• 1 Calza 1914, p. 602-604 ; Calza 1923 ; Calza 1941, p. 20-21 ; Calza et al. 1953, p. 142, p. 203, p.  (...)
• 2 Sur les restaurations spécifiques de cet édifice, voir Rinaldi 2011-2012, p. 48-52. À propos des th (...)

1La Casa di Diana (I, iii, 3) est l’un des édifices les plus emblématiques du site archéologique d’Ostie. À la suite de la publication des travaux de Guido Calza sur l’architecture domestique à l’époque impériale, cet immeuble est devenu l’un des exemples les plus célèbres de cette catégorie d’édifices1. Les vestiges de ce bâtiment, lourdement restaurés2, ainsi que les restitutions graphiques proposées par Italo Gismondi pour illustrer les propos de Calza (fig. 1), sont particulièrement suggestifs et contribuent depuis plus d’un siècle à forger l’imaginaire des archéologues et des amateurs d’antiquités. Derrière les reconstitutions présentées au public se cache cependant une histoire complexe, esquissée dans un premier temps par Calza, puis amendée par A. Marinucci. Les résultats des fouilles qu’il réalisa dans cet édifice entre 1994 et 1997 apportèrent en effet des éléments de réflexion inédits, qui le conduisirent à revoir en profondeur l’histoire de cette parcelle (tabl. 1). C’est précisément cette nouvelle lecture que nous allons examiner dans cet article, à travers une analyse critique des vestiges et de la documentation produite depuis la découverte de la Casa di Diana.

• 3 Dans cet article, je conserverai la numérotation des espaces proposée dans Marinucci 2013, même si (...)
• 4 GdS 7 (1914), p. 96-98, p. 107-108, p. 113.
• 5 GdS 7 (1914), p. 124, p. 140-141.

2Les fouilles de la Casa di Diana commencèrent à la fin du mois de mars 1914, après que les archéologues eurent mis au jour l’insula I, i, durant les premiers mois de l’année. Au cours de ces travaux, ils dégagèrent les premiers mètres de la via di Diana, à l’est, et révélèrent la façade méridionale de cet immeuble (fig. 2). Cette façade, conservée sur plusieurs mètres de hauteur, attira l’attention des fouilleurs, qui pénétrèrent aussitôt à l’intérieur de l’édifice. Ils entamèrent le déblaiement du rez-de-chaussée, à travers le corridor d’accès 33, sans avoir cherché au préalable à évacuer la terre qui recouvrait le premier étage. Les fouilles furent poursuivies durant le mois d’avril : après avoir déblayé le corridor 3, ils dégagèrent tour à tour le corridor 19b, une partie des corridors 19a et 19d, les espaces 22 et 23, ainsi que la cour 30 (fig. 3, violet)4. Ces travaux cessèrent temporairement à la fin du mois : l’évacuation des déblais qui emplissaient ces espaces nécessita en effet de procéder au dégagement de l’étage, afin de soulager les structures du rez-de-chaussée et d’éviter l’effondrement des voûtes. Ce travail fut effectué tout au long du mois de mai5. Une fois l’étage dégagé, les excavations reprirent brièvement au rez-de-chaussée, avant de faire place, au début du mois de juin, aux travaux des champs, qui réclamèrent le concours de nombreux ouvriers.

• 6 GdS 8 (1915), p. 103.

3Les archéologues poursuivirent le dégagement de la via di Diana durant l’automne 1914. Ces excavations progressèrent lentement, car de nombreux pans de mur appartenant aux édifices voisins furent retrouvés pêle-mêle dans les déblais qui recouvraient la rue. Parmi ceux-là furent identifiées des maçonneries appartenant à la Casa di Diana, notamment les célèbres « balcons », qui ponctuent aujourd’hui les façades de cet immeuble. Les boutiques situées le long de la via di Diana furent dégagées dans l’élan de ces découvertes, afin d’y entreposer temporairement les maçonneries les plus intéressantes. Celles-ci furent étudiées, puis intégrées quelques années plus tard à la façade méridionale de l’édifice, lors de sa reconstruction partielle. Le dégagement de la via di Diana se poursuivit jusqu’au mois de février 1915. Quelques semaines après, à la mi-mars, les responsables des fouilles firent installer une ligne Decauville dans les corridors du rez-de-chaussée, afin d’exhumer les derniers espaces encore ensevelis6. Les dégagements cessèrent après avoir mis au jour les espaces 28 et 31, ainsi que le reste des corridors 19a et 19d (fig. 3, rouge).

• 7 Mainet 2023.

4Au début du mois d’avril, toute la main d’œuvre disponible fut affectée à l’installation de la ligne de chemin de fer destinée à relier le site archéologique au chantier d’Ostia Nuova. Une convention officieuse entre la direction des fouilles et les promoteurs de la nouvelle ville prévoyait en effet d’y transporter les déblais issus des excavations, contre paiement7. Au lendemain de l’entrée en guerre de l’Italie au côté de la Triple Entente et de la mobilisation d’une partie des ouvriers, le 24 mai 1915, l’auteur des journaux de fouilles, le soprastante Raffaele Finelli, décrivit les espaces 25 et 26 (fig. 3, orange), qui avaient été excavés entretemps (aucune mention plus ancienne dans les journaux de fouilles ne permet de déterminer quand exactement). À cette date, seules les boutiques longeant la via dei Balconi restaient encore ensevelies. Leur dégagement se fit progressivement, parallèlement aux travaux menés dans cette rue-là, entre 1916 et 1918 (fig. 3, jaune et vert).

• 8 GdS 8 (1915), p. 163-188.

5Ce bref aperçu du déroulement des fouilles de la Casa di Diana témoigne du caractère décousu des excavations menées à l’intérieur de cet édifice. Cette situation s’explique à la fois par les difficultés posées par le contexte archéologique et par le contexte historique dans lequel se déroulèrent les travaux. La lecture des journaux de fouilles de Finelli en ressort particulièrement complexe, et ce d’autant plus que leur auteur ne présenta aucune synthèse une fois les travaux achevés, comme il le fit a contrario pour le Caseggiato dei Molini voisin (I, iii, 1)8. Les notices publiées par Calza dans l’élan des excavations apportent quelques compléments d’information, mais ils sont loin d’éclairer toutes les questions laissées en suspens par les journaux de fouille. La reconstitution du déroulement des excavations indique en outre qu’elles furent menées de front, au détriment d’une lecture stratigraphique des déblais sous lesquels était enseveli le rez-de-chaussée de l’immeuble. Une telle méthode ne facilite pas non plus la compréhension du gisement archéologique, notamment les phases les plus récentes.

• 9 Calza et al. 1953, p. 142, p. 203, p. 216. Voir également Becatti 1954, p. 15 ; Becatti 1961, p. 13 (...)
• 10 Dans sa monographie sur la Casa di Diana, A. Marinucci retient lui aussi que ce timbre fut découver (...)

7Les auteurs de la Topografia Generale considéraient que la Casa di Diana avaient été élevée sous le règne d’Antonin le Pieux9. Cette opinion se basait à la fois sur la technique de construction mise en œuvre, qui se caractérise par l’emploi de briques de couleur jaune (seulement en façade en réalité), et sur le bollo laterizio mentionné précédemment, publié par Bloch dans l’appendice de cet ouvrage dédié aux timbres sur brique. L’épigraphiste allemand indique qu’un timbre CIL XV, 1081 fut découvert sur l’une des bipedales du pavement de la boutique 16 (« “tabellone di pavimento” »), le 9 février 1921, et renvoie le lecteur aux journaux de fouilles de Finelli (« Giorn. Scavo, 9 febbraio 1921 »)10. Actuellement, l’une des bipedales du pavement de la boutique en question, fortement restauré, porte effectivement un timbre. Bien que l’inscription soit complètement effacée, il est possible d’affirmer qu’il ne s’agit pas de celui mentionné par Bloch : contrairement à celui-ci, le timbre visible aujourd’hui est orbiculé. Il en va de même pour le timbre exposé sur le mur occidental de la même boutique.

• 11 GdS 16 (1921), p. 25.

8Ce constat ne doit pas surprendre, puisque les références fournies par Bloch montrent qu’il ne s’est pas appuyé sur une observation in situ, mais sur un document conservé dans les archives, dont l’identification pose un sérieux problème. Les giornali di scavo rédigés par Finelli ne sont pas quotidiens à cette époque, si bien qu’il n’existe aucun journal daté du 9 février 1921. Toutefois, le soprastante mentionne un timbre CIL XV, 1081 dans le journal relatant les activités effectuées du 15 au 19 février 192111. Et ce timbre fut précisément relevé sur une dalle en terre cuite, prélevée sur un « pavimento a tegoloni ». Il ne s’agit certainement pas d’une coïncidence : ces deux timbres n’en sont qu’un seul.

• 12 GdS 16 (1921), p. 24-25.

9Le pavement en question se trouve dans la boutique située immédiatement au nord de la Casa di Diana. Le soprastante écrit en effet que le timbre CIL XV, 1081 découvert entre le 15 et le 19 février 1921 le fut « nella prima taberna a nord della casa di Diana ». Bloch, qui s’est probablement contenté de relever les timbres enregistrés dans les journaux de fouilles, a mal compris le discours de Finelli qui, reconnaissons-le, n’est pas toujours évident à saisir. Le contexte dans lequel eut lieu la découverte ne permet aucun doute cependant : la dalle en terre cuite sur laquelle fut relevé le timbre appartenait à un pavement qui fut découvert dans un sondage ouvert dans l’angle nord-ouest de la boutique méridionale du Caseggiato del mitreo di Lucrezio Menandro (I, iii, 5)12.

• 13 GdS 9 (1916), p. 189-190.

10Un autre argument vient étayer cette affirmation. Calza ne fait pas mention de ce bollo laterizio dans la notice qu’il rédigea en 1917, à propos de la Casa di Diana. À cette date, pourtant, la boutique 16 avait déjà été excavée : son dégagement avait eu lieu dans la première quinzaine du mois de novembre 1916, jusqu’au niveau du pavement « a tegoloni bipedali, dei quali ne restano molti a posto, ma in minuti pezzi13 ». De même, Finelli ne mentionne aucun timbre dans le compte-rendu des fouilles de cet espace. Le timbre utilisé par Bloch pour dater la Casa di Diana appartient donc à un autre édifice.

• 14 GdS 16 (1921), p. 25.
• 15 Calza et al. 1953, p. 235.
• 16 Steinby 1974-75, p. 54, n. 1.
• 17 Falzone 2004, p. 60.
• 18 Becatti 1954, p. 17.

11Le sondage mentionné précédemment fut ouvert afin de contrôler le niveau primitif du Caseggiato del mitreo di Lucrezio Menandro. Les observations que Finelli fit à cette occasion le conduisirent à soutenir que le seuil primitif de la baie de boutique se trouvait en-dessous du seuil en tuf et travertin relevé lors des fouilles et encore visible aujourd’hui : le plan de pose du seuil originel se trouverait ainsi 0,87 m en-dessous, à un niveau qui correspondrait au dallage de la via dei Balconi relevé au nord de la rue. Toujours selon le soprastante, le seuil et le pavement de la boutique, auquel appartient le timbre CIL XV, 1081, auraient été rehaussés en même temps que le trottoir qui précède le caseggiato aurait été aménagé. D’après lui, le pavement en question appartiendrait à une phase de réaménagement du bâtiment, construit sous le règne d’Hadrien15. Ce timbre, attribué traditionnellement au milieu du II^e siècle16, donne seulement un terminus post quem pour dater ces travaux. Ces derniers pourraient être contemporains de l’aménagement d’un espace résidentiel dans la partie orientale de l’édifice, attribué par certains au règne de Marc-Aurèle17. Le rehaussement de la boutique contrasterait néanmoins avec l’abaissement des niveaux, d’environ 0,40 m, réalisés lors de ces travaux-ci18.

• 19 GdS 9 (1916), p. 22-23.

12Les niveaux de circulation de la Casa di Diana, quant à eux, se trouvent nettement au-dessus du pavement de la boutique du Caseggiato del mitreo di Lucrezio Menandro : l’assise de réglage qui couvre la fondation du mur périphérique septentrional de la première se situe environ 0,70 m au-dessus de la couche végétale qui recouvre actuellement le pavement de dalles en terre cuite de la boutique du second. Selon Finelli, la différence de niveau entre les deux édifices s’élèverait même à près d’un mètre19. Une telle différence laisse donc présumer que la Casa di Diana est plus récente que le caseggiato voisin.

• 20 GdS 7 (1914), p. 118 et NSA 1914, p. 249.
• 21 GdS 9 (1916), p. 21-25 ; NSA 1917, p. 323.
• 22 GdS 16 (1921), p. 25.

13Deux autres arguments furent avancés par les fouilleurs pour appuyer cette chronologie relative. D’une part, le niveau de circulation de la via dei Balconi. En effet, la Casa di Diana fonctionne avec le dallage le plus récent de la rue, tandis que le Caseggiato del mitreo di Lucrezio Menandro, même après le rehaussement de la boutique, fonctionne avec un dallage plus ancien, situé nettement plus bas. D’autre part, les vestiges d’une mosaïque blanche, découverte au fond d’un sondage ouvert dans l’espace 24. Ce pavement fut relevé à 0,70 m en-dessous du ressaut de fondation des murs de la Casa di Diana20. Finelli et Calza rattachèrent ce pavement à la « casa dei Molini » voisine21. Si cette interprétation est difficilement défendable aujourd’hui, elle indique néanmoins qu’ils avaient compris que cette structure appartenait à une construction distincte de la Casa di Diana et plus ancienne. Ces observations conduisirent Finelli à dater cet édifice de la fin du II^e siècle au plus tôt22. Les résultats des fouilles menées en 1994-1997 et l’analyse des matériaux de construction employés pour élever cet édifice viennent corroborer la proposition du soprastante.

• 23 Marinucci 2013, p. 75-95.
• 24 NSA 1908, p. 330.

14Cette affirmation peut surprendre. En effet, le responsable de ces fouilles, A. Marinucci, a soutenu que la Casa di Diana remontait au temps d’Hadrien (aux alentours de 130 apr. J.-C.). Sa proposition s’appuie sur les timbres inventoriés par Finelli, publiés ou non par la suite, et sur ceux identifiés par lui-même (tabl. 2)23. Sur les 67 exemplaires recensés, seuls 21 ont été relevés in situ ; les autres ont été retrouvés dans les déblais qui recouvraient la Casa di Diana et les rues voisines, sans que l’on puisse les rattacher avec certitude à cet édifice. A. Marinucci soutient par exemple que les timbres publiés en 1908 par Vaglieri, qui proviennent des fouilles menées à l’extrémité septentrionale de la via dei Balconi, attestaient déjà de la datation hadrianique de l’édifice et s’étonne que personne ne l’ait remarqué auparavant24.

Tabl. 2. Les timbres sur brique relevés in situ par A. Marinucci dans la Casa di Diana, ainsi que dans les journaux de fouilles et les Notizie degli Scavi di Antichità. Le phasage et les identifications sont ceux proposés par A. Marinucci.

• 25 Contrairement à ce qu’affirme A. Marinucci, ces timbres ne peuvent pas être rattachés au balcon don (...)
• 26 Selon Marinucci, Calza (NSA 1917, p. 322) considèrerait que ces « crolli » proviennent de la Casa d (...)

• 27 Calza et al. 1953, p. 216.

15Toutefois, rien dans la documentation des fouilles de 1908 ne permet de supposer (et encore moins d’affirmer) que les timbres relevés alors proviennent de la Casa di Diana. Une lecture attentive des journaux de fouilles indique au contraire que ces timbres proviennent du Caseggiato del mitreo di Lucrezio Menandro (I, iii, 5) ou de la rangée de boutiques I, iv, 1. Vaglieri lui-même se rangea à cet avis dans ses notices. Dans ces dernières, il data le premier édifice des années 123-125, à partir des timbres CIL XV, 361 découverts dans un arc écroulé. En revanche, il ne proposa aucune datation pour le second : les timbres CIL XV, 525 b, 525c et 876a, qu’il associait à la rangée de boutiques I, iv, 1, n’avaient pas encore été datés à cette époque. Bloch retint lui aussi que ces timbres provenaient de cet édifice-ci et ses études sur les bolli laterizi lui permirent de les dater du règne d’Hadrien27.

• 28 Marinucci 2013, p. 31.

20À en croire A. Marinucci, deux autres murs en briques furent relevés sous le pavement du triclinium de l’édifice B (espace 28)28. Néanmoins, ils ne figurent sur aucun plan et n’apparaissent sur aucune photographie. L’un serait d’orientation N-S et se trouverait au pied de la fondation du mur occidental de la pièce de réception. Les fondations de deux piliers en briques construits dans l’espace 28 lors d’une phase de consolidation de la Casa di Diana, reposeraient sur l’arase de ce mur. Ce dernier se trouverait ainsi dans le prolongement du mur N-S relevé dans l’espace 30. Le second mur, perpendiculaire, serait chaîné à celui-là. En l’absence de précisions supplémentaires, il est impossible de définir sa localisation exacte.

• 29 Marinucci 2013, p. 49.
• 30 DeLaine – Wilkinson 1999.
• 31 Calza et al. 1953, p. 223 ; Bigi 2023, p. 62-83.

21Au vu des éléments à notre disposition, il s’avère difficile de dater ces murs. Ils appartiennent à une construction plus ancienne que l’édifice B, élevé sous le règne d’Hadrien (voir infra). A. Marinucci envisage que ces maçonneries remontent au I^er siècle apr. J.-C.29 Néanmoins, le mur construit avec un appareil réticulé pourrait tout aussi bien dater du I^er siècle av. J.-C. et ceux en briques des premières années du II^e siècle. Les fouilles menées par J. DeLaine et D. Wilkinson dans l’Insula di Giove e Ganimede (I, iv, 2) ont montré en effet que l’édifice qui précéda cet immeuble, édifié sous Hadrien, fut construit au début du II^e siècle30. Un cas de figure similaire a également été relevé à l’emplacement du Caseggiato del Serapide (III, x, 1)31.

• 32 Mar 1991, fig. 3.
• 33 Mar 2002, p. 158-160.
• 34 Je remercie J. DeLaine pour cette information.

22Remarquons enfin que ces murs se trouvent à l’emplacement présumé de la voie pomériale externe septentrionale, telle que la restitua R. Mar32. Ce dernier envisagea implicitement que cette voie disparut lors des travaux réalisés dans ce secteur de la ville, au lendemain de la construction du port de Trajan33. Toutefois, le sondage ouvert dans la cour de l’Insula di Giove e Ganimede par J. DeLaine et D. Wilkinson a montré que cette voie, si elle a un jour existé, était déjà recouverte en certains endroits par des constructions remontant aux derniers temps de la République34.

• 35 Marinucci 2013, p. 30.
• 36 Marinucci 2013, p. 42, p. 129.

25Le statut élevé de cet édifice apparaît clairement dans le triclinium, découvert dans l’espace 28. Son pavement en opus sectile, organisé autour d’un emblema central, présente sur trois côtés des espaces réservés à l’installation des klinai utilisés lors des banquets. Soulignons que ce pavement est le fruit d’un important travail de restauration : nombre des plaquettes en marbre coloré visibles aujourd’hui (et dans la monographie d’A. Marinucci) ne fut pas retrouvé en place, mais dans la couche de remblais qui recouvrait la préparation de pavement du triclinium35. Un pavement en opus sectile, présentant les mêmes motifs, fut également relevé dans l’espace 25. Il ne fait aucun doute qu’ils appartenaient tous deux à un unique pavement, qui ornait le sol d’une seule pièce. A. Marinucci considère lui aussi que les deux pavements relèvent d’une même composition, mais il soutient qu’elle ornait deux pièces différentes : le triclinium et une annexe dont il n’y a pourtant aucun vestige (= espace 27)36. Cette affirmation doit être rejetée : elle résulte de la fusion de deux phases distinctes.

• 37 Sur les fontaines à escaliers d’eau, voir Dessales 2013a, p. 164-169. Sur le cas particulier de la (...)
• 38 Sur les personnages nommés sur la conduite en plomb, voir Marinucci 2013, p. 48-49. Voir également (...)

27Au sud de cet espace de réception furent identifiés les vestiges d’une cour, autour de laquelle s’articulait l’édifice. Les différents éléments relevés indiquent l’existence d’au moins deux phases dans cet espace. La cour était pavée à l’origine d’une simple mosaïque blanche, soulignée par au moins une bande périphérique noire. Nous ne savons pas comment se présentait le centre du pavement. En effet, une somptueuse fontaine à escaliers d’eau fut construite par-dessus, lors d’une phase de réaménagement successive37. Au cours de ces travaux, la cour fut rehaussée d’environ 0,30 m et pourvue d’un pavement en marbre du Proconèse et de Luni. Le nymphée était revêtu de plaquages faits des mêmes matériaux et d’un tapis de tesselles en pâte de verre colorée, qui représentait des motifs végétaux. La découverte de ce nymphée est d’autant plus remarquable qu’un tronçon de la conduite d’adduction en eau fut retrouvé en place, avec le nom d’un couple, probablement les propriétaires de l’édifice : M. Cornelius Secondus et Sergia Paulla (AE 2001, 628). Il est tentant d’identifier le premier personnage au quinquennalis du corpus lenunculariorum tabulariorum auxiliariorum de 152 (CIL XIV, 250) ; quant à son épouse, elle pourrait appartenir à une famille sénatoriale bien connue, celle des Sergii Paulli38.

• 39 Marinucci – Pellegrino 2000, p. 226-228.

28Les fouilles ont révélé quatre mosaïques distinctes autour de la cour. A. Marinucci considère que le pavement septentrional remonte à la phase de construction de l’édifice, tandis que les autres seraient contemporains de l’aménagement du nymphée39. En réalité, aucun argument décisif ne vient étayer cette affirmation. Par ailleurs, aucun élément ne permet de définir avec certitude la manière dont la cour et les corridors qui la ceignaient s’articulaient. En effet, les fondations de la Casa di Diana ont oblitéré les maçonneries qui délimitaient ces espaces. Il est plausible, toutefois, que nous ayons affaire à une cour à péristyle ou, plus probablement, d’un « cortile porticato », comme dans le cas de la Casa delle Muse (III, ix, 22). Ainsi, les quatre mosaïques découvertes autour de la cour correspondraient chacune au pavement d’un des quatre portiques qui l’entouraient.

• 40 Marinucci 2013, p. 51.

29Le pavement du portique occidental se prolongeait au nord jusque dans un corridor qui flanquait le triclinium. Ce corridor donnait accès sur une pièce étroite. Un seuil indique qu’une porte les séparait. Aucun indice ne permet en revanche d’affirmer si l’un ou l’autre de ces deux espaces communiquaient avec le triclinium. Le portique méridional, quant à lui, débouchait sur un espace de service, interprété comme une cuisine par A. Marinucci40. Un seuil en marbre délimitait le pavement du corridor méridional et celui de cette pièce, réalisé avec des dalles en terre cuite disposées en épi. Cette “cuisine” était équipée d’un puits construit avec un appareil réticulé et remonte peut-être à la phase précédant la construction de l’édifice B. Il resta en usage après l’aménagement du nymphée et même après la construction de la Casa di Diana.

• 41 Sur les « axial peristyle houses », voir Meyer 1999.
• 42 Sur les axes visuels de l’Edificio del triclinio marmoreo, je renvoie le lecteur à Carrive 2016, p. (...)

30L’association d’un triclinium et d’une cour à péristyle ou d’un « cortile porticato » au sein d’une composition axiale, dépourvue d’atrium, est courante dans les maisons aisées construites dans les premiers siècles de l’Empire41. L’entrecolonnement des portiques offrait le jour nécessaire pour créer un axe visuel entre la cour et le triclinium, mais aussi entre la cour et les deux pièces latérales, relevées dans les espaces 22 et 23 (cubicula ?). Ces deux pièces étaient chacune pourvues d’une large baie, fermée par une porte à double battant. Ces ouvertures donnaient une vue dégagée sur la cour et, dans un second temps, sur le nymphée (si l’on retient que la cour était ceinte par des portiques)42. Bien que le seuil des portes soit en marbre, le pavement des pièces n’était composé que d’un simple tapis de mosaïque blanche. En l’absence de sondages supplémentaires, le reste du plan de la maison ne peut être reconstruit sur des bases solides. Et rien ne justifie, d’un point de vue méthodologique, de l’extrapoler à partir du plan de la Casa di Diana, qui est un édifice distinct.

• 43 Les timbres n° 10-12 sont également attribués à cette phase par A. Marinucci (voir tabl. 2). Les ph (...)

31Les éléments de datation absolue sont peu nombreux pour fixer la chronologie de l’Edificio del triclinio marmoreo. Les fouilles menées entre 1994 et 1997 n’ont pas porté une attention particulière aux remblais situés sous les pavements de cet édifice. En revanche, plusieurs timbres remontant au règne d’Hadrien ont été relevés dans la canalisation qui court sous le pavement du corridor 19c (tabl. 2, n° 26-28 et 30-33)43. Tout porte à croire, d’après les éléments publiés, que cet égout est contemporain de la construction de l’édifice. Dès lors, il est raisonnable de dater l’Edificio del triclinio marmoreo des années 120-130, puisqu’il connut au moins une phase de réaménagement, au milieu du II^e siècle, et qu’il fut détruit à la fin du même siècle, avant que ne soit élevée la Casa de Diana.

• 44 Zevi – Pohl 1970.
• 45 Bauers 2018, p. 90-91.

33À plusieurs reprises, A. Marinucci évoque l’existence d’un renforcement de la base des murs de la Casa di Diana, au moyen de massifs de maçonneries en briques, larges d’environ 10 cm et couronnés par des bipedales (tabl. 1, phase IV). Cette affirmation est extravagante : il s’agit en réalité de la partie supérieure des fondations de l’édifice (ou « soprafondazione »). Comme elle émerge du sol, les maçons l’ont parée avec des briques ; une assise de réglage, constituée de bipedales, a ensuite été placée à son sommet ; le massif de maçonnerie qui en résulta était plus large que les murs, créant ainsi un ressaut de fondation marqué. Cette configuration est banale à Ostie : renvoyons par exemple aux cas de la Casa delle Pareti Gialle (III, ix, 12)44 ou de l’Insula del Soffitto Dipinto (II, vi, 5-6) et des édifices voisins (II, vi, 3-4 et 7)45. Malgré cela, A. Marinucci n’envisage à aucun moment cette explication. L’assise de réglage est également présente dans les murs périphériques (elle est visible dans les murs est et nord), mais elle n’y forme aucun ressaut. En effet, ces murs-ci sont aussi épais que les fondations (fig. 8).

• 46 Treviso 2013, p. 133, p. 142. L’auteure de l’étude du luminaire dresse un constat similaire : « tra (...)

35La construction des murs et des fondations du nouvel immeuble alla de pair avec celle de nouveaux pavements. Ceux-ci correspondent aux mosaïques les plus récentes relevées dans les espaces 25 et 26, ainsi que dans les espaces 19d, 28 et 31. Ces mosaïques se trouvent entre 0,40 et 0,70 m au-dessus des niveaux de circulation de la maison précédente. Ce rehaussement nécessita le remblaiement de la parcelle, qui eut lieu une fois les fondations achevées. Le mobilier archéologique livré par ces remblais fut daté « tra la seconda metà del II sec. d.C. e i primi decenni del III sec. » et « tra gli ultimi decenni del II sec. e il secondo quarto del III 46» : telle est la fourchette chronologique dans laquelle il faut placer la construction des murs et des pavements de la Casa di Diana.

• 47 Falzone 2004, p. 33-50 ; 2007, p. 110-124 ; 2013.
• 48 Falzone 2013, p. 120. Seul un enduit peint présent sur un pan de mur appartenant à l’un des étages (...)
• 49 NSA 1914, p. 249. Sur les timbres anépigraphes, je renvoie le lecteur à Broise 2000. Le lot de la C (...)

37La datation du mobilier archéologique s’accorde avec celle proposée par S. Falzone pour les enduits peints relevés sur les murs du nouvel édifice47 : selon elle, les enduits les plus anciens remontent aux dernières décennies du II^e siècle48. Elle est également corroborée par les nombreux timbres anépigraphes présents dans les parements en briques des murs, notamment les façades et les murs de refend des boutiques ouvrant sur la via dei Balconi. Dans son ouvrage, A. Marinucci n’a pris en compte que les timbres épigraphiques et ne fait aucune mention de ce type particulier de bollo laterizio, alors même que leur nombre est particulièrement élevé, pour peu que l’on se donne la peine de les chercher : à elle seule, une observation rapide permet d’en recenser plusieurs dizaines sur les bessales utilisées pour construire l’armature des voûtes du rez-de-chaussée de l’édifice (fig. 11) ! Comme l’avait déjà remarqué Calza, elles présentent « una grande varietà di marche senza lettere (sopra tutto cerchietti)49 ».

• 50 Gismondi considérait ce type d’armature caractéristique du règne de Commode (voir Calza et al. 1953 (...)
• 51 Calza et al. 1953, p. 149.
• 52 Zevi 1971, p. 472-478 ; 2008, p. 490.
• 53 Cet édifice a été daté du règne d’Antonin le Pieux par les auteurs de la Topografia generale (voir (...)

38Ces voûtes se caractérisent par une armature composée de deux carrelages en briques peu épaisses, l’un composé de sesquipedales rouges, l’autre de bessales jaunes. La technique de l’armature en double carrelage est attestée à Ostie dès le règne d’Hadrien, comme en témoignent par exemple les vestiges très ténus et fortement restaurés de quelques voûtes des Case a Giardino (III, ix) ou du Caseggiato di Annio (III, xiv, 4). Ces carrelages sont toutefois composés de bipedales et de bessales plus épaisses. L’association de fines sesquipedales ou de fines bipedales rouges et de bessales jaunes, marquées en très grand nombre par des timbres anépigraphes, est seulement attestée au sein de constructions élevées dans les dernières décennies du II^e siècle et dans la première moitié du suivant50. L’exemple le plus significatif est la voûte du podium du Tempio dei Fabri Tignuarii (V, xi, 1), daté du règne de Commode par Becatti et Gismondi, d’après la technique de construction des murs51. Plus récemment, F. Zevi a précisé la datation de la construction de ce temple collégial, grâce à la lecture de l’inscription qui couronnait vraisemblablement l’entrée du sanctuaire : si l’on retient son hypothèse, celui-ci fut élevé en 193-19552. D’autres édifices construits à l’époque sévérienne présentent également le même type de matériaux de construction : citons les voûtes construites lors de l’agrandissement du théâtre (II, vii, 2), inauguré en 196, celles des boutiques et des niches quadrangulaires de la Schola del Traiano (IV, v, 15-16)53 ou celle du podium du Tempio collegiale (I, x, 4).

• 54 Sur ce graffiti, voir Van Haeperen 2019, p. 101.

39Les éléments présentés dans les paragraphes précédents indiquent que la Casa di Diana fut construite dans les dernières décennies du II^e siècle, voire dans la première moitié du siècle suivant, en lieu et place d’une résidence urbaine luxueuse. Un graffito relevé sur la peinture du mur occidental du Sacello del Silvano (I, iii, 2), qui vient s’appuyer contre la Casa di Diana, fournit un terminus ante quem intéressant pour resserrer la chronologie de cet édifice : la date consulaire qui apparaît sur ce texte renvoie à l’année 21554. L’immeuble qui nous intéresse ici a par conséquent été construit auparavant.

• 55 DeLaine 1995, p. 88-94.

40Comme l’a relevé A. Marinucci, les traces d’impact relevées sur le pavement en marbre de la cour de l’Edificio del triclinio marmoreo témoignent d’une destruction violente. Il est tentant de mettre en relation cet événement avec les observations faites par J. DeLaine dans l’Insula di Giove e Ganimede (I, iv, 2), située de l’autre côté de la via dei Balconi. Selon elle, cet édifice aurait connu un traumatisme architectural, qui conduisit à des modifications structurelles importantes55. Un graffito relevé sur un enduit peint successif à ces travaux fournit un terminus ante quem utile pour les dater, puisqu’il mentionne le mois de Commodus, en vigueur seulement sous le règne de cet empereur. Ces travaux eurent donc lieu avant sa mise à mort en 192. Ne pourrions-nous pas envisager que les dommages causés à ces deux édifices le fussent lors d’un même événement ? Si cette hypothèse s’avérait exacte, la destruction de l’Edificio del triclinio marmoreo précèderaient l’assassinat de Commode. Il faudrait dès lors attribuer la construction de la Casa di Diana aux dernières décennies du II^e siècle.

• 56 Calza 1915, p. 327-333 ; Becatti 1954, p. 9-15 ; Van Haeperen 2019, p. 156-159.
• 57 Becatti 1961, p. 9-15.
• 58 Steuernagel 2004, p. 106 ; White 2012, p. 443.
• 59 Marchesini 2012-2013, p. 135. Voir également Van Haeperen 2019, p. 156-159, qui reprend les argumen (...)

41Par la suite, la Casa di Diana connut plusieurs réfections et réaménagements, qui s’avèrent difficiles à dater précisément, à cause des méthodes de fouilles utilisées voilà plus d’un siècle. Seul le mithraeum peut l’être un tant soit peu56. Dans son étude sur les mithraea d’Ostie, Becatti proposait de faire remonter son installation à la fin du II^e siècle, en se fondant à la fois sur la chronologie de la Casa di Diana retenue en son temps et sur les inscriptions liées à ce sanctuaire57. Cette datation fut acceptée par l’ensemble de la communauté scientifique, jusqu’à ce qu’A. Marinucci l’abaisse à la seconde moitié du III^e siècle (tabl. 1, phase V). Si certains ont suivi cette nouvelle datation58, d’autres sont restés plus circonspects. Selon eux, en effet, le corpus épigraphique associé à ce mithraeum interdit de descendre au-delà du milieu du III^e siècle59. A. Marinucci a contourné cette difficulté en soutenant que le mobilier retrouvé à l’intérieur de l’espace de culte provenait d’un autre sanctuaire, plus ancien.

• 60 Marchesini 2012-2013, p. 135-136.
• 61 Meiggs 1973, p. 80-81.
• 62 Zevi 2008, p. 494-501. Sur M. Aurelius Papyrius Dionysus, voir Caldelli 2020, n° 27.
• 63 Heres 1988, p. 47-49 ; Bakker 1999, p. 59-60.

43Certaines pièces à conviction laissent penser que la communauté des fidèles se réunissant dans ce sanctuaire était associée au corpus pistorum d’Ostie : M. Caerellius Hieronimus, qui revêtait la fonction de sacerdos au sein du mithraeum de la Casa di Diana était probablement affilié à ce collège60. Cela n’aurait rien d’étonnant, puisque le Caseggiato dei Molini, la plus grande boulangerie d’Ostie, se trouvait juste à côté. Ne se pourrait-il pas, dès lors, que la Casa di Diana ait été liée dès sa construction à la corporation des boulangers, qui fut au centre de l’attention des empereurs à la fin du II^e siècle ? Cette époque est marquée par la réorganisation et le renforcement du corpus pistorum, conçus sous Commode et mis en œuvre sous le règne de Septime Sévère61. L’inscription AE 1996, 309 nous apprend par exemple qu’un locus fut assigné aux pistores d’Ostie, vers 190, par le préfet de l’annone M. Aurelius Papyrius Dionysus, avec l’accord des décurions de la cité, peut-être pour y installer leur schola62. La datation proposée précédemment pour la construction de la Casa di Diana suggère que c’est dans ce contexte, qui affecta la société ostienne des dernières décennies du II^e siècle, que cet édifice fut élevé. Si l’on peut douter que la parcelle sur laquelle fut élevé cet immeuble corresponde au locus mentionné par l’inscription (on ne voit pas en effet où celle-ci aurait pu prendre place dans cet édifice), sa construction pourrait malgré tout être liée aux pistores : ces derniers s’installèrent en effet dans le Caseggiato dei Molini voisin sous les Sévères, époque au cours de laquelle cet édifice fut l’objet de nombreux travaux63.

• 64 Mainet 2018, p. 18.

45D’autres transformations méritent d’être relevées au rez-de-chaussée de l’édifice. Des cloisons grossières furent aménagées dans les portiques 19a et 19d, les divisant ainsi en espaces plus petits. Ce phénomène est attesté ailleurs à Ostie, comme le montre le cas de l’Insula del Dioniso (IV, v, 9) ou de la Domus a Peristilio (IV, v, 16)64. Les enduits peints des espaces 22, 23 et 24 ont été en partie retirés et remplacés par des enduits de tuileau sur la partie inférieure des parois. Ces travaux témoignent d’un changement de fonction de ces pièces : après avoir servi d’espaces de réception ou de représentation, elles devinrent vraisemblablement des lieux dédiés à des tâches moins nobles. Dans l’espace 22, la base des nouveaux enduits se trouve à un niveau nettement supérieur à celui des pavements primitifs. Lorsqu’ils furent appliqués sur les murs, les niveaux de circulation étaient donc plus élevés qu’à l’origine. Les espaces 3 et 18 présentent d’ailleurs les vestiges de pavement en opus spicatum aménagés par-dessus des pavements similaires, plus anciens, et des tapis de mosaïque noire et blanche appartenant à la phase initiale de la Casa di Diana.

• 65 Bakker 1999, p. 125.

46Dans l’espace 31, la mosaïque originelle fut remplacée par un pavement de dalles en basalte. Un pavement identique se trouve dans l’espace 23, mais celui-ci a été complément refait à la suite des fouilles d’A. Marinucci. L’aménagement de ces pavements grossiers est contemporain de la construction d’une vasque maçonnée dans l’espace 31, que certains ont interprétée comme une mangeoire. Cette dernière trahirait l’aménagement d’une écurie à l’intérieur de l’édifice. L’accès à cet espace, cependant, ne devait pas être aisé pour les animaux de trait et de bât auxquels il était destiné. La construction de la fontaine dans la cour 30 pourrait être contemporaine de ces réaménagements. Selon J. Th. Bakker, ces installations seraient liées à la boulangerie voisine. Il envisage en effet que ces modifications soient liées à l’appropriation de la Casa di Diana par les pistores travaillant dans le Caseggiato dei Molini65. Si l’hypothèse que j’ai formulée précédemment s’avère exacte, ces structures ne seraient pas le résultat d’une appropriation, mais d’un simple remaniement au sein d’un édifice déjà en possession des pistores.

• 66 Marinucci 2013, p. 56.
• 67 Pavolini 2016, p. 387, n. 12. L’auteur maintient ici la thèse qu’il avait déjà soutenue trente ans (...)

47La chronologie des différentes phases de réaménagement de la Casa di Diana proposée par A. Marinucci lui imposa d’abaisser la datation de son abandon (tabl. 1, phase VI). Celui-ci data cette phase de la fin du IV^e siècle, en s’appuyant sur les journaux de fouilles de Finelli. Ce dernier signala en effet avoir recueilli deux lampes à huile Dressel 30 et 31, lors des fouilles du rez-de-chaussée de l’immeuble, deux types qui furent produits entre la fin du III^e et le début du V^e siècle66. Selon A. Marinucci, la présence de ce matériel (peu de chose à vrai dire) indiquerait l’existence d’une phase d’occupation au cours du IV^e siècle. Ce raisonnement démontre un manque de rigueur dans l’exploitation de la documentation des fouilles anciennes : comme l’a souligné C. Pavolini, ces lampes se trouvaient « negli scarichi67 », qui, logiquement, se sont formés une fois l’édifice abandonné. La datation proposée en son temps par Calza reste par conséquent la plus convaincante : selon lui, la Casa di Diana a été abandonnée au tournant des III^e et IV^e siècles, suite au violent incendie qui frappa l’îlot  I, iii.

• 68 NSA 1914, p. 252-253.
• 69 NSA 1915, p. 249.
• 70 Notons néanmoins la présence de quelques traces noires laissées au rez-de-chaussée de l’immeuble, s (...)

48Cette datation se fonde sur la découverte de plusieurs « tesoretti » dans les décombres de l’édifice, plus précisément dans le triclinium, au rez-de-chaussée, et à l’étage68. Comme ces trésors ne contenaient aucune monnaie postérieure au règne de Probus (juillet 276-octobre 282), il en déduisit que le bâtiment fut abandonné durant le règne de cet empereur ou dans les années qui suivirent. L’incendie du Caseggiato dei Molini fut lui aussi daté de cette période grâce à la découverte d’un trésor monétaire dans les décombres calcinés : là encore, aucune monnaie n’était postérieure au règne de Probus69. Cet évènement détruisit non seulement le Caseggiato dei Molini, mais aussi le Caseggiato del mitreo di Lucrezio Menandro, qui furent tous deux recouverts par une épaisse couche de gravats calcinés. L’absence d’une telle couche dans la Casa di Diana conduisit Calza à soutenir qu’elle n’avait pas été directement victime de l’incendie. Il retint en revanche que la stabilité de l’édifice fut compromise lors de cet événement, contraignant les habitants à quitter les lieux70.

• 71 Pavolini 2002, p. 344 ; Pavolini 2016, p. 386-387.
• 72 Voir par exemple GdS 9 (1916), p. 191.

49D’après cette hypothèse, les espaces internes de la Casa di Diana auraient été comblés après la catastrophe, une fois les lieux évacués par leurs occupants. Un tel scénario ne serait pas insensé, puisque le voisinage immédiat de l’îlot I, iii, la via dei Balconi en particulier, fut transformé en dépotoir après la catastrophe71. Dans ce contexte, rien n’interdit que le rez-de-chaussée de la Casa di Diana ait également été investi pour se débarrasser des déchets produits par la population vivant dans les quartiers alentour. Finelli, toutefois, ne fait pas mention de tels rebuts de consommation dans les pièces situées au rez-de-chaussée de cet immeuble. Il insiste même sur le fait que plusieurs boutiques ne furent pas transformées en zone de décharge, contrairement à celles de l’édifice I, iv, 1, situé de l’autre côté de la rue72.