Navigation – Plan du site

AccueilNuméros31DossierLa gentrification par projet : po...

Dossier

La gentrification par projet : politiques publiques et revalorisation des quartiers péricentraux, le cas du Campus MIL à Montréal

Gentrification by project. Public policies and the revalorization of pericentral neighbourhoods, the case of the MIL Campus in Montreal
Violaine Jolivet et Chloé Reiser

Résumés

Cet article s’intéresse aux impacts des grands projets urbains développés dans des espaces péricentraux, traditionnellement ouvriers et immigrants, de la ville de Montréal. À travers l’exemple du projet du campus MIL qui s’inscrit dans une logique de revitalisation et de rayonnement de la métropole montréalaise à l’échelle internationale, l’objectif est de montrer comment le développement de ces nouveaux espaces verts et créatifs sur d’anciennes friches industrielles accélère la gentrification. L’argument est alors de qualifier la gentrification de « projet » mis en œuvre par des politiques et financements publics. L’article débute par une mise en contexte des espaces péricentraux en montrant comment d’espaces « entre » et désinvestis dans les années 1970-80, ces derniers deviennent de nouvelles centralités métropolitaines à Montréal. Par la suite, l’article examine le rôle des différents acteurs publics dans la mise en œuvre d’un projet de revitalisation urbaine et montre comment le projet urbain du MIL accélère la gentrification des quartiers péricentraux d’immigration comme Parc-Extension. Le rôle de l’université comme acteur public spécifique est interrogé dans cette étude de cas autour de l’implantation d’un nouveau campus. Enfin, l’article démontre comment les principes de l’urbanisme durable et de la ville créative participent à une forme de légitimation de la gentrification par les politiques publiques.

Haut de page

Notes de la rédaction

Les auteures sont membres du Collectif de recherche et d’action sur l’habitat (CRACH).

Texte intégral

Introduction

« Le campus MIL est l’un des sites universitaires les plus avant-gardistes en Amérique du Nord, aussi bien pour son Complexe des sciences ultramoderne que pour son caractère écoresponsable. C’est aussi un vaste projet de réaménagement urbain en plein centre de l’île de Montréal, le cœur battant d’un jeune quartier de la nouvelle économie où se côtoient étudiants, citoyens, chercheurs, entrepreneurs et innovateurs. »1

1Fondé sur l’étude d’un projet de revitalisation urbaine autour de la création d’un nouveau campus universitaire à Montréal, le campus MIL, cet article analyse les transformations des quartiers d’immigration péricentraux, anciennement industriels et ouvriers, en nouveaux espaces au cœur de la compétition inter-métropolitaine, en mettant en évidence le rôle des politiques publiques dans la revalorisation du foncier et l’accélération de la gentrification. Largement désinvestis durant les décennies 1960-1990, les quartiers péricentraux montréalais deviennent, au tournant du XXe siècle, la cible privilégiée des politiques de revitalisation orchestrées par la puissance publique, de l’échelon politique provincial (le Québec) au municipal (la ville de Montréal et ses arrondissements).

2Notre étude de cas montréalaise s’inscrit dans un contexte de métropolisation qui favorise l’adoption d’une stratégie entrepreneuriale à l’échelle municipale pour se maintenir dans la compétition entre les métropoles. Ainsi, à partir des décennies 1990-2000, de nombreuses municipalités voient dans les espaces industriels délaissés des terrains propices au développement de grands projets urbains devant contribuer à la création de valeur (Harvey, 1989 ; Kipfer et Keil, 2002). Alors que le passage à la ville post-industrielle laisse, aux marges des espaces péricentraux, des friches enclavées et polluées bordant des quartiers d’habitat ouvrier et immigrant dégradés (Lo, 2011 ; Jolivet et al., 2022), les schémas de développement métropolitain favorisent leur redéveloppement, les autorités publiques profitant de ces espaces vacants pour implanter de nouvelles infrastructures ouvrant l’ère de la ville dite « créative », verte et numérique. Ces espaces liminaux que nous nommons « péricentraux », autrefois proches banlieues (inner suburbs) et aujourd’hui totalement intégrés au noyau urbain (urban core), deviennent alors la nouvelle « frontière » urbaine (Smith, 1996) des opérations orchestrées par la municipalité. Les friches industrielles constituent des laboratoires pour les aménageurs, permettant l’application de nouveaux règlements d’urbanisme, et les grands projets urbains sont présentés comme des solutions municipales stratégiques pour reconnecter ces anciens espaces industriels à l’économie urbaine, au nom de principes comme ceux de la ville durable, mixte et créative. En effet, depuis les années 1990, la tenue de grands évènements (jeux olympiques, coupes du monde, forums mondiaux, festivals) ou le développement de grands projets urbains (gare, musée, campus) montrent comment les municipalités, selon différentes configurations et contextes, adoptent la doctrine néolibérale en devenant des acteurs clés de cette planification urbaine « au coup par coup », déconnectée des enjeux de développement locaux et favorisant la gentrification des quartiers (Watt, 2013 ; Adam et Mestdagh, 2019).

3Notre article discute la littérature portant sur la requalification des friches et croise les travaux sur les formes de gentrification identifiées en anglais comme « new-build gentrification » (Davidson et Lees, 2005, 2010 ; Rose, 2006 ; Rérat et al., 2010) et « state-led gentrification » (Hackworth et Smith, 2001 ; Lees et Ley, 2008 ; Rousseau, 2008 ; Lopèz-Morales et al., 2021), afin de proposer une transcription de ces notions en français autour du terme de « gentrification par projet ». Cette notion permet également d’interroger le rôle de l’université comme acteur public de la gentrification et prolonge les réflexions menées en anglais autour la notion de « campus-led gentrification » (Jolivet etal., 2022).

4Les travaux sur la state-led gentrification (SLG) montrent, depuis l’article fondateur de Hackworth et Smith en 2001, pourquoi la gentrification ne peut être réduite à un phénomène découlant uniquement d’initiatives privées (des petits propriétaires identifiés par Ruth Glass aux grands groupes privés). Ces recherches mettent en évidence le rôle des politiques publiques (politiques du logement, incitations fiscales, patrimonialisation et grands projets d’aménagement urbain) qui utilisent la gentrification comme une stratégie pour revitaliser les centres-villes et accroître l’assiette fiscale des territoires gouvernés. Récemment, Lopèz-Morales et ses collaborateurs identifient, à partir de leur cas d’étude à Santiago du Chili, quatre caractéristiques de cette forme de gentrification menée par les pouvoirs publics qui facilite, mais également contribue à l’extraction de la rente urbaine (2021, p. 2) : (1) l’utilisation de politiques publiques et de dispositifs législatifs pour encourager la gentrification dans des lieux qui semblaient peu attrayants pour le capital et la recherche de profits, (2) la mise en place de stratégies discursives par les pouvoirs locaux pour légitimer les processus de SLG, (3) les retombées négatives pour les populations vulnérables menant à leur déplacement et à leur exclusion, (4) l’émergence de formes locales de contestation et de protestation contre ces politiques publiques.

5Dans le cas de la new-build gentrification (NBG), l’accent est mis sur la réalisation de grands projets urbains impliquant à la fois des groupes de promoteurs et les autorités publiques. Les études sur la NBG décrivent comment ces grands projets favorisant le développement gentrifient « instantanément » les quartiers dans lesquels ils se déploient (Rose, 2006), avec de nouvelles constructions destinées aux classes moyennes à supérieures. La NBG concerne soit, comme dans notre cas d’étude, la construction de nouveaux projets sur des friches industrielles ou des terrains vacants, soit la démolition/reconstruction de zones résidentielles existantes, souvent jugées vétustes (Rérat et al., 2010). Les opérations de revitalisation des anciens espaces industriels le long de la Tamise à Londres étudiées par Davidson et Lees (2005, 2010) font état d’appareils discursifs employés par la municipalité autour de la « renaissance urbaine ». Pour les auteurs, ces nouvelles constructions sont surtout un moyen d’étendre l’emprise des classes moyennes et supérieures sur des sites jusqu’alors considérés comme industriels et marginaux. Ils identifient ainsi les principaux aspects qui caractérisent la NBG (2005, p. 1070) : (1) le réinvestissement de capital, (2) la revalorisation sociale du lieu par les groupes à hauts revenus qui s’installent dans les nouveaux logements, (3) la modification du paysage physique et symbolique et (4) le déplacement direct ou indirect des groupes à faibles revenus.

6Afin de manipuler ces notions anglophones de state-led et new-build gentrification en français, nous proposons l’expression de gentrification par projet, où la préposition par désigne à la fois les moyens de la gentrification (le nouveau projet urbain sur des espaces industriels et ouvriers délaissés) et la visée de ce type de politiques urbaines (le redéveloppement à des fins de profit et l’insertion de la municipalité dans la compétition inter-métropolitaine), afin de souligner le rôle de l’action publique dans la fabrique urbaine néolibérale en faveur d’une élitisation et d’une privatisation de la ville, et donc de sa gentrification.

7Notre étude de la gentrification par projet traite de l’exemple spécifique du campus MIL à Montréal et analyse le rôle et les discours des acteurs publics, en particulier de la ville et de l’université de Montréal (UdeM), autour de ce grand projet de redéveloppement de l’ancienne gare de triage de la compagnie ferroviaire du Canadien Pacifique présenté comme un nouveau quartier universitaire. Bien que la municipalité et l’université désirent mettre en avant le caractère durable et inclusif du projet MIL, cet article souhaite au contraire souligner comment ce projet urbain, piloté par l’université et conçu à l’échelle métropolitaine comme un projet phare de revitalisation, est le mobile d’une reconquête urbaine, favorisant une accélération de la gentrification pour le quartier attenant de Parc-Extension.

8Notre méthodologie repose sur une approche complémentaire, à la fois par le haut et par le bas, des transformations en cours autour du campus MIL. Une vingtaine d’entretiens semi-dirigés ont été menés par les deux auteures entre 2016 et 2020 avec des promoteurs immobiliers, des urbanistes, des aménageurs, des militants associatifs et des élus locaux. L’étude de ces entretiens a été complétée par une analyse de la littérature grise, notamment des plans d’aménagement de la ville de Montréal et plus particulièrement du Plan de développement urbain économique et social (PDUES)2 du secteur à l’étude, ainsi que des observations réalisées depuis 2016 lors d’ateliers urbains et de réunions concernant l’implantation du nouveau campus MIL. L’article commence par une mise en contexte des quartiers péricentraux montréalais et de leur évolution, du statut d’espaces « entre » et désinvestis à celui de nouvelles centralités métropolitaines. Après avoir examiné l’intervention des différents acteurs publics dans la mise en œuvre du projet de revitalisation autour du nouveau campus, le rôle plus particulier de l’université dans le processus de gentrification est analysé. Enfin, l’article démontre comment les principes de l’urbanisme durable et de la ville créative, largement valorisés par les acteurs publics, participent à la légitimation de la gentrification par les politiques publiques.

1. Des espaces « entre » suburbanisation et gentrification : trajectoires des quartiers péricentraux et mise en contexte de Parc-Extension

  • 3 Selon la Loi sur l'équité en matière d'emploi datant de 1995, on entend par « minorités visibles » (...)

9Fondé au début du XXsiècle, Parc-Extension est d’abord une proche banlieue ouvrière séparée de la ville par un chemin de fer. Situé à proximité de la gare de triage du Canadien Pacifique, le quartier connaît une densification rapide à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale et joue le rôle de zone d’accueil et d’intégration lors de différentes vagues successives d’immigration vers la métropole québécoise (Poirier, 2006 ; Favretti, 2011 ; Dansereau, Germain et Vachon, 2012 ; Reiser, 2021). Selon les données du recensement 2016, Parc-Extension affiche la plus forte concentration d’immigrants à Montréal (56,5 %) et une présence importante de minorités visibles3 (63,5 %). Le quartier se classe au troisième rang montréalais pour le taux de nouveaux arrivants (moins de cinq ans au Canada) juste après Côte-des-Neiges (18 %) et Montréal-Nord (22 %), deux autres espaces péricentraux d’immigration. Par ailleurs, Parc-Extension reste souvent présenté comme l’un des quartiers les plus pauvres du Canada avec plus de 38 % des ménages sous le seuil de la Mesure du faible revenu (MFR) en 2016.

  • 4 Il faut cependant préciser que le phénomène au Canada ne correspond pas exactement au white flight(...)

10Dans le contexte nord-américain, plusieurs études menées sur les grandes métropoles, notamment celle de Hanlon sur plus de 5000 inner-ring suburbs dans 100 régions métropolitaines étasuniennes (2009), montrent que les proches banlieues industrielles comme Parc-Extension se sont transformées à la suite du white flight4, menant dans les années 1970-1980 au déclin de leur situation socio-économique et à la dégradation de leur image (Short, Hnlon et Vicino, 2007 ; Hanlon, 2008). Alors que l’avènement d’un nouveau régime d’accumulation flexible dans la ville postindustrielle conduit à l’étalement urbain des banlieues, d’une part, et à la gentrification des centres-villes, d’autre part (Smith 1979 ; Harvey, 1987 ; Keil, 1994), ces dynamiques capitalistes de la production urbaine ont longtemps négligé la couronne péricentrale des grandes villes (Hanlon, 2009). Les quartiers péricentraux sont donc restés pendant plusieurs décennies à l’écart des schémas de développement et des circuits de l’investissement urbains, formant des espaces « entre » (in-between spaces) (Filion et al., 2011 ; Keil et Young, 2011) où ont été reléguées les infrastructures nécessaires au développement métropolitain, notamment les autoroutes, ainsi que les classes à faibles revenus, parmi lesquelles les nouveaux arrivants et les minorités racialisées. Ainsi, dans les années 1980-1990, les études montrent un processus général de déclin, d’ethnicisation et de paupérisation des inner suburbs (Lucy et Phillips, 2001 ; Short, Hanlon et Vicino., 2007 ; Vicino, 2008).

11Les quartiers péricentraux de Montréal connaissent une évolution semblable à celles décrites par les auteurs cités ci-dessus. Publié en 1990, un rapport intitulé Gentrification ou étalement urbain ? Le centre de Montréal et ses environs souligne les processus concomitants de gentrification et d’étalement urbain dans la région métropolitaine montréalaise (Société d’habitation du Québec, 1990). En distinguant trois zones au sein de la municipalité (centre-ville, périphérie du centre-ville, périphérie urbaine), le rapport met en évidence les grandes tendances démographiques et économiques à l’œuvre entre le recensement de 1971 et celui de 1986 dans l’ensemble de la région métropolitaine. La diminution de la population, à l’exception de la catégorie des jeunes professionnels, ainsi que le taux important de rénovations et de démolitions-reconstructions dans le centre-ville par rapport à la forte concentration de nouvelles constructions, principalement des maisons pour les familles avec enfants, dans la banlieue extérieure – hors de l’île – sont les principales dynamiques soulignées par les auteurs. Les conclusions du rapport présentent également la supériorité des forces centrifuges de la suburbanisation sur les forces centripètes de la gentrification et insistent sur la diversité des trajectoires des quartiers du centre de l’île, soulignant qu’au moment de la rédaction du rapport, la gentrification affecte principalement le centre-ville et ne concerne pas les quartiers péricentraux de la métropole.

12Dans la décennie qui suit ce rapport, la suburbanisation s’intensifie à Montréal et la gentrification commence à gagner la couronne péricentrale de la ville (Rose, 1996). Néanmoins, selon les données du recensement, dans les quartiers à forte concentration de personnes à faible revenu et de minorités comme Côte-des-Neiges (CdN sur la figure 1), Saint-Michel et Parc-Extension, on observe une dégradation des indicateurs socioéconomiques, alors que la plupart des quartiers centraux montrent une augmentation importante des revenus individuels des ménages. En effet, dans les quartiers péricentraux montréalais, le cycle de désinvestissement des logements atteint son point culminant dans les années 1990-2000 (Leloup, Rose et Maaranen, 2018). Pourtant, au regard des schémas directeurs de la région montréalaise et des plans d’aménagement, c’est à peu près au même moment que ces quartiers sont identifiés par les pouvoirs publics comme des espaces stratégiques de la transition économique vers une Montréal postindustrielle tournée vers l’économie créative et le numérique. Ce tournant dans les politiques de développement et d’aménagement va alors opérer une « recentralisation » du capital urbain (Harvey, 1989 ; Smith, 1996) qui, après avoir réinvesti les centres-villes, va gagner les quartiers péricentraux. Dans ces espaces moins denses, traversés par des corridors ferroviaires, des autoroutes et d’importantes friches témoignant du passé industriel, vont germer de nouveaux grands projets à l’initiative de la municipalité et de l’agglomération.

13Le projet urbain autour du campus MIL est ici analysé comme un cas spécifique de revitalisation de ces espaces « entre ». En effet, il est présenté par les acteurs publics comme un projet urbain répondant aux nouvelles orientations stratégiques de la métropole. Le projet MIL, nouveau visage de l’attractivité montréalaise, doit également s’analyser comme un outil de planification urbaine qui revalorise le foncier, favorise une augmentation rapide des valeurs immobilières et des revenus fiscaux pour la municipalité, et entraîne la gentrification dans des espaces jusqu’alors délaissés de la métropole.

2. Revitalisation urbaine et compétitivité métropolitaine : projets urbains et gentrification

14À partir des années 2000, de nombreuses recherches mettent en évidence la manière dont la gentrification est devenue une stratégie de développement insufflée par les politiques urbaines et donc soutenue par les municipalités, notamment à travers l’émergence d’un nouveau vocabulaire autour du renouvellement urbain (Smith, 2002 ; Slater, 2004 ; Davidson et Lees, 2005 ; Atkinson, 2008 ; Van Criekingen, 2008, 2013). Les idées de réurbanisation ou de densification présentées comme écologiquement défendables par un grand nombre d’urbanistes (Bunce, 2018), au même titre que les discours sur la mixité sociale au cœur des politiques d’habitation, sont pourtant largement remises en question par les chercheurs (Germain, Rose et Twigge-Molecey, 2010 ; Rose et al., 2013). Ces recherches montrent comment ces politiques mènent à une accentuation du processus de gentrification en cherchant à construire des logements et à développer une offre de commerces visant spécifiquement les classes moyennes et supérieures blanches. Dans les différentes villes étudiées, les acteurs publics défendent l’idée d’une gentrification mieux contrôlée grâce aux dispositifs de la gouvernance urbaine, notamment les règlements d’urbanisme et l’encadrement des stratégies immobilières par les municipalités. Pourtant, le discours sur la mixité sociale et la lutte contre la pauvreté vanté par les politiques publiques est déconstruit par les chercheurs qui montrent que de telles politiques aboutissent le plus souvent à la construction de logements peu ou pas abordables et au développement d’activités économiques tertiaires, qui participent tout autant à une requalification économique des espaces qu’à une exclusion sociale des classes populaires (Hackworth et Smith, 2001 ; Davidson et Lees, 2005 ; Davidson, 2008). En effet, même dans le cas de constructions de nouveaux espaces résidentiels sur des friches, la littérature montre que de tels projets urbains provoquent un « déplacement indirect » des populations des quartiers alentour, lié à l’envolée des prix du marché immobilier, ainsi qu’une perte de repères pour les résidents de longue date, qui deviennent des « indésirables » (Slater, 2009 ; Davidson et Lees, 2010 ; Atkinson, 2015). Plus récemment, la littérature a insisté sur des formes de gentrification et d’exclusion provoquées par des politiques publiques en faveur de projets « (ré)créatifs » et/ou « durables » qui, sous couvert de redynamiser des espaces considérés comme obsolètes, rasent la mémoire des lieux et provoquent un sentiment de dépossession symbolique chez les classes populaires et ouvrières (Evans, 2009 ; Adam, 2016 ; Adam et Mestdagh, 2019 ; Girardin, 2020).

15Dans le même ordre d’idée, la municipalité montréalaise favorise la gentrification des quartiers péricentraux, tenus jusqu’ici à l’écart des premières vagues de la gentrification, à travers le développement de grands projets urbains qui intègrent ces espaces délaissés de la métropole aux circuits du capital. Les aménageurs et les urbanistes sont des acteurs clefs de ces transformations et présentent ces projets comme des solutions stratégiques pour reconnecter les friches industrielles aux économies « durables », « créatives » et « innovantes » qui participent au rayonnement de Montréal. C’est le cas dans le quartier de Saint-Michel, dès les années 1990, avec l’implantation du cluster du cirque, dans le périmètre d’une ancienne carrière puis d’une déchèterie devenue aujourd’hui le parc Frédéric-Back. Ce complexe environnemental qui jouxte l’École Nationale du Cirque, les bureaux du Cirque du Soleil et le chapiteau de la salle de spectacle de la Tohu, a été inauguré en grande pompe pour le 375e anniversaire de la ville de Montréal et vanté à l’exposition universelle de Shanghai dans le pavillon du Canada comme un projet d’upcycling et de revitalisation urbaine durable (Trudelle et al., 2016 ; Jolivet et Carré, 2017 ; Baumann-Lapierre, 2019). À partir du Master Plan de la ville de 20045, c’est avec les mêmes orientations que les politiques de revitalisation urbaine vont cibler le secteur Marconi-Alexandra, situé dans le centre-nord de la ville de Montréal, comme espace stratégique pour le développement de l’économie créative et de la connaissance. Le district industriel a vu ses anciens bâtiments, notamment ceux de l’industrie de la confection, se transformer sous l’effet de ces nouvelles orientations de l’économie métropolitaine et des stratégies immobilières menées aussi bien par des acteurs publics que privés. Ces derniers ont créé un nouveau branding territorial, le « Mile-Ex », et présentent le quartier comme un centre de classe mondiale pour l’Intelligence Artificielle, où Microsoft et l’Institut québécois d’intelligence artificielle (Mila) sont maintenant installés. Comme Sprague et Rantisi (2018) l’ont mis en évidence dans leur étude sur le secteur, le rôle des acteurs publics (la ville et l’arrondissement) a été essentiel dans la transformation radicale du Mile-Ex en hub du numérique. Ce sont eux qui ont engagé et permis la gentrification en mettant en place des politiques pour attirer les compagnies privées de high-tech et les investisseurs internationaux afin de changer l’image du quartier. Comme l’affirme le propriétaire d’un bar emblématique du Mile-Ex sur le point de fermer pour cause de hausse abusive du loyer : « quand on parle de gentrification dans les zones industrielles et commerciales, c’est différent des zones résidentielles comme le Mile End. Dans le Mile-Ex, nous avons affaire à une corporatisation » (T’Cha, 2019). Selon Sprague et Rantisi (2018) et le Parc-Ex Anti-Eviction Mapping Project (PAEMP, 2020), cette transformation radicale du secteur et la hausse des prix immobiliers qui en découle ne peuvent se comprendre sans une volonté avérée des politiques publiques de placer Montréal sur la carte des métropoles mondiales en matière d’intelligence artificielle et d’économie créative.

Fig. 1 : localisation du campus MIL et secteur de revitalisation du corridor industriel

Fig. 1 : localisation du campus MIL et secteur de revitalisation du corridor industriel

Conception : V. Jolivet et C. Reiser, 2022 ; réalisation : Y. Baumann.

16Mitoyen au Mile-Ex, le projet du MIL, qui signifie à la fois Milieu de l'Île et Montréal Innovation Lab, s’inscrit dans cette transition vers l'économie de la création et du savoir affichée dans le Master Plan de Montréal de 2004, dont les principes sont réaffirmés en 2013 dans le Plan de Développement Urbain Économique et Social (PDUES) spécifique à la zone (cf. figure 1). Ce document indique que la transition économique de cet ancien corridor industriel a pour objectif de faire du site un « carrefour de la création » (PDUES, p. 2) et stipule que cette large zone de revitalisation économique sera également accompagnée de changement de zonage permettant la création de nouvelles résidences : « Les multiples projets résidentiels de constructions récentes dans les quartiers adjacents et l'émergence de nouvelles entreprises annoncent un regain de vitalité et d'intérêt pour le territoire, mais aussi sa mutation. La construction d'un quartier universitaire et résidentiel sur le site acquis par l'université de Montréal contribuera certainement à cette croissance » (PDUES, p. 8).

Fig. 2 : échéancier du projet MIL et interventions des acteurs

Fig. 2 : échéancier du projet MIL et interventions des acteurs

Réalisation : C. Reiser et V. Jolivet, 2022 ; Sources : Information travaux, Direction d’urbanisme, 2019 ; entretiens, 2019.

  • 6 Le projet a reçu 60 millions de dollars canadiens (M$) de fonds provinciaux et fédéraux et 60 mill (...)

17La construction d’un campus de 350 millions de dollars financé par tous les échelons des pouvoirs publics canadiens6 est, dès le début du projet, accompagnée d’une opération immobilière favorisant la création de nouvelles résidences sur le site revitalisé (cf. figures 2 et 3 à gauche). L’implantation du MIL, tout comme la création de nouveaux condominiums lors de la phase 2 de la mise en œuvre du projet, agit comme une véritable revalorisation de la rente de situation pour les propriétés alentour et réduit le risque pour les promoteurs d'investir dans un secteur comme Parc-Extension (Jolivet et al., 2022).

18Cependant, bien que des consultations formelles ont été menées par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur le projet du campus en 2007 et sur le PDUES en 2013 auprès des citoyens et organismes communautaires, les recommandations de ceux-ci n’ont quasiment jamais été appliquées, en particulier celles concernant le logement social sur lequel les acteurs publics ont pourtant un pouvoir décisionnel. En effet, à la suite de la consultation publique de 2013 sur le PDUES, le Comité d’Action de Parc-Extension (CAPE), un organisme de défense des droits des locataires, et d’autres organismes communautaires avaient réussi à négocier avec la ville une cible spécifique de 225 logements sociaux au sein du périmètre du PDUES Marconi Alexandra. Or, comme le rappelle une employée du CAPE, « seulement 54 unités de ces 225 ont été réalisées, et c’était un seul projet de coopérative d’habitation qui est situé sur de Castelnau » (novembre 2019), autrement dit à la périphérie de Parc-Extension. Par ailleurs, la transformation du zonage commercial/industriel en zonage résidentiel dans le sud et le long de la frontière est du quartier, jusqu’aux abords du métro Parc prévu dans le PDUES (cf. figure 1), a favorisé les promoteurs immobiliers privés au détriment du développement du parc locatif social ou abordable, comme le souligne un autre intervenant au sein du même organisme :

« On ne voyait pas les conséquences à ce moment-là quand il y a eu les consultations sur le PDUES. Ça a fait en sorte que, maintenant, tout le zonage permet aux promoteurs de faire leurs projets de plein droit, donc sans possibilité pour les autorités publiques, comme l’arrondissement ou la ville de Montréal, d’utiliser l’obtention de la dérogation pour exiger des éléments à caractère social comme du logement social. [...] Donc on s’est fait avoir dans le processus de consultation du PDUES, pis on ne l’avait pas vu venir ! On s’était fait rassurer, en nous disant qu’on gardait un 50 %, tout le côté sud de Beaumont, en zone d’emploi ; en zone résidentielle, l’autre côté de la rue jusqu’aux abords du métro Parc, mais là-dessus on n’avait pas mesuré que ça ouvrait le champ aux promoteurs pour faire un peu ce qu’ils veulent après ça, de plein droit » (novembre 2019).

19Ainsi, la ville de Montréal joue un rôle crucial, non seulement d’arbitre, mais aussi d’actrice à part entière du marché immobilier, comme nous le déclarait un des urbanistes de l’arrondissement Villeray- Saint-Michel-Parc Extension (VSMPE) :

« L'une des raisons pour lesquelles il a été presque impossible de réaliser l'objectif de 225 logements prévus dans le PDUES pour les environs du campus MIL, c'est le coût des terrains. La ville n'arrive pas à concurrencer le marché privé, mais le pire dans tout ça, c'est que la ville est à la fois acteur du marché et arbitre du marché ! Le coût des terrains est en grande partie exacerbé parce que la ville décide qu'il n'y a qu'une portion infime des terrains sur lesquels il est possible de construire des projets suffisants pour du logement social. Donc à la fois on se fait arbitre et on décrète une situation qui rend les quelques terrains dispos absolument hors de prix et on n’arrive pas à les acheter, ces terrains, parce que les promoteurs ont les poches bien plus profondes que la ville de Montréal » (novembre 2018).

20L’emplacement du site (cf. figures 1 et 3) aux frontières d’un des quartiers les plus aisés de la municipalité, Outremont, et d’un des quartiers les plus vulnérables de l’agglomération, permet de revaloriser une dent creuse de la métropole et de placer Parc-Extension sur la carte des espaces à investir pour les promoteurs et les petits propriétaires.

Fig. 3a : le campus MIL vu depuis le toit des nouveaux condominiums de luxe côté Outremont

Fig. 3a : le campus MIL vu depuis le toit des nouveaux condominiums de luxe côté Outremont

Photo : V. Jolivet, 2021.

Fig. 3b : le campus MIL vu depuis les rues de Parc-Extension

Fig. 3b : le campus MIL vu depuis les rues de Parc-Extension

Photo : C. Reiser, 2020.

21Le projet porté par la ville et l’université permet ainsi de se réapproprier un terrain de 118 hectares, laissé vacant pendant plus de deux décennies dans la continuité du Mile-Ex. Le secteur public planifie la gentrification des secteurs avoisinants paupérisés et immigrants sans pour autant que cela soit l’objectif affiché des projets urbains réalisés. Les aménageurs et urbanistes de la ville présentent ainsi le projet en termes de « revitalisation économique d’un espace désinvesti » (wasteland), qui permet de « reconnecter » les portions de la ville par-delà les balafres du rail. Dans les plans d’aménagement et de développement du MIL et les discours des acteurs publics, les retombées sont systématiquement pensées soit à l’échelle métropolitaine en renforçant la place de Montréal dans la hiérarchie des villes « créatives et du savoir », soit à l’échelle de l’université, celle-ci augmentant non seulement son patrimoine immobilier avec ce nouveau campus, mais également son rayonnement en étant porteuse du plus grand projet universitaire au Canada.

3. De la friche au quartier, l’université comme promotrice de la gentrification

22Une des particularités de notre étude de cas réside dans le fait que l’un des principaux acteurs de cette gentrification par projet est l’université. En effet, l’UdeM, financée à plus de 85 % par des subventions publiques, acquiert en son nom la friche du Canadien Pacifique et devient le promoteur de ce projet urbain (cf. figure 2). Cette situation nous permet de rejoindre les écrits sur le rôle croissant des universités, devenues des acteurs incontournables des stratégies de revitalisation (Ehlenz, 2019) et des partenaires des municipalités dans la transition économique vers les économies du savoir et de la création (Addie,, Roger et Olds, 2015). Cette dernière étude souligne également que la relocalisation et l'expansion des campus urbains nouvellement construits offrent aux municipalités des raisons louables comme l'éducation et les connaissances pour augmenter la valeur des terrains, les recettes fiscales et stimuler l’offre commerciale de détail.

  • 7 Échelles fédérale, provinciale et municipale.

23Lorsque l'UdeM obtient en 2005 l'approbation et le financement du ministère de l'Éducation du Québec pour l'achat de la cour de triage du Canadien Pacifique, l’institution universitaire monte un plan de financement nécessitant la participation des trois paliers gouvernementaux7 pour pouvoir mener à bien son projet et notamment payer la coûteuse décontamination des sols de cette ancienne zone industrielle et ferroviaire (cf. figure 2).

24L'achat du site en 2006 est suivi d'une consultation publique menée un an plus tard par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) permettant à plusieurs élus locaux, résidents et organismes associatifs de donner leur avis sur le projet. Dans un rapport compilant les questions et réponses des citoyens de l’arrondissement Villeray Saint-Michel Parc-Extension (VSMPE) à la Direction de l’aménagement urbain et du patrimoine de l’arrondissement d'Outremont et à la Division du développement urbain de la ville de Montréal, les avantages sont explicitement présentés par les pouvoirs publics locaux : « Il est d'ores et déjà acquis qu'il s'agit d'un projet rentable pour Montréal et Outremont sur le plan fiscal. [...] Il est à noter que l’université cherche à créer un partenariat entre les différents paliers de gouvernement en vue de la viabilisation du site et la mise en place des infrastructures. » (Rapport consultation des résidents de VSMPE8, 2007, p. 2). De manière semblable, des acteurs réunis dans la Corporation de développement économique communautaire du Centre Nord (CDEC) soulignent, dans un rapport intitulé Au-delà d’une vision locale existe le véritable projet métropolitain, les avantages économiques (commerciaux, fiscaux…) que représente le projet pour les élus locaux : « Des retombées économiques importantes se feront sentir dans le quartier Parc-Extension. L’université prévoit d’attirer de nombreux étudiants et chercheurs étrangers et ces derniers ont de fortes chances d’être attirés vers le quartier cosmopolite qu’est Parc-Extension, favorisant ainsi l’économie locale et les services de proximité » (Rapport de la CDEC9, p. 10).

25Au contraire, à la même période, les urbanistes et militants du Regroupement en aménagement de Parc-Extension (RAMPE) expriment déjà leurs craintes quant aux conséquences locales possiblement néfastes d’un tel projet : « Nos préoccupations et questionnements découlent des impacts que nous pouvons prévoir sur notre territoire d’intervention, soit le quartier Parc-Extension. Nous croyons que le projet sera une valeur ajoutée pour la région métropolitaine et pour le secteur environnant du site de la cour de triage, mais nous devons nous pencher sur les opportunités et les menaces potentielles que pose un projet de cette taille sur un quartier urbain comme le nôtre. » (RAMPE10, 2007, p. 2).

26Après la consultation publique de 2007 et les craintes apportées par les organismes communautaires et les résidents, l'UdeM a été sommée par la ville de Montréal de réviser son projet afin de proposer un nouveau plan de développement. Cependant, le plan de 2011 n'a pas réellement intégré les considérations soulevées par les groupes de résidents et les militants de Parc-Extension. À l’exception de l’augmentation de la surface des parcs et la création d’une passerelle piétonne pour rejoindre le métro Acadie à Parc-Extension, les demandes de mitigation des impacts de ce projet en matière de gentrification, et notamment les demandes de création de logements sociaux ou de résidences universitaires, ne furent pas écoutées, ces dernières étant décrites comme « peu rentables pour l’université » selon un employé de l’UdeM pour le campus MIL interrogé à l’été 2019.

27En février 2011, le conseil municipal adopte à l’unanimité le règlement d’urbanisme autour du campus MIL et entérine la mise en œuvre du plan d’aménagement qui sera développé par l’UdeM en partenariat avec la ville de Montréal et des compagnies privées d’urbanisme et d'architecture. Les procédures de décontamination des sols et le déplacement de la voie ferrée côté Outremont s’échelonnent de 2012 à 2017, permettant au chantier du nouveau campus de débuter en 2017.

  • 11 Voir notamment l’échange reporté par l’OCPM du 1er mars 2017 auprès des citoyens de Parc-Extension (...)

28Tout au long du chantier, de nombreux organismes de Parc-Extension dénoncent le manque de consultations publiques vis-à-vis du projet de la part des acteurs municipaux et de l’université11. En effet, comme la parcelle du nouveau campus est située sur le territoire de l’arrondissement Outremont, il faut attendre 2018 pour que les résidents et les représentants politiques de Parc-Extension soient invités à des consultations par l’université comme le met en évidence, dans cet extrait de promenade commentée, un militant et résident du quartier. Ce dernier explique sa frustration face au déroulement des consultations avec les résidents de Parc-Extension. Quand il finit par avoir accès à des ateliers d’idéation autour du projet du campus avec l’université, les idées ne sont jamais réellement transmises aux acteurs décisionnels :

« On n’a eu aucune consultation, aucun engagement avec le quartier ici pendant très longtemps. Tout le processus autour de l'idéation et la création de ce nouveau campus s’est fait sans nous, ce qui est vraiment dommage, parce que c’est quand même une université, c’est un lieu public, c’est payé par nos impôts. [...] Au sein de l'université, j’ai participé à des espaces de consultation avec la faculté d'urbanisme et d'aménagement. On a passé une journée ensemble, on a brainstormé, on fait des beaux plans, pis là j’ai dit “Ok, vous allez donner ça au recteur ?”. Ah non... » (août 2019).

29Ainsi, malgré ce pastiche de consultation, le projet a été mis en œuvre par l’université et les pouvoirs locaux sans prendre en compte les retombées potentielles d’un tel aménagement sur le quartier voisin de Parc-Extension. La vente par l’université en 2018 de deux lots sur la parcelle à un promoteur privé (MonDev) pour la construction de condominiums de luxe (cf. figures 2 et 3) est particulièrement représentative de ce manque de prise en compte des conséquences socioéconomiques (PAEMP, 2020). La revente des terrains pour 43,5 millions de dollars, alors que ces derniers étaient évalués par la ville à 27 millions de dollars, démontre bien que l’université participe à l’augmentation des prix et cherche à maximiser sa rente foncière. L’unique réponse de l’université, face au mécontentement des résidents et du milieu militant de Parc-Extension, a été la création d'un poste de responsable des relations communautaires pour le nouveau campus et la mise en place de projets qualifiés d'« éphémères ». Quittant ses fonctions au moment de l’entrevue, cette dernière nous explique avec franchise la raison de la mise en place de ces projets sur le site :

« J'ai eu des rencontres avec différents groupes d'Outremont et de Parc-Ex, et avec le bureau du développement durable de l'UdeM aussi, afin de répondre aux besoins des gens de Parc-Ex qui n'ont pas de jardins ou d'espaces verts. Nous avons eu l’idée de faire des projets éphémères […] qui sont situés à l'extrême est du site, la zone la moins intéressante pour l'université en termes de développement immobilier et par conséquent, probablement la dernière à être développée [...]. Nous avons créé un jardin communautaire, fait de la sensibilisation sur les questions de biodiversité, des projections de films, des projets de recherche avec les habitants… Mais finalement, c'est juste une valorisation du lieu, une phase transitoire du projet de développement. Le site du projet éphémère appartient à l'université, donc éventuellement l'UdeM va construire quelque chose dessus. En gros, l'idée, c’était d'animer le site en attendant l'ouverture du campus » (août 2019).

Fig. 4 : photo du « Virage », projet éphémère sur la parcelle du MIL

Fig. 4 : photo du « Virage », projet éphémère sur la parcelle du MIL

Photo : C. Reiser, 2019.

30Ce projet de jardins communautaires permettant « d’animer le site » avec de l’urbanisme transitoire sur l’une des extrémités de la parcelle du MIL (cf. figure 4), est à la fois brandi comme une solution pour rejoindre les communautés de Parc-Extension, mais également comme une façon de valoriser le site. Or, pour des quartiers comme Parc-Extension, le développement de projets éphémères de jardins communautaires peut constituer un vecteur d’écogentrification favorisant des habitus issus des classes blanches aisées et ajoutant de la valeur à ces quartiers en cours de gentrification (McClintock, 2018), comme nous le montrerons dans la dernière partie.

4. L’urbanisme durable, justification de la gentrification par projet pour Parc-Extension ?

« Nous pouvons aujourd'hui célébrer l'un des plus grands projets de transformation de Montréal, mais surtout, il s'agit du premier projet phare de développement durable pour la communauté montréalaise. Le campus MIL permet à Montréal de confirmer sa réputation de ville de savoir, mais aussi de ville moderne, branchée sur les besoins de sa population et capable d'offrir un quartier mixte, durable, diversifié et intégré » (Mairesse de Montréal, Inauguration du Complexe des sciences, septembre 2019).

31Si le discours officiel de la municipalité et de l’université présente systématiquement le projet du MIL comme un projet innovant en matière d’urbanisme durable permettant de combler une coupure urbaine en créant des liens avec les communautés voisines, il semble pertinent de s’interroger sur le type de durabilité que les acteurs du MIL valorisent. Aussi est-il légitime de se demander si ce n’est pas simplement un cas de greenwashing (Rantisi, Guay et Kerrigan, 2019) permettant à l’UdeM et à la ville de se doter d’une image « verte et écologique ».

32À la suite de Dooling qui crée le terme d’« écogentrification » en 2009, plusieurs recherches s’intéressent aux liens entre gentrification et politiques environnementales et démontrent comment de nouvelles réglementations municipales en matière d’environnement et d’urbanisme durable favorisent l'exclusion de populations vulnérables et racisées au profit de populations généralement blanches et plus nanties. Dans son article de 2009, Dooling montre comment la mise en place de politiques d’aménagement environnementales conduit au déplacement et à l’exclusion des sans-abri dans les parcs à Seattle. Plusieurs exemples d’écogentrification sont également évoqués dans le livre de Bunce (2018), allant du développement de « quartiers durables », que l’autrice analyse comme un type particulier de new-build et state-led gentrification, au rôle des nouvelles certifications écologiques pour les bâtiments, en passant par les politiques de réductions des déchets ou de mobilités valorisant la marchabilité et le développement de pistes cyclables. L’autrice souligne comment l’usage d’une rationalité écologique et d’une éthique environnementale fait partie du processus de gentrification, et évoque en exemple « le score de marchabilité » désormais devenu un argument de vente pour les agents immobiliers dans les quartiers gentrifiés. Cette dernière partie de notre article souhaite ainsi montrer le paradoxe du marketing que l’UdeM fait sur la durabilité de son campus, mais également les impacts plus généraux des politiques publiques dites « vertes » en termes de gentrification. Car si les arguments en faveur du verdissement ou du développement d’une mobilité douce sont louables et nécessaires, ils s’avèrent également être des outils aménagistes justifiant ou accélérant la gentrification par projet et la stigmatisation voire l'exclusion des populations locales (Preston et al., 2021).

  • 12 Site de présentation du campus MIL, université de Montréal : <https://campusmil.umontreal.ca/ (con (...)
  • 13 Le Leadership in Energy and Environmental Design (LEED) selon le conseil du bâtiment durable au Ca (...)

33À l’ouverture du nouveau campus, celui-ci est décrit de la manière suivante sur le site web du projet12 : « conçu autour de 4 nouveaux parcs totalisant 40 000 mètres carrés d’espaces verts, le plan du nouveau quartier du campus MIL a reçu la certification LEED-AQ, selon le système d’évaluation LEED pour l’aménagement des quartiers. Le Complexe des sciences vise quant à lui la certification LEED Platine, le niveau le plus élevé en matière de caractère durable d’un bâtiment ». La volonté d'obtenir une certification LEED13, à la fois pour le bâtiment et le quartier, a favorisé la réalisation par les urbanistes de la ville d’un plan de “mobilités vertes”, la récupération des eaux pluviales sur le site ou encore l’usage de plantes autochtones lors de la création des espaces verts sur les toits du pavillon des sciences et au sein des parcs entourant le campus. Cela a nécessité l’application d’un cahier des charges contraignant et l’emploi de techniques d’aménagement et de construction présentées comme innovantes afin de s'adapter aux objectifs de la transition écologique. L’aménagement du projet répond également aux orientations stratégiques de la métropole en tant que « ville durable et verte », label que le Grand Montréal exporte depuis les années 1990 (Jolivet et Carré, 2017 ; Baumann-Lapierre, 2019).

34Cependant, la durabilité du MIL semble souvent se limiter à une question de technicité environnementale et de stratégie marketing. En effet, en dehors de son engagement en matière écologique, l'université a agi à l’instar de n'importe quel promoteur immobilier, ce qui illustre la néolibéralisation croissante des institutions académiques, ces dernières adoptant des stratégies entrepreneuriales à l’instar des municipalités. Comme nous le commente la mairesse de l'arrondissement VSMPE dans la citation suivante, les attentes étaient plus grandes envers cet acteur public :

« Naïvement, j'avais des attentes plus élevées [...], car il s'agissait de l'université de Montréal. Je pensais que l'université aurait une " vocation sociale " [...], mais rien n'a été fait pour adapter ce nouveau lieu à la population du quartier […] Et donc, ok, avec le MIL, on parle de responsabilité communautaire, d'inclusion et de développement durable, mais ça va au-delà d'un simple building top écologique ! Le développement durable, c'est aussi l'intégration sociale » (août 2019).

35Les intervenants du CAPE s’interrogent également sur la finalité de cet urbanisme durable dans le cas d’un quartier si longtemps marginalisé comme Parc-Extension. Ils ne peuvent s’empêcher d’y voir une stratégie d’aménagement élaborée de manière consciente par les acteurs publics qui révèle le projet de gentrification derrière le projet urbain :

« C’est certain que l’université et la ville aiment présenter le campus comme un campus vert… qu’ils aiment parler des pistes cyclables, des projets éphémères, mais on se demande jusqu’à quel point c’est utile pour les résidents de Parc-Extension, des jardins communautaires, lorsqu’ils se font évincer de leur logement ? À quel point ça leur sert une piste cyclable s’ils sont poussés en dehors du quartier ? Je ne pense pas que les développements verts soient forcément négatifs, mais on se demande parfois pourquoi il n'y a pas eu de développement de ce type à Parc-Extension avant le campus ? Pourquoi ne s'intéressait-on pas à cela lorsque c’était majoritairement des habitants pauvres et racisés dans le quartier ? » (octobre 2019).

36Les propos rapportés ci-dessus montrent que les aménagements récents, présentés comme des améliorations pour la qualité de vie du quartier, sont regardés de manière critique par les organismes communautaires qui s’interrogent sur le public cible de ces aménagements durables et du verdissement du quartier. Cette crainte semble légitime lorsqu’on regarde comment les promoteurs immobiliers qui construisent de nouveaux condominiums à Parc-Extension (dont les prix sont largement au-dessus du marché actuel du quartier) reprennent à leur compte les arguments écologiques pour justifier leur projet. L’exemple du 495 sur la rue Beaumont, nouveau projet de condominiums locatifs qui vise une certification LEED pour ses habitations, démontre bien quelle clientèle est ciblée par ces projets dits « écologiques », comme on peut le deviner à travers la description du promoteur : « Le complexe révolutionne l’espace résidentiel locatif pour allier confort, commodités et performance énergétique grâce aux plus récentes technologies d’intelligence artificielle en immobilier.[...] Le 495 est un projet de revitalisation au cœur d’un quartier d’avenir avec le nouveau Campus MIL de l’université de Montréal, la dynamisation des axes commerciaux et les nombreux étudiants, professionnels et jeunes familles de plus en plus nombreuses à s’y installer. » (site web du projet, Montoni14). Si la gestionnaire marketing du promoteur tente de nous rassurer en affirmant que le projet ne déplace personne et que certains espaces verts créés seront ouverts aux habitants de Parc-Extension, on constate que ce type de discours est loin d’être suffisant pour réduire les impacts :

« Pour ne pas faire de la gentrification et pousser les gens dehors, on acquiert uniquement les bâtiments vides, des espaces abandonnés. [...] Il y aura un jardin communautaire pour les habitants de l’immeuble aussi accessible aux habitants du quartier par une ruelle. Il y a un stationnement intérieur et un stationnement vélo et des bornes pour les voitures électriques. C'est vraiment un projet vert » (juillet 2019).

37À travers de nouvelles technicalités urbaines et politiques, celles de la ville durable, le projet du MIL montre, au-delà des différents outils de la fiscalité urbaine ou de l’accroissement des valeurs de l’immobilier cités plus haut, comment les politiques dites « vertes » favorisent non seulement la reconquête de Parc-Extension, mais également la justification de la gentrification comme projet, en insufflant des nouvelles « bonnes pratiques » en matière d’aménagement qui transforment radicalement, tant physiquement que symboliquement, le paysage du quartier pour une population qui n’est pas celle des résidents traditionnels de ce quartier d’immigration. On retrouve ici les conclusions du travail sur Portland de McClintock (2018) pour qui le discours sur la durabilité occulte la réappropriation de l'espace urbain par les classes moyennes blanches, et fonctionne de manière tacite dans le cadre du projet plus large de gentrification.

Conclusion

38Notre étude de cas autour du campus MIL, identifiée dans cet article comme de la gentrification par projet, rejoint par de nombreux aspects les théories sur le rôle croissant des pouvoirs publics dans le processus de gentrification (Hackworth et Smith, 2001 ; Lopèz-Morales et al., 2021) et lie cette littérature avec celle sur la gentrification via la création de nouveaux espaces et le réinvestissement d’espaces en friche (Davidson et Lees, 2005, 2010 ; Rérat et al., 2010). L’examen des rouages décisionnels autour de la réalisation du MIL montre que les pouvoirs publics dans la ville néolibérale ne sont plus seulement des facilitateurs d’une gentrification encore largement opérée par l’initiative privée, en prenant par exemple en charge les travaux lourds ou en "dé-risquant" l’investissement de ces derniers. Ils participent à cette gentrification par des choix politiques et législatifs et à travers leur discours de revitalisation axé sur des principes tels que la ville verte, mixte, numérique. Le projet du MIL souligne également le rôle d’autres acteurs urbains publics, en regardant plus précisément le rôle de l’université. Si les infrastructures de l’enseignement supérieur, devenant des employeurs et des acteurs immobiliers importants, sont analysées depuis plusieurs années comme des partenaires des municipalités dans le tournant métropolitain et la gentrification de banlieues et quartiers immigrants (Baldwin, 2021), l’exemple du projet du MIL confirme l’intrusion de plus en plus forte des formes entrepreneuriales de gestion et la néolibéralisation de l’université dans des régions comme le Québec, où l’université est encore un service public.

39En ne prenant pas les mesures nécessaires à la mitigation des retombées socioéconomiques de l’arrivée du nouveau campus et en évitant de consulter la population locale du côté de Parc-Extension, la municipalité et l’université, sans l’avouer, contribuent à la transformation de Parc-Extension comme nouveau territoire de la spéculation immobilière et donc à la gentrification comme projet. Si ce nouveau projet urbain qui permet la réurbanisation d’espaces « vides » ne déplace pas directement les résidents, il provoque en réalité diverses formes de déplacements indirects, via la hausse des prix locatifs, mais aussi des formes de dépossession culturelle et symbolique de leurs territoires pour les résidents avec l’arrivée massive d’étudiants et de jeunes diplômés dans le quartier (PEAMP, 2020 ; Jolivet et al., 2022).

40Une troisième consultation publique marquant les quinze ans du projet, dont le rapport est paru en mars 2022, montre que les nouvelles phases de développement prévues sur la parcelle du MIL (une école et un nouveau pavillon de l’UdeM notamment) ne sont pas l’objet des requêtes des citoyens et organismes communautaires qui ont déposé des mémoires à l’office de consultation publique en vue de la constitution de ce rapport. C’est davantage sur le manque de mitigation et de mesures prises par les pouvoirs publics que les mémoires insistent. « À cet égard, soulignons que les promoteurs des trois projets et autres parties prenantes aux demandes sont toutes des instances publiques. Leurs prérogatives et missions respectives exigent d’elles une vision à long terme du développement au service du bien public. » (OCPM, 2022, p. 50). Ce rapport finit sur une note sans appel quant à la nécessité de repenser l’espace des projets urbains comme celui du MIL dans une approche relationnelle et non top-down de l’espace : « la commission invite les autorités municipales à se pencher sur le mode de gouvernance et les pratiques urbanistiques afférents au développement du MIL avant qu’il ne soit trop tard pour remédier à certains de ses impacts négatifs, mais également en vue d’en maximiser les retombées positives pour les communautés locales dans un souci d’équité, d’inclusion et de développement durable bien compris. » (ibid, p. 70). Ainsi, la ville de Montréal et l’université peuvent encore agir et mitiger les impacts de cette gentrification par projet, en la reconnectant avec les besoins des territoires dans lesquels l’université s’insère et en agissant sur ces derniers par la création de résidences étudiantes, la construction de logements sociaux ou la mise en place d’un contrôle des loyers.

Haut de page

Bibliographie

Adam, M. (2016), « L’injonction aux comportements « durables », nouveau motif de production d’indésirabilité. », Géographie et cultures, 98, p. 89-112.

Adam, M. et Mestdagh, L. (2019), « Invisibiliser pour dominer. L’effacement des classes populaires dans l’urbanisme contemporain », Territoire en mouvement. Revue de géographie et aménagement, 43, <https://journals.openedition.org/tem/5241>.

Addie, J-P-D., Roger K. et Olds, K. (2015), Beyond Town and Gown: Universities, Territoriality and the Mobilization of New Urban Structures in Canada. Territory, Politics, Governance, 3, 1, p. 27‑50.

Atkinson, R. (2008), « Commentary: gentrification, segregation and the vocabulary of affluent residential choice », Urban Studies, 45, 12, p. 2626-2636.

Atkinson, R. (2015), « Losing one’s place: narratives of neighbourhood change, market injustice and symbolic displacement », Housing, Theory and Society, 32, 4, p. 373‑388.

Baldwin, D. L. (2021), In the Shadow of the Ivory Tower: How Universities are Plundering Our Cities, New York, Bold Type Books.

Baumann-Lapierre, Y. (2019), Traverser le paysage : une réflexion sur l’appropriation spatio-temporelle des espaces (nature) urbains. Le cas du parc Frédéric-Back à Montréal, mémoire de maîtrise, géographie, université de Montréal.

Bunce, S. (2018), Sustainability policy, planning and gentrification in cities, Londres, Routledge.

Clerval, A. et Fleury, A. (2009), « Politiques urbaines et gentrification, une analyse critique à partir du cas de Paris », L’Espace politique, 8, <https://journals.openedition.org/espacepolitique/1314>.

Dansereau, F., Germain, A. et Vachon, N. (2012), La diversité des milieux de vie de la région métropolitaine de Montréal et la place de l'immigration, Centre Métropolis du Québec-Immigration et métropoles, Rapport de recherche, Montréal.

Davidson, M. (2008), « Spoiled mixture : where does state-led “positive gentrification” end? », Urban Studies, 45, 12, p. 2385-2405.

Davidson, M. et Lees, L. (2005), « New-build ‘gentrification’ and London’s riverside renaissance », Environment and Planning A: Economy and Space, 37, 7, p. 1165-1190.

Davidson, M. et Lees, L. (2010), « New-build gentrification: Its histories, trajectories, and critical geographies », Population, Space and Place, 16, 5, p. 395-411.

Dooling, S. (2009), « Ecological gentrification: A research agenda exploring justice in the city », International Journal of Urban and Regional Research, 33,3, p. 621-639.

Ehlenz, M. (2019). The university and its neighborhood: A study of place-making and change, Journal of Urban Affairs, 41, 6, p. 776-794.

Evans, G. (2009), « Creative Cities, Creative Spaces and Urban Policy », Urban Studies, 46, 5-6, p. 1003-1040.

Favretti, E. (2011), Parc-Extension : 100 ans d’histoire, Rapport pour le Centre d’histoire de Montréal.

Filion, P., Moos, M., Vinodrai, T. et Walker, R. (2011), Canadian cities in transition, perspectives for an urban age, Toronto, Oxford University Press Canada.

Germain, A., Rose, D. et Twigge-Molecey, A. (2010), « Mixité sociale ou inclusion sociale ? Bricolages montréalais pour un jeu à acteurs multiples », Espaces et sociétés, 1, p. 143-157.

Girardin, A. (2020), (Re)produire la ville à l'heure néolibérale. À la recherche de la valeur urbaine, thèse de doctorat, géographie, université de Rouen-Normandie.

Hackworth, J. et Smith, N. (2001), « The changing state of gentrification », Tijdschrift Voor Economische En Sociale Geografie, 92, 4, p. 464 -477.

Hanlon, B. (2008), « The decline of older, inner suburbs in metropolitan America », Housing Policy Debate, 19, 3, p. 423-456.

Hanlon, B. (2009), Once the American dream: Inner-ring suburbs of the metropolitan United States, Philadelphie, Temple University Press.

Harvey, D. (1987), « Flexible accumulation through urbanization », Antipode, 19, 3, p. 260-86.

Harvey, D. (1989), « From managerialism to entrepreneurialism: the transformation in urban governance in late capitalism », Geografiska Annaler: Series B, Human Geography, 71, 1, p. 3-17.

Jolivet, V., et Carré, M.-N. (2017), « Métabolisme urbain et quartiers péricentraux dans la métropolisation. L’exemple du quartier de Saint-Michel à Montréal », Cybergeo : European Journal of Geography, <https://journals.openedition.org/cybergeo/28067>.

Jolivet, V., Reiser, C., Baumann, Y. et Gonzalès, R. (2022), Before displacement: studentification, campus-led gentrification and rental market transformation in a multiethnic neighborhood (Parc-Extension, Montréal), Urban Geography, p. 1-20.

Keil, R. (1994), « Global sprawl: urban form after Fordism? », Environment and Planning D, 12, p. 131-136.

Keil, R. et Young, D. (2011), « Introduction: In-between Canada -the emergence of the new urban middle », in D. Young, P. K. Wood et R. Keil (dir.), Between infrastructure: urban connectivity in an age of vulnerability, Kelowna, B.C, Praxis Press, p. 1-18.

Kipfer, S. et Keil, R. (2002), « Toronto Inc? Planning the competitive city in the new Toronto », Antipode, 34, 2, p. 227-264.

Lees, L., et Ley, D. (2008), « Introduction to special issue on gentrification and public policy », Urban Studies, 45, 12, p. 2379-2384.

Leloup, X., Rose, D. et Maaranen, R. (2018), The New Social Geography of Montreal: The Socio-Spatial Evolution of Income Distribution Between 1980 and 2015 in the Montreal Metropolitan Area. Rapport de recherche, INRS - Centre Urbanisation Culture Société, Montréal.

Lo, L. (2011), « Immigrants and social services in the suburbs », in D. Young, P. K. Wood et R. Keil (dir.), between infrastructure: urban connectivity in an age of vulnerability, Kelowna, B.C, Praxis Press, p. 131-150.

López-Morales, E., Ruiz-Tagle, J., Santos Junior, O. A., Blanco, J., et Salinas Arreortua, L. (2021), State-led gentrification in three Latin American cities. Journal of Urban Affairs, p. 1-21.

Lucy, W. H. et Phillips, D. L. (2001), Suburbs and the census: Patterns of growth and decline. Rapport de recherche, Brookings Institution Center on Urban and Metropolitan Policy.

McClintock, N. (2018), «Cultivating (a) sustainability capital: Urban agriculture, ecogentrification, and the uneven valorization of social reproduction», Annals of the American Association of Geographers, 108, 2, p. 579-590.

Office de Consultation Publique de Montréal, 2022, Rapport de Consultation Publique, MIL Montréal, 100 p., <https://ocpm.qc.ca/sites/ocpm.qc.ca/files/pdf/P115/rapport_final_mil_montreal.pdf>.

Preston-Samson, A., Megelas, A., McLarnon, M., Shahamati, S., Baumann, Y., Chen, S. et Champagne, C.G (2021) « Vert le Nord, Urban Greening and Green Gentrification ». The Homeless Hub, <https://www.homelesshub.ca/blog/impacts-green-gentrification-homelessness-urban-greening-and-displacement-parc-extension>.

PAEMP (2020), MIL façons de se faire évincer : l’université de Montréal et la gentrification à Parc-Extension, Anti Eviction Mapping Project Parc-Extension, Rapport de recherche, Montréal, <https://antievictionmontreal.org>.

Poirier, C. (2006), « Parc Extension : le renouveau d’un quartier d’intégration à Montréal », Cahiers Du Gres, 6, 2, p. 51-68.

Rantisi, N., Guay, E. et Kerrigan, D. (2019), « UdeM campus a case of “sustainability washing”? », Opinion. The Montreal Gazette, <https://montrealgazette.com/opinion/opinion-new-udm-campus-a-case-of-sustainability-washing> (consulté le 29/10/2021).

Reiser, C. (2021), Se loger dans un quartier tremplin : trajectoires et stratégies résidentielles des familles immigrantes à Parc-Extension et Saint-Michel, Montréal, thèse de doctorat, géographie, université de Montréal/université de Paris, 531 p.

Rérat, P., Söderström, O., Piguet, E. et Besson, R. (2010), From urban wastelands to new‐build gentrification: The case of Swiss cities. Population, Space and Place, 16, 5, p. 429-442.

Rose, D. (1996), « Economic restructuring and the diversification of gentrification in the 1980s: a view from a marginal metropolis », in J. Caulfield et L. Peake (dir.), City lives and city forms: Critical research and Canadian urbanism, Toronto, University of Toronto Press, p. 131-172.

Rose, D. (2006), « Les atouts des quartiers en voie de gentrification : du discours municipal à celui des acheteurs », Sociétés contemporaines, 3, p. 39-61.

Rose, D., Germain, A., Bacqué, M.-H., Bridge, G., Fijalkow, Y. et Slater, T. (2013), « “Social mix” and neighbourhood revitalization in a transatlantic perspective: Comparing local policy discourses and expectations in Paris (France), Bristol (UK) and Montréal (Canada) », International Journal of Urban and Regional Research, 37, 2, p. 430-450.

Rousseau, M. (2008), « Bringing politics back » La gentrification comme politique de développement urbain ?, Espaces et sociétés, 1, p. 75-90.

Short, J. R., Hanlon, B. et Vicino, T. J. (2007), « The decline of inner suburbs: The new suburban gothic in the United States », Geography Compass, 1, 3, p. 641-656.

Swyngedouw, E., Moulaert, F. et Rodriguez, A. (2002), « Neoliberal urbanization in Europe: large–scale urban development projects and the new urban policy. », Antipode, 34, 3, p. 542-577.

Slater, T. (2004), « Municipally managed gentrification in south Parkdale, Toronto », The Canadian Geographer/Le Géographe Canadien, 48, 3, p. 303-325.

Slater, T. (2009), « Missing Marcuse: On gentrification and displacement », City, 13, 2-3, p. 292-311.

Smith, N. (1979), « Toward a theory of gentrification. A back to the city movement by capital, not people », Journal of the American planning association, 45, 4, p. 538-548.

Smith, N. (1996), The new urban frontier: Gentrification and the revanchist city, Londres, Routledge.

Smith, N. (2002), « New globalism, new urbanism: gentrification as global urban strategy », Antipode, 34, 3, p. 427-450.

Société d'habitation du Québec (1990), Gentrification ou étalement urbain ? : le cas du centre de Montréal et de sa périphérie. Rapport de recherche par P. Sénécal P., C. Tremblay et D. Teutel, pour la Société d'habitation du Québec, Direction de l'analyse et de la recherche.

Sprague, M. et Rantisi, N. M. (2018), « Productive gentrification in the Mile-Ex neighbourhood of Montreal, Canada: exploring the role of the state in remaking urban industrial clusters », Urban Research et Practice, 12, 4, p. 301-321.

T’Cha, D. (2019), « Hip Mile Ex bar Alexandraplatz a casualty of corporatification of area ». Business, 26/08/2019, The Montreal Gazette, <https://montrealgazette.com/news/local-news/hip-mile-ex-bar-alexandraplatz-a-casualty-of-corporatification-of-area> (consulté le 29/10/2021).

Trudelle, C., Klein, J. L., Fontan, J. M., Tremblay, D. G. et Bocquin, C. (2016), « Conflits urbains, compromis et cohésion socio-territoriale : le cas de la Tohu à Montréal », Revue d'économie régionale urbaine, 2, p. 417-446.

Van Criekingen, M. (2008), « Urbanisme néolibéral et politiques de gentrification : main basse sur le quartier de la gare du Midi à Bruxelles », Géo-regards. Reconstruire la ville en ville, 1, p. 113-125.

Van Criekingen, M. (2013), « La gentrification mise en politiques. De la revitalisation urbaine à Bruxelles. », Métropoles, 13, <http://metropoles.revues.org/4753>.

Vicino, T. J. (2008), « The quest to confront suburban decline: Political realities and lessons », Urban Affairs Review, 43, 4, p. 553-581.

Virani, G. (2019), « Exploring the Relationship Between Creative Hubs and Urban Policy in East London », in Creative Hubs in Question: Place, Space and Work in the Creative Economy, Virani Gill, R., Pratt, A. C., et Virani, T. E. (dir.), Cham, Palgrave Macmillan, p. 341-357.

Watt, P. (2013), « “It's not for us” Regeneration, the 2012 Olympics and the gentrification of East London », City, 17, 1, p. 99-118.

Haut de page

Notes

1 Site de présentation du campus MIL, université de Montréal : <https://campusmil.umontreal.ca/> (consulté le 30/05/2022).

2 Plan de développement urbain, économique et social (PDUES), <https://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/PLAN_URBANISME_FR/MEDIA/DOCUMENTS/PDUES.PDF> (consulté le 30/05/2022).

3 Selon la Loi sur l'équité en matière d'emploi datant de 1995, on entend par « minorités visibles » dans un contexte canadien toutes « les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche » (Statistiques Canada).

4 Il faut cependant préciser que le phénomène au Canada ne correspond pas exactement au white flight étatsunien, c’est-à-dire la mobilité résidentielle des classes moyennes blanches vers les banlieues, car ce ne sont pas uniquement les classes moyennes blanches qui partent en banlieue, ce sont aussi les immigrants aisés.

5 Master Plan de la ville de Montréal, <http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=2762,3101662&_dad=portal&_schema=PORTAL> (consulté le 30/05/2022).

6 Le projet a reçu 60 millions de dollars canadiens (M$) de fonds provinciaux et fédéraux et 60 millions de dollars supplémentaires de la part de la ville pour le développement des infrastructures et l'assainissement des friches industrielles. Le coût de construction du complexe scientifique est de 350 M$ et le coût de développement du projet MIL est de 174,2 M$ (dont 152,5 M$ de travaux municipaux). La réhabilitation des sols s’élève à 120 M$, un budget partagé par la ville et les gouvernements provincial et fédéral.

7 Échelles fédérale, provinciale et municipale.

8 Mémoire récoltant les échanges avec les résidents de VSMPE lors de la réunion publique organisée par la ville de Montréal : <http://ocpm.qc.ca/sites/ocpm.qc.ca/files/pdf/P16/4a.pdf> (consulté le 30/05/2022).

9 Rapport de la CDEC : <https://ocpm.qc.ca/sites/ocpm.qc.ca/files/pdf/P16/9b4.pdf> (consulté le 30/05/2022).

10 Rapport du RAMPE : <https://ocpm.qc.ca/sites/ocpm.qc.ca/files/pdf/P16/9c7.pdf> (consulté le 30/05/2022).

11 Voir notamment l’échange reporté par l’OCPM du 1er mars 2017 auprès des citoyens de Parc-Extension <https://ocpm.qc.ca/sites/ocpm.qc.ca/files/pdf/P16/4a.pdf> (consulté le 30/05/2022).

12 Site de présentation du campus MIL, université de Montréal : <https://campusmil.umontreal.ca/> (consulté le 30/05/2022).

13 Le Leadership in Energy and Environmental Design (LEED) selon le conseil du bâtiment durable au Canada est une qualification d’un bâtiment, une habitation ou une communauté conçus et construits à l’aide de stratégies visant à atteindre une performance élevée dans des domaines clés de la santé des humains et de l’environnement : l’emplacement et le transport, l’aménagement écologique du site, les économies d’eau, l’efficacité énergétique, la sélection des matériaux et la qualité de l’environnement intérieur en sont les critères principaux. Le LEED attribue quatre niveaux de certification (certifié, argent, or et platine) permettant une diversité de stratégies de développement durable.

14 Page de présentation du projet 495 Avenue Beaumont : <https://le495.com/fr> (consulté le 30/05/2022).

Haut de page

Table des illustrations

Titre Fig. 1 : localisation du campus MIL et secteur de revitalisation du corridor industriel
Crédits Conception : V. Jolivet et C. Reiser, 2022 ; réalisation : Y. Baumann.
URL http://journals.openedition.org/metropoles/docannexe/image/8974/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 418k
Titre Fig. 2 : échéancier du projet MIL et interventions des acteurs
Crédits Réalisation : C. Reiser et V. Jolivet, 2022 ; Sources : Information travaux, Direction d’urbanisme, 2019 ; entretiens, 2019.
URL http://journals.openedition.org/metropoles/docannexe/image/8974/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 227k
Titre Fig. 3a : le campus MIL vu depuis le toit des nouveaux condominiums de luxe côté Outremont
Crédits Photo : V. Jolivet, 2021.
URL http://journals.openedition.org/metropoles/docannexe/image/8974/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 437k
Titre Fig. 3b : le campus MIL vu depuis les rues de Parc-Extension
Crédits Photo : C. Reiser, 2020.
URL http://journals.openedition.org/metropoles/docannexe/image/8974/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 857k
Titre Fig. 4 : photo du « Virage », projet éphémère sur la parcelle du MIL
Crédits Photo : C. Reiser, 2019.
URL http://journals.openedition.org/metropoles/docannexe/image/8974/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 319k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Violaine Jolivet et Chloé Reiser, « La gentrification par projet : politiques publiques et revalorisation des quartiers péricentraux, le cas du Campus MIL à Montréal »Métropoles [En ligne], 31 | 2022, mis en ligne le 17 novembre 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/metropoles/8974 ; DOI : https://doi.org/10.4000/metropoles.8974

Haut de page

Auteurs

Violaine Jolivet

Professeure agrégée, Département de Géographie, Laboratoire Transnationalisme et Métropoles (TRAMES), Université de Montréal (UdeM)

Chloé Reiser

Postdoctorante, Community Housing Canada (CHC), Housing Mobilization and Engagement Research Lab (HOME-RL), University of New Brunswick (UNB)

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search