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3La consécration philosophique de l’œuvre diderotienne se manifeste finalement plutôt par l’épuisement qui semble s’accomplir ici des diverses possibilités de prendre Diderot au sérieux :

• • 6 « Diderot et les ordres des connaissances humaines », p. 219-246.
  • 7 « « Je regarde, admire et me tais » : le technique, l’idéal et l’expérience de la peinture dans les (...)
  • 8 « Diderot et la peinture morale de Greuze », p. 271-284.

  par l’analyse de sa doctrine : c’est Diderot philosophe qui est visé. Dans son article6, Maria-Franca Spallanzani revient sur la structure de l’Encyclopédie et sa rationalité spécifique ; Alberto Frigo7 suggère une dialectique éclairante du technique et de l’idéal dans la peinture, dont Lagrenée et Chardin constituent des points de dépassement particuliers, notamment parce que la technique de Chardin atteint un sublime qui la rapproche de la partie idéale de la peinture. Laurent Jaffro complète ces arguments esthétiques et montre que Greuze perturbe la netteté de la frontière entre peinture de genre et peinture d’histoire8.

• • 9 « Sensibilité inerte et force morte : un exemple d’utilisation diderotienne d’un concept leibnizien (...)
  • 10 « Diderot newtonien et chimiste », p. 141-156.
  • 11 « Diderot, Sénèque et la vertu du philosophe », p. 49-68.

  par l’étude de son rapport à la tradition philosophique et aux disciplines : c’est Diderot historien de la philosophie et des sciences que l’on découvre ici. Ce pan de son activité est favorisé par ses collaborations à l’Encyclopédie et par son intérêt pour les développements de la science. Marc Parmentier éclaire ainsi la comparaison faite par Diderot de la sensibilité inerte à une force morte grâce à deux arguments, tout d’abord la référence à Leibniz, et plus encore, la passation du concept leibnizien de force morte par Bernoulli, d’Alembert et du Châtelet, et ensuite, la mobilisation du concept d’élasticité et d’irritabilité9. Carlo Borghero10 dissipe une alternative trop simple entre le newtonianisme de jeunesse de Diderot et son matérialisme de la maturité, alternative appuyée sur l’idée que l’intérêt naissant pour la chimie l’aurait écarté de Newton. Les choses ne sont pas si simples, explique C. Borghero, car la théorie de l’attraction a pu être mobilisée pour penser la chimie elle-même. Loin de la publicité des travaux de l’Encyclopédie, enfin, Alain Gigandet montre pour sa part que le statut de modèle qu’acquiert Sénèque dans l’œuvre du philosophe relève de ses lectures et méditations personnelles11.

• • 12 « Diderot et Bacon », p. 69-100.

  par la discussion de sa conception de l’histoire de la philosophie : c’est Diderot théoricien de l’histoire de la philosophie qui apparaît ici, en particulier dans l’article de François Pépin qui retient notre attention12. L’auteur compare la conception de l’histoire de la philosophie de Bacon et de Diderot. Délaissant l’étude d’influences et d’occurrences, F. Pépin montre notamment l’existence d’un geste intellectuel commun aux deux auteurs, par lequel l’un et l’autre considèrent les philosophies du passé comme autant de matériaux à cumuler et à consigner pour des exploitations futures, dans une conception collective et progressiste du savoir. Cette attitude expliquerait la façon parfois déconcertante dont Diderot en use avec les auteurs, démembrant et éparpillant leurs systèmes en arguments sans liens : c’est qu’il cherche à retenir telle ou telle idée vivante d’un auteur, telle idée digne d’être conservée, et non pas une doctrine intégrale. C’est d’une façon convaincante que François Pépin relie cette attitude à l’éclectisme qui éloigne Diderot du respect des systèmes.

• • 13 « Hume et Diderot : le dialogue autour des Dialogues concerning natural Religion », p. 157-192.
  • 14 « D’Alembert, Diderot et le progrès des Lumières », p. 285-304.

  enfin, par l’identification de sa postérité et l’examen de sa réception philosophique. Voici maintenant Diderot lu par d’autres philosophes. Gianni Paganini13 revient sur les relations de Hume et Diderot. Il cherche les traces des conceptions de Diderot dans les Dialogues sur la religion naturelle et suggère avec brio et force arguments que la Lettre sur les aveugles a pu inspirer les étonnantes hypothèses cosmogoniques de Philon, celles de la fin du dialogue où son propos se fait plus créatif, conjectural et original, et où il imagine le monde comme un vivant. S’inscrivant dans une histoire plus large, Michel Malherbe revient sur l’inadéquation de la critique du progrès fournie par Adorno et Horkheimer14.