet égard, nous ne faisons que prolonger ce qu’affirmait il y a vingt ans déjà nos prédécesseurs en 2001 lors de la publication d'un premier volume d’hommages à John J. Wilkes2 : la monographie que l’historien anglais a consacrée à la Dalmatie antique offre à tous les étudiants et chercheurs la porte d’entrée nécessaire sur ce territoire et une synthèse historique non remplacée. En rédigeant son livre pour la collection History of the Provinces of the Roman Empire, John J. Wilkes s’inscrivait dans une tradition assez vivace outre-Manche, où l'intérêt pour la Dalmatie s’était manifesté très tôt : savants, voyageurs, diplomates et orientalistes s’y étaient croisés. Quelques exemples méritent d’être cités, à l’instar des Ruins of the Palace of the Emperor Diocletian at Spalato in Dalmatia (Londres, 1764) de Robert Adam, de l’étude de John Gardner Wilkinson intitulée Dalmatia and Montenegro (1848) ou encore des travaux majeurs d’Arthur J. Evans publiés dans le dernier quart du XIX^e siècle. Ces productions venaient s’ajouter aux travaux précoces des historiens et archéologues locaux, d’Ivan Josip Pavlović-Lučić à Frane Bulić et Mihovil Abramić au XIX^e siècle, ou de Duje Rendić-Miočević pour le XX^e siècle. L’activité scientifique fut en réalité très tôt européenne dans cette région adriatique où se rencontraient les ambitions impérialistes de plusieurs nations, et ne cessa de l’être. Qu’il suffise ici de rappeler les noms de Theodor Mommsen, Henri François Cons, Carl Patsch, Wilhelm Kubitschek, Géza Alföldy, Adolph Jagenteufel ou Massimiliano Pavan.

• 3 Auteur notamment de Die Personennamen in der römischen Provinz Dalmatia, Heidelberg, 1969.

3Dans ce contexte scientifique bien trop dense pour être résumé en quelques lignes, la publication de Dalmatia en 1969 n’en a pas moins constitué un tournant historiographique puisqu’elle n'offrait rien de moins qu’un ouvrage complet sur cette province, où confluaient les recherches antérieures, où les analyses reposaient sur les sources archéologiques et épigraphiques en particulier, et où aucune facette de l’Illyrie et de la Dalmatie n’était négligée. Loin de se limiter à proposer une histoire politique et événementielle de la Dalmatie, le livre de John J. Wilkes dessine un ensemble de réflexions économiques, sociales et culturelles sur une large région adriatique qui entra en réalité bien plus tôt dans l’horizon romain que ce que suggère la date tardive de sa provincialisation. Ce travail a marqué l’historiographie eu égard à la quantité d’informations collectées, mais aussi aux efforts fournis pour intégrer des publications locales et dispersées, difficiles d’accès aux chercheurs étrangers. Enfin, il vaut d’être souligné que Dalmatia ne s’inscrit pas seulement dans une tradition historiographique, aussi longue et riche soit-elle ; l’ouvrage exprime aussi l’appartenance de son auteur à une communauté scientifique active : les réflexions de John J. Wilkes portent la marque de ses échanges avec Géza Alföldy3 dans les années 1960. L’auteur lui-même souligne en outre ce qu’il doit aux recherches de ses collègues yougoslaves.