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Dossier

Contester la métropolisation dans les urnes : retour sur la campagne de la liste « Nantes en Commun·e·s » au scrutin municipal de 2020

Challenging metropolization in the ballot boxes. Back to the “Nantes en Commun·e·s” campaign’s at the 2020 municipal election
Laura Mehtali et Jean Rivière

Résumés

Alors que de nombreuses listes se définissant comme « citoyennes » se sont présentées aux scrutins municipaux de 2020, cet article revient sur l’émergence d’une liste se revendiquant du municipalisme dans l’espace politique nantais. Dans un contexte local très marqué par des mobilisations contre des projets d’aménagement emblématiques de la métropolisation, l’article procède à une analyse du discours de campagne de la liste, qui montre comment elle a tenté d’ériger l’opposition à ces projets urbains en enjeu dans l’arène électorale. La cartographie des résultats électoraux de cette liste à l’échelle des bureaux de vote permet de mettre en évidence son ancrage dans les quartiers habités par des populations jeunes et qui connaissent d’importantes transformations sociales (gentrification notamment) et urbaines (ZAC), ces quartiers étant également ceux où se sont enracinées les principales luttes urbaines locales.

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Texte intégral

1Face à la multiplication des « conflits d’aménagement » dans la France contemporaine, la dimension spatiale des mobilisations a récemment fait l’objet de plusieurs ouvrages et numéros thématiques de revues (Melé, 2013 ; Norois, 2016 ; Politix, 2017 ; Dechézelles et Olive, 2019 ; Carnets de géographes, 2019 ; L’espace politique, 2019). Si ces conflits donnent lieu à un répertoire d’action varié (rassemblements, manifestations, occupations,etc.), leur traduction en enjeux dans les arènes politiques que constituent les élections locales – en particulier municipales au regard du domaine de compétence de ces collectivités – est loin d’être automatique, notamment parce qu’une telle conversion demande un travail politique spécifique, qui peut d’ailleurs entrer en conflit avec les intérêts des organisations partisanes (du moins quand celles-ci structurent la compétition électorale).

  • 1 Partant d’une mobilisation habitante contre l’implantation d’un supermarché souhaité par le maire (...)

2Il arrive cependant, en particulier dans les mondes ruraux et périurbains dont les espaces politiques municipaux sont plus souvent déconnectés du champ politique central (Gaxie et Lehingue, 1984), que ces conflits résonnent dans les arènes électorales, mais ils semblent plutôt s’y traduire par des démissions symboliques de maires ou à l’inverse par de l’absence de candidatures au conseil municipal dans des communes exposées aux nuisances des projets contestés (tracés de lignes Très Haute Tension, centres d’enfouissement de déchets, parcs éoliens, etc.). Les offres électorales construites à la suite d’un conflit d’aménagement sont suffisamment rares pour faire de l’expérience municipaliste de Saillans (Drôme)1, un cas d’école très médiatisé. Dans certaines communes périurbaines, la question de l’urbanisation (intensité, rythme, formes) et des conflits qu’elle suscite est parfois construite comme enjeu des scrutins municipaux, tout en masquant souvent des logiques de préservation de l’entre-soi (Desage, 2005 ; Charmes, 2011 ; Rivière, 2014). Dans les grandes villes, des « luttes urbaines » se sont multipliées dans la dernière décennie, en écho à l’effervescence militante des années 1970 autour de conflits emblématiques comme celui de l’Alma-gare à Roubaix (Hatzfeld, 1986), et plus largement autour du cadre de vie et de la participation des habitants à la démocratie locale portés par les Groupes d’action municipale (Lecomte, Bernard et Blancherie, 1972), puis par le PSU (Hatzfeld, 2007). Construites contre de grands projets, mais aussi contre la hausse des loyers et des prix de l’immobilier associés à la gentrification, contre la tendance à la muséification de centres-villes spécialisés dans l’accueil touristique facilité par la « airbnbisation » du parc de logements, ou contre les politiques de densification, ces mobilisations récentes ou naissantes selon les métropoles françaises n’ont pour l’instant pas trouvé de débouchés dans les offres électorales municipales, à la différence de la situation des villes espagnoles et notamment du cas emblématique de la liste Barcelona en comú qui a conquis le pouvoir (Pôle Sud, 2019).

3Depuis plusieurs décennies, la France est marquée par un affaiblissement de la légitimité du système électoral, qui se manifeste par certaines formes de « démobilisation politique » (Matonti, 2005) : croissance de la non-inscription, intermittence du vote, etc. À l’inverse, elle a récemment traversé un cycle de mobilisations sociales majeures, à commencer par celles des « Gilets jaunes » en 2018-2019. C’est dans ce moment politique, qui est également caractérisé par l’absence de leadership clair dans la partie gauche de l’espace électoral, que des coalitions regroupant, selon des géométries très variables, les écologistes et des formations de gauche, ont été construites à l’occasion des scrutins municipaux de 2020 (par exemple « Grenoble en commun », « Archipel citoyen » à Toulouse, « Nous sommes » à Montpellier), certaines d’entre elles se réclamant de démarches « participatives », « citoyennes » (Gourgues, Lebrou et Sainty, 2020), voire « municipalistes » (Mouvements, 2020) sans que ces auto-catégorisations ne soient équivalentes ni stabilisées.

  • 2 Une telle approche semble d’autant plus utile qu’un article du numéro anniversaire de Métropoles s (...)
  • 3 Voir la définition de « métropolisation » proposée dans le glossaire de Géoconfluences (2020).

4Dans ce contexte politique général et à l’occasion de ce numéro thématique2, cet article se propose de revenir sur la manière dont la liste « Nantes en Commun·e·s » (qui sera nommée « NeC ») s’est emparée du scrutin municipal nantais de 2020 pour tenter d’y incarner un débouché électoral tirant parti de la forte conflictualité locale contre la « métropolisation » et les grands projets qui sont vus comme ses incarnations, et contre celle que NeC tient pour principal responsable de ces processus (la majorité socialiste à la tête de Nantes Métropole). Inscrit dans le champ interdisciplinaire des études urbaines critiques, cet article propose un regard porté depuis la géographie sociale et l’aménagement urbain, dans le sens où il montre que ce qui a été contesté par la liste NeC renvoie au moins autant aux effets sociaux et environnementaux (inégalités sociales, gentrification, étalement urbain…) généralement associés à la métropolisation (entendue comme processus de concentration de population et d’activités économiques du secteur tertiaire supérieur) qu’à l’institution politique (Nantes Métropole) qui accompagne, voire impulse ces changements indissociablement urbains et sociaux et qui rappelle que la métropolisation est également un discours : celui de « l'horizon désiré des politiques urbaines »3.

5Au regard d’un tel questionnement, le cas nantais constitue un terrain particulièrement riche d’un triple point de vue (transformations sociologiques exemplaires du haut de la hiérarchie urbaine, conflits d’aménagement médiatisés, campagne municipale érigée en enjeu national). Sixième ville française, Nantes a connu une très forte croissance à partir des années 1990, au point d’être considérée comme le « nouvel Eden de l’Ouest » (Garat et al., 2005) après avoir été fortement touchée par la désindustrialisation jusqu’à la fin des années 1980. Comme l’ont documenté les sciences sociales (Devisme, Barthel et Dumont, 2009 ; Garat et al., 2005 ; Masson et al., 2013 ; Epstein, 2021), le statut – qui est pour partie une image, sans toutefois se résumer à cela – de métropole désirable acquis par Nantes, qui caracole en tête des classements de la presse magazine, a été savamment construit dans le cadre de politiques publiques accordant une place centrale aux enjeux d’attractivité et de développement économique. Ces politiques ont été impulsées et portées par des élus municipaux, d’abord « maires militants » puis « technotables » (Pinson, 2014), J.-M. Ayrault incarnant successivement ces deux figures, J. Rolland correspondant uniquement à la seconde. Le répertoire d’actions utilisé par ce dernier à partir de 1989 est désormais commun à bien des élus des métropoles du haut de la hiérarchie urbaine française, qui emploient les mêmes recettes : « reconquête et patrimonialisation des centres-villes (à l’aide notamment du “tramway urbaniste”), aménagement des waterfronts, quartiers “créatifs”, grands équipements de prestige, festivalisation de l’action culturelle des villes » (Pinson, 2014), faisant de Nantes un cas exemplaire des dynamiques entrepreneuriales (Harvey, 2014) sous-jacentes aux politiques alignées sur un agenda urbain centré sur la compétitivité et l’attractivité (Béal et Rousseau, 2014).

6Ces politiques ont des effets sociaux que les sciences sociales interrogent (Masson et al., 2013 ; Madoré et al., 2019) et que les habitants contestent de plus en plus. Héritiers d’une longue histoire locale de mobilisations sociales, des conflits ont en effet éclaté localement à propos de l’implantation de plusieurs grands équipements, certains ayant finalement été abandonnés : l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Rialland-Juin et Renard, 2013 ; Barbe, 2016 ; Rivière, 2016) ; ce qui devait être le nouveau stade privé (Barbe, 2018 ; Cournoyer-Gendron, Trudelle et Devisme, 2019) ; le futur CHU faisant à son tour l’objet de contestations dans la campagne municipale de 2020. La ville est ainsi en passe de devenir un haut-lieu des résistances et luttes urbaines, coalisées par le réseau local « Métropole en Lutte » (Mehtali, 2019). Enfin, la conquête de la mairie a été érigée en enjeu national par plusieurs organisations partisanes : par LREM, qui se voyait bien y transformer ses bons résultats de la présidentielle 2017 (Batardy et Rivière, 2017) en ancrage local ; par EELV, dont la direction nationale envisageait la ville comme gagnable après ses scores au scrutin européen de 2019 ; par le PS, sorti laminé de la séquence électorale 2017-2019, mais bien décidé à conserver là un de ses fiefs nationaux.

  • 4 Que les colistiers de NeC soient ici remerciés pour leur accueil de notre enquête (de janvier 2019 (...)
  • 5 Dans une perspective de réflexivité et pour clore cette introduction, il faut dire quelques mots s (...)

7La première partie de cet article explore dans quelle mesure l’offre électorale incarnée par NeC a été construite contre les politiques de métropolisation et leurs effets, en revenant sur la genèse de cette liste dans l’espace politique local, en présentant son discours de campagne sur les questions sociales et urbaines, et en se demandant si la sociographie de cette liste entre en correspondance avec ses objectifs politiques. Dans un second temps, on se penchera sur les résultats électoraux obtenus par NeC à l’échelle des bureaux de vote nantais lors du premier tour du scrutin de mars 2020. Ces résultats seront, d’une part, inscrits dans l’espace électoral des gauches nantaises et croisés statistiquement avec la géographie sociale de la ville, et d’autre part, confrontés aux périmètres des principaux projets d’aménagement nantais et à leurs contestations. Pour ce faire, cet article propose une démarche méthodologique articulant des matériaux empiriques recueillis grâce à des approches qualitatives (observations de terrain, suivi de réunions internes et publiques, discussions informelles, entretiens enregistrés, collecte du matériel de campagne, revue de presse locale)4 et quantitatives (relevés des lieux de campagne, construction d’une base de données permettant une sociographie des membres de la liste, résultats électoraux, données des recensements de l’INSEE)5.

1. « Défoncer le discours sur l’attractivité », une offre électorale construite contre la métropolisation

  • 6 Notes de terrain d’une réunion interne, 17 septembre 2019.

8Depuis plus d’une décennie dans la région nantaise, le mouvement contre l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes fonctionne comme « le haut lieu [qui] résonne dans les territoires proches » (Barbe, 2016 : 119). Autrement dit, ce conflit a véhiculé dans les mondes militants locaux un imaginaire social et politique de la contestation et un répertoire d’actions et de pratiques qui ont nourri les opposants de toute une série de luttes urbaines. En pariant sur les effets électoraux de cette conflictualité, NeC a cherché à construire une offre électorale incarnant une alternative face à l’agenda de compétitivité et d’attractivité porté par les politiques métropolitaines (et à ce qui est présenté comme ses effets par cette liste), comme le traduit clairement l’idée qui consiste à « défoncer le discours sur l’attractivité »6. Un retour sur la construction de cette offre électorale permet de montrer comment ce contre-récit urbain a été approprié, travaillé et diffusé.

1.1. La genèse de NeC dans l’espace politique local

  • 7 En ligne : https://www.10novembre.org/ (consulté le 9 juillet 2020).
  • 8 En ligne : https://www.10novembre.org/ (consulté le 9 juillet 2020).
  • 9 « “Notre objectif n'est pas de faire éclater le système par la lutte comme l'extrême-gauche radica (...)
  • 10 Avec un autre futur colistier de la liste de NeC, ils suivent un séminaire de master en science po (...)

9Ce récit alternatif sur la ville proposé par NeC s’est construit dans un contexte local favorable à la contestation de la norme métropolitaine. Avant son irruption sur la scène politique locale, NeC s’est constituée au cours d’un processus engagé avec la création du « Mouvement du 10 novembre »7en 2016. Fondé par quatre anciens militants de Nouvelle-Donne, ce mouvement s’est donné pour objectif de proposer une alternative aux partis traditionnels et « d’aider à la connexion et à la politisation des alternatives concrètes qui s’inventent sur notre territoire »8. Associé au Parti Pirate, il a présenté quelques candidatures lors des élections législatives de 2017 dont celle de Margot Medkour9, qui sera ensuite désignée comme tête de liste de NeC, alors âgée de 25 ans et étudiante en science politique10. Elle obtient 1,5 % des suffrages exprimés dans la première circonscription de Loire-Atlantique (qui sera remportée par le député sortant François de Rugy), qui comprend le nord de Nantes ainsi que deux communes pavillonnaires très aisées. En octobre 2017, le mouvement organise deux jours de rencontres intitulés « Deux jours pas comm’un - Construire Nantes en Commun ? » puis réfléchit à la création d’un mouvement sur la ville.

10En avril 2018 et juste avant l’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, plusieurs groupes d’opposants à des projets d’aménagements locaux fondent le réseau « Métropole En Luttes » sous l’impulsion d’un collectif nantais composé de militants écologistes et libertaires créé en soutien à la mobilisation de la ZAD dès 2010. Ce collectif est localement précurseur dans le travail de politisation de la critique métropolitaine, en créant dès 2011 un petit journal local nommé Nantes Nécropole11, puis en orientant après 2016 ses réflexions sur les conséquences sociales, écologiques et démocratiques de la métropolisation (Mehtali, 2019). L’affiche et le programme de ces rencontres montrent que la « métropole » est alors érigée en un adversaire institutionnel et idéologique commun fédérant les contestations locales (figure 1). Plusieurs de ceux qui constitueront ensuite le noyau de la liste NeC sont présents à ces rencontres12. Y assistent également deux militants du Groupe d’Action « santé » de LFI, venus présenter la mobilisation alors naissante contre le projet de réaménagement du CHU, qui figureront eux aussi sur la liste NeC deux ans plus tard. La composante « métropolitaine » du projet politique de NeC émerge pour partie à ce moment-là, d’autant que ces rencontres rendent visibles un grand nombre de collectifs organisés contre le réaménagement de quartiers nantais.

  • 13 « Dans la question de la conquête du pouvoir des habitantes et habitants, on se pose éventuellemen (...)

11Dans les derniers mois de l’année 2018, cinq évènements thématiques sont ensuite lancés pour la première fois sous le label « Nantes en Commun ». En janvier 2019 et à l’occasion d’une soirée intitulée « Le premier jour du reste de ta ville », c’est le lancement officiel de NeC à l’ancienne Manufacture des tabacs, un lieu symbolique du passé industriel de la ville. Un peu moins d’une centaine de personnes y participent (parmi lesquels les fondateurs du Mouvement du 10 novembre et une dizaine d’adhérents de LFI) : depuis l’entrée, un « musée des controverses d’aménagements » présente l’ensemble des luttes urbaines évoquées lors des rencontres du 7 avril 2018 (figure 1), la piste de la participation au scrutin municipal de l’année suivante est publiquement abordée pour la première fois13. Entre janvier et septembre 2019, NeC va produire un important travail de terrain qu’on peut assimiler à une forme de pré-campagne, en organisant une centaine d’évènements de nature très variée (« speeds dating », ateliers-débats, « déambulations et rencontres de quartiers », tables rondes, « conférences » ou réunions d'appartements), autant de dispositifs de mobilisation dont la géographie sera analysée relativement aux résultats obtenus par la liste (cf. 2.2).

Fig. 1 : un évènement charnière dans la construction de la métropole comme adversaire ?

Fig. 1 : un évènement charnière dans la construction de la métropole comme adversaire ?
  • 14 « Proposons aux animateurs et animatrices des luttes locales, sociales et environnementales, aux m (...)
  • 15 « [Enquêteur] Il me semble que vous revendiquez être un mouvement appartenant à la gauche de la ga (...)

12Galvanisés par les résultats obtenus au scrutin européen du printemps 2019, plusieurs conseillers municipaux et maires-adjoints EELV ont participé à des réunions du mouvement entre juin et septembre 2019, exhortant NeC à se ranger derrière eux afin de ne pas présenter deux listes se réclamant de l’écologie politique face à la maire sortante socialiste. À l’inverse et après son échec européen, « l’assemblée représentative » nationale de LFI a produit en juin 2019 un document d’orientation stratégique « Municipales 2020 : le peuple aux commandes » incitant ses militants à intégrer les listes citoyennes en construction14, permettant d’enjamber cette échéance électorale pensée comme intermédiaire. Le 26 septembre 2019, NeC officialise sa candidature au scrutin municipal à l’issue d’un vote des participants à une réunion ouverte, tandis qu’exactement au même moment, mais dans un autre lieu, les militants locaux de LFI entérinent définitivement leur soutien après que ses Groupes d’Actions nantais aient annoncé en juillet ne pas présenter de liste autonome et se mettre au service de la « démarche » de NeC. Cette déclinaison locale de la stratégie nationale s’est faite d’autant plus facilement que des liens interpersonnels avaient été tissés au cours des deux années précédentes. Elle semble aussi illustrer la stratégie politique dite du « populisme de gauche » (en référence à la théorisation élaborée par la philosophe C. Mouffe dans une perspective postmarxiste), suivie à l’époque par LFI, dans la mesure où la liste ne se définit pas publiquement comme une liste de « gauche », tout en ayant conscience d’être identifiée comme telle par les fractions les plus politisées de son électorat potentiel, le refus d’utiliser les marqueurs sémantiques classiques de la gauche étant assumé dans l’espoir de rallier des électeurs considérés comme lassés par ces marqueurs15.

  • 16 Ces états généraux ont réuni entre 600 personnes pour Presse Océan et 800 selon l’AFP, soit un peu (...)
  • 17 « Nantes est devenue une métropole attractive dynamique, rayonnante, saluée par tous les magazines (...)
  • 18 Le nom d’un des auteurs de cet article – connu en raison de son observation participante menée dan (...)
  • 19 Notes de terrain d’une réunion politique entre les deux listes, 17 décembre 2019.

13La liste lance sa campagne à l’occasion des « États généraux de Nantes » au cours desquels les habitants sont invités à exprimer leurs « doléances »16. Dans son discours d’ouverture, celle qui vient d’être désignée comme tête de liste énumère les projets d’aménagements identifiés comme les plus contestés grâce au travail d’observation des luttes urbaines locales conduit depuis 2018, tout en reprenant le travail de montée en généralité de « Métropole En Lutte », qui permet de pointer du doigt le dénominateur commun à l’origine de ces projets : « la métropolisation », qui constitue dès lors un axe de campagne central17. La désignation des candidats de la liste a été réalisée en utilisant un processus « d’élection sans candidats » issu de la sociocratie (les participants répartis en petits groupes définissent des critères de sélection puis proposent des candidats qui leur semblent correspondre à ces critères)18. Avant qu’il ne soit procédé aux dernières désignations et à l’ordonnancement de la liste, une ultime réunion de discussion a été organisée avec la liste EELV à la fin de décembre 2019. Après une première moitié de soirée au cours de laquelle d’importantes convergences programmatiques sont ressorties, les échanges se sont nettement détériorés quand la question de l’entre-deux tours a été esquissée, faisant apparaître des positions très différentes en matière de stratégies d’alliances (et donc de rapports au PS) dans la conquête du pouvoir municipal, la fin de soirée houleuse actant que les deux listes concourront séparément19.

1.2. Un discours centré sur la lutte contre les effets de la métropolisation (comme incarnation urbaine du capitalisme)

  • 20 Notes de terrain d’une réunion interne, 17 septembre 2019.
  • 21 En mai 2019, une délégation de militants a participé à une « semaine de découvertes et rencontres (...)
  • 22 Ce « media training baigné de sauce associative » où on « teste beaucoup de phrases et de formules (...)

14Ce positionnement de NeC dans l’espace politique local a amené la liste à produire un discours – déclarations dans la presse, visuels de campagne (figure 2) – largement structuré contre les politiques d’attractivité et leurs effets sociaux et environnementaux, et donc contre la majorité municipale sortante tenue pour responsable de ces politiques. Ce discours articule fortement les questions sociales et environnementales et fait régulièrement référence à « ce qui se fait ailleurs »20, les cas de Grenoble et surtout de Barcelona en comú revenant fréquemment parmi les exemples cités, ce qui montre qu’ils sont devenus emblématiques de la circulation des contre-modèles urbains pour une partie de la gauche alternative21. Ainsi, et à l’occasion d’un débat organisé entre les principales têtes de liste, Margot Medkour a conclu sur la tirade suivante, sa manière de scander les mots montrant que cette séquence finale du débat avait été soigneusement préparée dans l’équipe de campagne22 :

  • 23 Notes de terrain d’une réunion publique, 4 février 2020.

« “Métropolisation”, “compétition”, “attractivité”, ce sont là les maîtres mots de la politique de la majorité sortante. C’est le combo parfait pour la fabrique des inégalités, d’une ville anti-écologique bétonnée et standardisée dont sont exclus les plus pauvres. L’attractivité, avant d’être des gens qu’on attire, ce sont des gens qu’on repousse : de Paris, puis de Nantes, puis de Rezé, puis d’Ancenis [voir aussi figure 1F]. Il n’y a pas d’attractivité durable, pas de métropolisation sociale, pas de compétition inclusive, pas de capitalisme écologiste. Maintenant, il y a un choix à faire : soit on continue cette politique qui engendre plus de béton, plus de pollution, plus de gentrification ; soit on écrit une nouvelle histoire pour Nantes. L’histoire de la ville de l’écologie populaire, l’histoire de la ville solidaire, l’histoire de la ville faite par et pour ses habitantes et ses habitants »23.

  • 24 La liste comporte par exemple une sociologue enseignante-chercheuse en école d’architecture, et un (...)

15Or, l’accroche de cette conclusion renvoie presque mot pour mot au titre d’une publication invitant de manière critique à se « désintoxiquer » de la « mythologie CAME (Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence) » (Bouba-Olga et Grossetti, 2018), qui constitue la grammaire dominante dans le champ de l’action publique métropolitaine. Cette mobilisation d’un article scientifique dans le discours de campagne témoigne de la présence de colistiers dont les trajectoires scolaires sont passées par les sciences sociales (géographie, sociologie, science politique, histoire, philosophie) et de porosités avec le monde local de la recherche en études urbaines24. Fondé sur une stratégie distinctive à l’intérieur de l’espace électoral des gauches, ce discours est en effet construit autour de l’idée selon laquelle le modèle de développement mis en œuvre par la majorité sortante qui a « voté ensemble 99,5 % des décisions » (fig. 2G) est à l’origine de l’augmentation des inégalités sociales (une critique que l’on peut considérer comme adressée à la liste PS) comme des dégradations environnementales (une critique ciblant cette fois plutôt la liste EELV), en dépit de ce qui est vu comme des tentatives de greenwashing (« derrière les murs végétalisés, le béton » – fig. 2G). Les contradictions supposées de ces deux listes entre discours (de campagne) et pratique du pouvoir (de sortants) sont ainsi pointées du doigt avec l’usage d’oxymores : « attractivité durable » ; « métropolisation sociale » ; « compétition inclusive » ; « capitalisme écologiste ».

Fig. 2 : la métropolisation à travers le matériel de campagne de NeC

Fig. 2 : la métropolisation à travers le matériel de campagne de NeC
  • 25 Le réseau militant « Métropole en Lutte » a ainsi produit des affiches autour du slogan « gentrifi (...)

16Dans ce discours de campagne, les effets sociaux de la métropolisation sont associés à la « fabrique des inégalités » avec la thématique de la « gentrification » – très présente dans les discours militants locaux25 – présentée comme généralisée dans l’espace nantais du fait de l’arrivée de « Parisiens » ; et la question de l’éviction des classes populaires des villes-centres (« une ville […] dont sont exclus les plus pauvres », « des gens qu’on repousse », « chasser les ouvriers » – fig. 2E). On retrouve dans ce discours la présence d’un vocabulaire marqueur de la gauche radicale et une volonté d’articuler des processus économiques globaux avec leurs traductions urbaines locales, autour de la volonté de « rompre avec la compétition néolibérale entre métropoles » ou la critique de la « privatisation » de la ville et du rôle des « investisseurs » à l’origine des prix croissants sur le marché immobilier (fig. 2D et 2H). Quant aux effets environnementaux de la métropolisation, ils sont vus au prisme de la ville « anti-écologique bétonnée et standardisée » et plus largement des thématiques de la congestion urbaine conduisant à une perte de la qualité de vie nantaise (passage de Nantes du top 5 au 20e rang dans un « classement des villes où il fait bon vivre »). Mais ce sont surtout les « grands projets clinquants » (et les luttes urbaines qu’ils suscitent) qui sont érigés en symboles et font l’objet d’une cartographie militante dans un tract-livret de campagne (fig. 2G). La première des « onze mesures » en cas de victoire consiste d’ailleurs à « mettre en pause » ces opérations d’aménagement.

  • 26 Le programme complet figure dans un document de 97 pages, En ligne : https://municipales2020.nante (...)
  • 27 « La T-E-C (Teuf En Commun) c’est le moment de faire la fête au milieu d’une campagne municipale q (...)
  • 28 « Nantes en Commun, le trublion des municipales », Presse Océan, 21 octobre 2019.
  • 29 « Nantes en Commun·e·s, l’invité surprise qui mord sur la campagne des écolos », Médiacités Nantes(...)

17L’ensemble de ces critiques permet de dessiner, en creux, le programme porté par NeC (fig. 2I)26 qui constitue un exemple de proposition des « alterpolitiques » urbaines (Béal et Rousseau, 2014). Ce programme s’articule autour d’interventions publiques sur le logement (plafonnement des loyers), sur les transports (gratuité pour les revenus inférieurs à 1 600 euros par mois), ou sur la gestion de certaines ressources (régie des terres agricoles pour alimenter les cantines scolaires, fournisseur d’énergie locale et renouvelable). Comme chez d’autres listes inspirées du municipalisme, ce programme intègre également de manière transversale la question de la participation des habitants (assemblées de quartier dotées de budgets et de pouvoirs, lieux de rencontre pour le lien social). Le ton adopté pour la campagne est en partie pensé comme décalé : autocollants placardés dans l’espace public ; édition d’un « 21 minutes » parodique sur le modèle du gratuit 20 minutes ; distribution d’un « conte de Noël » (fig. 2B) qui témoigne de la volonté d’installer un storytelling alternatif à celui du récit dominant sur la ville ; organisation d’une « Teuf en Commun »27. Ce dispositif de communication a retenu l’attention des médias locaux, voyant d’abord NeC comme un « trublion28 » avant que la qualité de sa campagne ne soit saluée assez unanimement par les observateurs locaux29. Sur la forme, l’ensemble de ces documents très aboutis sur le plan graphique montre une forte professionnalisation du dispositif de campagne, qui n’est pas sans rapport avec les propriétés sociales des colistiers, confirmant l’intérêt d’une sociographie fine des listes pour mieux connaître les acteurs de cette liste dans leur diversité.

1.3. Une sociographie à l’image du contre-récit urbain de la liste ?

  • 30 Les informations réunies dans cette sociographie de la liste sont issues des formulaires Cerfa de (...)

18Dès les années 1980, des travaux d’inspiration bourdieusienne ont mis en évidence des « logiques du recrutement politique » (Gaxie, 1980) structurées par la place occupée dans les hiérarchies sociales. La sociographie de la liste30 NeC permet de présenter les principaux acteurs de cette contestation de la logique métropolitaine dans l’arène électorale, tout en confirmant l’actualité de la sélectivité sociale du recrutement politique établie à propos des élus municipaux français (Le Bart, 2003 ; Koebel, 2014a, 2014b ; Cadiou, 2015).

19À l’image de la jeunesse de la tête de liste (28 ans), la liste présente une moyenne d’âge assez basse (39 ans). L’ordonnancement confirme cette idée puisque l’âge moyen des colistiers est de 37 ans dans le premier tiers de la liste, de 36 dans le deuxième tiers, mais de 45 dans le dernier tiers, l’enquête de terrain confirmant que le noyau central à l’initiative de la liste correspond à une dizaine de colistiers âgés de 25 à 35 ans. Démographiquement et par effet de génération, la liste est emblématique de la seconde démocratisation scolaire, de sorte que presque tous les colistiers sont au moins titulaires du baccalauréat (soit 66 sur 69, le diplôme n’étant pas connu pour les trois autres colistiers). Dans un espace social nantais caractérisé par la surreprésentation des diplômés de l’enseignement supérieur, 40 des 69 colistiers sont même détenteurs d’un diplôme de niveau Bac + 5 ou plus (dont 6 titulaires de doctorats), auxquels il convient d’ajouter 19 colistiers titulaires d’un diplôme de niveau Bac + 2/3. Si les masters d’université dominent, l’examen de plusieurs trajectoires scolaires révèle le passage dans des établissements académiques dotés d’un fort capital symbolique (classes préparatoires, IEP, écoles de commerce). Sur le plan des disciplines, environ la moitié des colistiers ont suivi des cursus du domaine des lettres et sciences humaines et sociales, auxquels il faut ajouter quelques détenteurs de masters dans le domaine du management délivrés par de grandes écoles.

  • 31 Certains colistiers centraux dans la galaxie NeC ont en effet mis leur activité professionnelle en (...)

20À ces positions très élevées dans les hiérarchies scolaires correspondent des emplois certes liés aux classes moyennes et supérieures urbaines, mais l’homologie est imparfaite, car ces emplois sont situés un peu plus bas dans l’espace socioprofessionnel. Un premier regard montre en effet que 26 colistiers occupent des emplois classés dans le groupe des cadres et professions intellectuelles supérieures ; 15 dans celui des professions intermédiaires ; 4 dans celui des employés ; aucun dans celui des ouvriers (ce qui interroge de la part d’une liste dénonçant l’exclusion des classes populaires des villes-centres) ; 7 dans celui des retraités (dont 6 anciens cadres ou professions intermédiaires) ; et 17 dans le groupe très hétérogène des « autres personnes sans activité professionnelle » (parmi lesquelles 3 étudiants et 14 « personnes diverses sans activité professionnelle de moins de 60 ans », dont 9 sont toutefois titulaires d’un diplôme de niveau Bac + 5)31. Le codage des emplois occupés à l’aide de la nomenclature des catégories socioprofessionnelles en 42 postes permet une lecture sociologique plus fine, qui révèle le poids des colistiers appartenant aux « Professeurs, professions scientifiques » (10 sur 69), « Professions de l'information, des arts et des spectacles » (3 sur 69), « Professeurs des écoles, instituteurs et assimilés » (5 sur 69) et « Professions intermédiaires de la santé et du travail social » (4 sur 69), autrement dit de « tous ceux qu'on appelle les “travailleurs sociaux” – assistantes sociales, éducateurs, magistrats de base et aussi, de plus en plus, professeurs et instituteurs – [qui] constituent ce [qu’on] appelle la main gauche de l'État, l'ensemble des agents des ministères dits dépensiers qui sont la trace, au sein de l'État, des luttes sociales du passé » (Bourdieu, 1998 : 9). À ce trait caractéristique des listes de gauche, il faut ajouter la présence de dix colistiers occupant des emplois liés aux CS « Cadres administratifs et commerciaux d'entreprise » et « Ingénieurs et cadres techniques d'entreprise », mais ces emplois sont pour partie occupés dans le secteur associatif ou de l’économie sociale et solidaire, en adéquation avec les thématiques majeures du contre-récit urbain de la liste. Ces caractéristiques sociologiques (jeunesse relative, importance des reconversions professionnelles précoces dans une génération touchée par la précarisation des contrats de travail, mondes sociaux caractérisés par le primat du capital culturel sur le capital économique, secteurs d’activité marqués par des salaires déconnectés du niveau de qualification) permettent de comprendre comment la liste a pu communiquer sur le fait que ses membres disposaient d’un revenu médian de 1 400 euros et que 22 d’entre eux vivaient sous le seuil de pauvreté.

  • 32 « Municipales à Nantes. Des jeunes et des petits revenus avec Margot Medkour », Ouest-France, 13 f (...)
  • 33 « Revenu médian, taux de pauvreté… Quand Nantes en commun met en avant le niveau de vie de ses can (...)

21Loin d’être neutre en matière de stratégie de présentation publique de soi (Koebel, 2012), cet exercice réflexif a été relevé par la presse locale32, qui en a proposé une lecture critique pointant la faible présence d’habitants des quartiers populaires et discutant l’indépendance revendiquée par NeC vis-à-vis des organisations politiques33. Si la cartographie des adresses des candidats exploitée dans la seconde partie n’infirme pas l’idée selon laquelle les colistiers « viennent de tous les quartiers », leurs localisations résidentielles n’en restent pas moins assez concentrées à l’intérieur des boulevards de ceinture du XIXe siècle (figure 5), en correspondance avec leurs propriétés sociales. Conscients de ce tropisme vers les classes moyennes et supérieures blanches, des colistiers centraux de la liste ont tenté de le compenser en favorisant tardivement l’intégration à la liste du collectif « Je suis là et je compte » (ce collectif, créé par A. Kongolo, a porté une liste en 2014 autour des questions d’inclusion et d’égalité des chances dans les quartiers populaires), ce qui peut être analysé comme une stratégie d’affichage de la diversité ethno-raciale de la liste.

22La sociographie montre par ailleurs que 17 des 69 colistiers sont membres de LFI, 6 ont été adhérents à Nouvelle Donne (dont 5 ont localement donné naissance au Mouvement du 10 novembre), 4 ont été membres du PG, 4 du PS, un du PCF, un dernier étant membre d’Ensemble. Des syndicalistes de la CGT, de la FSU et de Solidaires sont également présents de manière plus ponctuelle (surtout du côté des militants de LFI), mais on trouve de nombreux militants associatifs ou liés aux cercles écologistes (Alternatiba, Attac, Marches climat, Extinction Rébellion). Enfin et malgré la volonté politique de NeC de présenter des militants impliqués dans les luttes urbaines locales, on ne compte finalement que sept colistiers inscrits dans ces contestations (dont quatre très investis).

23Au total et si la liste NeC présente une assez forte homogénéité sur le plan sociologique, il s’agit d’une coalition électorale marquée par une certaine hétérogénéité dans l’espace politique situé à la gauche du PS, et ne constitue donc pas un ensemble politiquement homogène. Dans cet espace, sa sociologie et son programme, proposant une alternative à un agenda urbain structuré par les politiques d’attractivité métropolitaines, amènent à poser l’hypothèse de son ajustement aux attentes électorales de certaines fractions des classes moyennes supérieures. Cette offre a-t-elle rencontré les demandes habitantes dans les urnes ?

2. Comprendre les résultats de NeC dans l’espace intra-urbain

24Comme ailleurs en France le 15 mars 2020, le premier tour du scrutin municipal s’est déroulé à Nantes au lendemain du passage au stade 3 de la gestion de l’épidémie de Covid-19 et à la veille du confinement sanitaire de la population. L’abstention de 61 % des inscrits constitue la principale information d’un premier tour dont la liste de la maire sortante PS est sortie largement en tête (31 % des exprimés, soit seulement 12 % des inscrits) devant les listes LR (20 % des exprimés, 8 % des inscrits) et EELV (20 % des exprimés, 8 % des inscrits) au coude-à-coude. Dans un contexte anxiogène pour les populations âgées, les plus concernées par les premiers décès liés à l’épidémie, l’analyse de l’évolution de l’abstention entre 2014 et 2020 a permis de documenter une mobilisation différentielle un peu plus forte des moins de 40 ans (Rivière, 2020), permettant de faire l’hypothèse qu’elle a été plutôt favorable à la liste NeC. Cette dernière a obtenu 9 % des exprimés (soit 3 % des électeurs inscrits), et on peut esquisser ici une rapide analyse politique de ce résultat.

  • 34 « Mais que devient “Nantes en commun.e.s”? », MediaCités Nantes, 3 décembre 2020.

25Sur le plan strictement électoral, ce score est meilleur que les 5 % de la liste commune du Front de Gauche et du NPA au scrutin municipal de 2014 (celle du PS et de ses satellites avait alors obtenu 34,5 %, et celle d’EELV, 14,5 %) ou que les 6 % obtenus par la liste LFI aux élections européennes de 2019 (celles d’EELV, du PS, et de Générations réalisant alors respectivement 24 %, 9 % et 5 % à Nantes), mais les 6 500 suffrages de NeC sont bien peu comparés aux 38 000 bulletins portés sur la candidature de J.-L. Mélenchon en 2017 (qui était alors parvenu à rassembler 25,5 % des inscrits nantais) à l’occasion d’un scrutin de haute intensité. Sur le plan politique, ce score légèrement inférieur à 10 % n’a pas non plus permis à la liste d’obtenir des élus au conseil municipal, et le mouvement NeC tente depuis d’exister hors des institutions34. Si ce score peut être considéré comme assez limité au regard des ambitions de la liste et de sa dynamique de campagne, celle-ci aura cependant été une occasion pour NeC de faire connaître localement ses idées, qui ont d’autant plus marqué les esprits qu’elles sont fréquemment apparues comme assez convergentes avec celles défendues par la liste EELV. S’il convient de garder une grande prudence dans l’interprétation de ces voix qui sont par définition muettes, au risque de se livrer à un exercice de ventriloquie (Lehingue, 2011), le cumul des scores de ces deux listes (autour de 30 % des exprimés) montre que la critique des déséquilibres produits par la métropolisation semble installée dans le débat public local.

26Cette deuxième partie s’attache à comprendre ce résultat électoral autour de deux questions. Dans quelle mesure les scores de NeC sont-ils liés au profil sociologique des quartiers ? Peut-on les mettre en relation avec la géographie des luttes urbaines locales, elles-mêmes pour partie liées aux principales opérations d’aménagement urbain ?

2.1. Des résultats inscrits dans la géographie urbaine des gauches nantaises

  • 35 Les deux types de données mises en relation ne recouvrent pas exactement les mêmes populations : d (...)

27L’analyse a été conduite à l’échelle des 204 bureaux de vote nantais, ce qui a permis à la fois de réaliser une cartographie fine des résultats de la liste NeC resituée dans l’espace électoral concurrentiel des gauches (figure 3), mais aussi de calculer les corrélations statistiques entre ces résultats électoraux et des indicateurs sociaux – tranches d’âges, niveaux de diplômes, groupes socioprofessionnels, types de contrats de travail, statuts d’occupation des logements, ancienneté résidentielle – issus du recensement de l’INSEE (figure 4)35.

  • 36 Loin des coefficients emblématiques de 0,73 entre la présence des cadres et professions intellectu (...)

28Il en ressort que les trois principales listes de gauche partagent des géographies voisines et centrées autour de l’île de Nantes, de Nantes-sud, du quartier de Chantenay et plus largement des zones centrales situées à l’intérieur de la ceinture des boulevards. Sortante, la liste PS a une implantation spatiale plus homogène qui comprend aussi, outre les secteurs qui viennent d’être décrits, le quartier Doulon-Bottière et la zone péricentrale du nord de l’espace nantais. Si les listes NeC et EELV ne se sont pas rapprochées avant le 1er tour (cf. 1.1), elles n’en partagent pas moins des résultats aux géographies très proches (figure 3), comme en témoigne leur corrélation de 0,64. Sociologiquement (figure 4), et bien que les corrélations établies n’atteignent pas des niveaux très élevés36, elles enregistrent leurs meilleurs scores dans des quartiers aux profils proches, même si la liste EELV s’inscrit dans des contextes urbains un peu mieux situés dans les hiérarchies résidentielles (les corrélations avec les cadres et professions intellectuelles supérieures, les professions intermédiaires, les diplômés de l’enseignement supérieur sont systématiquement plus fortes pour EELV que pour NeC). En outre, le calcul des corrélations entre les scores de la liste NeC et ceux réalisés par les forces de gauche, lors des scrutins nationaux et européens de la séquence électorale 2017-2019, permet de mieux situer politiquement la réception de la liste dans l’espace électoral nantais. Ses résultats sont en effet liés aux suffrages portés sur les candidatures de B. Hamon (0,64) et J.-L. Mélenchon (0,54) lors de la présidentielle de 2017 d’abord, et aux votes pour les listes EELV (0,68), LFI (0,56), Génération (0,53), PCF (0,38) et Place Publique (0,37) à l’occasion de l’élection européenne de 2019 ensuite, ce qui objective la forte proximité politique entre la liste NeC et celle d’EELV, déjà relevée sur le plan programmatique (cf. 1.2).

Fig. 3 : les géographies voisines (mais non sans nuances) des principales listes de gauche

Fig. 3 : les géographies voisines (mais non sans nuances) des principales listes de gauche

Fig. 4 : corrélations entre la présence de différentes catégories d’habitants et les scores des listes de gauche dans l’espace nantais

Fig. 4 : corrélations entre la présence de différentes catégories d’habitants et les scores des listes de gauche dans l’espace nantais

Les valeurs en gras sont statistiquement significatives au seuil de 1 % de marge d’erreur.
Les cases du tableau sont d’autant plus grisées que les corrélations sont intenses et positives.
Lecture : Quand la corrélation est positive, le score de la liste s’élève quand la part d’une catégorie de population (par exemple les 18-24 ans pour la liste MedkourNeC-LFI) augmente. À l’inverse, quand la corrélation est négative, le score de la liste diminue quand la part de cette catégorie de population augmente. Plus la corrélation se rapproche de 1 ou de -1, plus la relation statistique entre le score d’une liste et la présence d’une catégorie de population est intense.

Sources : Nantes Métropole Open Data, 2020 ; INSEE, 2017.

  • 37 Ce qui est plus fréquemment le cas des jeunes adultes, et consolide l’interprétation des corrélati (...)

29En écho à la moyenne d’âge de 39 ans de ses colistiers, NeC recueille ses meilleurs scores dans les quartiers où les habitants de 18-24 ans et de 25-39 ans sont plus présents, voire dans les quartiers à forte proportion de diplômés de l’enseignement supérieur et d’étudiants. Toutefois, peu d’étudiants sont inscrits sur les listes électorales de la ville où ils étudient, vivent, se déplacent la majeure partie de la semaine. Au-delà des contrastes qui traversent la population étudiante, on peut faire l’hypothèse qu’elle a des attentes convergentes avec l’offre électorale proposée par NeC sur les questions de logement (plafonnement des loyers) ou de transports (gratuité pour les revenus inférieurs à 1 600 euros). Les scores de la liste NeC sont également corrélés à la présence de locataires du parc privé et d’habitants arrivés récemment dans leur quartier37, indicateurs de fort turnover résidentiel dont on sait qu’ils sont des déterminants de la mal-inscription – être inscrit dans un bureau de vote différent de celui de son lieu de résidence réel – qui est désormais le principal facteur explicatif de l’abstention constante en France (Braconnier et al., 2016). On peut donc penser que ces propriétés sociorésidentielles ont limité le score final de NeC, situé en deçà du potentiel électoral que représentent ces mondes sociaux dans la ville.

  • 38 Recensement de la population 2016, Tabulation sur mesure à l'IRIS, INSEE [producteur], ADISP [diff (...)
  • 39 Et plus exactement de formes de gentrifications dite « marginales ». « La notion de “gentrificatio (...)

30Les corrélations assez faibles entre les scores de la liste NeC et la localisation des groupes socioprofessionnels dans la ville (0,23 avec les professions intermédiaires, 0,17 avec les cadres et professions intellectuelles supérieures) masquent en réalité des relations plus fines, que révèle un travail spécifique basé sur la nomenclature en 42 postes des catégories socioprofessionnelles38. Il en ressort des corrélations un peu plus nettes avec différentes fractions des classes moyennes, en particulier celles qui sont caractérisées par le primat du capital culturel (0, 50 avec les « professions de l'information, des arts et des spectacles », 0,38 avec les « ingénieurs et cadres techniques d'entreprise », 0,36 avec les « professeurs des écoles, instituteurs et assimilés », 0,35 avec les « professions intermédiaires de la santé et du travail social », 0,34 avec les « cadres de la fonction publique »), en correspondance avec la sociographie de la liste. Les propriétés des habitants de ces quartiers dessinent donc peu ou prou les contours des espaces urbains travaillés par le processus de gentrification39, une thématique très présente dans le contre-récit urbain proposé par NeC, sans que les corrélations ne permettent d’établir si les habitants de ces quartiers qui votent pour NeC sont du côté des ménages gentrifieurs ou gentrifiés.

  • 40 La sélection des variables dans le modèle final a été construite par une stratégie « pas à pas » d (...)

31Au total, l’introduction des indicateurs INSEE listés dans la figure 4 dans un modèle de régression linéaire multiple permet d’expliquer 40 % de la variabilité du vote pour NeC dans l’espace nantais, laissant une part résiduelle (c’est-à-dire la dispersion qui n’est pas prise en compte par le modèle) de 60 % à expliquer40.

2.2. Des résultats articulés à l’espace de réseaux militants et des luttes urbaines

32Pour avancer encore dans la compréhension du vote pour NeC, la cartographie des résidus de cette régression a été réalisée (figure 5). Ces résidus correspondent à l’écart, dans chaque bureau de vote, entre le vote pour NeC dépouillé dans les urnes et le vote pour NeC estimé par le modèle de régression (c’est-à-dire le vote auquel on aurait pu s’attendre au regard de la structure sociale de chaque bureau). Lorsque les résidus sont positifs, le modèle sous-estime le vote NeC, qui est plus élevé en réalité qu’attendu, et inversement pour les résidus négatifs. On pose alors l’hypothèse selon laquelle ces résidus positifs donnent à voir les effets du travail politique localisé de deux types de réseaux.

  • 41 Il est toutefois établi que de forts effets de proximité existent entre les grands projets d’aména (...)

33Le premier type de réseau est celui que représente le mouvement NeC, dont la dimension spatiale du travail de mobilisation électorale a été saisie par trois variables géolocalisables (le lieu du QG de campagne, les adresses des colistiers, et les lieux de campagne choisis par la liste). Le second type de réseau est celui que forment les habitants opposés aux grands projets d’aménagement nantais, l’offre incarnée par NeC étant largement bâtie autour de l’opposition à ces projets, vus comme autant d’incarnations de la métropolisation « et de son monde » dans le vocabulaire militant. Les localisations des principaux zonages opérationnels (ZAC) et pré-opérationnels (PE), les conflits qu’ils suscitent et les collectifs qui s’y opposent ont donc également été cartographiées, tout en sachant que les habitants opposés à ces projets ne résident pas nécessairement à leur proximité immédiate, d’une part, et que les habitants sensibles à ces contestations sont loin d’être tous inscrits dans de tels collectifs, d’autre part41.

Fig. 5 : comprendre la géographie des résidus

Fig. 5 : comprendre la géographie des résidus

34La lecture de la figure 5 montre que la localisation du local de campagne (autour duquel NeC était visible dans l’espace public et où ont pu avoir lieu des interactions entre les colistiers et les habitants du quartier) est associée à des résidus positifs et, et plus largement, que la majorité des colistiers vivent dans des bureaux où le vote pour NeC a été plus élevé qu’attendu, en particulier dans la partie orientale de l’espace intra-boulevard, dans le quartier de Chantenay, sur l’île de Nantes ou le long du Cens. Dans la lignée des recherches fondatrices établissant l’existence d’un friends and neighborhoodeffect (Cox, 1969), ce résultat confirme les acquis des travaux de géographie électorale urbaine qui s’intéressent aux adresses des candidats aux élections locales (Van Hamme et Marissal, 2008 ; Rivière, 2014 ; Van Hamme et Van Criekingen, 2015). À l’inverse et dans un croissant allant du centre-ouest bourgeois marqué à droite jusqu’au nord-est où l’extrême droite recueille ses rares suffrages nantais, le vote NeC est inférieur à ce que laissait présager la structure sociale, ce d’autant plus que les quelques colistiers résidant dans ces secteurs sont positionnés dans la seconde moitié de la liste. En revanche, malgré la présence de quatre colistiers du collectif « Je suis là et je compte », la liste NeC enregistre un score moins élevé qu’attendu dans le quartier de grands ensembles des Dervallières où l’abstention écrase les autres résultats, ce que l’on peut aussi interpréter comme un des effets de l’intégration tardive de ce collectif à la liste, voire comme un nouveau « rendez-vous manqué » entre « la gauche et les cités » (Masclet, 2003), la liste NeC ayant par ailleurs très peu fait campagne dans les quartiers populaires de grands ensembles. De manière plus générale, la relation entre les lieux (publics et privés) où la liste a organisé des évènements de campagne et les résidus positifs est nette, ce qui invite à penser que ce travail de mobilisation localisé a porté ses fruits auprès d’une partie des riverains de ces évènements.

  • 42 Le lendemain de la première manifestation organisée en soutien aux personnels soignants après le d (...)
  • 43 Le fondateur de « L’autre cantine » est connu pour avoir enfariné la maire socialiste en 2018 à la (...)
  • 44 Ce site web est un élément du dispositif nantais de branding urbain : https://www.lesmachines-nant (...)
  • 45 Avec le projet du CHU, celui de l’arbre aux hérons figure parmi les points sur lesquels les élus E (...)

35La cartographie des principaux zonages (pré)opérationnels et des collectifs qui s’y opposent éclaire également la géographie des résidus. Les bureaux où les résidus sont positifs ou très positifs correspondent en effet assez étroitement à ces opérations de transformation urbaine et à leurs contestations, en particulier pour les contestations cartographiées dans les documents de campagne (figure 2G). Dans le secteur central, c’est le cas sur l’île de Nantes, en particulier dans sa partie ouest où doit être implanté le futur CHU, qui a constitué un enjeu de la campagne pour la gauche (NeC, EELV) comme pour la droite42. C’est aussi le cas dans les ZAC de Madeleine / Champs-de-Mars et du Pré-Gauchet, des quartiers gentrifiés au cœur de la politique nantaise consistant à utiliser la culture comme levier de transformation sociale et urbaine (Michel, 2020a) et où l’on observe les plus forts afflux touristiques liés au « Voyage à Nantes (VAN) » (Michel, 2020b). Or ce VAN est justement critiqué dans le programme de NeC qui proposait de le redéployer dans les quartiers populaires. C’est là que sont implantés les collectifs « Les ateliers de Bitche » (en lutte contre l’extension de la Cité des Congrès) et « L’autre cantine » (mobilisé pour l’accueil des « exilés »), à un moment proches de NeC et surtout d’EELV43. C’est enfin très net autour du périmètre d’étude du projet urbain du Bas-Chantenay, où doit être construit l’emblématique « Arbre aux Hérons », la dernière création des « Machines de l’Ile » connues pour son célèbre éléphant nantais44. Ce projet est considéré par NeC comme le parangon des politiques culturelles de métropolisation contribuant à transformer Nantes en « parc d’attractions »45 à destiné à la « classe visiteuse » (Eisinger, 2000). Sa contestation a été nourrie par une contre-expertise habitante (Bourgouin, 2020) ayant donné lieu en 2019 à un ouvrage du collectif PUMA (Pour une métropole appropriée, autogérée, aquatique, amoureuse), relayé par « La Commune de Chantenay ». Dans des secteurs plus périphériques, on observe également des votes plus élevés qu’attendus pour NeC, associés aux opérations de la ZAC du Grand Bellevue (et du collectif du « Village à Défendre de la Bernardière »), de la ZAC Doulon-Gohards et de la mobilisation associée du « Jardin des Ronces » qui entend défendre les terres maraichères menacées par cette ZAC (Mehtali, 2018), ou de la ZAC Bottière-Pin Sec. Mobilisés contre la densification de quartiers aisés de maisons individuelles, d’autres collectifs cartographiés sur la figure 5 ne sont toutefois pas associés à des résidus positifs du vote NeC, son orientation politique leur apparaissant probablement comme trop ancrée à gauche. De la même manière et malgré la présence de plusieurs ZAC et des collectifs – « À la nantaise » et « Brigade Loire » – mobilisés autour du projet abandonné de nouveau stade privé (Barbe, 2018), ce sont plutôt des résidus négatifs que l’on observe au nord-est de la ville et dans le quartier de Saint-Joseph-de-Porterie. Il faut dire que les militants de ces collectifs liés à la présence du stade de La Beaujoire sont rarement des riverains inscrits dans les bureaux de vote du quartier, d’une part, et que ces secteurs pavillonnaires sont plutôt ancrés à droite d’autre part.

36La superposition des opérations d’aménagement nantaises et de leurs contestations permet donc d’avancer dans la compréhension du vote NeC, de sorte qu’une partie des électeurs socialisés aux luttes urbaines nantaises semblent avoir trouvé dans l’offre incarnée par NeC (et par EELV dont la géographie des résultats est très voisine – figure 3) un débouché électoral pour contester les effets sociaux et environnementaux associés, dans le discours militant, à la métropolisation.

Conclusion-épilogue : « Le monde d’après se construira bien en dehors de la mairie »

  • 46 « Municipales à Nantes. À qui Julie Laernoes passera-t-elle l’alliance au doigt ? », Ouest-France, (...)
  • 47 « Nous ne pouvons pas maintenir seuls notre candidature au second tour, mais l’opportunité de tran (...)

37Suspendues pendant le confinement, les négociations d’entre-deux tours ont repris à la fin de mai 2020. La liste EELV a cherché à s’y positionner en pivot d’une future majorité en proposant la constitution d’un « arc à trois » entre NeC, EELV et le PS. Après de premiers contacts à l’initiative du noyau central de NeC au lendemain du 1er tour, et alors que les négociations avançaient rapidement entre EELV et le PS46, environ la moitié des colistiers de NeC ont finalement pris la décision de refuser une possible fusion technique dans un tel « arc à trois ». La liste NeC a tenté de reprendre l’initiative avec un communiqué posant la nécessité de « mettre fin aux politiques de métropolisation, d’attractivité et de compétition menées par Johanna Rolland » et proposant un rapprochement à la liste EELV pour la pousser en quelque sorte à « choisir son camp »47. Cette proposition de dernière minute consistait à disputer à la liste PS l’hégémonie politique interne à la gauche dans le cadre d’une quadrangulaire sans risque de basculement à droite (les listes LREM et LR n’étant pas parvenues à un accord) mais potentiellement serrée au regard de l’important réservoir d’abstentionnistes, des capitaux électoraux en présence (31 % des exprimés pour le PS, contre 29 % pour la somme des listes NeC et EELV) et de la dynamique potentiellement engendrée par une campagne commune à deux listes dont la proximité sociogéographique des électorats a été soulignée (figures 3 et 4).

38Échaudée par les traces laissées par la tentative de rapprochement manquée en amont du 1er tour, d’une part, et peu disposée à prendre le risque de perdre de précieuses délégations d’adjoints, d’autre part, la liste EELV a refusé cette proposition de NeC à l’issue d’un vote interne dont le résultat très tranché (77 % pour une alliance avec le PS, 13 % pour une alliance avec NeC, 6 % pour une candidature autonome, 4 % ne participant pas) masque des désillusions48 probablement accentuées à la vue des résultats nationaux. Dans un communiqué, la liste NeC a réagi en pointant ce qu’elle estime être les contradictions d’EELV en matière de politiques d’aménagement urbain : « Alors qu’ils crient à l’urgence climatique, ils ont fait le choix des petits pas en matière écologique. Ils aideront le PS à repeindre en vert une politique néfaste qui, en misant sur la croissance et la métropolisation, ne fait qu’aggraver la crise écologique et les inégalités sociales. Nouveau CHU, arbre aux hérons, extension de la cité des congrès, CAP44, ZAC Doulon-Gohards… : les élus verts voteront les budgets pour tous les projets qu’ils ont critiqués pendant la campagne »49.

39Placé avant l’été après un long confinement, le second tour était dépourvu d’enjeu en raison de l’avance dont disposait l’alliance PS-EELV (l’écart ne pouvant produire de remobilisation des électorats de LREM et LR) du fait que ceux de LO, du NPA, de NeC et du RN se retrouvaient hors du jeu. Il s’est donc soldé par une victoire de la majorité sortante par 60 % des suffrages exprimés, soit seulement 18 % des inscrits en raison d’une abstention record de près de 70 %. Si elles doivent être interprétées avec une très grande prudence, qui plus est du fait des dynamiques d’abstention différentielle, les corrélations entre les résultats des deux tours à l’échelle des bureaux de vote permettent de proposer des hypothèses explicatives sur les dynamiques de report sur la base de trois constats. Premièrement, la hausse de l’abstention entre les deux tours est corrélée aux scores des listes EELV (r = 0,51), NeC (0,49) et PS (0,29) lors du 1er tour. Deuxièmement, les résultats de la liste d’union PS/EELV sont liés statistiquement aux scores des différentes listes de gauche au premier tour, mais avec des intensités différentes (r=0,82 avec la liste PS, 0,77 avec EELV et 0,67 avec NeC). Troisièmement, la liste d’union PS/EELV rassemble au second tour un nombre de suffrages inférieur à la somme des scores PS+EELV du premier tour. On peut donc penser que l’électorat de gauche ne s’est que partiellement remobilisé pour le second tour, et ce en proportion croissante avec la proximité politique au centre de gravité du rassemblement opéré. Si une partie des électorats d’EELV (mais aussi de NeC) peut s’être reportée sur la seule liste de gauche restant en lice au second tour, la progression de l’abstention dans les bureaux initialement favorables à EELV et NeC peut aussi exprimer (sans surprise) la coupure politique entre NeC et l’orientation de la liste PS/EELV, mais aussi (de manière moins attendue) l’insatisfaction d’une partie de l’électorat EELV face à l’accord de second tour conclu avec le PS.

  • 50 Notes de terrain lors de ce rassemblement, 28 juin 2020.

40Quelques jours avant le second tour, un appel issu du collectif des « Abstentionnistes Activistes Anonymes » a été publié en ligne sur le site local d’information alternatif IndyMedia (figure 6). Si cet appel n’a rassemblé que quelques dizaines de participants, y étaient présents des militants des luttes locales et de LFI figurant sur la liste NeC50. Dans ce discours et jusque dans les derniers instants de ce scrutin, l’articulation des champs sémantiques de la ségrégation sociale et urbaine, des aménagements et projets urbains, de la critique de la démocratie élective et représentative et des contestations locales emblématiques amène à conclure que le terme de métropolisation constitue localement un puissant agrégateur des « luttes urbaines » anticapitalistes, à l’image des slogans dénonçant « la métropolisation et son monde » ou plus explicitement « la métropolisation et le capitalisme » qui confirment empiriquement que « la contestation, à l'échelle globale, de la mondialisation, passe aussi bien souvent, à l'échelle locale, par une contestation de la métropolisation » (Géoconfluences, 2020).

Fig. 6 : extraits de l’appel des « Abstentionnistes Activistes Anonymes »

Fig. 6 : extraits de l’appel des « Abstentionnistes Activistes Anonymes »

Source : Nantes Indy Média

  • 51 « Je trouve qu’il y a quand même une tentative de captation de toutes les luttes locales et des co (...)
  • 52 NeC a ouvert un second volet de coopération à l’échelle régionale, débouchant sur une tribune [En (...)
  • 53 « Municipales à Nantes : Six listes citoyennes veulent dynamiter la politique de la métropole », 2 (...)
  • 54 « Bouguenais, Rezé, Saint-Herblain… Ce que cachent les autres listes “en commun.e.s” de la Métropo (...)

41Cette tension scalaire constitue en effet une contradiction animant le mouvement municipaliste (Gourgues, 2020), et on la retrouve d’ailleurs dans les propos de militants des luttes locales qui font part, chacun avec leurs mots51, à la fois du sentiment de récupération électorale de leurs combats, mais aussi de leur scepticisme à l’égard d’une démarche qui consiste, à leurs yeux, à contester au seul niveau municipal des processus qui renvoient à des sphères décisionnelles économiques et politiques d’échelons supérieurs. Consciente de ce paradoxe, la liste NeC a progressivement élargi sa réflexion au périmètre politique de Nantes Métropole, ce qui s’est traduit, en fin de campagne, par la construction d’une fédération de listes municipales réunies sous le label « Les Communes en Commun »52. Regroupant des listes de gauche issues de six communes de Nantes Métropole (Nantes, Rezé, Saint-Sébastien, Bouguenais, Vertou et La Montagne), cette coalition annonçait vouloir « rompre avec le modèle actuel de Nantes Métropole et sa manière d’agir » (revendiquant par exemple que sa présidence ne revienne pas à la ville-centre) et promouvoir d’autres politiques que celles fondées sur la « recherche d’attractivité » ou la « croissance à tout prix »53. Mais au-delà de leur appellation partagée, ces listes renvoyaient en réalité à des orientations politiques et des compositions partisanes assez différentes54, ce qui montre aussi que l’absence d’élection au suffrage universel direct avec une offre électorale unifiée dans le périmètre de la Métropole contribue à maintenir la question de l’intercommunalité à son rang « d’invitée discrète » (Le Saout et Vignon, 2015), quand bien même certaines listes, comme NeC, tenteraient de la construire comme enjeu.

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Notes

1 Partant d’une mobilisation habitante contre l’implantation d’un supermarché souhaité par le maire de la commune en 2010, le collectif « Pays de Saillans Vivant » y a d’abord construit une mobilisation victorieuse contre ce projet. Il a ensuite multiplié les réunions publiques questionnant le fonctionnement de la démocratie locale, et construit une liste citoyenne qui a remporté l’élection municipale de 2014 et bousculé les pratiques en matière d’exercice du pouvoir en travaillant avec les habitants réunis dans des « groupes action-projet ». Cette liste a néanmoins été battue (de peu) lors du scrutin de 2020.

2 Une telle approche semble d’autant plus utile qu’un article du numéro anniversaire de Métropoles soulignait l’absence, dans les colonnes de la revue, de l’analyse des comportements électoraux dans les espaces urbains (Cadiou et Pollard, 2018).

3 Voir la définition de « métropolisation » proposée dans le glossaire de Géoconfluences (2020).

4 Que les colistiers de NeC soient ici remerciés pour leur accueil de notre enquête (de janvier 2019 à juin 2020) et notre présence parmi eux lors des temps d’observation. La campagne nantaise a plus largement fait l’objet d’une enquête par une équipe pluridisciplinaire construite dans le cadre du CREMI (Collectif de recherche sur les élections municipales et intercommunales).

5 Dans une perspective de réflexivité et pour clore cette introduction, il faut dire quelques mots sur notre rapport à l’objet étudié. Cette question revêt une dimension particulière dans le champ des études électorales, où les chercheurs produisent des verdicts électoraux – jamais tout à fait désintéressés politiquement – pour tenter de répondre à la question « qui a gagné ? » (Lehingue, 2005). Les deux auteurs de cet article ont ainsi voté pour la liste NeC, non sans hésitations avec d’autres votes possibles dans l’espace électoral situé à la gauche du PS et non sans réserve critique vis-à-vis de certaines pratiques et stratégies de cette liste. Pour autant et bien qu’ayant été sollicités (selon des modalités différentes entre les deux auteurs), nous n’avons pas participé au travail de contre-expertise habitante produit par cette liste, ni à sa campagne. La réflexivité dont nous faisons preuve ici, trop rare chez les électoralistes, nous semble une des facettes du travail intellectuel de distanciation opéré dans l’analyse des matériaux et l’écriture, dans le but de rendre compte avec autant de scientificité que possible de la mobilisation électorale décrite dans cet article.

6 Notes de terrain d’une réunion interne, 17 septembre 2019.

7 En ligne : https://www.10novembre.org/ (consulté le 9 juillet 2020).

8 En ligne : https://www.10novembre.org/ (consulté le 9 juillet 2020).

9 « “Notre objectif n'est pas de faire éclater le système par la lutte comme l'extrême-gauche radicale, mais plutôt de le démoder, de le rendre obsolète”, nuance cette ancienne élève de l'école de commerce Audencia », voir : « Sa maman a refusé qu'elle s'engage au PS », Ouest-France, 6 juin 2017.

10 Avec un autre futur colistier de la liste de NeC, ils suivent un séminaire de master en science politique sur les   communs » au cours de l’année universitaire 2017-2018.

11 En ligne : https://nantesnecropole.noblogs.org/post/category/necropole/(consulté le 9 juillet 2020).

12 Notes de terrain d’une rencontre publique, 7 avril 2018.

13 « Dans la question de la conquête du pouvoir des habitantes et habitants, on se pose éventuellement la question de tenter la prise de la mairie. Nous voulons redonner le pouvoir aux habitants, et s’il faut passer par les élections comme l’ont fait les villes de Barcelone et de Saillans, nous le ferons sans jamais que cela ne devienne un objectif en soi », Notes de terrain d’une rencontre publique, 31 janvier 2019.

14 « Proposons aux animateurs et animatrices des luttes locales, sociales et environnementales, aux militant⋅es associatif⋅ves, syndicalistes et politiques et à celles et ceux qui le souhaiteront d’appuyer avec nous ce processus de fédération populaire et d’y prendre part. Notre rôle doit plus que jamais consister à susciter partout le pouvoir d’agir citoyen. C’est avec les habitant⋅es que nous co-élaborerons la conquête des communes et des agglomérations. Nous souhaitons contribuer à l’émergence d’Assemblées communales, cadre d’auto-organisation citoyenne à la fois de résistance locale, de co-élaboration du programme et des listes et ayant vocation à perdurer comme lieux de contre-pouvoir citoyen locaux », En ligne : https://lafranceinsoumise.fr/2019/06/23/municipales-2020-le-peuple-aux-commandes-2/ (consulté le 8 juillet 2020).

15 « [Enquêteur] Il me semble que vous revendiquez être un mouvement appartenant à la gauche de la gauche, peut-être qu’on peut le dire comme ça… - On ne le dit jamais comme ça, nous en tous cas… - Pardon, ce sont mes mots, alors justement vous le diriez comment ? – Nous, quand on ne se définit pas sur l’échiquier politique, on dit qu’on est un mouvement de réappropriation de la ville par les habitantes et pour les habitantes et les habitants, et qu’on est pour une ville écologiste, solidaire et démocratique… mais après, on ne se positionne plus sur l’échiquier… enfin, on ne se positionne pas sur l’échiquier politique, clairement. […] Globalement, une des stratégies c’est d’être, enfin, c’est ce qu’on dit, c’est d’être radicaux et sympas, et du coup de parler du fond des choses, mais sans tous les espèces de marqueurs qui font que les gens se disent : « Houlà ! Eux, je sais qui c’est, c’est je ne sais pas quoi le Front de Gauche à l’ancienne, c’est le PCF ou le machin », donc en fait on enlève tous les mots qui sont devenus aussi des totems à gauche et qui n’ont plus aucune signification. […] Après bon la chance qu’on a, c’est que, si on nous classe sur un échiquier, bon, la gauche, c’est nous, donc, en fait, je pense que les gens vraiment de gauche, ils se reconnaissent parce que sinon, il y a quoi ? Il y a Europe Écologie Les Verts ? Et là, pour le coup, ils sont hyper loin des signifiants de gauche, quoi… Donc, non, je pense que les gens peuvent se repérer aussi du fait des candidats de la liste [qui comprend notamment l’ancienne tête de liste du Front de Gauche en 2014] », Entretien avec un ou une candidate de la liste, 13 décembre 2019.

16 Ces états généraux ont réuni entre 600 personnes pour Presse Océan et 800 selon l’AFP, soit un peu plus que le lancement de campagne de la maire socialiste sortante, voir : « Nantes en commun, les Insoumis et la force du nombre », Mediacités Nantes, 17 octobre 2019.

17 « Nantes est devenue une métropole attractive dynamique, rayonnante, saluée par tous les magazines économiques de France et de Navarre. Mais au profit de qui ? À qui profitent les grands projets qui dévorent la nature et les budgets, et qui se font dans le secret des dieux : feu Yellow-Park, l’arbre aux hérons et le projet du Bas-Chantenay qui aura fini de gentrifier le quartier. La ZAC Doulon-Gohards et ses 180 hectares de terres maraîchères qu’on veut faire fondre sous le béton. Le futur CHU et son milliard d’euros. Mais aussi tous ces projets dans tous les quartiers nantais qui font perdre leurs repères aux personnes qui sont là depuis des années. À qui profite l’augmentation incontrôlable des loyers et des logements ? […] Cette politique, c’est celle de la métropolisation. […] Cette politique, c’est celle que portent toutes les autres candidates à l’élection municipale », Notes de terrain d’une réunion publique, 12 octobre 2019.

18 Le nom d’un des auteurs de cet article – connu en raison de son observation participante menée dans le cadre d’une thèse sur les contestations à la métropolisation – a été proposé à l’occasion de ce processus, proposition qui a été refusée.

19 Notes de terrain d’une réunion politique entre les deux listes, 17 décembre 2019.

20 Notes de terrain d’une réunion interne, 17 septembre 2019.

21 En mai 2019, une délégation de militants a participé à une « semaine de découvertes et rencontres de mouvements sociaux barcelonais » qui a ensuite fait l’objet d’une restitution présentant notamment les « lieux dans lesquels se vivent de nouveaux modes de vie anticapitalistes et autogestionnaires », En ligne : https://www.nantesencommun.org/events/autogestion-et-municipalisme-a-barcelone-retours-de-voyage/ (consulté le 17 juin 2020).

22 Ce « media training baigné de sauce associative » où on « teste beaucoup de phrases et de formules » est confirmé par un colistier chargé de la stratégie de campagne, voir : « Nantes en Commun·e·s, l’invité surprise qui mord sur la campagne des écolos », Médiacités Nantes, 5 mars 2019.

23 Notes de terrain d’une réunion publique, 4 février 2020.

24 La liste comporte par exemple une sociologue enseignante-chercheuse en école d’architecture, et un enseignant-chercheur en géographie a été invité à réagir à l’enquête préparatoire intitulée « Ménager la ville » produite par NeC en amont de la campagne (un des auteurs de cet article a été sollicité pour contribuer à cette « enquête », mais a décliné la proposition pour maintenir une posture aussi distanciée que possible), ces « enquêtes » (fig. 2C) ayant ensuite servi à nourrir la base programmatique de la liste. À l’occasion de l’une d’elles, un colistier citait par exemple le concept de droit à la ville d’H. Lefebvre.

25 Le réseau militant « Métropole en Lutte » a ainsi produit des affiches autour du slogan « gentrification = exclusion ».

26 Le programme complet figure dans un document de 97 pages, En ligne : https://municipales2020.nantesencommun.org/wp-content/uploads/2020/03/Nantes-en-commun-programme-complet-municipale-2020.pdf (consulté le 17 juin 2020).

27 « La T-E-C (Teuf En Commun) c’est le moment de faire la fête au milieu d’une campagne municipale qui a bouleversé le calme dans lequel s’étaient assoupis les politicards et réveillé les citoyenn.es nantais.es. La belle n’est plus endormie ! », En ligne : https://www.nantesencommun.org/events/teuf-en-commun-concerts/ (consulté le 18 juin 2020).

28 « Nantes en Commun, le trublion des municipales », Presse Océan, 21 octobre 2019.

29 « Nantes en Commun·e·s, l’invité surprise qui mord sur la campagne des écolos », Médiacités Nantes, 5 mars 2019.

30 Les informations réunies dans cette sociographie de la liste sont issues des formulaires Cerfa de déclaration de candidatures, dont les informations ont été recoupées avec les connaissances accumulées lors de l’enquête de terrain.

31 Certains colistiers centraux dans la galaxie NeC ont en effet mis leur activité professionnelle entre parenthèses durant la campagne, et plusieurs colistiers ont par ailleurs entrepris des reconversions professionnelles et/ou évoluent dans des secteurs marqués pas l’instabilité des contrats de travail.

32 « Municipales à Nantes. Des jeunes et des petits revenus avec Margot Medkour », Ouest-France, 13 février 2020.

33 « Revenu médian, taux de pauvreté… Quand Nantes en commun met en avant le niveau de vie de ses candidats », Médiacités Nantes, 14 février 2020.

34 « Mais que devient “Nantes en commun.e.s”? », MediaCités Nantes, 3 décembre 2020.

35 Les deux types de données mises en relation ne recouvrent pas exactement les mêmes populations : d’un côté, les résultats électoraux portent sur les seuls inscrits ; de l’autre, les données de l’INSEE décrivent l’ensemble de la population résidente (qui comprend par exemple les étrangers et les mineurs qui ne peuvent pas voter, mais aussi des français majeurs non-inscrits sur les listes électorales). Le problème de l’inadéquation entre les mailles spatiales des deux fonds de carte (découpage des bureaux en 2020, périmètre des IRIS de l’INSEE en 2016) a été résolu par la ventilation de l’ensemble des données dans la maille spatiale des bureaux de vote via un procédé de contribution surfacique des unités géographiques dans un logiciel de Système d’Information Géographique (Beauguitte et Colange, 2013).

36 Loin des coefficients emblématiques de 0,73 entre la présence des cadres et professions intellectuelles supérieures et les scores de la liste LR, ou de 0,82 entre la localisation des habitants vivant dans le parc HLM et l’abstention.

37 Ce qui est plus fréquemment le cas des jeunes adultes, et consolide l’interprétation des corrélations entre le vote NeC et la structure démographique des quartiers. Cela peut aussi indiquer que le vote pour NeC s’inscrit dans des secteurs urbains où des programmes immobiliers récents ont été construits dans le cadre de ZAC, comme le confirme d’ailleurs la partie 2.2 de l’article.

38 Recensement de la population 2016, Tabulation sur mesure à l'IRIS, INSEE [producteur], ADISP [diffuseur].

39 Et plus exactement de formes de gentrifications dite « marginales ». « La notion de “gentrification marginale” permet […] de pointer les cas de quartiers appropriés par des populations relativement plus pourvues en capital culturel qu’en capital financier, majoritairement jeunes adultes diplômés vivant seuls ou en couples sans enfants et locataires sur le marché privé » (Clerval et Van Criekingen, 2012).

40 La sélection des variables dans le modèle final a été construite par une stratégie « pas à pas » dans les deux sens ascendant/descendant (commande step dans le logiciel R), qui permet d’obtenir un modèle parcimonieux, c’est-à-dire reposant sur un nombre réduit de variables. Le coefficient R2 ajusté de ce modèle est de 0,39. Ce modèle et son R2 ajusté – l’intérêt de ce paramètre étant discuté dans la communauté des praticiens de régression – ne seront pas présentés en détail, car c’est l’analyse des résidus du modèle qui nous semble la plus intéressante au regard du fil démonstratif de l’article.

41 Il est toutefois établi que de forts effets de proximité existent entre les grands projets d’aménagement et les mobilisations électorales des riverains de ces projets (Rivière, 2016).

42 Le lendemain de la première manifestation organisée en soutien aux personnels soignants après le déconfinement de la population, les affiches de la liste PS étaient recouvertes d’un bandeau « 30 ans ça suffit », et des affiches rouges collées à côté sur les panneaux électoraux mentionnaient « Hôpital public : Rolland veut supprimer 350 lits, agissez votez Garnier ».

43 Le fondateur de « L’autre cantine » est connu pour avoir enfariné la maire socialiste en 2018 à la suite de l’expulsion d’un squat occupé par des exilés, et figurait en 12e position sur la liste EELV, puis en position éligible sur la liste fusionnée PS-EELV.

44 Ce site web est un élément du dispositif nantais de branding urbain : https://www.lesmachines-nantes.fr/ (consulté le 10 juin 2020).

45 Avec le projet du CHU, celui de l’arbre aux hérons figure parmi les points sur lesquels les élus EELV disposeront d’une liberté de vote dans le « contrat de gouvernance » établi avec le PS lors de la fusion de ces deux listes dans l’entre-deux tours.

46 « Municipales à Nantes. À qui Julie Laernoes passera-t-elle l’alliance au doigt ? », Ouest-France, 26 mai 2020.

47 « Nous ne pouvons pas maintenir seuls notre candidature au second tour, mais l’opportunité de transformer en profondeur notre modèle de société à Nantes s’offre en remportant la mairie avec la liste “Nantes ensemble”, la liste qui a déclaré avoir la même volonté de transformation que nous. C’est maintenant ou jamais, l’urgence est là et il est de notre devoir de participer à la transformation de la ville, de transformer nos luttes en réalité », En ligne : https://blogs.nantesencommun.org/2020/05/26/2e-tour-des-municipales-loccasion-dun-tournant-vers-lecologie-populaire-a-nantes/ (consulté le 8 juillet 2020).

48 « Comment les écologistes nantais ont manqué leurs municipales », Mediacités Nantes, 4 juin 2020.

49 En ligne : https://blogs.nantesencommun.org/2020/06/01/2nd-tour-nantes-ensemble-eelv-sallie-avec-johanna-rolland/ (consulté le 8 juillet 2020).

50 Notes de terrain lors de ce rassemblement, 28 juin 2020.

51 « Je trouve qu’il y a quand même une tentative de captation de toutes les luttes locales et des collectifs contre la métropolisation. Quand ils ont créé NeC, on les voyait partout dans nos réunions, pour prendre contact avec les collectifs, et donc ils ont fait leur programme et la liste et après on les a plus vus, quoi. […] De toute façon, c’est biaisé par le fait que les luttes contre la métropolisation se jouent à d’autres niveaux, la métropole, le niveau départemental, régional et le national, même si le local c’est important, c’est clair ». « C’est ce jeu politique des élections qui ne me parle pas, et la voie électorale ne permettra pas un changement radical contre la métropolisation et finalement, les élections déradicalisent la pensée politique même si Nantes en Commun reste plus radical que les autres, le discours s’est lissé pour rentrer dans le cadre légal : […] on l’a vu, les mots “anticapitaliste” et compagnie ont été au fur et à mesure enlevés, et même lorsqu’ils étaient utilisés, ils ont été détournés. Je pense que c’est parce que ça fait plus consensus […] Puis vu qu’il y a La France Insoumise derrière, il y a toujours une peur de se faire manipuler, il y a toujours un peu cette défiance, cette méfiance. […] Puis tout simplement, il y a de la méfiance vis-à-vis des partis politiques dans les milieux anar’, puis la métropolisation, c’est pas dans leurs moyens finalement », Entretiens avec deux militants des luttes locales, juin 2020.

52 NeC a ouvert un second volet de coopération à l’échelle régionale, débouchant sur une tribune [En ligne] : https://blogs.mediapart.fr/le-mans-en-commun/blog/090320/tribune-du-grand-ouest-la-cooperation-plutot-que-la-metropolisation (consulté le 5 février 2021)] à l’initiative de onze listes du Grand Ouest intitulée « De la coopération plutôt que de la métropolisation » et s’attaquant aux inégalités associées à la métropolisation (et aux grands projets incarnant à leurs yeux la norme d’attractivité métropolitaine).

53 « Municipales à Nantes : Six listes citoyennes veulent dynamiter la politique de la métropole », 20 Minutes, 12 février 2020.

54 « Bouguenais, Rezé, Saint-Herblain… Ce que cachent les autres listes “en commun.e.s” de la Métropole », Médiacités Nantes, 12 mars 2020.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : un évènement charnière dans la construction de la métropole comme adversaire ?
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Fichier image/jpeg, 408k
Titre Fig. 2 : la métropolisation à travers le matériel de campagne de NeC
URL http://journals.openedition.org/metropoles/docannexe/image/7814/img-2.jpg
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Titre Fig. 3 : les géographies voisines (mais non sans nuances) des principales listes de gauche
URL http://journals.openedition.org/metropoles/docannexe/image/7814/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 382k
Titre Fig. 4 : corrélations entre la présence de différentes catégories d’habitants et les scores des listes de gauche dans l’espace nantais
Légende Les valeurs en gras sont statistiquement significatives au seuil de 1 % de marge d’erreur.Les cases du tableau sont d’autant plus grisées que les corrélations sont intenses et positives.Lecture : Quand la corrélation est positive, le score de la liste s’élève quand la part d’une catégorie de population (par exemple les 18-24 ans pour la liste MedkourNeC-LFI) augmente. À l’inverse, quand la corrélation est négative, le score de la liste diminue quand la part de cette catégorie de population augmente. Plus la corrélation se rapproche de 1 ou de -1, plus la relation statistique entre le score d’une liste et la présence d’une catégorie de population est intense.
Crédits Sources : Nantes Métropole Open Data, 2020 ; INSEE, 2017.
URL http://journals.openedition.org/metropoles/docannexe/image/7814/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 390k
Titre Fig. 5 : comprendre la géographie des résidus
URL http://journals.openedition.org/metropoles/docannexe/image/7814/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 843k
Titre Fig. 6 : extraits de l’appel des « Abstentionnistes Activistes Anonymes »
Crédits Source : Nantes Indy Média
URL http://journals.openedition.org/metropoles/docannexe/image/7814/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 1007k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Laura Mehtali et Jean Rivière, « Contester la métropolisation dans les urnes : retour sur la campagne de la liste « Nantes en Commun·e·s » au scrutin municipal de 2020 »Métropoles [En ligne], 28 | 2021, mis en ligne le 11 octobre 2021, consulté le 30 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/metropoles/7814 ; DOI : https://doi.org/10.4000/metropoles.7814

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Auteurs

Laura Mehtali

Doctorante en géographie, UMR ESO 6590 CNRS, université de Nantes

Jean Rivière

Maître de conférences en géographie, UMR ESO 6590 CNRS, Université de Nantes

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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