Navigation – Plan du site

AccueilNuméros131-1Atelier doctoral : Usages et enje...Présentation

Atelier doctoral : Usages et enjeux de la prosopographie au regard de l’histoire sociale et politique (VIe-XVe siècles)

Présentation

Thierry Pécout

Texte intégral

  • 1 Jean-Luc Bonnaud (Université de Moncton), Enikö Csukovits (Institut d’Histoire de l’Académie des s (...)

1Les présentes contributions procèdent d’un atelier doctoral intégré au programme EUROPANGE (Les processus de rassemblements politiques : l’Europe angevine, XIIIe-XVe siècles), financé par l’Agence nationale de la recherche, qui s’est tenu à l’École française de Rome les 3-7 avril 2017. Son comité scientifique était composé de collègues représentant les divers partenaires de ce programme et co-organisateurs de la manifestation1.

  • 2 Pour s’en tenir à la France, voir en particulier le séminaire « La prosopographie : objets et méth (...)

2Le développement de l’histoire sociale et celle de groupes spécifiques a intégré depuis plusieurs années la notion de réseaux et l’usage des bases de données destinées à les mettre en évidence2. La prosopographie fait bon ménage avec celles-ci, devenues un instrument d’analyse par excellence. Cet outil est omniprésent dans la recherche et rares sont les travaux doctoraux qui peuvent l’ignorer. Mais il pose quantité de problèmes au médiéviste, dont l’un des plus délicats est le traitement en amont de la donnée issue de sources ignorant normalisation et homogénéité pourtant nécessaires à tout traitement automatisé qui revête un sens. Sans compter, à un autre niveau, le foisonnement d'instruments d’usage limité, peu ou pas interopérables, et recourant à des formats et outils souvent hétéroclites.

  • 3 Voici les diverses communications des formateurs : Maryvonne Miquel, Anne Tchounikine (UMR LIRIS, (...)

3EUROPANGE (2014-2018) s’est caractérisé par l’étude d’un milieu (les officiers royaux) et la conception d’une application prosopographique, dite Prosopange, associant des collègues historiens et informaticiens, à l’échelle européenne et non d’un unique espace politique. Lors de l’atelier doctoral, il s’agissait de mettre en commun cette expérience inédite autour d’échanges entre informaticiens, historiens médiévistes et jeunes chercheurs. Les interventions des formateurs étaient centrées tant sur les méthodes de conception d’une interface de saisie, que sur celles de l’analyse, du traitement des données recueillies, de leurs limites3. On insista notamment sur la notion de réseau, sur l’usage de la prosopographie en matière d’histoire sociale et culturelle des constructions politiques, mais aussi sur la place et le traitement des clercs en tant que population spécifique.

  • 4 Outre ceux qui sont édités dans le présent volume, voici les projets de recherche présentés et mis (...)

4Les journées étaient ponctuées de présentations magistrales ou de travaux pratiques en matinée, suivis l’après-midi d’ateliers collectifs fondés sur les retours d’expérience de chacun des jeunes chercheurs encadrés par un groupe de modérateurs et discutants. Provenant de France, d’Italie et du Brésil, douze participants, bénéficiaires d’une bourse de l’École française de Rome, et quelques auditeurs libres, contribuèrent aux discussions et ateliers à partir de projets de recherche portant sur des thèmes ayant en commun l’histoire sociale, celle des réseaux et des pouvoirs, et l’usage de la méthode prosopographique. Chacun effectuait un travail de recherche sur des thèmes et des problèmes concernant l’histoire des groupes sociaux, à l’appui de la prosopographie et de son traitement par base de données, l’ensemble s’étendant sur une longue durée (VIIe-XVe siècles)4. Ce fut aussi l’occasion de discussions sur l’intégration de corpus numérisés au sein de bases relationnelles et sur leur dialogue avec la donnée prosopographique. Une autre journée fut consacrée à la visite des fonds de l’Archivio di Stato, autour de la question du traitement préalable de la source comme donnée prosopographique, grâce à son directeur M. Paolo Buonora et sous l’obligeante conduite de sa directrice-adjointe Carla Cerati et de Cécile Troadec, spécialiste de l’histoire de la société romaine au bas Moyen Âge, que nous tenons tous trois à chaleureusement remercier.

5Les contributions ici publiées concernent l’histoire de la péninsule Italienne, entre XIIIe et XVe siècles. Elles offrent un échantillon significatif de l’application des méthodes prosopographiques à divers groupes sociaux, tous issus de milieux dominants, qu’il s’agisse de populations qui font déjà l’objet d’une abondante bibliographie (les podestats), ou de groupes dont l’étude se doit d’être encouragée (l’épiscopat, les chapitres cathédraux). Ainsi, Antonio Antonetti s’attache à l’histoire de l’épiscopat dans une aire définie du Mezzogiorno (Molise, Pouilles et Basilicate) entre milieu du XIIIe et années 1310, ce qui représente tout de même une masse de 58 diocèses à traiter. Son propos est de redéfinir les liens de ce milieu avec la monarchie, la papauté et les pouvoirs locaux en un réseau dynamique. Maddalena Moglia adopte une méthode différente, prenant pour point d’observation le cursus d’un individu polarisant, le marquis Oberto Pelavicino, vicaire impérial entre 1250 et 1266. Le cœur de l’analyse est ici sa capacité de nomination d’agents voués au contrôle des pouvoirs communaux : divers podestats ayant exercé dans une série de cités lombardes. Le réseau est alors conçu comme indice d’une certaine conception du rapport politique et seigneurial aux gouvernements communaux. Quant à Giuseppina Giordano, elle s’adonne au dépouillement et à l’exploitation d’une source spécifique (le registre de Louis III d’Anjou, entre 1421 et 1434), à propos des systèmes de relations structurant le milieu des officiers royaux, en un temps de luttes politiques et de forts clivages partisans. Enfin, Antonio Macchione s’applique à l’étude d’une famille de Calabre aux XIVe et XVe siècles, les Ruffo, et de la mutation de ses instruments de domination, en particulier dans son instrumentalisation de l’office royal : c’est moins l’individu et son réseau qui est ici en jeu, que sa relation à une charge ou à une fonction.

6La nouvelle génération d’historiens médiévistes qui pointe bénéficie d’une formation de plus en plus avancée en matière d’outillage numérique. On ne peut que s’en féliciter, à condition assurément que nos institutions leur proposent un avenir professionnel digne et stable, plutôt que de fétichiser sans actes concrets l’expression d’« humanités numériques ». Voici l’aube sans doute d’un nouveau type d’érudition, articulant savoir traditionnel et disciplinaire fondé sur l’intime relation à la source, le dépouillement, la simple lecture des textes anciens, et son traitement par une machine dans la conception de laquelle l’historien se doit de s’impliquer pleinement. Au nom du respect du document, toujours enclin à se rappeler à nous dans les limites de nos outils, et des cadres sociaux et idéologiques des temps que nous explorons, dont il faut préserver la radicale altérité.

Haut de page

Notes

1 Jean-Luc Bonnaud (Université de Moncton), Enikö Csukovits (Institut d’Histoire de l’Académie des sciences, Budapest), Stéphane Gioanni puis Pierre Savy (Direction des études, Moyen Âge, École française de Rome), Isabelle Mathieu (FRE TEMOS, Université d’Angers), Jean-Michel Matz (FRE TEMOS, Université d’Angers), Maryvonne Miquel et Anne Tchounikine (UMR LIRIS, INSA, Lyon), Serena Morelli (Università della Campania), Thierry Pécout (UMR LEM-CERCOR, Université de Saint-Étienne) et Riccardo Rao (Università degli Studi di Bergamo).

2 Pour s’en tenir à la France, voir en particulier le séminaire « La prosopographie : objets et méthodes » tenu par Thierry Kouamé à l’Université de Paris I (UMR LAMOP) et les deux principaux chantiers de cette équipe, « Opération Charles VI » et Studium Parisiense (https://prosopographie.hypotheses.org/). Nous nous permettons d’y adjoindre les travaux des Fasti ecclesiæ Gallicanæ, désormais basés au laboratoire CERCOR (UMR LEM) de l’Université de Saint-Étienne.

3 Voici les diverses communications des formateurs : Maryvonne Miquel, Anne Tchounikine (UMR LIRIS, Institut national des sciences appliquées, Lyon), « Construire une base de données » ; Isabelle Mathieu (Université d’Angers), « La saisie et l'encodage, étapes fondamentales pour une base de données réussie » ; Jean-Luc Bonnaud (Université de Moncton, Canada), « Comment étudier des réseaux dynamiques ? » ; Serena Morelli (Università della Campania), « La prosopographie face aux problèmes documentaires : le cas du royaume de Sicile » ; Thierry Pécout (Université de Saint-Étienne), « Gérer des clercs : l’exemple de la base de données des Fasti Ecclesiæ Gallicanæ ».

4 Outre ceux qui sont édités dans le présent volume, voici les projets de recherche présentés et mis en discussion par les participants qui n’ont pu trouver leur place dans la présente publication, notamment du fait de leurs thèmes et aires politiques : S. Bernardinello, « Prosopografia dei capitanei da Rho : una famiglia nobile nei cambiamenti di Milano tra la fine del XI e i primi anni del XIV secolo » ; I. Berson, « Les élites municipales d'Angers de 1475 à 1522 » ; S. Casano-Skaghammar, « Une famille dans la mesnie du roi de France. Les Nemours-Villebéon et leurs alliés : Beaumont, Clément, Cornut » ; T. Magela, « Alliance et conflits entre royauté, aristocratie et paysannerie : la structuration de l'État féodal au Portugal (XIIIe siècle) » ; J. Moreno, « Le personnel de la Chambre des comptes d'Angers à la fin du Moyen Âge (1397-1489). Étude prosopographie d'après les Journaux de l'institution » ; F. Nicosia, « Tra signoria e soggestione. I domini del vescovo di Pavia nel Basso Medioevo (secc. XII-XIV) » ; O. Rojewski, « Prosopographie des valets de chambre des ducs de Bourgogne (1419-1477) » ; A. Tagliente, « Per una prosopografia delle famiglie principesche longobarde del secolo X : problemi e prospettive di ricerca ».

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Thierry Pécout, « Présentation »Mélanges de l’École française de Rome - Moyen Âge [En ligne], 131-1 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2019, consulté le 18 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/mefrm/5002 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mefrm.5002

Haut de page

Auteur

Thierry Pécout

Université de Saint-Étienne, UMR LEM-CERCOR, thierry.pecout@univ-st-etienne.fr

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search