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Religion et humanitaire : renouveau historiographique et chantier des archives Pie XII

L’aide à l’enfance italienne victime de la guerre au lendemain du second conflit mondial

Un paysage bigarré et hautement compétitif 
Camille Mahé
p. 281-293

Résumés

Après 1945, les besoins des enfants italiens sont immenses : 3 millions ont perdu leur toit, 400 000 sont orphelins et des centaines de milliers manquent de médicaments, de vêtements et de vivres. Dans ce contexte, capter les dons qui affluent dans et vers la péninsule devient crucial pour les partis et associations : cela leur permet de s’affirmer dans un contexte de reconstruction matérielle, politique et institutionnelle hautement concurrentiel. L’aide à l’enfance victime devient même l’un des terrains d’affrontement privilégié des acteurs politiques, en particulier des communistes et de l’Église qui tentent chacun d’imposer leur vision de la nouvelle société démocratique en paix. Centré sur l’Italie de la seconde moitié des années 1940, cet article propose ainsi une réflexion sur les spécificités de l’action humanitaire et de l’aide à l’enfance victime de guerre après 1945, tout autant que sur l’apport de l’ouverture du fonds Pie XII pour renouveler l’historiographie de l’humanitaire, de l’enfance et du fait religieux.

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Texte intégral

  • 1 L’encyclique est disponible en ligne sur le site du Vatican, consulté le 18 juillet 2022, https:// (...)

1Le 6 janvier 1946, le pape s’adressait aux archevêques, évêques et ordinaires locaux dans une lettre encyclique intitulée Quemadmodum. Dressant un tableau particulièrement sombre de la situation des enfants au sortir de la guerre, il les appelait à exhorter les fidèles « à soutenir par leurs prières, leurs bonnes œuvres et leurs offrandes tout mouvement qui dirige pleinement et efficacement ses forces vers le secours des enfants nécessiteux et abandonnés ». Rappelant que l’Église s’est toujours efforcée de « s’occupe[r] des nourrissons et des enfants » en leur procurant « nourriture, abri et vêtements » sans pour autant négliger « leur âme », Pie XII soulignait ainsi l’importance que jouait et devait jouer l’institution dans la reconstruction des sociétés ayant souffert du conflit tout juste achevé1.

  • 2 Nous distinguons ici la catégorie des enfants et des adolescents, pour nous pencher sur les premie (...)
  • 3 Brosse 1949, p. 24. Thérèse Brosse est résistante et cardiologue. C’est l’UNESCO qui lui commande (...)

2Le bilan matériel et humain dressé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale est effectivement très lourd. Des millions d’hommes et de femmes sont morts des suites des violences de guerre et des pénuries en tout genre en Europe, et si les enfants âgés de 14 ans et moins2 ont été relativement protégés des combats, des bombardements et des persécutions nazies sur le front ouest – exception faite des enfants juifs et tsiganes –, ils n’échappent pas à la faim, au froid et à la maladie qui perdurent après 1945. À cette date, l’Italie compte par exemple à elle seule 3 millions d’enfants sans toit et 400 000 orphelins3. Face à l’urgence, les dons affluent vers et au sein du pays, récoltés et redistribués notamment par des organisations humanitaires à l’échelle nationale comme internationale, parmi lesquelles l’Administration des Nations Unies pour le secours et la reconstruction (UNRRA) joue un rôle de premier plan.

  • 4 On notera d’ailleurs que les études relatives aux organisations confessionnelles portent principal (...)
  • 5 Parmi les travaux récents qui posent ces questions, Humbert 2021 ; Marshall 2002 ; Roddy – Strange (...)
  • 6 On notera également que l’historiographie de l’humanitaire relative à l’enfance s’est davantage ce (...)

3L’aide aux populations victimes de la guerre se trouve au croisement de phénomènes multiples, dont l’historiographie commence tout juste à s’emparer. Longtemps, elle a pris la forme de monographies sur les organisations humanitaires qui y ont pris part, qu’elles soient laïques (comme les Croix Rouges et Save the Children Fund) ou confessionnelles4. Ce n’est que très récemment qu’elle pose de nouvelles questions comme celle du genre de l’aide, celle de la nature des liens qui unissent – ou désunissent – les nombreux acteurs au chevet des populations victimes, celle des stratégies communicationnelles mises en œuvre par les organismes ou encore celle des buts recherchés par leurs membres dans les actions de secours5. Derrière l’objectif humanitaire et a priori désintéressé, apporter de l’aide semble effectivement permettre bien plus que le simple relèvement des groupes de population concernés. Dans le contexte de reconstruction matérielle, politique et institutionnelle des années 1940, l’aide à l’enfance semble plus spécifiquement constituer un puissant outil pour s’imposer dans un espace fortement concurrentiel. Peu, voire jamais abordée, la question de l’aide à l’enfance victime comme instrument au service du politique est pourtant centrale pour saisir plus finement les enjeux et conflits qui traversent le monde de l’humanitaire pendant et après la guerre6. En Italie en particulier, elle fut même l’un des terrains d’affrontement privilégié des deux principales forces en présence, les communistes et l’Église, qui tentèrent chacune de prendre le pas sur l’autre et d’imposer leur vision de la nouvelle société démocratique en paix.

4Aussi, en s’inscrivant dans cette historiographie récente et en analysant le cas de l’Italie, cet article se veut-il une réflexion sur la spécificité à la fois de l’action humanitaire au sein de cet espace durant la seconde moitié des années 1940, et de l’aide en faveur de l’enfance victime du conflit. Dans ce domaine, la période se caractérise par la naissance de la Pontificia Commissione di Assistenza [Commission pontificale d’assistance] (PCA), qui constitue l’un des principaux acteurs en charge de l’aide à l’enfance. L’organisation, créée par le pape en avril 1944, parvient même à devenir le partenaire privilégié des États-Unis et du gouvernement italien, au détriment du parti communiste italien (PCI). Cet article propose donc aussi plus généralement des pistes de réflexion sur ce que peut apporter l’ouverture du fonds Pie XII (où sont conservées les archives de la PCA) pour l’histoire, non pas tant religieuse que, plus globalement, celle de l’humanitaire, de la reconstruction des sociétés en guerre et de l’enfance – et nourrir ce faisant une historiographie en plein renouvellement.

5En nous appuyant sur des archives variées, principalement issues des acteurs privés et publics ayant porté secours à l’enfance italienne (PCA, PCI, Croix-Rouge, etc.), il conviendra d’exposer en premier lieu la situation des jeunes Italiens au moment de la sortie de guerre et de dresser un tableau des acteurs en charge des enfants victimes du conflit comme du spectre d’activités dont ils s’occupent. Ce panorama permettra de distinguer les actions de secours du premier et du deuxième après-guerre et de mieux comprendre les enjeux, notamment politiques, qui découlent de l’aide à l’enfance au mitan du XXe siècle.

Enfance et humanitaire dans la sortie de Seconde Guerre mondiale en Italie

La difficile sortie de guerre des enfants italiens

  • 7 Par exemple : Francesco Matteini, « Diario », ADN, DG/T3.
  • 8 Bruno Maida et Genio di Lanfranco ne précisent toutefois pas la tranche d’âge exacte, qui s’étend (...)

6Si l’Italie a connu des attaques aériennes dès 1940, notamment à Turin, c’est surtout à partir de 1943 – avec le débarquement en Sicile en juillet puis la naissance de la République sociale italienne en septembre – que la violence fait véritablement irruption dans le quotidien d’une majorité d’enfants. Ces derniers ont effectivement été relativement préservés des bombardements et des combats au début des années 1940 car dès 1942, les écoliers ont fait l’objet d’une politique d’évacuation des espaces ciblés par les forces aériennes britanniques et américaines. Une partie d’entre eux a également été éloignée des centres urbains par leur famille, de sorte que les jeunes Italiens ont davantage été protégés que les autres catégories de population, à l’instar des combattants réguliers et irréguliers ou des travailleurs restés dans les villes pour soutenir la production industrielle. Les sources produites par les enfants pendant et à proximité immédiate de la période que nous avons consultées (dessins, journaux intimes et travaux scolaires conservés à l’Istituto Nazionale di Documentazione, Innovazione e Ricerca Educativa de Florence et à l’Archivio Diaristico Nazionale de Pieve Santo Stefano7) corroborent cette tendance et témoignent que la guerre s’est matérialisée tardivement à leurs yeux. L’incursion de la violence dans leur sphère intime et leur quotidien s’est d’abord traduite par un accroissement des bombardements à mesure que le conflit se prolongeait. La violence a également pris la forme de combats intenses, en particulier lors des fixations des lignes de front. Enfin, l’occupation allemande s’est accompagnée d’une violence d’une autre nature, cette fois-ci génocidaire, par la déportation des Juifs de la moitié nord du pays : 905 enfants de la péninsule ont ainsi été déportés et envoyés à Auschwitz, Bergen-Belsen et Ravensbrück8.

  • 9 « Opera Nazionale Invalidi di Guerra, Parte Generale (1944-1968) », ACS-AS0001-0001441, b. 266, fa (...)

7Pour celles et ceux qui ont survécu, la cessation des hostilités au printemps 1945 ne signe toutefois pas la fin des difficultés. En premier lieu, la violence que le conflit a engendrée se maintient après 1945. Elle prend la forme d’accidents provoqués par la manipulation ludique d’engins explosifs abandonnés après les combats ou disposés sciemment par les nazis, et par la participation des plus jeunes au trafic de munitions, dont l’objectif est de récupérer la poudre – en particulier dans le sud du pays. Il en résulte de fréquentes mutilations, voire la mort des enfants. Le phénomène est massif, et ce davantage que dans les autres pays d’Europe de l’Ouest : à la fin des années 1940, on compte environ 15 000 mutilatini, nom donné à ces « petits mutilés » de guerre et d’après-guerre9.

  • 10 « Note à l’attention de M. le Dr. Feinstein, 30 août 1945 », A CICR, O CMS D-221.
  • 11 « Italie : situation sanitaire, 15/01/1945-30/11/1945 », A CICR, O CMS D-221.
  • 12 Fambri 1945, p. 572.
  • 13 « Note au Docteur Boehringer Directeur de la CMS de la Croix-Rouge Internationale », A CICR, O CMS (...)

8Surtout, la situation sanitaire et alimentaire continue de se dégrader après 1945, rendant la période de sortie de guerre souvent plus difficile que celle du conflit elle-même pour les enfants. Plus que par les conséquences directes de la guerre (mort, blessures, traumatismes, etc.), ces derniers ont été massivement touchés par ses effets indirects. La destruction des infrastructures, des égouts, des hôpitaux, les pillages et les pénuries de vêtements, de moyens de se chauffer, de savon, de médicaments ont entraîné des problèmes alimentaires et sanitaires importants pendant et surtout après le conflit. Les membres d’organisations comme la Croix-Rouge italienne (CRI), les experts (pédiatres, épidémiologistes, etc.) constatent l’explosion des maladies de peau : 10 % de la population italienne aurait la gale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale – ce sont même près de 30 % dans certaines localités10. Ils notent la diffusion massive des poux et des maladies infectieuses comme la tuberculose, la coqueluche ou la diphtérie. La malaria et le typhus font leur grand retour – avec près de 90 % de la population atteinte dans certaines communes des zones côtières, dont celles du Latium, de la Calabre et de la Sardaigne11. Mais c’est surtout la tuberculose qui inquiète : en 1945, parmi les patients âgés de 6 à 12 ans de la clinique pédiatrique de Bologne, 43 % sont infectés par le bacille de Koch, tandis qu’ils sont entre 68 et 82 % dans celle de Naples12. La maladie connaît d’ailleurs un pic en 1946 pour le groupe des enfants. D’après la Commission mixte de Secours (CMS) qui dépend du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), on compterait à cette date près de 80 000 jeunes tuberculeux rien que dans la capitale et ses environs13.

  • 14 L’UNRRA a été créée en 1943 par les Alliés pour venir en aide aux populations victimes de la guerr (...)
  • 15 « Italie : situation sanitaire, 15/01/1945-30/11/1945 », ACICR, O CMS D-221.

9Si l’on en croit les rapports du CICR et de l’UNRRA – principal organisme qui achemine l’aide et le secours en Europe durant la sortie de guerre et qui est majoritairement financé par les États-Unis14 –, la période la plus critique en matière sanitaire est la période 1944-1946, même si la situation demeure très préoccupante dans son ensemble jusqu’à la fin des années 1940. Du point de vue alimentaire, c’est 1946-1947 qui semble constituer le moment le plus difficile, années au cours desquelles l’Italie connaît de surcroît l’un des hivers les plus froids du XXe siècle, alors que ses habitants vivent souvent dans des abris de fortune comme des grottes15.

  • 16 L’enquête a été commandée par le professeur T.H. Madsen, chef de mission pour l’Unicef en Italie, (...)

10En conséquence, les enfants italiens souffrent : à l’issue de son enquête sur cette classe d’âge, le professeur Gino Frontali, directeur du Centre pour l’étude de la physiopathologie de l’alimentation infantile, conclut qu’ils sont plus maigres, plus petits, plus fatigués, plus fragiles que ceux d’avant-guerre au même âge. Ils sont fragilisés car avitaminosés et sous-alimentés, accusent des retards de croissance et font face à tout un ensemble de problèmes, par exemple gastriques et dentaires16.

L’aide à l’enfance victime de la guerre : un mille-feuilles d’acteurs sur le territoire italien

  • 17 Elle prend le nom de Pontificia Opera di Assistenza (POA) à partir de 1953.

11Les défaillances et besoins importants des enfants italiens énoncés par les ONG et les experts font l’objet de craintes profondes, ce qui participe à l’accroissement du nombre d’acteurs qui gravitent autour des plus jeunes pour leur venir en aide et les relever des épreuves de la guerre. Il s’agit de médecins et de scientifiques (pédiatres, psychologues, psychanalystes, nutritionnistes etc.), mais aussi de militants politiques ou de membres d’associations qui appartiennent de près ou de loin au monde de l’humanitaire. Certains d’entre eux contribuent à la création de nouvelles organisations, comme le Don suisse, créé en 1944 pour épauler le CICR. À ces organisations laïques s’ajoutent des organismes confessionnels comme la PCA qui, bien qu’initialement créée pour apporter une aide matérielle aux réfugiés et aux prisonniers de guerre, devient de plus en plus active au chevet des enfants. Près d’un million d’entre eux bénéficient de son secours à la fin des années 194017.

  • 18 À propos de l’histoire de SFC : Baughan 2021.
  • 19 Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les syndicats socialistes italiens avaient déjà organ (...)

12Cette prise en charge humanitaire n’est toutefois pas inédite. Elle s’inscrit dans une histoire longue : dès les lendemains de la Première Guerre mondiale, des organismes avaient déjà été mis sur pied pour apporter de l’aide sanitaire et alimentaire, comme Save the Children Fund, à l’initiative d’Eglantyne Jebb et Dorothy Buxton en 1919 ou l’American Relief Administration European Children’s Fund (ARA ECF), fondé par Herbert Hoover. Tous deux interviennent alors en Europe centrale et en Russie18. La Guerre civile espagnole participe elle aussi à l’effloraison de nouveaux mouvements, tandis que la Seconde Guerre mondiale vient renforcer le phénomène. L’aide apportée à l’enfance italienne – et plus largement européenne – au cours de cette période apparaît donc comme le point d’aboutissement d’une évolution datant d’un demi-siècle, sinon davantage si l’on considère que l’humanitaire trouve ses racines dans la charité et dans le répertoire d’action syndicale et ouvrière du début du XXe siècle19. Elle l’est d’autant plus que l’on observe une forme de continuité entre les deux après-guerres, dans la mesure où certains acteurs qui interviennent après 1945 étaient déjà actifs dans le domaine de l’aide au cours des années 1920 et 1930. Ainsi de Maurice Patte, membre du Committee for Belgian Relief à partir de 1917 puis directeur du Committee for Polish Relief en 1939, qui prend la tête de l’Unicef en 1947. Se joue ainsi un transfert d’expertise du premier au second après-guerre dans le domaine de l’humanitaire.

  • 20 Sur cette période : Gibelli 2005 ; Pignot 2012.

13Néanmoins, les deux périodes se distinguent nettement, y compris en Italie, et ce pour plusieurs raisons. La première est quantitative : bien que relativement protégés dans leur ensemble, les enfants du front de l’Ouest ont été davantage touchés par les effets du conflit dans les années 1940, en comparaison avec les années 1910-192020. Après 1945, les besoins sont démultipliés pour cette classe d’âge, ce qui explique en partie le nombre plus élevé d’acteurs autour de l’enfance victime de la guerre à cette période. Surtout, si le premier après-guerre avait identifié des enfants victimes pour des raisons filiales (les pupilles et les orphelins) et physiques (les blessés et sous-alimentés), s’ajoutent dans le second après-guerre de nouvelles blessures : celles de nature psychique. Susceptibles d’affecter non plus quelques enfants mais l’ensemble des enfants, les plus jeunes sont désormais tous considérés comme de potentielles victimes, ce qui provoque une attention inédite portée sur eux.

  • 21 Dogliani 2020.
  • 22 Le Concordat de 1929 renforça toutefois la position œcuménique de l’Église au sein de l’ONB et dan (...)
  • 23 Dogliani 2020, p. 82.
  • 24 Nous nous appuyons ici sur les propos tenus par Gianfranco Armando (auteur de l’inventaire des fon (...)

14Cette attention n’est pas seulement le fait d’organisations humanitaires, mais aussi de partis politiques, parmi lesquels le Parti communiste italien qui agit par le biais l’Unione donne italiane (UDI), tandis que les syndicats s’intéressent de plus en plus à la question de l’enfance. Ces organisations jouent un rôle d’autant plus central en Italie que la situation institutionnelle est particulière. Dans l’entre-deux guerres, le régime fasciste avait créé deux organisations pour prendre en charge l’enfance. LOpera nazionale maternità e Infanzia (ONMI), organisme social fondé en 1925, dans le but de protéger et secourir les mères et les enfants de moins de trois ans (principalement les nourrissons) en difficulté. Pour les enfants scolarisés, 1926 voit la naissance d’un organisme assistanciel et sanitaire spécifique, l’Opera nazionale Balilla (ONB). Cette entité autonome et publique, qui poursuit également un objectif idéologique et paramilitaire, est chargée d’assister et d’éduquer les enfants jusqu’à leurs 18 ans21. Le décret fondateur du 3 avril 1926 rappelle le caractère exclusif de l’organisme : aucune autre association du même type et destinée à un même public ne peut exister sur le territoire national, exception faite temporairement des mouvements catholiques scouts et étudiants22. Comme le souligne Patrizia Dogliani, il incarne la première pierre à l’édifice de l’État social dans le champ de l’enfance23. Aussi les actions humanitaires sont-elles intrinsèquement liées aux questions sociales et à la naissance du welfare state : dans le domaine de l’enfance, la porosité entre action humanitaire et action assistancielle est manifeste. L’aide apportée aux plus jeunes pendant et après la Seconde Guerre mondiale est même souvent pensée comme telle. C’est par exemple le cas pour la PCA : au-delà de sa dénomination, son président Mgr Ferdinando Baldelli, influencé et attiré par le modèle américain d’assistance, le considère comme le « département pontifical d’assistance24 ».

15Or, après le débarquement allié à l’été 1943, l’État fasciste s’effondre, pour disparaître totalement avec la mort de la RSI. Les autorités alliées qui occupent le pays suppriment l’ONB, mais maintiennent l’ONMI, qui existe jusqu’en 1975. Ainsi, le besoin de reconstruire politiquement, institutionnellement et politiquement le pays se double d’une nécessaire reconstitution de l’aide et de l’assistance à l’enfance, justifiant l’investissement important des organismes humanitaires, politiques ou sociaux relatifs à cette classe d’âge dans les années 1940. Palliant en partie les défaillances de l’État, qui pourtant créé un Ministero dell’Assistenza post-bellica en 1944, ils jouent un rôle essentiel et s’occupent de tâches multiples.

Une aide multiforme et parfois nouvelle, caractérisée par de constantes relations privé/public

  • 25 Pour un aperçu complet des activités d’assistance à l’enfance de la PCA : « Attività Ufficio Giove (...)
  • 26 Pour un aperçu des activités de l’UDI, voir par exemple : « Ottobre 1945 – Udi sedi locali, corris (...)

16L’aide apportée par la nébuleuse d’acteurs succinctement présentés s’inscrit dans trois champs d’action principaux : matériel, éducatif et sanitaire. Du point de vue matériel, les partis politiques, le Vatican, les organisations telles que la Croix Rouge italienne – par lesquelles transite l’aide de l’UNRRA – distribuent de la nourriture, des vêtements, des chaussures, du matériel scolaire ou mobilier25. L’UDI, association féministe et communiste fondée en 1945, met par exemple en place divers Comités pour le salut de l’enfance et crée l’Union nationale de secours à l’enfance [Unione nazionale soccorso infanzia] à l’issue de la guerre. Ces organismes apportent ponctuellement de l’aide aux enfants des zones qui ont le plus souffert des destructions (notamment autour des lignes Gustav et Gothique) en distribuant des dons en nature, en participant à la création de colonies ou en permettant l’accueil d’enfants sinistrés dans des familles pendant quelques mois26. L’aide matérielle prend aussi la forme de dons de prothèses pour les mutilatini.

  • 27 Par exemple : « 1948, Iniziative politiche, colonie montane, marine, elioterapiche », UDI, Archivi (...)

17Celle de nature sanitaire prend quant à elle essentiellement la forme de dépistages, de distribution de médicaments et de financement de séjours dans des colonies (marines, diurnes, montagnardes, etc.), au sein desquelles les plus jeunes sont soignés et se reposent27. Contrairement à d’autres pays comme la France, la visée des instituts italiens est avant tout sanitaire : ils accueillent les jeunes tuberculeux, les enfants rachitiques ou sous-alimentés. Développés par le régime fasciste, ils connaissent un nouvel essor dans les années 1950 et 1960.

  • 28 « Villaggio del fanciullo », I diritti della Scuola, n°16, Dicembre 1945. Les sciuscià désignent l (...)
  • 29 Pour en savoir plus sur ce phénomène qui s’est développé dans de nombreux pays européens : Boussio (...)

18Le caractère éducatif de l’aide à l’enfance se lit enfin dans la prise en charge des jeunes mutilés de guerre et des enfants dits abandonnés. Pour ces derniers, des villages d’enfants sont montés de toutes pièces dans d’anciennes colonies de la Gioventù italiana del Littorio (GIL), afin de proposer une rééducation physique, mais aussi et surtout morale, complétée par une formation professionnelle pour les préparer à intégrer le monde du travail. Le village de Santa Marinella, fondé par Don Rivolta, accueille par exemple de nombreux sciuscià pour les sortir de la rue, de la délinquance et les insérer socialement28. Si certaines méthodes pédagogiques employées, principalement issues de l’éducation nouvelle, inscrivent les villages dans la continuité de l’entre-deux-guerres, ces derniers constituent une véritable nouveauté dans l’Europe d’après 194529.

  • 30 C’est le cas du PCI par le biais de l’UDI, quoique de manière minime. « 1948 : maggio-dicembre – P (...)
  • 31 Bressan 2009.

19L’innovation dans l’aide à l’enfance se lit plus généralement à travers la rééducation des enfants mutilés qui n’a, au mitan des années 1940, aucun cadre juridique en dépit de l’existence d’une législation propre aux soldats mutilés depuis la Grande Guerre. Cette forme d’aide est en outre révélatrice des échanges constants qui existent entre acteurs publics et privés, lesquels n’agissent jamais de manière déconnectée. Dans le cas des mutilations, c’est d’abord grâce à l’action du prêtre Don Gnocchi (1902-1956) que l’assistance aux enfants se met en place – même si les partis instaurent en parallèle des initiatives ponctuelles proches30. Surnommé le « papà dei mutilatini », le directeur de l’Institut des Grands Invalides de Guerre d’Arosio en Lombardie est une figure centrale de l’aide à l’enfance mutilée. Il accueille le premier enfant amputé le 8 décembre 1945, puis, devant l’afflux de mutilatini, décide d’ouvrir une section spéciale pour les enfants au sein de l’Institut d’Arosio, laquelle ouvre en janvier 1947. Don Gnocchi multiplie les échanges avec tout un ensemble d’acteurs pour permettre le rétablissement du plus grand nombre d’enfants possible. Il le fait avec les autres membres de la communauté catholique, permettant l’ouverture en 1948 à Milan de la maison du petit mutilé qui accueille plusieurs centaines d’enfants. Don Gnocchi parvient également à attirer l’attention du nouveau gouvernement, qui devient un partenaire et reconnaît en 1949 la Federazione Pro Infanzia Mutilata (fondée un an plus tôt), progressivement en charge des enfants atteints par la poliomyélite. Enfin, il collabore avec des pédagogues étrangers comme la Suissesse Claire Wenner pour penser une rééducation adaptée aux besoins des enfants31.

  • 32 À ce propos, voir le récent ouvrage collectif portant sur les liens entre acteurs publics et privé (...)

20L’action en faveur des jeunes mutilés s’imbrique ainsi dans une multitude d’échelles : à la fois locale dans le cas d’initiatives ponctuelles et de petite envergure, régionale, nationale et enfin transnationale, à travers les échanges avec les experts étrangers. Surtout, elle illustre la diversité des acteurs qui interviennent. Ceux-ci sont issus du monde de l’humanitaire traditionnel (qu’il s’agisse d’ONG ou de membres d’associations de charité), mais aussi de la sphère scientifique et politique. À la manière de ce qui a d’ores et déjà été observé par les chercheurs de la protection sociale, on y observe surtout « un mélange complexe de prestations publiques/privées », une forme d’« économie mixte »32 de l’humanitaire, laquelle est à prendre en compte dans toute étude relative à cette forme d’aide, y compris – et peut-être surtout – lorsqu’elle est centrée sur l’un de ses acteurs, à l’instar du Vatican dont il est ici question par le biais du fonds Pie XII. Ces interrelations public/privé participent à faire évoluer les modèles de la charité, de l’humanitaire et de l’assistance à l’enfance dans leur ensemble. Mais si les acteurs évoqués travaillent souvent de concert, force est de constater qu’ils se retrouvent aussi en situation de compétition.

L’aide à l’enfance italienne au sortir du conflit : un espace hautement compétitif

Une compétition humanitaire qui rend compte de la nouvelle perception de l’enfance des sociétés ouest-européennes

  • 33 « Relazione sull'organizzazione del trasferimento dei bambini del Cassinate al Nord e cronistoria (...)
  • 34 « Mostra a Livorno dell’attività assistenziale del Papa », AAV, POA, Ufficio Segretaria, M, b. 189 (...)
  • 35 Boltanksi 2007. Voir également, Ashby Wilson – Brown 2009 ; Marshall 2002.
  • 36 Seymour 1949.

21La multiplication d’acteurs gravitant autour de l’enfance italienne provoque une situation concurrentielle, entrainant parfois de vives tensions. Très vite, certains organismes prennent conscience de la nécessité de se démarquer dans le paysage de l’aide, afin d’être identifiables par les potentiels donateurs et multiplier les chances de capter la manne financière disponible, plutôt que de la voir se diriger vers d’autres organisations. Le phénomène, qui n’est pas propre à l’Italie, se lit tout particulièrement dans les efforts de communication mis en œuvre pour attirer les donateurs. L’UDI possède des services de presse pour les différentes actions menées en faveur des jeunes Italiens. Celui établi dans le cadre de l’envoi d’enfants victimes du conflit dans des familles de substitution du nord de la péninsule est ainsi intitulé « presse et propagande » : il diffuse des compte-rendu sur les murs des villes et des villages ou dans la presse, mettant en avant l’amélioration significative de l’état de santé des plus jeunes grâce à cette mobilisation33. La PCA quant à elle organise des expositions itinérantes afin de rendre compte de l’activité assistancielle du Saint-Siège, notamment en faveur des enfants. Elle s’appuie sur la radio ou encore le cinéma pour être visible et identifiable dans l’espace public. Ainsi, dans le cadre d’une exposition préparée au cours de l’été 1946 et qui doit se tenir dans diverses localités de Toscane, Mgr Baldelli, alors à la tête de la PCA, fait appel au Centre cinématographique catholique afin de rassembler des courts-métrages pour rendre le message plus explicite et concret aux yeux du grand public34. Enfin, parmi les divers supports adoptés, la photographie est particulièrement prisée pour mettre en scène « la souffrance à distance » des plus jeunes35. C’est dans cet objectif que l’Unesco fait par exemple appel au fondateur de l’agence Magnum, David Seymour, pour sensibiliser la population du monde entier à la situation des enfants européens victimes de la guerre. Le photographe parcourt alors le continent, donnant lieu à une publication contenant plusieurs dizaines de clichés d’enfants dévêtus, dénutris, affamés, fatigués, blessés36.

  • 37 Ripa 2006.

22Une fois encore, la mise en scène de la souffrance enfantine par les acteurs de l’aide n’est pas nouvelle : certaines organisations avaient développé une expertise en la matière pour pousser les particuliers à faire des dons dès le lendemain du premier conflit mondial, comme l’a démontré Emily Baughan avec le cas de Save the Children Fund. Après 1945, cette expertise est améliorée grâce à l’abaissement des coûts de production et l’amélioration des techniques photographiques qui favorisent la diffusion massive et bon marché d’une iconographie de l’enfance victime, renforcée d’ailleurs par la naissance du dessin de guerre pendant la Guerre civile espagnole. Les époux Brauner, qui ont pris en charge des enfants de Républicains évacués à la fin des années 1930, leur ont effectivement fait coucher sur le papier les expériences qu’ils ont vécues. Les productions graphiques ont ensuite donné lieu à des expositions, les dessins étant aussi utilisés à des fins financières37.

  • 38 Plus précisément, 166 décès de 0 à 1 an pour 1 000 nés vivants. Moine 1950, p. 337.
  • 39 Données calculées à partir des statistiques de l’Istat disponibles en ligne : « Tavola 4.6.3 segue (...)
  • 40 Nous renvoyons ici le lecteur vers nos recherches menées dans le cadre de notre thèse de doctorat (...)

23Au-delà de capter les dons, la visibilité acquise par les outils de communication présente un atout indéniable. Elle permet de retirer un bénéfice moral auprès de la population, car l’aide à l’enfance est perçue comme désintéressée. Ce sentiment est essentiel pour comprendre certains enjeux de l’aide humanitaire. Il s’explique en grande partie par la transformation du rapport des sociétés ouest-européennes à cette classe d’âge, que les années 1940 rendent particulièrement saillante. En effet, l’émotion soulevée par les blessures, les maladies ou la mort d’enfants pendant le second conflit mondial pourrait porter à croire qu’elle est le reflet d’un accroissement inédit. Pourtant, lorsque l’on dresse le bilan de la mortalité infantile pendant et après la Seconde Guerre mondiale et que l’on cherche à l’inscrire sur le temps long, en remontant notamment jusqu’au XIXe siècle, un constat saute aux yeux pour l’Italie comme pour l’Europe occidentale en général. Jamais, même pendant la guerre, les taux de mortalité n’ont été aussi bas – si l’on considère, bien sûr, l’enfance dans son ensemble, gommant alors la spécificité du cas des enfants juifs. À l’orée du XXe siècle, le taux de mortalité infantile s’élevait à 166 pour 1 000 enfants nés vivants, contre 82 en 1946 et 70 en 194838. Si l’on se penche plus spécifiquement sur la catégorie des 5-14 ans, force est de constater que le nombre de décès s’élève à 46 220 en 1863, tandis qu’il n’est « que » de 23 093 en 1943 et de 12 343 en 1947, soit respectivement 2 et 3,7 fois moins, cela alors même que le nombre d’enfants de cet âge est plus important. La part de décès de cette tranche d’âge ne représente que 2,3 % du total de décès au lendemain du second conflit mondial, contre 6 % près d’un siècle auparavant. Y compris pendant le conflit, ce nombre est presque deux fois moins élevé qu’en 186339. Ce constat rejoint d’ailleurs celui dressé précédemment : les enfants sont proportionnellement moins nombreux à avoir été tués, blessés ou affectés, comparativement aux autres groupes de la population40.

  • 41 « Attività POA documentazione attitivà della Pontificia Commissione Assistenza in Italia triennio (...)

24Pourtant, la figure de l’enfant victime de guerre est omniprésente dans l’espace public après 1945 et l’aide à l’enfance victime représente souvent une part conséquente des budgets globaux. Dans le cas de la PCA, elle s’élève par exemple à 5,7 milliards de lires pour la période 1944-1947, soit plus de 60 % du budget total de l’organisation. En comparaison, l’aide aux anciens combattants et aux réfugiés ne s’élève qu’à 19 millions de lires41. Ce déséquilibre témoigne que les enfants ne sont pas de simples victimes. Certes, ils ont souffert, mais le fait qu’ils fassent l’objet d’une attention massive de la part des acteurs non seulement humanitaires, mais aussi scientifiques, politiques ou privés témoigne de la baisse du seuil de tolérance vis-à-vis de la mortalité des enfants et de toute forme de violence à leur égard, qu’elle soit physique ou psychologique.

  • 42 Bourdelais – Fassin 2005.
  • 43 Zelizer 1985
  • 44 Banti 2000.

25Le phénomène est en fait le résultat d’une évolution qui trouve ses racines dans le XIXe siècle, période au cours de laquelle de nouveaux intolérables se font jour vis-à-vis de cette classe d’âge. Ils se lisent dans la législation progressivement mise en place à l’échelle de l’Europe occidentale pour limiter puis interdire le travail des enfants, ainsi que toute sorte de mauvais traitement (qu’il soit physique ou psychique) au sein de la sphère privée comme publique, à l’instar de l’école42. Comme l’avait observé la sociologue américaine Viviana Zelizer, les enfants ont perdu la valeur économique qui leur était attribuée au XIXe siècle, pour devenir « inestimables » [priceless], dotés d’une charge émotionnelle intense43. À cela s’ajoute une spécificité italienne, soulignée par Alberto Mario Banti dans ses travaux sur le Risorgimento : au cœur de la Nation italienne et de la famille, l’enfance se voit conférer une dimension christologique, participant à la transformation de sa perception par la société44. Ainsi, en quelques décennies, le caractère suspicieux porté sur les plus jeunes, et plus particulièrement sur l’enfance dite « en danger » et jugée dangereuse laisse place à l’image d’un enfant avant tout innocent et nécessairement victime en temps de guerre, qu’il faut protéger à tout prix. Ce nouveau statut fait de ce groupe spécifique l’un des principaux bénéficiaires de l’aide, même si ses membres ne sont pas les principales victimes. Parce que désormais, la perception de la société italienne – et plus largement ouest-européenne – a changé à son égard, l’enfance devient un instrument politique, un faire-valoir particulièrement efficace pour se légitimer dans un espace en recomposition.

L’aide à l’enfance victime de guerre : un instrument au service de la compétition politique

  • 45 Rinaldi 2009.
  • 46 Pour en savoir plus : Mahé 2022 ; Maida 2020.

26Nombreux sont ceux qui ont compris le bénéfice moral et l’intérêt que pouvait présenter la participation à l’aide à l’enfance, quoique cela ne soit pas toujours immédiat. En 1945, lorsque les femmes de l’UDI ont mis en place un système d’accueil d’enfants victimes de la guerre des zones les plus touchées dans des familles du Nord de la péninsule, les dirigeants du PCI, parmi lesquels Palmiro Togliatti, ont ainsi d’abord douté de l’utilité de l’initiative, la considérant sous un angle essentiellement féminin et caritatif, se souvient l’une des dirigeantes de l’UDI Maria Antonietta Macciocchi45. Rapidement toutefois, ils comprennent les retombées qu’une telle action peut avoir en matière politique. Cette initiative, qui a concerné 50 000 enfants âgés de 5 à 12 ans pour la majorité d’entre eux, avait pour objectif de loger, nourrir et scolariser les Italiens les plus affectés par les conséquences du conflit. Plus connue sous le nom de treni della felicità [trains du bonheur], elle est d’abord soutenue par une multitude d’acteurs privés et publics, comme des membres de la fondation catholique Auxilium, du Parti socialiste italien (PSI), ou encore de la CRI46. Au sortir d’une guerre qui a particulièrement éprouvé certaines régions de l’Italie, cette entente n’est pas surprenante, pour des raisons de solidarité évidentes. Elle s’explique également par le fait que l’UDI émane des Gruppi di difesa della donna (GDD), créés en novembre 1943 à l’initiative du PCI clandestin. De nature transpartisane, ils rassemblent des communistes, des socialistes, des membres du Parti d’Action, des catholiques et des femmes non affiliées à un parti, tout en promouvant la résistance. Cette tendance unitaire se prolonge ensuite dans le Comité de libération nationale (CLN), instauré par les partis et syndicats pour parler d’une seule et même voix face aux Alliés qui occupent le territoire.

27Pourtant, les clivages politiques réapparaissent rapidement en Italie, et l’aide à l’enfance n’y échappe pas. Les rapports conservés aux archives de l’UDI témoignent effectivement qu’en dépit de la concorde et du succès apparents des trains du bonheur, les membres de l’organisation entrent en confrontation avec le clergé. On y lit ainsi que ce dernier mène une « action de sabotage » à partir du printemps 1946 à travers une campagne de dénigrement des militants du PCI : certains racontent aux parents et aux enfants que l’initiative a pour objectif d’envoyer les plus jeunes non pas dans des familles italiennes, mais en URSS dans des camps de travail pour les exploiter ou les tuer. D’autres affirment que les communistes s’apprêtent à les garder en otage pour contraindre les parents à voter « rouge », voire les manger ou les transformer en savon.

  • 47 Durand 1991, p. 48.

28Comme l’indique l’une des accusations, l’enjeu électoral qui se fait jour à partir du printemps est l’une des principales sources de tensions entre les deux parties. Le 2 juin 1946, se tient effectivement l’élection de la nouvelle assemblée qui a pour mission de rédiger la nouvelle constitution, tandis que se joue le choix de la nature du régime – maintenir la monarchie ou fonder une république. L’enjeu est d’importance car il s’agit de déterminer l’orientation politique et institutionnelle de la future Italie, alors que l’État s’est effondré trois ans plus tôt. À ce moment, tous les possibles sont ouverts. Comme le rappelle Jean-Dominique Durand dans ses travaux sur l’Église catholique, « la nécessité impérieuse [est] celle d’occuper le terrain, de contrôler au mieux l’avenir […]. L’on [a] conscience de se trouver à un tournant historique qui permettrait peut-être de reconstruire la société47 ». Dans ce contexte, catholiques et communistes s’affrontent pour ne pas laisser leurs adversaires gagner du terrain et l’emporter. L’enjeu électoral participe à faire entrer les actions en faveur de l’enfance dans l’arène politique : chacun cherche à se valoriser, à se légitimer dans un espace post-fasciste et encore incertain. Les tensions se prolongent d’ailleurs dans les mois et les années suivantes, en particulier lors de la campagne de 1948, mais aussi au cours de celles qui se tiennent durant les années 1950.

  • 48 « Relazione Sulla collaborazione della P.C.A. al lavoro per il buon esito delle amministrative Rom (...)
  • 49 « Il sig. Card. Nicola Canali, al Presidente della Pontificia Commissione S.C.V., 20 giugno 1952 » (...)

29Tout autant que les archives de l’UDI, celles du fonds Pie XII en rendent compte, qu’il s’agisse de scrutins nationaux ou locaux. Ainsi, lors des élections administratives de Rome qui se tiennent en mai 1952, la PCA renforce son arsenal assitanciel (visites sanitaires, service social, etc.) en mettant sur pied ce qu’elle appelle des « missions pré-électorales » pour éviter que les voix ne basculent en faveur de la gauche. Les visites aux familles effectuées dans un territoire divisé en 18 zones pour plus d’efficacité par les 10 assistantes sociales, les 9 médecins et les 9 assistants sanitaires de la PCA, aidés par deux assistants non permanents, sont ainsi l’occasion de « parl[er], discut[er] aussi de politique, toujours dans une optique de défense de la justice et de l’Église », souligne un « Rapport sur les travaux de collaboration de la PCA pour la réussite des élections administratives à Rome »48. Lorsqu’ils sont attaqués, les visiteurs et visiteuses sont invités à résister « en silence ». Les courriers qui tirent un bilan de ces élections, lesquelles se sont soldées par la victoire des catholiques, rendent compte à la fois d’une satisfaction quant à l’efficacité des « missions », mais aussi de la nécessité de continuer le travail de « persuasion » auprès de la population, pour que cette dernière ne soit pas influencée par la « propagande extrémiste tenace et continue »49.

  • 50 « Infanzia », UDI, b. 1, fasc. 19.
  • 51 « Intervento sulla situazione dell'infanzia italiana presentato da Gisella Floreanini, segretaria (...)

30On précisera que les acteurs politiques italiens en présence ne poursuivent pas qu’un objectif électoral : dans le domaine de l’aide à l’enfance, ils sont sur tous les fronts. Les communistes font ainsi campagne contre les initiatives catholiques, en ciblant en particulier la démocratie-chrétienne et le Vatican, souvent jugés à la solde des États-Unis. Lors de l’accueil des mutilatini par le pape le 11 juin 1948 par exemple, les critiques de l’UDI fusent, notamment dans la presse50, tandis que les questions matérielles et financières deviennent l’objet de luttes intenses. On l’observe tout particulièrement à travers l’enjeu des locaux de la GIL, qui avait remplacé l’ONB à partir de 1937. L’organisation, qui était en charge des colonies, possédait quantité de bâtiments pour accueillir – et endoctriner – les plus jeunes. Or, lorsque l’organisme est supprimé par les Alliés, communistes et catholiques tentent de récupérer une partie des bâtiments, à un moment où les locaux, indispensables pour organiser l’aide, se font rares. Les catholiques s’en sortent d’autant plus gagnants qu’au-delà de récupérer les bâtiments, ils voient transiter après les élections de juin 1947 une part importante de l’aide du gouvernement italien et des États-Unis via leurs organisations. Si l’on en croit la résistante et député communiste Gisella Floreanini qui le dénonçait en 1948 lors du Ve Comité exécutif de la Fédération démocratique internationale des femmes, la PCA et les organisations féminines catholiques auraient par exemple reçu, au cours de l’été 1947, 250 millions de lires de la part du gouvernement italien pour répartir les vivres de l’UNRRA, et ce sans aucun contrôle51. Selon elle, cette attribution injuste est le fruit d’une manœuvre du Vatican qui aurait utilisé « tous les moyens moraux et matériels » pour entraver l’essor des « forces démocratiques », c’est-à-dire les forces de gauche, et ce dès 1944. Elle les rend responsables de la nomination d’un chrétien-démocrate à la tête de la CRI en janvier 1948, et les accuse par là de vouloir contrôler et monopoliser l’assistance à l’enfance.

  • 52 Archambault 2021.

31Ainsi, les questions d’aide à l’enfance sont extrêmement importantes dans les années 1940 : occuper ce champ, c’est se voir obtenir des bénéfices financiers, matériels et moraux tout autant qu’assurer son existence et asseoir sa légitimité. Si l’affrontement entre catholiques et communistes a en partie déjà été étudié, notamment par Fabien Archambault avec le cas du football52, la spécificité du groupe des enfants, et plus spécifiquement des enfants victimes de guerre, en fait probablement la catégorie de mobilisation la plus efficace. En menant une action humanitaire a priori désintéressée, elle permet effectivement de poursuivre un objectif politique et d’atteindre un public double : les parents (avec l’espoir éventuel d’influencer leur vote) tout autant que les enfants, futurs adultes et citoyens de la société italienne. Gagner la bataille de l’enfance, c’est donc gagner la bataille politique de la paix. Prenons garde cependant à toute simplification et à tout grossissement de trait que pourraient apporter les archives que nous avons utilisées : les croiser avec d’autres documents à l’échelle locale permettrait de ne pas tomber dans le piège du manichéisme, car communistes et catholiques ont aussi collaboré activement tout au long de ces années, et ce en dépit de leur antagonisme affiché à l’échelle nationale.

  • 53 Revel 1996.
  • 54 Michonneau 2021.

32À l’issue de ce panorama sur l’assistance à l’enfance dans l’Italie du second après-guerre, trois conclusions se dessinent. En premier lieu, cette étude a révélé que la question des échelles est centrale. Dans les années 1940, l’aide humanitaire est manifestement transnationale : qu’il s’agisse des financements, de la circulation d’acteurs ou de transferts d’expertise, elle dépasse le simple cadre national. Mais la difficulté de son étude tient surtout au fait qu’elle est profondément multiscalaire : elle relève tout autant du niveau local que régional, national et international – quoique que cela ne soit pas nécessairement et systématiquement simultané – rendant indispensable l’adoption d’une échelle adaptée selon les différentes temporalités et les espaces choisis. Écrire une histoire de l’humanitaire pendant et après la Seconde Guerre mondiale implique donc d’opérer des jeux d’échelle constants53, de réfléchir à sa géographicité54 afin d’être au plus près de l’objet. Ces jeux d’échelle comme la confrontation des différents points de vue sont profondément heuristiques : si l’ouverture du fonds Pie XII n’est bien évidemment pas synonyme de découverte radicale, elle permettra toutefois de croiser les sources et, en cela, de faire jaillir de nouvelles questions et renouveler, ou a minima affiner, l’historiographie actuelle. Dans le cas de la confrontation avec les forces de gauche dans le domaine de l’aide à l’enfance, les archives vaticanes – et en particulier celles de la PCA – permettront par exemple de mieux comprendre ce qui se joue dans l’aide à l’enfance. On rappellera ainsi que l’ouverture du fonds constitue une ressource essentielle aux chercheurs non spécialistes de l’histoire religieuse, mais dont les travaux portent sur l’humanitaire, l’enfance ou la reconstruction.

33La confrontation et le croisement de sources de ce nouveau fonds permettront de surcroit de mieux comprendre les relations entre acteurs, notamment privés et publics, et donc d’interroger les modalités de transformation des formes de l’aide, dans un contexte d’essor de l’État social. La guerre et sa sortie ont manifestement constitué des temps d’adaptation, de transition décisifs pour le pouvoir catholique comme pour les différents acteurs politiques qui ont transformé leurs actions, renforcé leur expertise et même innové pour répondre aux besoins nouveaux des sociétés – en s’inspirant parfois de leurs concurrents directs ou de leurs partenaires. Palliant dans le cas italien les défaillances de l’État, leurs actions s’inscrivent dans une logique profondément assistancielle, ce qui pose la question de l’abandon ou plutôt de la reconfiguration du modèle de la charité. Aussi une étude sur l’aide l’humanitaire au mitan du XXe siècle ne saurait-elle se passer d’une réflexion sur le welfare, en particulier dans le cas du groupe des enfants.

34Enfin, cette étude a souligné qu’il est essentiel d’intégrer la perception que les acteurs ont des individus ou groupes d’individus aidés et pris en charge dans une étude relative à l’assistance, au welfare ou à l’humanitaire. Dans notre cas, la transformation du rapport à l’enfance, particulièrement visible dans la seconde moitié des années 1940, permet de mieux comprendre les motivations des acteurs qui gravitent autour de l’enfance victime de guerre. Si cette classe d’âge ne constitue pas le groupe de la population qui a le plus souffert, elle bénéficie d’une attention inédite, notamment parce que la secourir permet d’obtenir de nombreux avantages, en particulier politiques. L’aide à l’enfance constitue en effet un faire-valoir puissant dans les sociétés en recomposition et en reconstruction. Encore insuffisamment étudié, ce phénomène laisse à penser un renouveau prochain et bienvenu de l’historiographie.

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Bibliographie

Archives

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Zelizer 1985 = V. Zelizer, Pricing the priceless child: the changing value of children, New York, 1985. 

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Notes

1 L’encyclique est disponible en ligne sur le site du Vatican, consulté le 18 juillet 2022, https://www.vatican.va/content/pius-xii/it/encyclicals/documents/hf_p-xii_enc_06011946_quemadmodum.html. Nous l’avons traduite.

2 Nous distinguons ici la catégorie des enfants et des adolescents, pour nous pencher sur les premiers. Dans les années 1940, les deux groupes sont perçus comme distincts. Pendant la guerre, les groupements de jeunesse fascistes considèrent qu’à partir de 14 ans, les Italiens sont des adultes en devenir. Ils commencent alors à avoir une formation spécifique : militaire pour les garçons au sein des Avanguardisti, centrée sur la maternité pour les filles au sein des Giovani italiane. Après-guerre, la Constitution de 1947 étend jusqu’à 14 ans l’obligation scolaire – soit un an de plus que la législation précédente. Ainsi, une majorité d’Italiens fait son entrée dans le monde du travail vers 14 ans, tandis qu’une minorité seulement continue à étudier. En outre, leur expérience de guerre diffère bien souvent, les plus jeunes ayant été souvent évacués, et donc davantage protégés des violences de guerre, contrairement aux adolescents.

3 Brosse 1949, p. 24. Thérèse Brosse est résistante et cardiologue. C’est l’UNESCO qui lui commande l’enquête.

4 On notera d’ailleurs que les études relatives aux organisations confessionnelles portent principalement sur les organisations juives comme le Joint ou l’Œuvre de secours aux enfants (OSE). Baughan 2021 ; Doron 2015 ; Hobson Faure 2013.

5 Parmi les travaux récents qui posent ces questions, Humbert 2021 ; Marshall 2002 ; Roddy – Strange – Taithe 2019. Peu se penchent toutefois sur le groupe spécifique des enfants.

6 On notera également que l’historiographie de l’humanitaire relative à l’enfance s’est davantage centrée sur la mise en scène des souffrances de l’enfance dans l’entre-deux-guerres que durant la période de la sortie de Seconde Guerre mondiale.

7 Par exemple : Francesco Matteini, « Diario », ADN, DG/T3.

8 Bruno Maida et Genio di Lanfranco ne précisent toutefois pas la tranche d’âge exacte, qui s’étend certainement jusqu’à 18 ans. Maida – Lanfranco 2016. Voir également, Maida 2013.

9 « Opera Nazionale Invalidi di Guerra, Parte Generale (1944-1968) », ACS-AS0001-0001441, b. 266, fasc. 93.

10 « Note à l’attention de M. le Dr. Feinstein, 30 août 1945 », A CICR, O CMS D-221.

11 « Italie : situation sanitaire, 15/01/1945-30/11/1945 », A CICR, O CMS D-221.

12 Fambri 1945, p. 572.

13 « Note au Docteur Boehringer Directeur de la CMS de la Croix-Rouge Internationale », A CICR, O CMS D-233.

14 L’UNRRA a été créée en 1943 par les Alliés pour venir en aide aux populations victimes de la guerre. Une partie de ses fonds destinés aux enfants a été versée à l’Unesco au moment de sa dissolution en 1948.

15 « Italie : situation sanitaire, 15/01/1945-30/11/1945 », ACICR, O CMS D-221.

16 L’enquête a été commandée par le professeur T.H. Madsen, chef de mission pour l’Unicef en Italie, et publiée dans Bacchetta 1951.

17 Elle prend le nom de Pontificia Opera di Assistenza (POA) à partir de 1953.

18 À propos de l’histoire de SFC : Baughan 2021.

19 Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les syndicats socialistes italiens avaient déjà organisé l’accueil dans des familles du nord de l’Italie de milliers de jeunes Autrichiens âgés de 7 à 13 ans qui souffraient de dénutrition à cause du blocus continental. Ils reprenaient alors des pratiques issues de la solidarité ouvrière, présente dans de nombreux pays lors des grèves, comme la France, la Belgique ou les États-Unis.

20 Sur cette période : Gibelli 2005 ; Pignot 2012.

21 Dogliani 2020.

22 Le Concordat de 1929 renforça toutefois la position œcuménique de l’Église au sein de l’ONB et dans les lieux de rassemblement de la jeunesse comme l’école et l’armée. Enfin, on rappellera que la G.I.L., fondée en 1937 était en charge de l’organisation des colonies de vacances.

23 Dogliani 2020, p. 82.

24 Nous nous appuyons ici sur les propos tenus par Gianfranco Armando (auteur de l’inventaire des fonds de la PCA aux archives vaticanes), lors de sa communication du 15 juin 2021 à l’occasion du colloque international qui s’est tenu à l’Institut historique allemand de Rome « Gli archivi della POA e dell’ONARMO : Chiesa cattolica e ricostruzione post-bellica ».

25 Pour un aperçu complet des activités d’assistance à l’enfance de la PCA : « Attività Ufficio Gioventù 1944-1963 », AAV, POA, b. 235, fasc. 2.

26 Pour un aperçu des activités de l’UDI, voir par exemple : « Ottobre 1945 – Udi sedi locali, corrispondenza e relazione di attività », UDI, Archivio cronologico, b. 8, fasc. 80 ; « 1947 Iniziative politiche Udi sedi locali », UDI, Archivio tematico « Infanzia », b. 1, fasc. 13.

27 Par exemple : « 1948, Iniziative politiche, colonie montane, marine, elioterapiche », UDI, Archivio tematico « Infanzia », b. 2, fasc. 22

28 « Villaggio del fanciullo », I diritti della Scuola, n°16, Dicembre 1945. Les sciuscià désignent les enfants et adolescents qui proposent des petits boulots aux passants – notamment de cirer leurs chaussures aux soldats alliés, criant « shoe-shine », alors transformé en sciuscià par le dialecte napolitain.

29 Pour en savoir plus sur ce phénomène qui s’est développé dans de nombreux pays européens : Boussion – Gardet – Ruchat 2020.

30 C’est le cas du PCI par le biais de l’UDI, quoique de manière minime. « 1948 : maggio-dicembre – Problemi dell'infanzia Udi centro », UDI, Archivio tematico « Infanzia », b. 1, fasc. 14.

31 Bressan 2009.

32 À ce propos, voir le récent ouvrage collectif portant sur les liens entre acteurs publics et privés dans le champ du welfare Fabio – Célia – Labbé 2022 ; Katz – Sachsse 1996.

33 « Relazione sull'organizzazione del trasferimento dei bambini del Cassinate al Nord e cronistoria del Comitato pro Cassino », UDI, Archivio cronologico, b. 9, fasc. 95.

34 « Mostra a Livorno dell’attività assistenziale del Papa », AAV, POA, Ufficio Segretaria, M, b. 189, fasc. 3.

35 Boltanksi 2007. Voir également, Ashby Wilson – Brown 2009 ; Marshall 2002.

36 Seymour 1949.

37 Ripa 2006.

38 Plus précisément, 166 décès de 0 à 1 an pour 1 000 nés vivants. Moine 1950, p. 337.

39 Données calculées à partir des statistiques de l’Istat disponibles en ligne : « Tavola 4.6.3 segue – Morti per sesso e classi di età - Anni 1863-2013 (a) ».

40 Nous renvoyons ici le lecteur vers nos recherches menées dans le cadre de notre thèse de doctorat en histoire : Mahé 2021. Il n’est en revanche pas possible d’évaluer l’évolution du nombre et de la nature des affections psychologiques au sortir de la Seconde Guerre mondiale et de la comparer avec la Grande Guerre, car ces conséquences constituent alors une nouveauté dans le cas des enfants. Les experts tendent toutefois à conclure que si les plus jeunes sont tous de potentielles victimes (les affections psychiques pouvant se déclarer très tardivement) ce sont avant tout les jeunes souffrant déjà de troubles qui sont véritablement concernés. Ils se montrent très rassurants dès la fin des années 1940 pour le cas de l’Europe occidentale.

41 « Attività POA documentazione attitivà della Pontificia Commissione Assistenza in Italia triennio 1944-1947 », AAV, POA, b. 41, fasc. 1.

42 Bourdelais – Fassin 2005.

43 Zelizer 1985

44 Banti 2000.

45 Rinaldi 2009.

46 Pour en savoir plus : Mahé 2022 ; Maida 2020.

47 Durand 1991, p. 48.

48 « Relazione Sulla collaborazione della P.C.A. al lavoro per il buon esito delle amministrative Roma 9-25 maggio », AAV, POA, b. 189, fasc. 11.

49 « Il sig. Card. Nicola Canali, al Presidente della Pontificia Commissione S.C.V., 20 giugno 1952 », AAV, POA, b. 189, fasc. 11.

50 « Infanzia », UDI, b. 1, fasc. 19.

51 « Intervento sulla situazione dell'infanzia italiana presentato da Gisella Floreanini, segretaria generale dell'Unsi, al V° Comitato esecutivo della Fdif », Archivio tematico « Infanzia », UDI, b. 1, fasc. 14.

52 Archambault 2021.

53 Revel 1996.

54 Michonneau 2021.

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Pour citer cet article

Référence papier

Camille Mahé, « L’aide à l’enfance italienne victime de la guerre au lendemain du second conflit mondial »Mélanges de l’École française de Rome - Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, 134-2 | 2022, 281-293.

Référence électronique

Camille Mahé, « L’aide à l’enfance italienne victime de la guerre au lendemain du second conflit mondial »Mélanges de l’École française de Rome - Italie et Méditerranée modernes et contemporaines [En ligne], 134-2 | 2022, mis en ligne le 29 mars 2023, consulté le 06 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/mefrim/12059 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mefrim.12059

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Auteur

Camille Mahé

Sciences Po Strasbourg/LinCS – camille.mahe@sciencespo.fr

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